Un historique de l'alpinisme de 1919 à 1939

Un historique soulignant les principaux événements se rapportant à l'alpinisme - sans prétendre à l'exhaustivité - est proposé en plusieurs dossiers du Centre fédéral de documentation (CFD) :

- Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914
- Un historique de l'alpinisme de 1919 à 1939
- Un historique de l'alpinisme de 1945 à nos jours dans les montagnes d'Europe
- Un historique de l'alpinisme de 1945 à nos jours dans les montagnes de l'Himalaya et du monde.

L'alpinisme de 1919 à 1939

Préambule

Le dossier précédent a montré les différentes époques de l'exploration des montagnes d'avant 1914 comprenant :

- les prémices
- la science pour justification
- les premières explorations des plus hauts sommets de 1800 à 1850
- tout va s'accélérer depuis la Grande-Bretagne de 1854 à 1865
- des performances fabuleuses entre 1865 et 1914
- l'alpinisme autonome
- pendant ce temps-là dans les Alpes orientales
- les deux façons de faire
- premiers regards hors d'Europe
- déjà l'Himalaya
- Chomolangma-Everest

Sommaire :

- 1919 - Le Groupe de Haute Montagne
- Les femmes bien présentes
- 1925-1937 - Les grandes parois calcaires des Alpes orientales
- L'apparition des pitons dans les Alpes occidentales
- Le matériel de l'alpiniste de 1922 à 1939
- Des femmes autonomes et responsables
- 1925-1933 - Les grandes parois glaciaires des Alpes centrales
- 1930-1935 - Les grandes parois rocheuses des Alpes occidentales
- 1934-1935 - Le sixième degré dans les Alpes occidentales
- Les 1936-1938 - Les derniers problèmes des Alpes
- Les figures notoire de l'ascensionnisme de 1918 à 1940
- L'échelle des difficultés
- 1933-1938 - Dans les Pyrénées
- Hors des massifs européens
- Chomolangma-Everest

Pour éviter l'ambigüité entre Guide de montagne professionnel et guide-itinéraires manuscrit, une majuscule est ajoutée au premier nommé.

La Grande Guerre 1914-1918 avait pris ou handicapé parmi les plus valeureux jeunes montagnards de ces années-là, et pas seulement du côté des alliés vainqueurs.

La jeunesse, celle qui a pu revenir sans séquelles de l'enfer ou que l'âge avait préservée, va reprendre son engagement vers de nouvelles façons de faire en montagne. Avec beaucoup plus de dynamisme que l'ensemble des populations épuisées par ces cinq années de conflit.

LE GROUPE DE HAUTE MONTAGNE

  • En l'année 1919, naissance en France d'un alpinisme sportif organisé.

Au lendemain du conflit mondial, « issus d'un petit groupe de grimpeurs formé à la veille de la guerre qui en a retardé l'essor », Jacques de Lépiney et Paul Chevalier sont à l'origine de la fondation - au sein du Club Alpin - du Groupe de Haute Montagne.
Leurs entreprises alpines, un peu plus tard renforcées par celles des Jacques Lagarde, Henry de Ségogne et autres, vont les conduire en peu de temps au même niveau de performance que nos voisins britanniques, austro-allemands, suisses et italiens (voir le dossier du CFD : Le Groupe de Haute Montagne).

< Le 7 août 1924, Jacques Lagarde, Tom de Lépiney et Henry de Ségogne réussissent la seconde ascension de l'Aiguille Verte, 4122m par le versant d'Argentière.
< Les 10 et 11 août 1924, Jacques Lagarde, Jacques de Lépiney et Henry de Ségogne inaugurent un itinéraire difficile dans la face nord de l'Aiguille du Plan, 3673m.

Ce furent là, les deux premiers grands succès de l'alpinisme autonome français, c'est-à-dire sans l'assistance des Guides.

< En 1925, Pierre Dalloz, Jacques Lagarde et Henry de Ségogne gagnent l'Aiguille Verte par l'arête des Grands Montets.
< En 1926, Jacques Lagarde et Henry de Ségogne remontent le couloir Lagarde-Ségogne du versant nord, conduisant à la brèche du Caïman et au Col supérieur du Plan. C'est un exploit contraint par les événements, réalisé sans moyens d'assurage, sans possibilité de retraite, et qui ne sera repris qu'en 1972, avec les moyens modernes de l'escalade glaciaire… Lagarde avait dû montrer tout son grand talent pour forcer le passage clé.
< En 1926, Roubène Toumayeff et Jean Vernet réalisent un itinéraire d'envergure, sans l'aide des pitons, sur le versant sud de la Barre des Écrins, 4102m.
< En 1928, Armand Charlet et Camille Devouassoux inaugurent un itinéraire dans le versant Nant Blanc de l'Aiguille Verte.

Il faut maintenant compter avec les alpinistes français qui, en moins de dix ans, avaient réussi à s'affirmer parmi les plus actifs de ces années-là…
Lire l'article : Les débuts de l'alpinisme sans guide français, par Lucien Devies, dans Alpinisme de juin 1941.

Jacques Lagarde

Jacques Lagarde (1900-1968) a été le plus entreprenant des alpinistes français des années 1920-1930, par une série d'ascensions remarquables. Il sera aussi l'auteur d'un important travail, décrivant le Mont Blanc et ses satellites, paru en 1930 dans les guides-itinéraires Vallot-Fischbacher. Un hommage lui est rendu dans La Montagne & Alpinisme de février 1970.

La collecte des informations…

Dès sa création, le GHM est porteur d'un alpinisme d'excellence, d'un alpinisme sportif organisé et revendiqué, mais la petite instance apporte également une réclamation concernant la collecte et la diffusion de l'information.

Les éléments de documentation étaient rares au XIXe siècle et au début du XXe siècle, en dehors des quelques descriptions figurant dans les bulletins des associations.

Il est évident que sans renseignements, pas d'émancipation possible ; les Guides conservaient précieusement leurs expériences, qui ne s'échangeaient qu'entre initiés. Il fallait donc développer l'information alpine.

Les guides-itinéraires décrivant les montagnes qui ont été publiés jusque-là sont signalés dans le dossier du CFD : Les guides-itinéraires pour la montagne.

Notamment :

- Le « guide du Haut Dauphiné », par W.A.B. Coolidge, Henry Duhamel et Félix Perrin. Libraire-éditeur Alexandre Gratier à Grenoble en 1887 et 1890, éditions anglaises en 1892 et 1905, allemande en 1913 et italienne en 1917.
- Le « guide-itinéraires de la chaîne du Mont-Blanc », par le Suisse Louis Kurz (1854-1942), publié en 1892, augmenté en 1914 aux Éditions Payot. Une troisième édition revue et mise à jour par Marcel Kurz (1887-1957) paraîtra en 1927, puis une quatrième édition refondue en 1935.
- Des « guides pour l'alpiniste » commenceront à être proposés par Émile Gaillard, en 1912 aux Éditions Dardel, un travail de compilation, sans textes de première main, ni de sources authentiques, avec des erreurs que plus tard une lettre de Paul Gayet Tancrède, dit Samivel, dénoncera avec véhémence. Mais malgré les insuffisances, ces ouvrages ouvraient la voie à une information alpine indispensable à ceux qui recherchaient l'autonomie.

1923 - La recherche d'une évaluation des difficultés

Des réclamations et des demandes, pour obtenir des descriptions et des évaluations précises des ascensions, figurent dans la revue du Club Alpin La Montagne :

« cela rendrait de grands services, particulièrement aux sans guides ».

Dans les relations des itinéraires qui commencent à être publiées, il apparaissait un embarras certain pour situer la difficulté d'un itinéraire ou d'un passage d'escalade.

Les évaluations se font par des formules diverses et variées : difficulté suprême, supérieure, extrême, considérable, importante, appréciable, fatigante, sérieuse, insignifiante, totalement approximatives et ambigües.

Les premiers guides Vallot-Fischbacher de 1925 à 1937 auront recours à ces formulations qui ne pourront que provoquer perplexités et embarras.

La description des itinéraires et l'évaluation des difficultés seront les deux éléments principaux qui permettront l'essor de l'alpinisme sportif et autonome.

Et déjà des suggestions sont faites, pour proposer une estimation des difficultés, soutenue par une comparaison avec des itinéraires connus de référence.

Le Groupe de Haute Montagne va largement œuvrer à développer l'information alpine pour aller vers une clarification.

1924 - Une échelle des difficultés de l'escalade rocheuse

En 1924, dans les Alpes orientales, Willo (Wilhelm) Welzenbach propose une évaluation des difficultés d'un passage d'escalade rocheuse par une échelle en six degrés, s'inspirant des notations pédagogiques germaniques en cinq degrés, avec un sixième degré représentant la limite des possibilités humaines.

C'est cette graduation, basée sur la comparaison avec des passages d'escalade rocheuse de référence, qui sera désormais utilisée pour évaluer les difficultés d'un obstacle rocheux à franchir dans les Alpes orientales.

Les articles de Dominico Rudatis, dans la revue Alpinismo (1929) et dans l'Annuaire du Club Alpin Académique Italien (1927-1931), viendront soutenir cette proposition.

L'information alpine

Partant des sources les plus authentiques possibles, la collecte et la diffusion de l'information alpine sur les itinéraires de montagne, seront les éléments indispensables au développement d'une démarche autonome de l'alpinisme.

La « chronique alpine » publiée dans les périodiques est le premier maillon d'une chaîne de renseignements, signalant succinctement une ascension, un itinéraire… Viendra ensuite la « description précise » des itinéraires, avec le compte rendu des auteurs et l'avis éventuel des répétiteurs, pour aboutir au « guide-itinéraires » exhaustif réunissant les différentes connaissances consacrées à un massif ou à une chaîne de montagnes. Une méthode que l'on retrouve dans les ouvrages en langues anglaise, allemande et italienne.

Ces manuels complets - accessibles à tous - seront les éléments de base de l'information que le GHM cherchera à faire éditer.

1925 - LES PREMIERS GUIDES VALLOT

C'est au début des années 1920 que Charles Vallot (1884-1953) imagine publier une encyclopédie élaborée, sous une direction unique, consacrée principalement à la partie française du massif du Mont-Blanc, chez l'éditeur Fischbacher.

Ce sont Charles Vallot, Joseph Vallot (1854-1925) et Jacques de Lépiney (1896-1941) qui jetèrent les fondations de l'ambitieux ouvrage de connaissance générale. 

L'œuvre comprend une « Description générale » savante rédigée par des auteurs qualifiés, une « Description de la moyenne montagne » par Charles Vallot et une « Description de la haute montagne » à l'usage des alpinistes, rédigée par des membres du GHM (voir les dossiers du CFD : Les guides-itinéraires alpinisme, le CAF de 1915 à 1940, et aussi Les guides-itinéraires Vallot publiés par l'éditeur Fischbacher de 1924 à 1946, dans la revue du GHM : Cimes 2007).

LES FEMMES BIEN PRÉSENTES

Alice Damesme

Dès 1913, en France, au sein du Groupe des Rochassiers, Alice Damesme avait été la première à s'extraire du commun, et à réaliser ses courses d'abord en autonomie - sans Guide - et bientôt en tête de cordée...
À la création du Groupe de Haute Montagne en 1919, elle en est naturellement l'une des personnalités fondatrices.

En septembre 1919, après l'ascension du Trident du Tacul, 3639m, Jacques de Lépiney écrira ne rien avoir fait de plus dur. Alice Damesme, qui participait à l'exploit, est qualifiée « de rochassière remarquablement adroite, intrépide et endurante », à une époque où les éloges étaient rares dans les relations écrites des ascensions. La nouvelle voie, réalisée sans l'usage des pitons, est jugée comme étant la plus difficile de cette époque (5 sup, plus tard 5c), par André Contamine en 1972.

Aussi habiles que les hommes

Dès les années mil neuf cent vingt, les femmes veulent aussi être autonomes et responsables, « d'abord en se montrant aussi habiles que les hommes dans l'art de suivre un Guide », ironise Micheline Morin, ensuite en conduisant leur cordée.

Alice Damesme, Loulou Boulaz, Tina Bozzino, Una Cameron, Evelyne Dalmais, Yvonne Millière, Micheline et Néa Morin, Miriam O'Brien-Underhill, Nini Pietrasanta, Dorothy Thomson, Mary Varale et Paula Wiesinger sont parmi les plus entreprenantes dans les Alpes.

Certaines paieront au prix fort leur passion (voir le dossier du CFD : L'alpinisme au féminin).

Ce sont souvent des cordées avec Guides qui se présentent

Les femmes figurent en bonne place dans les chroniques alpines de l'entre-deux-guerres. Ce sont souvent, comme pour beaucoup d'hommes, des cordées emmenées par des Guides, mais bientôt l'autonomie viendra rehausser leurs exploits. Le dynamisme des cordées féminines ou mixtes guidées est souligné dans le dossier consacré.

Un ascensionnisme résolument féminin

Avec la recherche de l'autonomie, c'est la formation de cordées féminines qui va être suggérée par les plus actives.

Redisons que les premières cordées féminines, évoluant en autonomie, reviennent en 1900 à Elizabeth Le Blond et Evelyn McDonnell en traversant le Piz Palü (Alpes centrales) en hiver, et aux sœurs Ilona et Rolanda Eötvös en 1907, pour l'ascension de la Cima Grande di Lavaredo dans les Dolomites.

Miriam O'Brien-Underhill

Dès 1925, l'Américaine Miriam O'Brien-Underhill sera celle qui œuvra le plus pour un ascensionnisme résolument féminin, d'abord en allant devant, suivie par son Porteur et son Guide, puis en cherchant à constituer des cordées féminines autonomes. 

Bien sûr, il y a eu de nombreuses collègues femmes de ces époques-là qui réaliseront de belles carrières d'alpinistes, avec ou sans Guide, mais sans avoir les qualités requises pour aller devant, pour conduire la cordée, même si leur assistance et leur attitude venaient souvent renforcer le potentiel de la cordée.

1925-1937 - LES GRANDES PAROIS CALCAIRES DES ALPES ORIENTALES

Venant à la suite des progrès techniques observés dans les Alpes autrichienne dès 1911, avec l'utilisation des pitons, l'audace des grimpeurs permet une avancée marquante.

  •  En 1925, le sixième degré dans les Dolomites. Les Munichois Emil Solleder et Gustav Lauttenbauer gravissent le versant nord-ouest de la Civetta, 3218m dans les Dolomites orientales.

C'est l'une des grandes escalades de l'histoire de l'alpinisme, elle représente le premier exemple d'escalade du sixième degré dans les Dolomites (15 pitons pour 1200m de paroi et 15 heures d'escalade).

La face nord de la Cima Grande di Lavaredo

 En 1933, un mythe tombe. La face nord de la Cima Grande di Lavaredo, 2999m dans les Dolomites orientales, est le symbole de l'escalade impossible. Emilio Comici et les frères Angelo et Giuseppe Dimai s'engagent, et avec l'aide des pitons, réussissent en trois jours un itinéraire remarquable.

C'est la stupeur, on a détruit le mythe, la polémique, sur l'utilisation des pitons, atteint son paroxysme.

Après cette performance un moment très critiquée, la conviction des grimpeurs est faite : devant la volonté et la technique, rien n'est impossible... avec des pitons.

Le temps du « sesto superiore » dans les Alpes orientales

  • C'est le temps des ascensions sur les grandes parois rocheuses des Dolomites, les grosses difficultés sont essentiellement franchies en escalade mixte et artificielle…

<  En 1934, Raffaele Carlesso et Bertolo Sandri escaladent, en pleine paroi, la face sud de la Torre Trieste, 2458m dans les Dolomites orientales, et franchissent des passages du plus haut niveau d'escalade libre (VI) mixte et artificielle (A3). C'est le premier « sesto superiore » des Dolomites. Aussitôt imités par Bruno Detassis et deux compagnons sur la face nord-est de la Brenta Alta, 2960m.
<  En 1935, Ricardo Cassin et Vittorio Ratti trouvent un itinéraire audacieux dans la paroi de la Cima Ovest di Lavaredo, 2973m dans les Dolomites orientales. L'escalade mixte et artificielle atteint un haut niveau technique, l'engagement et l'exposition sont importants, malgré l'emploi des pitons...
<  En 1936, Gino Solda réalise avec un compagnon, l'ascension de la face sud de la Marmolada di Penia, 3344m. L'escalade est encore un « sesto superiore », mais nous sommes sur une paroi engagée de la plus haute montagne des Dolomites. Quatre jours plus tard, G.-B. Vinatzer et un compagnon tracent un nouvel itinéraire extrêmement difficile sur la paroi de la Marmolada di Rocca, 3309m. 
<  En 1937, Emilio Comici parcourt, en escalade solitaire, la face nord de la Cima Grande di Lavaredo, par la voie de 1933. Cette ascension constitue l'un des exploits les plus extraordinaires, en ce qui concerne l'escalade rocheuse.

L'APPARITION DES PITONS DANS LES ALPES OCCIDENTALES

- Les crochets de muraille

Les « crochets de muraille » - appelés aussi « crampons de fer » - sont des ancrages artificiels, des lames en acier terminées par des anneaux, enfoncées à l'aide d'un marteau dans les fissures naturelles de la roche. Ils sont utilisées, par les initiés dès 1870, dans les Alpes orientales, pour amarrer les rappels permettant la redescente des raides parois des Dolomites, puis pour l'assurage et la progression.
Dans les Alpes occidentales, les crochets de muraille ont été occasionnellement employés pour les descentes, à l'aide de rappels de corde, et par les initiés dès 1885, comme ancrages de sécurité (voir le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914).
Le manuel suisse de 1916 de Hans Koenig « Le conseiller de l'ascensionniste » évoque l'usage des crochets de muraille.

En 1922, pour la première ascension de Pierra Menta, le monolithe du Beaufortain, Jean-Paul Loustalot et Léon Zvingelstein s'équipent de crochets de muraille, appelés encore crampons légers - les pitons d'aujourd'hui - et de coins de bois, avec une hache pour les enfoncer, dans les fissures naturelles de la roche.

Pendant de cette courte ascension, versant ouest, ils plantent dans une fissure de la roche ces crochets de muraille, pour assurer le premier de cordée, en passant la corde directement dans l'anneau de l'élément, et pour sécuriser le relais. Pendant la descente, ils placent encore un crochet de muraille pour poser un rappel.

- Les pitons

L'année suivante le 6 juillet 1923, nouvelle ascension par le versant est du monolithe, par Jean Payot et Francis Peterlongo, (un piton découvert en place pour l'assurage, montrant une tentative précédente), avec un piton pour l'assurage et un autre pour un rappel, et déjà les pitons ont trouvé leur désignation française définitive.

Ce sont les premières mentions dans la revue La Montagne des ancrages artificiels utilisés clairement pour l'assurage, en usage régulier mais discret, depuis longtemps déjà pour poser un rappel ou comme ancrage de sécurité dans les Alpes occidentales. 

Dans les récits de diverses ascensions, le recours aux pitons apparaît régulièrement, mais l'artifice n'est pas encore vraiment rendu public.

Après l'article de vulgarisation de 1932, publié dans La Montagne, ils vont permettre de s'aventurer partout et par tous.

L'ÉQUIPEMENT DES ALPINISTES de 1922 à 1939

Les outils de l'alpiniste sont la corde en chanvre, les chaussures de montagne armées de tricounis, bientôt quelques pitons et mousquetons, le piolet et les crampons ; l'encordement est direct à la taille et restera en usage jusqu'en 1970. Pour les passages rocheux difficiles, le grimpeur chausse ses manchons à semelle de feutre, puis des espadrilles à semelle de crêpe.

- Les méthodes d'assurage

L'assurage du compagnon se fait en passant la corde derrière l'épaule - l'assurage à l'épaule -, ou encore avec le nœud de demi-cabestan, depuis un point d'ancrage naturel et plus tard artificiel (piton).
Les escalades rocheuses étaient soumises aux incertitudes liées à la rencontre ou pas d'un ancrage naturel, ou d'un relief favorable, ce qui limitait beaucoup l'engagement, jusqu'à l'utilisation des pitons et bien plus tard des coinceurs.

- Les cordes

Les cordes ne subiront que peu d'améliorations, elles sont en fibre naturelle de Manille (Abaca) en Angleterre, et chanvre d'Italie en France. Elles offraient une bonne résistance statique, mais pas dynamique.
Rappelons qu'avant l'usage des pitons, nos prédécesseurs grimpaient sans moyens de sécurité pour celui qui allait devant, la corde ne servait qu'aux suivants. La résistance des cordes interdisait la chute du premier de cordée. La corde pouvait se rompre devant une chute libre d'un mètre, sous une charge de 80 kg.

- Les pitons

Utilisés par les initiés dès 1870 dans les Alpes orientales, et comme signalés ci-avant, ils vont permettre de s'aventurer partout.

D'abord d'une utilisation assez confidentielle, on peut dire qu'à partir de 1925, ils vont peu à peu devenir - pour les ascensionnistes avertis - les éléments de sécurité dans les ascensions rocheuses des Alpes occidentales.

Déjà en 1929, Henri Grivel - le forgeron de Courmayeur - propose des fiches de rocher, les pitons.

- Les mousquetons

Les mousquetons étaient depuis 1910 empruntés aux pompiers de Munich. Le premier mousqueton fabriqué spécialement pour l'escalade sera mis en vente en 1921 par la célèbre maison Schuster de Munich, qui deviendra la première grande surface de matériel de montagne.

- Les pitons à glace

Les pitons à glace sont inventés par Welzenbach dans les années 1920, de simples lames métalliques avec des écailles qui pénètrent la glace, en étant frappées à l'aide d'un marteau. Déjà en 1929, Henri Grivel - le forgeron de Courmayeur - propose des fiches à glace, les futures broches à glace.

- Les crampons à glace

La méthode d'utilisation des crampons Eckenstein à 10 pointes, proposée dès 1908, et la technique des pieds à plat, ne seront expliquées en France qu'en 1927, dans la revue Alpinisme.

En 1929, c'est bien Henri Grivel - le forgeron de Courmayeur - qui a inventé les crampons à 12 pointes, en ajoutant deux pointes avant aux crampons Eckenstein 10 pointes, qu'il fabriquait depuis 1908.

L'article paru dans la revue Alpinisme de 1930, par Luigi Bon, est la source indiscutable de cette affirmation d'Henri Grivel.

« C'est un nouveau modèle que j'ai étudié depuis peu…  je n'en ai exécuté à l'heure actuelle que six ou sept paires et elles ont été utilisés par de bons Guides et par des alpinistes émérites… tous ceux qui les ont essayés, sans aucune exception, m'ont déclaré qu'ils allaient très bien. Je les ai fait essayer aussi par mes fils qui ont été extrêmement satisfaits ».

Son fils Laurent Grivel sera seulement le propagandiste et l'utilisateur.

Ils vont bouleverser la technique de l'escalade glaciaire.

Les crampons 12 pointes et le cramponnage frontal seront adoptés dès 1930, par les meilleurs glaciéristes austro-allemands, suisses et italiens et par quelques cordées françaises du GHM. Celle des frères Tézenas du Moncel, Jacques de Lépiney et Louis Neltner, durant la seconde ascension du versant nord du Col des Droite en 1930, en était dotée, mais leur usage restera longtemps confidentiel.
Deux des quatre premiers ascensionnistes de l'Eigerwand, Anderl Heckmair et Wiggerl Vörg, les utilisaient en 1938… déjà en vente dans le magasin Schuster de Munich. Ils ont beaucoup été dans le succès des quatre hommes…
Les crampons 12 pointes et la technique frontale se généraliseront, sauf en France, comme on le verra plus loin, où les chevilles particulièrement souples du meilleur glaciériste français de l'époque vont contraindre la plupart des grimpeurs à un exercice de style, appelé « technique française de cramponnage » (simple adaptation de la méthode de cramponnage Eckenstein de 1908), adapté aux pentes classiques, mais beaucoup moins aux pentes plus raides, et aux progrès à venir… (voir le dossier du CFD : Le matériel de l'alpiniste).

- Les chaussons d'escalade

Venus des Dolomites, les chaussons souples d'escalade sont régulièrement utilisés pour les escalades rocheuses des Alpes occidentales, où le grimpeur se déchausse de ses lourdes chaussures à clous, pour passer des chaussons souples à semelle de feutre, parfois des espadrilles à semelle de corde, et plus tard les chaussons souples à semelle de crêpes.

- La semelle Vibram

En 1935, Vitale Bramani en Italie met au point une semelle sculptée en caoutchouc qui trois années plus tard deviendra le modèle Vibram que l'on connaît aujourd'hui. Cette semelle va bouleverser la technique d'escalade, avec son excellente adhérence aussi bien en terrain neigeux que rocheux, c'est la fin provisoire des espadrilles et définitive des chaussures à clous...

La cordée Devies-Gervasutti utilisera des chaussures à semelles Vibram dès 1937. Elles seront mises en vente dès 1939 en Italie, et après la Seconde Guerre en France.

- Le sac-tente Zdarsky

En 1923, le « sac-tente Zdarsky » est proposé aux grimpeurs allemands et autrichiens, pour le bivouac dans les Alpes orientales, c'est un élément essentiel de sécurité, contre la pluie, la neige, la tempête et le froid, et c'est aussi un réel confort moral, évitant l'isolement. Il permet l'engagement des cordées dans l'ascension des grandes voies où les bivouacs étaient probables ou obligés. Le « sac-tente Zdarsky » a contribué à sécuriser beaucoup des grandes entreprises du moment, et celles à venir. La cordée Devies-Gervasutti utilisait cet équipement dans ses ascensions.

Le sac-tente sera présenté dans les Alpes occidentales en 1932, mais restera peu employé. La tenue individuelle de bivouac proposée par Pierre Allain - isolant chacun - ne contribuera pas sa diffusion.

Le sac-tente Zdarsky aurait pu empêcher de nombreux drames de la montagne.

- Le camping

Dès le milieu du XIXe siècle, le camping sera utilisé comme moyen de bivouac en montagne. Pour s'approcher des montagnes à gravir, les ascensionnistes établiront des campements d'approche, en les faisant transporter par des bêtes de somme, et par des porteurs recrutés dans les villages voisins.

Léon Zwingelstein sera le fervent utilisateur, dès 1923, d'une tente qu'il avait lui-même fabriqué, comme son duvet, pour ses séjours en Oisans et surtout plus tard pour ses formidables traversées des Alpes à skis.
Le Touring Club de France sera le premier, en 1923, à proposer différents campements dans le massif de la Chartreuse, dans les Alpes et dans les Pyrénées.

Bientôt le poids de la tente sera repensé, et plus tard des progrès techniques rendront son utilisation plus aisée.
Et un article « Camping ! » de Jeanne Leclerc, proposant ce moyen de bivouac modernisé, viendra en promotion dans la revue La Montagne de septembre 1929.
Le camping qui se développe en France permettra d'approcher la nature au plus près, de pallier au manque d'hébergement dans les vallées, et de faciliter les étapes éloignées des refuges, il autorisera une grande liberté, et enfin il est très économique.
Le Club Alpin s'intéresse à ce moyen de bivouac ou de séjour pour aborder les montagnes, par la création en 1934 d'une Commission camping, qui réunit les meilleurs alpinistes du moment.

Le camping sera un vecteur essentiel de développement des sports d'altitude, alpinisme et randonnée alpine.

Les révélateurs des nouveaux matériels

Jusque-là, l'utilisation des nouveaux matériels, facilitant beaucoup les ascensions, était restée dans la confidence des initiés.

<  En 1932, un article d'Alain Leray est publié dans La Montagne. L'auteur présente pour la première fois en France une information sur l'utilisation des pitons et des mousquetons en escalade.
La possibilité d'équiper les itinéraires rocheux et les relais, avec des ancrages artificiels, va considérablement améliorer la sécurité de la cordée, préalablement soumise aux incertitudes liées à la rencontre ou pas d'un ancrage naturel ou d'un relief favorable.
<  En 1933, Raymond Gaché toujours dans La Montagne note : « ce fut d'abord l'invention des crampons, qui sont devenus aussi indispensables que le piolet ou la corde. En ce moment nous assistons à l'introduction en France des méthodes dolomitiques avec leur arsenal d'étriers, de pitons à rocher et à glace, de mousquetons, de marteaux ».

Le Manuel suisse « l'Alpinisme » de E. Brodbeck de 1933, et le « Manuel d'Alpinisme du Club Alpin » de 1934 dévoileront largement ces matériels, utilisés discrètement dès 1870, plus largement dès 1910, dans le Alpes orientales, dans les occidentales dès 1885.

Les singes mécaniques

En 1934, utilisation par les spéléologues de singes mécaniques - dispositif inventé en 1929 par Henri Brenot permettant la remontée sur corde, et s'inspirant d'une technique utilisée par les puisatiers - ils sont les ancêtres des jumars.

Ils seront utilisés par les militaires et les alpinistes pour certaines manœuvres de corde.

Le manuel d'alpinisme du Club Alpin

En 1934, le Club Alpin Français publie, avec la collaboration du Groupe de Haute Montagne, un « manuel d'alpinisme ».

L'ouvrage consacre un paragraphe à l'histoire de l'alpinisme en France, par Victor et Robert Puiseux. Dans la partie technique sont présentés les pitons, les mousquetons maintenant d'usage courant, les différentes techniques de rappel et les crampons avec pointes avant.

<  Concernant la technique de la descente à l'aide de la corde, le rappel en S est mis en avant, il apporte une bonne sécurité et sera d'utilisation générale jusqu'aux années mil neuf cent soixante-dix. La technique du rappel en S, développée par Hans Dulfer avant 1914, la « dülfersitz », venait remplacer la « kletterschluss » et autres méthodes très dangereuses dans leurs utilisations. 

<  Les crampons avec pointes avant y sont proposés, sans beaucoup enthousiasme. 

Des femmes autonomes et responsables

On a dit auparavant que Miriam O'Brien-Underhill sera celle qui œuvra le plus pour un ascensionnisme résolument féminin.

Redisons aussi que Miriam O'Brien-Underhill, Micheline Morin et Néa Morin seront souvent les compagnes d'ascension d'Alice Damesme... Et elles aussi vont souvent devant, en formant des cordées de femmes ou mixtes. Mais bien d'autres s'illustreront. 
Les performances les plus notoires, où les femmes alpinistes mènent, alternent ou relayent dans la cordée, sont soulignées dans le dossier consacré (voir le dossier du CFD : L'alpinisme au féminin).

1925-1933 - LES GRANDES PAROIS GLACIAIRES DES ALPES CENTRALES

Les années Welzenbach

  • De 1925 à 1933, le Bavarois Willo (Wilhelm) Welzenbach va marquer l'histoire de l'alpinisme, en entreprenant une série époustouflante de voies nouvelles, sur les faces glaciaires de l'Oberland et du Valais, avec différents compagnons.

<  En 1925, face nord directe de la Dent d'Hérens.
<  En 1930, face nord directe du Gross Fiescherhorn.
<  En 1931, face nord des Grands Charmoz, dans le mauvais temps.
<  En 1932, face nord du Grosshorn, du Gletscherhorn et du Breithorn de Lauterbrunnen.
<  En 1933, face nord du Nesthorn.

Il est le premier à fabriquer des pitons à glace et à les utiliser.

1930-1935 - LES GRANDES PAROIS ROCHEUSES DES OCCIDENTALES

  •  C'est encore l'école de Munich qui mène le jeu… et déjà les pitons sont utilisés dans les grandes voies rocheuses.

<  En 1930, Karl Brendel et Hermann Schaller escaladent la formidable arête sud de l'Aiguille Noire de Peuterey, 3772m dans le massif du Mont-Blanc.
<  En 1931, les frères Franz et Toni Schmid gravissent la face nord du Cervin, 4477m. Ascensionnistes de premier ordre dans les Alpes orientales, ils sont venus à vélo et sans argent depuis Munich, pour leur première visite des Alpes occidentales.
<  C'est maintenant le versant nord des Grandes Jorasses qui mobilise les ambitions. Giusto Gervasutti et Armand Charlet sont parmi les prétendants dès 1933.
<  C'est en 1935 que les Munichois Martin Meier et Rudolf Peters inaugurent l'éperon central conduisant à la pointe Croz du versant nord des Grandes Jorasses, 4110m.

Les autres grandes performances

  • L'engouement provoqué par les performances des grimpeurs germaniques multiplie les initiatives. Les Suisses, les Italiens et les Français apparaissent désormais dans les ascensions notoires.

Sans encore employer de pitons, ils sont novateurs dans les terrains mixtes.

<  En 1930, le versant Nord-Est des Droites, 4000m est parcouru par Jacques Lagarde et Bobi Arsandaux, c'est la première incursion sur le versant Argentière des Droites.
<  En 1931, Jacques Lagarde et Lucien Devies s'engagent et forcent le versant Macugnaga de la pointe Gnifetti, 4556m du Mont Rose.
<  En 1931, les Genevois Robert Greloz et André Roch gravissent la face nord du Triolet, 3870m. Elle passait pour l'une des plus redoutables pentes glaciaires des Alpes.
<  En 1932, les Bernois Hans Lauper et Alfred Zürcher, avec Alexander Graven et Joseph Knubel, escaladent le versant nord-est de l'Eiger, 3974m.
<  En 1934, premier parcourt de l'arête intégrale de Peuterey du Mont Blanc par les austro-allemands Adolf Göttner, Ludwig Schmaderer et Ferdinand Krobath.
<  En 1935, Dimitri Platonov avec Armand Charlet inaugurent un itinéraire fabuleux sur le versant Nant Blanc de l'Aiguille Verte.
<  Dans le massif des Écrins, Georges et Jean Vernet s'illustreront, de 1925 à 1939, par une série d'itinéraires originaux remarquables, rappelés dans les ouvrages : « Nos amis les cimes » et « Au cœur des Alpes ».

Dans ce même massif des Écrins, Maurice Fourastier, Maurice Laloue, Henry Le Breton et Andèol Madier seront aussi parmi les principaux acteurs d'un grand alpiniste dans ce massif de 1933 à 1938, où déjà les pitons sont d'un usage courant.

Armand Charlet

Armand Charlet (1900-1975) a été le plus entreprenant des Guides en France, le meilleur et le plus audacieux glaciériste des années 1930, l'un des rares à entreprendre des ascensions sans motivation professionnelle.

La revue Alpinisme, de septembre 1943, publie une photo saisissante du « maître » en action, descendant une pente de glace raide en cramponnant en dehors des marches taillées.

La Sentinelle Rouge dans les années 1970 La Sentinelle Rouge dans les années 1970

Un merveilleux triptyque

En rejetant, avant la Grande Guerre, l'utilisation des crampons et des pitons, l'Alpine Club provoqua la complète disparition de l'alpinisme britannique, dans l'entre-deux-guerres, qui tentait encore de maintenir la tradition des ascensions avec Guides de l'âge d'or.

Cela ne doit pas faire oublier l'exceptionnel triptyque réalisé par Thomas Graham Brown sur le versant sud-ouest du Mont Blanc.

Il a imaginé et réalisé un formidable enchaînement de trois voies nouvelles conduisant au plus haut sommet des Alpes, sur le même versant Brenva, en utilisant parfaitement les possibilités du terrain.

<  En 1927, ascension passant par les reliefs de la Sentinelle Rouge, avec Frank Smythe.
<  En 1928, par la voie Major, avec le même compagnon.
<  En 1933, par le ressaut de la Poire, avec les Guides Alexander Graven et Alfred Aufdenblatten.

  • Et la même année, suprême sophistication, il revient gravir la voie Major, avec ses deux compagnons, pour traverser le Col Major, le plus haut col des Alpes.

1934-1935 - LE SIXIÈME DEGRÉ DANS LES ALPES OCCIDENTALES

  • Les pitons vont permettre de s'aventurer sur les parois rocheuses jugées inaccessibles…

<  En 1934, Lucien Devies et Giusto Gervasutti escaladent la paroi nord-ouest de l'Olan, 3563m dans les Alpes occidentales. Le passage-clé de l'itinéraire oppose, pour la première fois dans le massif des Écrins, une difficulté du sixième degré, qui représentait le niveau ultime de la difficulté de cette époque. Comme Dibona en 1912, Gervasutti apporte dans les Alpes occidentales, le savoir-faire et les progrès constatés dans les Alpes orientales.
<  En 1935, la face nord du Petit Dru, 3733m est gravie, c'est l'un des plus beaux exploits des grimpeurs français Pierre Allain et Raymond Leininger, montrant ainsi le savoir-faire de l'École de Fontainebleau. 

Durant cette première ascension, Pierre Allain franchit le secteur clé avec quatre pitons, la célèbre fissure Allain. Elle va demeurer longtemps le plus difficile passage d'escalade des Alpes occidentales, que beaucoup ne surmonteront qu'avec l'aide de plusieurs pitons, dès la seconde ascension. Plus tard, une variante facile, évitant la fissure, permettra à l'itinéraire de devenir classique et de perdre un peu de son aura.

L'escalade libre conserve ses adeptes. Pierre Allain en apportera, dans toutes ses ascensions, l'éclatante démonstration. 

<  En 1937, Charles Authenac et le Guide Fernand Tournier inaugurent l'éperon nord-est des Droites, 3733m, une nouvelle incursion dans le versant Argentière des Droites.
 

La face nord des Grandes Jorasses La face nord des Grandes Jorasses

 

1936-1938 - LES DERNIERS PROBLÈMES DES ALPES

  • Au prix de nombreux accidents mortels, une implacable compétition s'engage sur les dernières grandes parois nord encore inviolées de l'Ailefroide, du Piz Badile, de l'Eiger (nord-ouest), et des Grandes Jorasses.

<  Les 23 et 24 juillet 1936, c'est l'exploit de la cordée Lucien Devies et Giusto Gervasutti qui force la muraille nord-ouest de l'Ailefroide Occidentale, 3954m.
<  Du 14 au 16 juillet 1937, la face nord-est du Piz Badile, 3308m est gravie par Riccardo Cassin et ses compagnons, au prix de deux vies humaines…
<  C'est l'Eigerwand - la face nord-ouest de l'Eiger, 3974m - qui résistera le plus, et sera la plus coûteuse en vies humaines. En 1935 et 1936, des tentatives s'achèvent par la mort des participants austro-allemands. En 1937, leurs compatriotes Matthias Rebitsch et Ludwig Vœrg reviennent vivants après une belle tentative.
<  Du 21 au 24 juillet 1938, les Munichois Anderl Heckmair et Wiggerl Vörg se joindront aux Viennois Heinrich Harrer et Fritz Kasparek pour réussir magistralement l'ascension de cette paroi mythique.
Un itinéraire qui ne sera jamais amélioré plus tard, par des variantes plus commodes.
<  Enfin, du 4 au 6 août de la même année, Riccardo Cassin, Luigi Esposito et Ugo Tizzoni conclurent ce "nouvel âge d'or" de l'alpinisme, par l'ascension de l'éperon nord de la pointe Walker des Grandes Jorasses, 3974m. Une ligne particulièrement élégante conduisant directement au sommet de la paroi la plus exceptionnelle des Alpes.

Louise Boulaz dite Loulou Boulaz

Elle sera la seule femme, de ce moment-là, à se joindre aux furieuses confrontations touchant les dernières grandes parois des Alpes encore à gravir. Les entreprises que Louise Boulaz a conduites ou partagées font indiscutablement d'elle la principale actrice d'un grand alpinisme féminin des années 1930 à 50. 

Dès 1932, Loulou Boulaz entreprend régulièrement des ascensions avec des compagnes, en dehors de ses ascensions en cordées mixtes, où elle prend régulièrement la tête de la course (voir le dossier du CFD : L'alpinisme au féminin).

LES FIGURES NOTOIRES DE L'ASCENSIONNISME de 1918 à 1940

Les grandes figures de cette époque - alpinistes ou Guides - sont évoquées dans la littérature, par exemple dans le livre « les Alpinistes célèbres » des Éditions Mazenod.

Notamment (et entre autres) : Pierre ALLAIN (1904-2000), Louise BOULAZ (1908-1991), Riccardo CASSIN (1909-2009), Armand CHARLET (1900-1975), Emilio COMICI (1901-1940), Alice DAMESME (1894-1974), Lucien DEVIES (1910-1980), Camille DEVOUASSOUX (1900-1965), Émile FONTAINE (1859-1943), Maurice FOURASTIER (1901-1961), Giusto GERVASUTTI (1909-1946), Thomas GRAHAM BROWN (1882-1965), Robert GRÉLOZ (décès en 1986), Anderl HECKMAIR (1906-2005), Jacques LAGARDE (1900-1968), Maurice LALOUE (décès 1970), Hans LAUPER (1895-1936), Henry LE BRETON (décès en 1961), Raymond LEININGER (1911-2003), Jacques de LÉPINEY (1896-1941), Andéol MADIER (1911-1939), Micheline MORIN (1901-1972), Eleonore NOLL-HASENELEVER (1880-1925), Louis NELTNER (1903-1985), Miriam O'BRIEN-UNDERHILL (1899-1976), Vittorio RATTI (1916-1945), André ROCH (1906-2002), Henry de SÉGOGNE (1901-1979), Éric SHIPTON (1907-1977), Edmond STOFER (1905-1937), Franz (1905-1992) et Toni (1909-1932) SCHMID, Frank Sydney SMYTHE (1900-1949), Emil SOLLEDER (1899-1931), H.W."Bill" TILMAN (1898-1977), Fernand TOURNIER, Georges (1905-1945) et Jean VERNET (1904-1996), Willo (Wilhelm) WELZENBACH (1900-1934), Léon ZWINGELSTEIN (1898-1934). 

1935 - L'échelle double des difficultés de l'escalade rocheuse

En 1935, Lucien Devies propose un double système de cotation de l'ensemble des difficultés d'un itinéraire rocheux, basé sur des comparaisons avec des ascensions de référence et applicable dans nos Alpes occidentales.

Une première échelle informe sur des différents obstacles à gravir en six degrés d'un itinéraire, elle est directement inspirée du système Welzenbach de 1924, c'est l'évaluation d'un passage d'escalade.

Une seconde échelle apprécie l'ensemble d'une ascension, c'est l'estimation globale d'un itinéraire, allant du "facile" à "l'extrêmement difficile" en six degrés également...
La nouvelle proposition réclamait de bien différencier, ce qui appartient à l'escalade libre, de ce qui ressort de l'escalade artificielle. Son article « Propositions pour une graduation des difficultés dans les Alpes occidentales » paru dans la revue Alpinisme de 1935 est tout à fait pertinent et remarquable.

Une façon de « passer du vague au défini »... Mais la transition vers la pratique prendra un certain temps.

Aussitôt, une belle polémique, animée par Etienne Bruhl, va enflammer le milieu alpin pendant quelque temps (lire les articles de La Montagne, 1935 et 1936).

Une influence déterminante

Lucien Devies, par des échanges épistolaires réguliers et rigoureux, chercha à stabiliser le système d'évaluation des difficultés de l'escalade, de 1935 et jusqu'en 1978. Son influence, comme corédacteur des principaux guides-itinéraires de montagnes de France, a été déterminante pour installer le système d'évaluation des difficultés de l'escalade rocheuse.

Il réussira à affermir le système en établissant une série d'escalades de référence acceptées par différents sachants - Guides et élite.

Une évaluation des difficultés de l'escalade artificielle

Un peu plus tard, une estimation des difficultés de l'escalade artificielle, en quatre degrés (A1 à A4), est proposée.

Le tri - déjà suggéré avant 1914 - commence à être fait entre escalade libre, mixte et artificielle… Mais il faudra encore longtemps pour une vraie prise de conscience des alpinistes et des grimpeurs, et une imprécision perdurera avec le recours à une forme mixte de progression pas toujours formulée.

1933-1938 - DANS LES PYRÉNÉES

  • Quelques dates remarquables :

<  En 1933, première ascension de la face nord directe du Pic Long, le point culminant du Vignemale, par Roger Mailly et Robert Ollivier.
<  La même année, une voie en face nord du Vignemale est inaugurée, par Henri Barrio et Robert Bellocq.
<  En 1934, voie nouvelle sur la crête nord-est de l'Aneto, par René Grange et Pedro Borés.
<  L'année suivante, sur la face nord du culmen des Pyrénées (Aneto), ascension par Jean Escudier, Jean-Victor Parant et Jean Grelier.
<  En 1935, le versant sud de la Pointe Jean Santé, du Pic du Midi d'Ossau, est exploré et gravi, par Julien Arruyer, Gabriel Busquet, François Cazalet, Roger Mailly et Jean Santé.
<  En 1936, la face nord-ouest du Pic du Midi d'Ossau est escaladée, par Robert Ollivier et trois compagnons, Julien Arruyer, Robert Chevalier, Charles Laffont.
<  Deux ans plus tard, ascension de l'éperon nord-ouest du Pic du Midi d'Ossau, par Roger Mailly et Robert Ollivier.

1936 - LA QUALIFICATION DES GUIDES

En été 1936, première formation des Guides de Chamonix, à l'initiative d'Armand Charlet et Roger Frison-Roche.

Jusque-là, aucune réglementation légale ne venait contrôler la profession de Guide de montagne. Seulement organisée et réglementée par le Club Alpin, le tuteur de la profession de Guide qu'il contrôle et dont il fixe les règles depuis 1904. Mais rien sur un examen des qualités requises pour exercer la profession, rien encore sur un nécessaire enseignement alpin. On devenait encore Guide par naissance ou par cooptation, avec les invraisemblables rentes de situation qui en découlaient.

L'assurage en ces temps-là L'assurage en ces temps-là

 

Le matériel moderne d'escalade

Un article dans Alpinisme de 1938 : Pitons et matériel moderne d'escalade décrit le matériel fabriqué maintenant en France, par les établissements Simon, jusque-là spécialisés dans la fabrication des piolets… sauf les mousquetons en acier qui doivent encore être importés.
L'année suivante, la revue publie un texte : Les procédés artificiels de l'escalade qui fait l'inventaire des ressources technologiques de la discipline.

Les inventions de Pierre Allain

À la fin des années trente, Pierre Allain achève le développement de diverses améliorations :

<  Les chaussons modernes d'escalade - les fameux chaussons PA - une mise au point commencée en 1935, utilisés d'abord pour l'escalade des blocs de Fontainebleau, commercialisés en 1948 et appelés à un grand avenir.
<  Dès 1938, le mousqueton léger en alliage d'aluminium commençait à être imaginé et essayé par Allain. Il ne sera pas commercialisé, mais montrera plus tard sa justification.
<  Le « descendeur Allain » pour les rappels, mais son dispositif ouvert est d'une utilisation si délicate, que sa diffusion restera confidentielle.
<  Le matériel de bivouac individuel, mais cette proposition se révélera peu judicieuse, la poche de bivouac dite tente Zdarsky permettant à deux ou trois grimpeurs de se protéger - physiquement et moralement - restera supérieure de beaucoup.
<  Pierre Allain commettra d'autres outils, certains diaboliques et à ne pas laisser entre toutes les mains.
<  Comme le « décrocheur Allain » qui permettait de descendre en rappel sur un seul brin de corde, le système se déverrouillant automatiquement à la libération de la charge, il sera utilisé par Allain en montagne.
<  Comme l'ancre à neige, un outil infernal qui adjoint au décrocheur Allain permettait de descendre les pentes glaciaires en rappel et de récupérer l'outil.

L'histoire de l'alpinisme

En 1939, Lucien Devies fait paraître, dans Alpinisme, l'article : « Alpinisme et nationalité », et dans La Montagne, le texte : « Eiger et Walker » (voir le dossier du CFD : Un historique du Club Alpin de 1915 à 1940 et pour la polémique de l'Eiger le dossier de 1945 à 1974).

Des contributions à l'histoire de l'alpinisme.

Certains - plus tard - tenteront d'en détourner les propos à des fins d'édition. 

HORS DES MASSIFS EUROPÉENS

Après la Grande Guerre, les énergies se sont de nouveau tournées vers les montagnes lointaines et d'abord - comme pour les Alpes un siècle auparavant - vers les plus hautes des autres continents…

En 1933, une petite expédition de quatre, à l'initiative du GHM et de la Section de Paris du Club Alpin, se rend dans les montagnes du Caucase, ce sera la première expédition française vers les montagnes lointaines.

En Himalaya et le Karakoram, ce sont surtout les principaux sommets qui vont être l'objectif des audacieux ascensionnistes, dont ceux dépassant l'altitude de 8000m, mais au prix de nombreuses vies humaines, et rien n'aboutira sur les géants de plus de 8000m dans l'entre-deux-guerres.

En Afrique et en Amérique

<  En Afrique, le sommet principal du Mont Kenya, le Batian, 5199m a été atteint dès 1899 par Mackinder et ses Guides. Il est revisité et exploré par Eric Shipton et ses compagnons en 1929 et 30, ceux-ci réalisent la traversée du Batian vers l'autre sommet, le Nelion, 5188m… c'est la plus belle et difficile montagne d'Afrique.
<  En Amérique du Nord, le Mount Foraker, 5303m, est atteint en 1934 par Charles Houston et ses compagnons.
<  En Amérique du Sud, la Cordillera Blanca est explorée par Erwin Schneider et ses compagnons. En 1932, 36 et 39, les sommets principaux sont atteints : le Quitaraju, 6100m, le Huandoy, 6200m et le Huascaran, 6768m.

Les montagnes d'Himalaya et du Karakoram

Les plus hauts sommets sont concentrés sur ce qui forme « l'ossature fondamentale » des montagnes d'Asie, avec l'Himalaya, le Karakoram et l'Hindou-Kouch.

Pour l'Himalaya et du Karakoram, seuls les sommets situés dans l'empire des Indes sont accessibles, car le Népal et le Tibet qui concentrent une majorité des plus hauts sommets sont fermés aux étrangers.

<  En 1929, le Kangchenjunga, 8586m est tenté jusqu'à 7200m par une expédition allemande, organisée et dirigée par Paul Bauer. Deux ans plus tard une autre expédition de Paul Bauer atteint 7600 m.
<  En 1931, le Kamet, 7754m est gravi par Eric Shipton et ses compagnons. Il avait été tenté à plusieurs reprises, notamment en 1910, 1912 et 13 par Charles Meade et ses Guides jusqu'au Col Meade 7150m, montrant la voie d'ascension aux suivants.
<  En 1932, le Nanga Parbat, 8125m est tenté jusqu'à 7000m par une expédition allemande, organisée et dirigée par Willi Merkl.
<  Deux années plus tard, nouvelle tentative, morts de Willo Welzenbach et de Willi Merkl, l'altitude de 7700m est atteinte au prix de 10 vies humaines…
<  En 1937, nouvelle tentative et nouvelle catastrophe, toute l'expédition - 16 hommes - est anéantie par une avalanche.

Les alpinistes français étrangement absents

L'intérêt des alpinistes français, pour les plus hautes montagnes du monde, a été très tardif, ils ont été « étrangement absents des grandes explorations et ascensions du premier tiers du siècle », il fallait « qu'ils s'organisent pour combler un retard de vingt ans ».

Au début du XXe siècle, les rares Français ayant approché les montagnes de l'Himalaya ou des Andes, sont quelques Guides accompagnant des explorateurs britanniques, tels Pierre Blanc dit le Pape de Bonneval-sur-Arc, François Devouassoud et Michel Payot de Chamonix.

L'idée d'organiser une expédition, vers les plus hautes montagnes du monde, est venue dans les années 1930 de la petite équipe qui animait le Groupe de Haute Montagne.

Ces grandes altitudes sont toutes concentrées dans l'Himalaya et le Karakoram.

La première initiative date de l'été 1933. Elle est conduite par Jean Escarra, président du Club Alpin, et par Henry de Ségogne, président du Groupe de Haute Montagne, membre du Comité directeur du Club Alpin et leader de l'alpinisme français de l'époque.

Tentative vers l'Hidden Peak, 8068m

Il est convenu que le projet d'expédition se construise au sein d'une structure indépendante du type loi de 1901, patronnée par le Club Alpin et par le GHM. Sur le modèle du « Comité de l'Everest » de 1919 des Britanniques, il prendra le nom de « Comité français de l'Himalaya ».

Voir le dossier du CFD : Un historique des expéditions lointaines françaises institutionnelles, avec les différents paragraphes :

<  D'abord un jeu diplomatique
<  Une doctrine
<  Un cadre juridique et un premier objectif

Finalement, c'est l'Hidden Peak, 8068m - aujourd'hui Gasherbrum 1 - qui sera choisi, situé dans les montagnes du Karakoram et le massif du Baltoro Mustagh.

En 1936, c'est la première expédition française vers l'Himalaya et le Karakoram.

Conduite par Henry de Ségogne, elle n'aboutira pas, l'Hidden Peak ne sera tenté que jusqu'à vers 7000m.

Les autres objectifs

<  En 1936, c'est une autorisation refusée pour le Kangchenjunga qui permettra à une équipe Anglo-américaine dirigée par Bill Tilmann de gravir la Nanda Devi, 7816m, plus haut sommet atteint à ce moment-là.
<  En 1939, une expédition polonaise effectue l'ascension du sommet oriental, 7434m.
<  Le K2, 8611m second sommet par l'altitude, est évidemment un objectif prisé.
<  En 1938, l'altitude de 7700m est atteinte par une expédition nord-américaine dirigée par Charles Houston. Elle explore l'éperon sud-est, dit des Abruzzes, la future voie d'accès. 
<  L'année suivante, une autre équipe nord-américaine, dirigée par Fritz Wiessner, tente la même voie, en utilisant des cordes fixes pour faciliter l'ascension. L'altitude de 8365m est gagnée, mais l'audacieuse tentative coûtera quatre vies humaines.

CHOMOLANGMA-EVEREST

Très vite, les alpinistes ont voulu gravir la montagne, identifiée dès 1852 comme le culmen du globe. Au tout début du XXe siècle, les Britanniques possèdent les hommes, l'organisation et les moyens financiers. Elle va les occuper pendant 50 ans.

L'exclusivité britannique par le Tibet

Jusqu'à la Première Guerre mondiale, et malgré leur position prédominante sur la scène politique locale, les Britanniques ont dû se contenter d'observer Chomolangma-Everest de loin. De l'approcher par des façons parfois clandestines - à moins de cinquante kilomètres - déguisés en commerçants locaux.

Il faut bien comprendre qu'à cette époque, en dehors des initiatives privées aux modestes ambitions, la préparation d'une initiative d'envergure vers les montagnes lointaines - certaines jamais approchées - était particulièrement complexe. Elle ne pouvait pas être envisagée sans l'accompagnement d'un effort diplomatique de grande ampleur au niveau des ministères et des ambassades d'un pays.

Ce sera le Grand Jeu pour obtenir l'accès aux plus hautes montagnes et en premier lieu celui de la Grande-Bretagne.

Après la guerre 1914-1918, l'« Alpine Club » et la « Royal Geographical Society » créent un « Comité de l'Everest ».
Dès 1919, un sérieux effort diplomatique est fait auprès du Dalaï Lama, autorité religieuse et civile du Tibet ; le Népal est alors fermé à toute pénétration étrangère.

Le 26 avril 1920, différentes résolutions précisent la ligne d'action du Comité de l'Everest :

<  L'objectif principal sera l'ascension de l'Everest.
<  La montagne sera abordée par le nord en traversant le Tibet
<  Les membres de l'expédition devront être sujets britanniques.

 Ce cadre restrictif, de rester entre nationaux, de rester entre britanniques, va pour longtemps être la ligne de conduite adoptée par les organismes officiels des pays organisateurs de rester entre nationaux.

Les tentatives britanniques

Le 9 décembre 1920, la diplomatie britannique parvient à obtenir l'autorisation espérée pour tenter l'ascension par le Tibet et explorer les vallées voisines.

Après une première reconnaissance en 1921, les efforts se concentrent sur l'arête nord issue du Col Nord (Chang La), 7066m.

L'étude des effets physiologiques en haute altitude devait être assurée par A. M. Kellas durant la reconnaissance de 1921, il décédera durant l'approche. 

L'utilisation de l'oxygène

L'utilisation de l'oxygène respiratoire en très haute altitude faisait débat dès les premières initiatives britanniques vers l'Everest, et même avant la Grande Guerre. Lire sur le sujet les notes du dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1945 à nos jours dans l'Himalaya et du monde / L'utilisation de l'oxygène.

La tentative de 1922

Pour l'expédition de 1922, l'utilisation de l'oxygène est conseillée au-dessus de 7500m, par le scientifique G. Dreyer, qui avait étudié la façon de l'utiliser pour l'aviation militaire britannique.  

L'altitude de 8170m est atteinte durant une tentative d'Edward Felix Norton, George Mallory et Howard Somervell, sans l'aide oxygène.

Des appareils à oxygène encore peu maniables seront expérimentés par l'Australien George Finch, en apportant quelques améliorations techniques.

L'altitude de 8300m sera gagnée durant une tentative, avec cette assistance, par George Finch et de Geoffrey Bruce.

Mais durant une dernière tentative, sept Sherpas périssent dans une avalanche en remontant les pentes soutenant le Col Nord.

La tentative de 1924 

En 1924, pour la seconde expédition britannique sur la grande montagne, depuis un camp vers 8150m, la cordée d'Edward Felix Norton et de Howard Somervell tente l'ascension. Norton bientôt seul, atteint 8500m, sans utiliser l'oxygène respiratoire.

Malheureusement, durant une nouvelle tentative, en ayant recours à l'oxygène respiratoire, George Mallory et Andrew Irvine disparaissent dans les pentes supérieures de la montagne, sans vraisemblablement dépasser le second ressaut de l'arête nord-est, situé à 8500m. 

L'éventualité que la cordée puisse avoir atteint le sommet sera un sujet inépuisable depuis plus d'un siècle.

Les Britanniques vont effectuer sept tentatives malheureuses, par le versant tibétain, avant la Seconde Guerre mondiale.

Les Suisses très présents

En 1926, les Suisses sont très présents sur les montagnes de l'Himalaya et commencent à s'intéresser à la grande montagne.

La septième tentative britannique

Septième tentative britannique en 1938. Après l'ascension de la Nanda Devi par une équipe réduite, il sembla logique au Comité britannique organisateur d'essayer cette technique sur l'Everest.
Après avoir installé un camp VI à 8300m sur l'arête nord, les hommes doivent une nouvelle fois renoncer.

Avec ce dernier échec, le bilan est maigre : l'altitude de 8500m, atteinte en 1924, n'a pu être dépassée ensuite et demeurera la plus haute altitude atteinte jusqu'en 1952.… Mais l'espoir des Britanniques demeure.

Les bruits de bottes et de canons

Les bruits de bottes et de canons vont bientôt - une nouvelle fois - détourner les alpinistes de leurs ambitions de gravir les montagnes…

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Lire la suite dans les dossiers du CFD suivants :

- Un historique de l'alpinisme de 1942 à nos jours dans les montagnes d'Europe
- Un historique de l'alpinisme de 1945 à nos jours dans les montagnes de l'Himalaya et du monde

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La plupart des textes concernant l'historique de la montagne et de la FFCAM sont disponibles au Centre Fédéral de Documentation de la FFCAM - 24, avenue de Laumière, 75019 Paris. Notamment dans les différentes publications :

- Les Annuaires du CAF, de 1874 à 1903.
- Les Bulletins du CAF, de 1876 à 1903.
- La Montagne, de 1904-1905 à 1954.
- Alpinisme, de 1925 à 1954.
- La Montagne & Alpinisme, depuis 1955.
- Les Annales du GHM, de 1955 à 2001 et Cimes, de 2002 à 2015.

Les livres constituant la bibliothèque de la FFCAM sont tous référencés.

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Accès aux publications

Vous pouvez rechercher en ligne les titres suivants :

 - Les Annuaires du CAF, de 1874 à 1903, consultables sur le site de la Bibliothèque Nationale : http://gallica.bnf.fr
- Voir aussi : www.archive.org et utiliser le mot-clé : club alpin français.
- Les Bulletins du CAF, de 1876 à 1903, consultables sur le site de la Bibliothèque Nationale : http://gallica.bnf.fr
- La Montagne, de 1904-1905 à 1954, consultables sur le site de la Bibliothèque Nationale : http://gallica.bnf.fr
- La Montagne & Alpinisme, depuis 1955, consultables sur le site de la Bibliothèque Nationale : http://gallica.bnf.fr
- Enfin, Alpinisme, de 1926 à 1954, accessibles sur le site du GHM, avec Les Annales du GHM (1955-2001) et Cimes (2002-2015).