L'Enseignement alpin

Préambule

Depuis sa création en 1874, le Club Alpin Français a eu pour objectif de faire partager les connaissances du milieu montagnard et le savoir-faire pour parcourir les montagnes en sécurité.
Mais les méthodes et les moyens d'apprentissage, d'abord rudimentaires, ont considérablement évolué au cours de ses 150 années d'existence...

Cette présentation consacrée à l'enseignement alpin a été rédigée en collaboration avec Jean-Paul Bouquier. Longtemps membre de la Commission de l'Enseignement alpin du Club Alpin, instructeur Alpinisme, délégué technique régional Alpinisme, ancien vice-président du CAF et ancien président de la FFM. Remerciement pour sa coopération.

Sommaire

- La science pour justification
- La naissance de l'alpinisme
- Un rudiment d'enseignement alpin
- Des activités accompagnées
- Les caravanes scolaires
- La structuration du métier de Guide
- 1904-1910 - Le métier de Guide
- L'apparition de l'alpinisme autonome
- 1919 - Le Groupe de Haute Montagne
- 1922 - L'enseignement alpin enfin
- 1925 - Les guides Vallot
- 1932 - L'autonomie en montagne
- 1935 - Une échelle double des difficultés
- 1936 - Vers la formation des Guides
- 1945-1948 - L'enseignement alpin
- 1944-1948 - La qualification des Guides
- 1959 - L'enseignement bénévole
- La qualification de l'encadrement bénévole
- Être autonome et responsable
- L'enseignement alpin en 1976
- 1978 - L'échelle des difficultés
- L'escalade sportive
- 2000 - Les composantes de l'enseignement alpin 
- L'enseignement alpin aujourd'hui
- La difficile évaluation des difficultés

NB : Pour éviter l'ambigüité, entre Guide de montagne professionnel et guide-itinéraires manuscrit, une majuscule est ajoutée au premier nommé.

La science pour justification

C'est la science, dès 1760, qui va faire avancer l'idée de gravir les montagnes, et donner l'élan décisif à leurs explorations.

Pour certains, ce fut la reproduction de l'expérience de Pascal de la Tour Saint-Jacques à Paris avec le baromètre de Torricelli, puis au Puy-de-Dôme en 1647, plus tard au Canigou et au Mont Buet gravi en 1770 avec une motivation scientifique par les genevois et frères Deluc.

Durant un long temps, il faudra s'accompagner du baromètre et du thermomètre pour justifier l'aventure, jusqu'au moment où, après 1854, les Britanniques feront changer la donne en faisant fi des arguments scientifiques dans l'approche des montagnes.

Pour d'autres, dès 1825, il s'agira d'établir, en service commandé, des visées de triangulation, destinées à l'établissement des cartes géographiques pour l'intérêt des militaires.

SOUS LA CONDUITE DU GUIDE

Voir dans le dossier du CND : Un historique de l'alpinisme 1492-1914, les deux paragraphes :

- D'abord mener les voyageurs, les passeurs

- Ensuite guider les alpinistes et les touristes

1760 - Horace Bénédict de Saussure

En 1760, voyage d'Horace Bénédict de Saussure dans la vallée de Chamonix. Devinant l'intérêt scientifique de gravir ou de faire gravir le Mont Blanc, le plus haut sommet des Alpes, il promet une récompense à qui découvrira un cheminement permettant l'ascension.

En 1779, de Saussure commence à faire paraître le premier des quatre tomes de ses Voyages dans les Alpes, qui figureront parmi les ouvrages les plus appréciés de la littérature alpine et joueront un rôle considérable dans la propagande et le développement de ce qui deviendra l'alpinisme. 

Ce sont ses écrits précurseurs et ses initiatives avant-gardistes qui susciteront une préoccupation pour les montagnes et feront de lui l'acteur principal qui a révélé un intérêt pour les gravir.

1786 - LA NAISSANCE DE L'ALPINISME

Le 8 août 1786, première ascension du Mont Blanc, 4810m par les deux Savoyards natifs de Chamonix, Michel-Gabriel Paccard (1757-1827) et Jacques Balmat (1762-1834), l'un est médecin et l'autre chasseur, les valeurs du baromètre et du thermomètre sont enregistrées.

Le premier est animé par son intérêt pour la science, l'autre par la récompense promise par Saussure.

Ils comptent parmi les premiers audacieux agissant en autonomie, c'est-à-dire sans le recours à des Guides locaux.

On s'accorde à admettre que cette première ascension du Mont Blanc marque la naissance de l'alpinisme.

L'année suivante, seconde ascension le 5 juillet par Balmat et deux Guides locaux.

La plus célèbre ascension

Le 3 août 1787, c'est, une caravane de dix-huit Guides locaux, avec Balmat, qui conduit H. B. de Saussure et un domestique pour la plus célèbre ascension de la grande montagne.

Au sommet, le savant genevois peut réaliser une série d'expériences scientifiques originales et déterminer avec une bonne précision l'altitude de la montagne.

La relation que fit Saussure de son entreprise aura un immense retentissement et les motivations scientifiques continueront à soutenir l'élan pour l'exploration des montagnes.

Il fallait atteindre les sommets des montagnes pour réaliser des expériences. Ce sera la motivation des premiers ascensionnistes.

L'assistance des Guides

Ce n'est notamment qu'après l'ascension du Mont Blanc par Horace Bénédict de Saussure de 1787, accompagné de 12 Guides locaux, et la notoriété donnée à l'événement que l'assistance aux Guides deviendra naturelle et sera la bonne manière de faire.

Les premières initiatives

Souvent des démarches locales de naturalistes, de personnalités régionales et de paysans de piedmont, parmi les plus décidées, animés par l'esprit d'aventure. La mesure des altitudes et la pression du baromètre sont les justifications de l'époque.

Ce sont des entreprises uniques et sans lendemain...

Dans les Pyrénées, au XVIIIe siècle et avant 

Voir dans le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme 1492-1914

Dans les Alpes de 1800 à 1850 

Voir dans le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme 1492-1914

Dans les Pyrénées, au XIXe siècle

Voir dans le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme 1492-1914

Les officiers géographes de la carte de France de 1825 à 1830

Voir dans le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme 1492-1914

En 1848 – Une première initiative notable

En 1848, Victor Puiseux (1820-1883), futur membre fondateur du Club Alpin, est le premier en France à réussir en autonomie l'ascension d'un sommet notable, le Mont Pelvoux, 3943m dans le massif des Écrins, la concrétisation d'une initiative personnelle. Seul, et un moment accompagné pendant l'approche par un villageois de la vallée. Une initiative réalisée avant l'engouement des Britanniques pour gravir les montagnes.

1850 - Les précurseurs britanniques 

Et dès 1850, les précurseurs britanniques feront se confronter différentes façons d'aborder les montagnes :

<  Les adeptes d'un alpinisme contemplatif, d'un domaine sacré qu'il ne fallait pas profaner.
<  Ceux qui voulaient s'en tenir à une approche savante, permettant des avancées scientifiques, concernant la Physique et les Sciences de la Terre.
<  Et enfin les tenants d'une démarche aventureuse et sportive.                        

Voir les principales explorations dans le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme 1492-1914

 En 1865, tous les sommets remarquables des Alpes sont gravis, presque toujours par les Britanniques, à l'exception de la Meije.

 Les Britanniques fondent l'Alpine Club dès 1857, qui ne compte à sa création que 34 membres.

 Londres sera, à ce moment-là, le centre de référence pour tout ce qui concerne l'alpinisme.

Un rudiment d'enseignement alpin

Dans les premières années qui suivront la création du Club Alpin Français en 1874, au sein des Sections locales, le nouvel adhérent était parrainé par deux anciens qui l'aideront à se former. 

Le parrainage garantissait la qualité des entrants et leur intérêt pour les montagnes, il rendait possible l'initiation et servait principalement à la transmission d'un rudiment d'enseignement alpin.

DES ACTIVITÉS ACCOMPAGNÉES

Dès 1875, les sorties, organisées en « caravanes » d'adultes ou scolaires, donnaient au plus grand nombre la possibilité de s'initier à un premier savoir-faire, sous la conduite d'un Guide ou d'anciens expérimentés.

C'est ainsi que quelques éléments de technique alpine pouvaient se transmettre, mais ne favoriseront pas l'autonomie des excursionnistes et des ascensionnistes.

En dehors des orientations culturelle et scientifique, dominantes durant la fin du XIXe siècle, l'association proposera des activités tournées vers l'excursionnisme et vers une approche modérée de l'ascensionnisme, accompagnées par des Guides.

Il va falloir attendre un bon moment (1922) pour que l'instauration et la diffusion d'un enseignement alpin et d'une formation appropriée soient reconnues.

LES CARAVANES SCOLAIRES

La volonté des fondateurs du Club Alpin - d'avoir un projet éducatif construit - conduira dès 1875 à la formation des « Caravanes scolaires ». Sur les modèles proposés en Suisse et en Allemagne, et évoqués dans les écrits de Rodolphe Töpffer, ses fameux Voyages en zigzag.

Avec les intentions suivantes :

<  organiser des sorties collectives à but éducatif visant à développer, dans notre jeunesse, l'attrait pour les excursions à pied et la connaissance des montagnes.
<  inspirer à ces jeunes adhérents le goût de la montagne.

Ce sera pour le Club Alpin une heureuse initiative, décisive pour ce qui concerne sa pérennité (voir le dossier du CFD : Le Club Alpin Français de 1874 à 1914 / Les Caravanes scolaires).

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Les Guides, la Dame et le Monchu

LA STRUCTURATION DU METIER DE GUIDE

Il fallait une organisation et un contrôle

Déjà dans le Valais en Suisse, une organisation et un règlement régissaient les compagnies de Guides depuis 1807.

À Chamonix, une première forme d'organisation est en place dès 1821, la « Compagnie des Guides de Chamonix », aménagée et authentifiée en 1823 par le vice-intendant du Faucigny Gaspard Sébastien Brunet, autorité régionale du royaume de Sardaigne, puis approuvée par le pouvoir royal. Déjà est suggérée la création d'une masse, caisse de secours et de prévoyance, le prix de la journée de Guide en fonction de la difficulté de la course et le nombre de Guides chargés de l'encadrement (lire l'article de Rozenn Martinoia : La genèse de la Compagnie des guides de Chamonix dans la revue La Montagne & Alpinisme n°2/2021).

La structure, qui bénéficiait de la notoriété et de l'industrie du Mont Blanc, avait instauré un tour de rôle et l'obligation de s'entourer de 12 Guides pour l'ascension du culmen des Alpes ; en 1852, on revient à quatre, puis trois en 1864. La compagnie s'était organisée avec des règles particulièrement fermées qui n'évolueront que lentement.

Depuis 1860, la Savoie étant devenu française, la petite confrérie s'administrera, pour un moment, elle-même et sans contrôle.

En 1874, ailleurs dans les Alpes françaises, en dehors des quelques-uns pouvant guider les voyageurs, par les passages historiques transfrontaliers - les passeurs -, ni berger, ni paysan ou chasseur n'était capable de bien conduire les ascensionnistes et les touristes voulant aller vers les cols et les sommets des montagnes, il fallait se structurer au plan national, comme en Suisse depuis 1864 et en Italie depuis 1871.

Le Dauphiné n'a encore que des chasseurs de chamois ayant une connaissance de la montagne ; mais, dès 1875, la Société des Touristes du Dauphiné, qui vient d'être fondée, s'occupe du recrutement des Guides dans les centres d'activité du Dauphiné, et imposera un tarif et un règlement aux Guides, porteurs et muletiers, sur lesquels elle exercera un contrôle et son autorité.

Dans la même année 1875, le Club Alpin, s'organise au plan national, depuis ses Sections locales, pour proposer l'assistance des Guides locaux.

Dans les Pyrénées, quelques Guides ont laissé leurs traces, dès 1802 Laurens et Rondo pour l'ascension du Mont Perdu.
Et ceux qui accompagnèrent Anne Lister, en 1830 Jean-Pierre Charles et Étienne sur la même montagne.
Henri Cazaux, Jean-Pierre Charles, Bernard Guillembet et Jean-Pierre Sajous au Vignemale en 1838 avec la même Anne Lisner.

Et des petits arrangements avaient cours, comme à Cauterets, Gavarnie, Bagnères-de-Bigorre dès 1863 et à Bagnères-de-Luchon dès 1872, surtout liés au thermalisme, afin de promener les curistes venus « prendre les eaux », dans un cadre rendu avec esprit par Hippolyte Taine, dans son « Voyage aux Pyrénées ».

Les tuteurs de la profession

Rapidement, le Club Alpin - au niveau national - et la Société des Touristes du Dauphiné - au niveau régional -, seront les organisateurs et les tuteurs de cette profession, et vont longtemps, jusqu'en 1940, en assurer l'administration.

Pour le développement de cette activité nouvelle et encore incertaine, il fallait pouvoir gérer les us et coutumes spécifiques qui vont s'établir dans chaque vallée, en fixant des règles et des contrôles.

La priorité de l'action de la STD - en ce qui concerne les Guides du Dauphiné - sera reconnue par le CAF, avec les chamailleries que l'on imagine dues à la concurrence entre les deux associations, et surtout aux rudes intérêts économiques des Guides, jusqu'à l'unification de 1904.

<  En 1875, la Section de Briançon du Club Alpin diplôme les premiers Guides de Vallouise.

<  Et l'année suivante, la Section de Tarentaise délivre les premiers livrets-diplômes aux Guides de sa vallée, et crée le bureau des Guides de Pralognan.

<  En 1878 à Chamonix, où un règlement est déjà en place, le Club Alpin intervient auprès des autorités préfectorales pour améliorer les textes qui seront plusieurs fois remaniés, tant les intérêts locaux sont sensibles dans la principale villégiature de montagne de France.

1885 - La Commission des refuges

Le Club Alpin instaure une Commission des refuges, chargée de gérer son patrimoine construit, et d'assister la Direction centrale du Club Alpin. Elle deviendra la Commission des travaux en montagne en 1903.

 Avec la réorganisation de 1988-1991-2005, c'est, de nouveau et depuis 1991, une Commission des refuges qui conduit l'œuvre du Club Alpin pour le bâti en altitude.

1903 - La Commission des travaux en montagne et des Guides

Dans son organisation interne, le Club Alpin installe une double structure jusqu'à la grande Guerre :

- celle des travaux en montagne, succédant à la Commission des refuges de 1885, qui deviendra une commission consacrée en 1920.
- celle de la gestion des Compagnie des Guides, qui deviendra une commission consacrée en 1920.

1904-1910 - LE MÉTIER DE GUIDE 

- Un règlement général

En 1904, le Club Alpin décide d'étendre à toutes les régions françaises son organisation des Guides en adoptant - en commun avec la Société des Touristes du Dauphiné au niveau régional - un règlement général sur la reconnaissance de la fonction de Guide de montagne, en unifiant les usages, jusqu'alors établis dans les différentes vallées de montagne, avec encore quelques palabres et anicroches.

Des compagnies - tel que le « Syndicat des Guides de Saint-Gervais » - adoptent ce règlement et intègrent le Club Alpin.

- Le Club Alpin délégataire jusqu'en 1940

Après quelques débats et concertations, cette réglementation nationale de la profession des Guides est entérinée et publiée par les pouvoir publics en 1904, et le Club Alpin en sera le délégataire jusqu'en 1940 :

-  « les Guides et les Porteurs du CAF sont nommés dans les centres alpins et parmi les habitants de ces centres ».
-  on devenait Guide après avoir été Porteur et avoir témoigné de certaines qualités.
-  un brevet de Guide de montagne ou de Porteur qualifie les titulaires.
-  la publication de la liste des « Guides et Porteurs » brevetés par le Club Alpin « avec le port d'un insigne comme nos gardes champêtres ».
-  c'est une garantie pour éviter l'écueil du guide marron.
-  un Carnet de Guide est délivré aux ayants droit, où le touriste portait ses appréciations. Il sera souvent la seule garantie de la prestation à venir...

En 1905, création de la Caisse de secours des Guides et Porteurs.

Le 4 février 1910, après encore des discussions principalement conditionnées par les intérêts économiques des Guides, l'accord de 1904 est parachevé dans le document « Entente entre la Société des Touristes du Dauphiné et le Club Alpin Français relative à l'organisation des Guides et Porteurs dans les départements de l'Isère, de la Drôme des Hautes Alpes et dans la vallée des Arves ».

Dans les vallées de ces départements, la Société des Touristes du Dauphiné maintiendra son influence jusqu'à la Seconde guerre mondiale.

Mais pas un mot sur une formation et un contrôle des capacités.

L'hérédité et la cooptation semblaient suffisantes

En dehors des concurrences ou divergences locales, animées par le montant des tarifications des ascensions guidées, il apparaît que les éléments primordiaux à l'exercice de la profession tarderont à être proposés.

Curieusement la formation des Guides ne sera longtemps ni suggérée, ni exigée, l'hérédité et la cooptation semblaient suffisantes. Il faudra attendre 1936 afin que les préceptes essentiels à l'exercice de la profession commencent à être proposés :  l'enseignement et le contrôle des compétences.

On deviendra alors Guide, non plus par sa naissance, mais par des qualités affirmées et contrôlées... La loi du 18 février 1948 fixera le cadre du métier.

La bonne façon de faire

Jusqu'en 1920 et un peu plus tard, la bonne façon de faire, prônée par Club Alpin, restera - pour l'excursionnisme alpin et pour l'ascensionnisme modéré - de marcher sous la conduite de Guides, qui étaient censés connaître (par tradition souvent familiale) la montagne, les techniques et les dangers.

Le prix des prestations

 Le prix élevé des prestations guidées ne favorisera pas une pratique populaire de l'alpinisme, qui restera une activité élitiste, avant le développement de l'autonomie.

L'APPARITION DE L'ALPINISME AUTONOME

Les deux savoyards, auteurs de la première ascension du Mont Blanc, en 1786, Paccard et Balmat, comptent parmi les premiers audacieux agissant en autonomie.

Ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle que l'alpinisme autonome apparaît en France, d'abord avec les Puiseux père et fils, qui sont parmi les fondateurs du Club Alpin Français en 1874, et à l'orée du XXe siècle, en 1908, avec le Groupe des Rochassiers, créé par les anciens des Caravanes scolaires de la Section de Paris du Club Alpin, dont Jacques Wehrlin, puis les frères Lépiney (voir le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914).

Mais le Club Alpin mettra encore un bon moment pour encourager l'alpinisme sans guide, et développer l'enseignement alpin (1922).

Un « brevet d'alpinisme » est institué en 1904 et le premier « Manuel d'alpinisme » est publié en 1904, de bien modestes contributions.

Un début d'information alpine

Les éléments de documentation sont rares au XIXe siècle, en dehors des quelques descriptions figurant dans les bulletins des associations.

Il est évident que sans renseignements, pas d'émancipation possible ; les Guides conservaient précieusement leurs expériences qui ne s'échangeaient qu'entre initiés. Il fallait donc développer l'information alpine.

En 1863, John Ball publie un guide itinéraire « Guide to the western Alps », le premier guide-itinéraires suffisamment précis et élaboré des Alpes occidentales.

À la fin du XIXe siècle, les seules documentations accessibles sont :

<  Un premier petit guide-itinéraires pour les alpinistes, « Zermatt Pocket-Book », édité à Londres en 1881 par Martin Conway, avec la collaboration de W. A. B. Coolidge.
<  Un premier ouvrage plus complet et vraiment précurseur, le « guide-itinéraires du Haut Dauphiné », par W. A. B. Coolidge, Henry Duhamel et Félix Perrin, aux Éditions Joanne en 1887 et 1890, éditions anglaise 1892 et 1905, allemande en 1913 et italienne en 1917.
<  La série des « Climbers' Guides, éditée à Londres, date de 1891.
<  Le « guide-itinéraires de la chaîne du Mont Blanc », par le Suisse Louis Kurz (1854-1942), publié en 1892, augmenté en 1914 aux Éditions Payot. Une troisième édition revue et mise à jour par Marcel Kurz (1887-1957) paraîtra en 1927, puis une quatrième édition refondue en 1935.
<  Le « Mont Blanc führer », de 1913, guide-itinéraires en langue allemande, traduit en français par des membres du GHM en 1922...
<  Des « guides-itinéraires pour l'alpiniste » commenceront à être proposés par Émile Gaillard, en 1912 aux Éditions Dardel. Malgré des insuffisances, ces documents pouvaient venir en aide à ceux qui recherchaient l'autonomie…

1904 - Un manuel d'alpinisme

Demandé dès 1900, au cours du Congrès international, un ouvrage portant sur les notions et règles nécessaires à la pratique de la montagne est proposé par Maurice Paillon (1855-1938) en 1904 : Le Manuel d'Alpinisme, éditeur Lucien Laveur, recevra le patronage de Club Alpin. Il comprend une partie scientifique écrite par les érudits de l'association et une section technique proposant les bonnes façons de faire, rédigées par différents montagnards expérimentés.

Au sujet de l'alpinisme autonome le manuel est explicite et prudent :

« Cette question, qui a donné lieu à des discussions passionnées, nous semble aujourd'hui résolue par l'usage. Les courses sans guide se multiplient de plus en plus, Il est donc utile de faire ressortir leurs risques particuliers et disons-le aussi, leurs avantages. Mais prévenons de suite le novice qu'elles doivent être entourées de telles garanties de science alpine et d'expérience, qu'elles ne doivent être abordées que par des touristes possédant les qualités morales et physiques et ayant acquis par l'entrainement une connaissance complète de la technique alpine. Dans la haute montagne, les courses sans guide doivent donc être l'apanage du nombre encore minime des amateurs qui valent des professionnels ».

Par soucis d'élégance, ce manuel de propagande de l'alpinisme ne recevra qu'un faible éclairage dans la revue La Montagne, car conduite par le même Maurice Paillon, rédacteur en chef. Autre temps, autres mœurs…

En 1908, le Groupe des Rochassiers

Déjà en 1908, peut-être 1906, quelques grimpeurs du Club Alpin Français fréquentent régulièrement les massifs de rochers de Fontainebleau, dans le but de s'initier et de s'entraîner à l'escalade : « le Groupe des Rochassiers », structure informelle fondée par les anciens des Caravanes scolaires de la Section de Paris.

Rapidement des projets se concrétisent, des cordées autonomes se constitueront, pour les vacances de l'été dans les Alpes… Et dès 1910 de nombreuses courses sont entreprises en autarcie.

Issu des Caravanes scolaires, le Groupe des Rochassiers sera le lien fort qui conduira plus tard en 1919, à la création du Groupe de Haute Montagne (voir le dossier du CND : Le Club Alpin Français de 1874 à 1914).

1910 - Les principales avancées techniques viendront des Alpes orientales.

Elles seront liées aux grandes ascensions des parois calcaires des Alpes orientale (voir le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914).

Pouvoir estimer la difficulté objective rencontrée dans un passage d'escalade, puis évaluer la globalité d'une ascension, furent des informations rapidement souhaitées par les grimpeurs et les alpinistes à la recherche d'une autonomie dès la fin du XIXe siècle.

Le besoin de connaître une estimation des obstacles que l'on va rencontrer dans un parcours viendra intimement s'ajouter aux descriptions des itinéraires qui commenceront à être proposées.

En falaise :

Déjà avant 1914, les audaces de certains étaient soulignées, par des escalades impressionnantes en falaise, d'abord dans les deux premiers sites précurseurs en Angleterre et en Allemagne, au bord de l'Elbe.

Mais comment en rendre compte précisément ?

En montagne :

Déjà avant 1914, les initiatives de certains étaient remarquées en montagne, par des ascensions remarquables.

Les progrès les plus importants dans l'escalade rocheuse viendront des grimpeurs des Alpes orientales, confrontés aux raides parois calcaires, beaucoup plus exposées que les granites des Alpes occidentales.

Les exploits des précurseurs, sans moyens de sécurité, les Georg Winkler, Sepp Innerkofler, et autres Ludwig Purtscheller, nous étonnent encore aujourd'hui…

Mais, là encore, comment objectivement en rendre compte ?

En 1911, Hans Fiechtl, l'inventeur des crochets de muraille modernes - aujourd'hui les pitons -, est le premier à les utiliser comme moyen de progression.
Avec H. Hotter, ils gravissent l'arête est-nord-est du Feldkopf sur la Zsigmondyspitze, dans les Alpes orientales, des passages présentant des difficultés sérieuses d'escalade artificielle (A2).

Particulièrement critiqué pour son emploi systématique des pitons de progression, « la crucifixion des parois », il est traité par le Trentin Tita Piaz, l'un des artisans de la polémique sur les moyens de l'escalade, de « gangster du rocher, de jongleur des passages défendus ».

C'est à ce moment-là, avec l'utilisation des pitons que les notions d'escalade libre et d'escalade mixte et artificielle commenceront à être évoquées.

Paul Preuss

En 1911, Paul Preuss à la recherche de la perfection, réussit l'ascension de la face est du Campanile Basso, dans les Dolomites occidentales, seul, sans piton, sans corde et redescend par le même itinéraire sans l'aide de la corde.

En cette année 1911, paraît dans le titre Deutscher Alpenzeitung, sous sa plume, l'article clé concernant les moyens de l'escalade. C'est le début de l'immense polémique sur l'utilisation de moyens artificiels en escalade :

« De même que l'alpinisme diffère de l'art de grimper, la solution d'un problème d'escalade peut être, du point de vue de l'alpinisme, dépourvue d'intérêt ; le respect du style, qu'il s'agisse d'alpinisme ou d'escalade pure, devrait être la règle formelle pour chaque grimpeur ».

Le piton, la corde, la descente à la corde, rien ne résistera à la critique de Preuss, c'est le rejet de tout moyen artificiel.

Mais le prophète ne pourra être suivi, car l'exigence était trop élevée...

Une évolution sensible

Pour le Club Alpin, nous sommes bien en pleine évolution vers cette conception « aventureuse et gratuite », concernant une activité « sans règlement et sans arbitre, fondée sur une éthique non écrite et fluctuante ».

Mais pour une petite partie seulement de ses adhérents, et sans l'appui suffisant des instances dirigeantes.

1912 - Notre organisation n'était pas prête

Au sein du club, les avis sont très partagés concernant les différentes conceptions de l'alpinisme.

Le rapport annuel de l'Assemblée générale du Club Alpin de 1908 indique encore sous la plume de son rapporteur :

« quant aux escalades scabreuses qui n'ont pour excuse ni la curiosité scientifique, ni l'ivresse d'une première conquête, il me semble que le moraliste ne peut que les condamner ».

En 1910, Jean Escarra en présentant le rapport annuel de l'Assemblée générale rappelle la ligne politique :

« À la montagne nous demandons beaucoup plus, n'y cherchant l'aguerrissement du corps que pour atteindre à l'exaltation des facultés de l'esprit ».

Au passage, il égratigne ce qui s'écarte du correctement difficile : « la poursuite obsédante de la quintessence des casse-cou ».

La séduction des moyens

Le débat apparaît avec le projet d'un cours ou école d'alpinisme qui prendrait la forme de conférences, de publications et de démonstrations, pour aller vers une certaine émancipation des ascensionnistes.
Une éducation technique et théorique est proposée sur le modèle du Club Alpin Suisse, qui l'a adopté dès 1901, pour lutter contre les accidents et ainsi rendre les alpinistes responsables, c'est-à-dire moins dépendant de leurs Guides…

Mais en 1912, le Club Alpin ne s'est pas encore résolu à promouvoir un enseignement alpin, car des objections persistent :

« On verra une tendance du club à favoriser les courses sans Guide et celles-ci ont une mauvaise presse ».

D'autres avis sont diamétralement opposés : 

« Le CAF ne remplit pas son devoir, poussant les gens aux ascensions, puis les abandonnant à eux-mêmes ».

En fait, ce sont les réticences envers un alpinisme sportif et un alpinisme émancipé qui apparaissent dans certains avis :

« La jeunesse d'aujourd'hui, orientée vers le sport, oublie la noblesse du but pour la séduction des moyens. Le CAF ne doit pas favoriser cette tendance ».

Le Club Alpin est déjà une grosse machine, que l'on ne peut pas bouger si facilement, au sein du Comité directeur il y aura de tout temps des réactions devant les initiatives novatrices, il y aura de tout temps des traditionalistes pour contester les évolutions.

La controverse concernant l'éducation alpine, l'alpinisme sportif et autonome - sans guide - est l'une des plus emblématiques, que l'association aura rencontrée.

En 1912, le CAF compte près de 7 500 membres...

Les différentes orientations

L'étude approfondie d'Olivier Hoibian : Les Alpinistes en France 1870-1950, éditeur l'Harmattan, montre bien les différentes orientations qui sont à remarquer, dans les premières années du XXe siècle :

-  les excursionnistes alpins à légitimité scientifique ou culturelle.
-  les alpinistes prônant une activité modérée « sans prétention ».
-  les alpinistes sportifs et élitistes à la recherche des « conceptions aventureuses ».

À ces courants, il faut évidemment ajouter les nombreux skieurs, qui après la neige se tournent - ou pas - vers l'alpinisme ou vers l'excursionnisme...

1913 - L'éducation alpine encore

La Section de la Côte-d'Or et du Morvan insiste encore en faveur d'une formation et exprime le vœu « que le Club étudie et applique les moyens les plus propres à faire connaître à encourager par la plume, par la parole et par l'exemple le plus naturel et le plus complet de tous les sports ».
La Section des Alpes-Maritimes souligne « Si depuis quelques années les ascensions sans guide se sont multipliées, c'est parce que cela répond à un besoin » et aussi « nous pouvons faire plus et mieux, en organisant des cours pratiques de grimpades ».
Un article de G. Héluin rendant compte d'un référendum (34 participants) sur l'organisation de l'enseignement de la technique alpine est proposé dans La Montagne de 1914.
La Commission de technique alpine fera diversion, en proposant une démonstration en montagne, avec des Guides...

Mais bientôt tout sera mis de coté, face à la tourmente qui s'approche.

Un début d'évolution

Un article de Jacques Wehrlin, « À l'entraînement », évoque, pour la première fois, l'escalade des blocs de la forêt de Fontainebleau dans La Montagne de 1914. C'était d'abord un but de préparation pour la montagne :

« Car l'hiver les muscles s'engourdissent, la résistance diminue, les mouvements perdent leur précision ».

Malgré les réserves appuyées des traditionalistes, pour les initiatives du Groupe des Rochassiers, c'est un début d'évolution vers une démarche sportive et autonome qui s'annonce, malheureusement interrompue par la catastrophe à venir.

Après la Grande Guerre, la jeunesse que l'âge avait préservée

La jeunesse, celle qui a pu revenir sans séquelles de l'enfer, ou que l'âge avait préservée, va reprendre son engagement vers de nouvelles façons de faire en montagne, avec beaucoup plus de dynamisme que l'ensemble des populations épuisées par ces cinq années de conflit.
Le Club Alpin, dans son rôle historique de fédérateur des institutions de montagne, va être confronté aux évolutions suggérées par ses éléments les plus progressistes ; les tenants d'un alpinisme sportif, d'un alpinisme sans Guide et autonome ; les adeptes d'une conception « aventureuse et sportive ». Confronté aussi aux orientations prônées par les partisans du ski de montagne et de compétition.

Un club qui doit composer avec ces avant-gardes, mais aussi avec toutes les réserves des tenants d'une approche modérée et traditionnelle, aux prudentes ambitions d'action.

Des mises en garde sur les dangers de la montagne sont lancées vers la jeunesse par des alpinistes notoires comme Jean Escarra et Maurice Paillon, encore sans un regard sur ce qui se révélera être essentiel : l'Enseignement alpin.
En ce qui concerne l'alpinisme, Maurice Paillon, rédacteur en chef de la revue La Montagne, déclare :

« Nous faisons un appel à tous pour qu'on pratique un plus lent apprentissage... avec tous les principes d'une technique précise et... avec des Guides ».

Après la Grande Guerre, les ascensions réalisées entre alpinistes expérimentés se multiplient, la formation des nouveaux venus se fait principalement par compagnonnage.

 

1919 - LE GROUPE DE HAUTE MONTAGNE

En 1919, un Groupe de Haute Montagne se constitue au sein du Club Alpin, il réunit les meilleurs alpinistes du moment. Comme l'association mère, la nouvelle structure est ouverte aux alpinistes étrangers (voir le dossier du CFD : Le groupe de Haute Montagne). Le GHM va beaucoup œuvrer pour une pratique autonome de l'alpinisme.

Les proclamations et les motivations des précurseurs

La réserve nécessaire du GHM vis-à-vis de l'association mère, le Club Alpin, pour son acceptation par le plus grand nombre, obligera à quelques prudences dans les objectifs énoncés dans ses statuts, concernant l'approche de la montagne et la façon de faire, puis jusqu'en 1929 dans ses déclarations à venir.

En 1925, Jacques de Lépiney exposera longuement - mezza-voce - les motivations qui animaient les responsables du GHM naissant, dans la préface du premier guide-itinéraires Vallot consacré à la haute montagne - Les Aiguilles de Chamonix - de l'éditeur Fischbacher.

Une proclamation faite sous sa seule signature, évitant d'entraîner vers des polémiques avec la partie la plus traditionaliste du Club Alpin.

Elle peut apparaître comme un des fondements de l'association, situant l'état d'esprit de la jeune structure. Elle servira à des intentions plus affirmées après 1929.

La collecte et la diffusion de l'information

Dès sa création, le GHM est porteur d'un alpinisme d'excellence, d'un alpinisme sportif structuré et revendiqué. Mais la petite instance soutient également une réclamation concernant la collecte et la diffusion des descriptions d'itinéraires, qui vient aussi bousculer les habitudes.

Jusque-là, fidèle à sa doctrine d'une pratique modérée et d'un recours aux Guides pour être conduit en montagne, le Club Alpin n'a jamais œuvré pour la rédaction d'ouvrages servant de guides-itinéraires en montagne. Des informations permettant de trouver sa voie, de devenir autonome. La recherche de l'itinéraire restait encore confidentielle.
Il fallait donc développer l'information alpine.

La diffusion des renseignements par des chroniques et des guides-itinéraires sera un élément indispensable pour l'autonomie des ascensionnistes, venant s'ajouter aux éléments de documentation du XIXe siècle. Les publications nationales ou locales du Club Alpin, et surtout les travaux et les écrits du Groupe de Haute Montagne vont largement contribuer à étendre la connaissance des montagnes, des massifs explorés et des nouveaux itinéraires parcourus.

Dès 1925, avec son « Annuaire », sa revue « Alpinisme » et ses « Guides-itinéraires Vallot », le GHM va largement  œuvrer pour inciter les plus jeunes à explorer de nouveaux sites d'activité, et à effectuer des ascensions remarquables.

1920 - Une Commission des Guides

Mise en place, par le Club Alpin, d'une « Commission des Guides » entièrement consacrée, tant les discussions et pourparlers étaient complexes et difficiles dans chaque vallée entre les Groupements de Guides, les Sections locales et les autres Sociétés alpines.

La structure prendra, un peu plus tard et pour un temps, le nom de Commission des Guides et du secours en montagne, avant de disparaître en 1940 avec l'objet de la commission.

1922 - L'ENSEIGNEMENT ALPIN ENFIN

L'Enseignement alpin se propose de délivrer l'ensemble des informations et des techniques essentielles pour aborder la montagne, afin de rendre les ascensionnistes et les excursionnistes émancipés et responsables.

L'éducation alpine longtemps critiquée est enfin reconnue, elle « rendra la montagne accessible à tous ceux qu'elle tente ».
La Section grenobloise du Club Alpin sera la première à organiser l'éducation alpine, des conférences sont proposées avec des démonstrations pratiques.
Développer et encourager cette éducation n'est pas un simple vœu, mais une déclaration officielle du Club Alpin contenue dans son rapport annuel de 1922.

C'est un véritable basculement de la politique du Club Alpin pour une pratique émancipée. Une pédagogie mettra à la disposition de tous, les techniques, les connaissances, le savoir-faire pour devenir autonome et responsable. Ce sera, pour ceux qui en ont les capacités, la possibilité de ne plus s'en remettre à d'autres pour aller en montagne.
Des cessions présenteront l'équipement et matériel de l'alpiniste, l'usage du piolet et des crampons, les techniques de l'escalade rocheuse, la marche de la cordée et les méthodes d'assurage encore bien archaïques.
La préparation sportive et l'indispensable entraînement physique hors saison commenceront à être suggérés.
Un livre « Entraînement sportif à l'Alpinisme » est proposé.

Désormais, l'Enseignement alpin va, au fil du temps, devenir une des principales composantes de l'institution.

Les Guides professionnels

Le Club Alpin n'oublie pas qu'il est, depuis 1904, l'organisateur et le tuteur de la profession de Guides qu'il contrôle et en fixe les règles, il en restera le délégataire des pouvoirs publics jusqu'en 1940.

Cela nécessitait de nombreux débats et mobilisait beaucoup d'énergie pour obtenir une organisation compatible avec des intérêts souvent divergents.

Mais rien encore sur un contrôle des qualités suffisantes pour exercer la profession... Rien encore sur une nécessaire formation technique, à l'adresse des futurs professionnels, pour une éducation alpine raisonnée. On continuera d'être Guide par naissance ou par cooptation jusqu'en 1936 et 1948.

En 1926, le Club Alpin améliore le fonds de garantie pour les Guides victimes d'accidents professionnels.

En 1929, un brevet de Guide-skieur vient compléter le règlement des Guides et Porteurs.

DES TENDANCES CONTRADICTOIRES

À cet instant, il apparaît une ambiguïté criante entre : une pratique de la montagne encadrée par des Guides, encore prônée par le Club Alpin, et un développement de l'éducation alpine conduisant à une démarche émancipée, et la volonté d'aller vers le plus grand nombre.

Le Club Alpin devra composer avec ces tendances contradictoires - être ou ne pas être dépendant des Guides pour aller en montagne - entre lesquelles l'instance se gardera bien de faire un choix… et sera contrainte de faire le grand écart entre ces modèles de façon de faire.

- En haute montagne :

<  continuer de prôner l'ascensionniste avec l'encadrement de Guides alpins, en gardant ainsi la main sur cette profession que le club contrôle depuis 1904,
<  ou bien encourager une pratique autonome en développant l'enseignement alpin, en publiant les descriptions utiles sur les itinéraires et les approches, en situant les difficultés rencontrées et en créant des manuels de formation.

- En moyenne montagne :

<  perpétuer les recours aux accompagnateurs locaux pour s'avancer sur les sentiers,
<  ou bien, favoriser une certaine autonomie en développant le balisage des sentiers, en publiant les renseignements utiles et en organisant des sorties collectives encadrées qui permettront ensuite aux adhérents d'aller vers la montagne plus facilement et plus librement.

En 1923, la recherche d'une évaluation des difficultés

Des réclamations et des demandes, pour obtenir des descriptions et des évaluations précises des ascensions, figurent dans la revue du Club Alpin La Montagne : « cela rendrait de grands services, particulièrement aux sans guides ».

Dans les relations des itinéraires qui commencent à être publiées, il apparaissait un embarras certain pour situer la difficulté d'un itinéraire ou d'un passage d'escalade.

Les évaluations se font par diverses formules : difficulté suprême, supérieure, extrême, considérable, importante, appréciable, fatigante, sérieuse, insignifiante, etc. totalement approximatives et ambigües.

Les premiers guides Vallot-Fischbacher de 1925 à 1937 auront recours à ces formulations qui ne pourront que provoquer perplexités et embarras.

La description des itinéraires et l'évaluation des difficultés seront les deux éléments principaux qui permettront l'essor de l'alpinisme sportif et autonome.

Et déjà des propositions sont suggérées, pour instaurer une échelle de difficultés, destinée à obtenir une classification des ascensions, soutenue par une comparaison avec des itinéraires connus de référence. 

Le Groupe de Haute Montagne va largement œuvrer à développer l'information alpine et va chercher à aller vers une clarification.

1924 - Une échelle des difficultés de l'escalade rocheuse

En 1924, dans les Alpes orientales, Willy Welzenbach propose une évaluation des difficultés d'un passage d'escalade rocheuse, par une échelle en six degrés. En s'inspirant des notations pédagogiques germaniques en cinq degrés, avec un sixième degré représentant la limite des possibilités humaines.

C'est cette graduation, basée sur la comparaison avec des passages d'escalade rocheuse de référence, qui sera dorénavant utilisée pour évaluer les difficultés d'un obstacle rocheux à franchir dans les Alpes orientales.

Les articles de Dominico Rudatis, dans la revue Alpinismo (1929) et dans l'Annuaire du Club Alpin Académique Italien (1927-1931), viendront soutenir cette proposition.

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1925 - LES GUIDES VALLOT

Dans les années 1920, Charles Vallot (1884-1953) imagine de publier une encyclopédie, élaborée sous une direction unique, consacrée à la partie française du massif du Mont-Blanc, chez l'éditeur Fischbacher, sous le nom générique de guides Vallot.

Une description précise, fidèle et complète de ces montagnes « dans quelque ordre d'idées que ce soit géographique humain, historique, littéraire ».

On sait que ce sont Charles Vallot, Joseph Vallot (1854-1925) et Jacques de Lépiney (1896-1941) qui jetèrent les fondations de l'ambitieux ouvrage de connaissance générale.

L'œuvre comprend une « Description générale » savante du massif du Mont-Blanc rédigée par des auteurs qualifiés, une « Description de la moyenne montagne » par Charles Vallot et une « Description de la haute montagne » à l'usage des alpinistes, rédigée par des membres du Groupe de Haute Montagne (voir le dossier du CFD : Les guides-itinéraires alpinisme, et aussi : Les guides Vallot publiés par l'éditeur Fischbacher, de 1924 à 1946 - Cimes 2007).

Des guides-itinéraires Vallot pour l'alpinisme

La « Description de la haute montagne » s'adressait principalement aux alpinistes. Ces guides-itinéraires Vallot seront le travail collectif du Groupe de Haute Montagne et ne resteront pas confinés à la partie française du massif, mais s'étendront au-delà de la frontière en couvrant également les versants italien et suisse.

L'ambition était de rédiger un recueil, d'après les sources les plus authentiques, réunissant l'ensemble des itinéraires de haute montagne.

Un travail majeur, tous les auteurs comptent parmi les meilleurs et les plus actifs alpinistes français de ces années vingt et trente, et c'est une des fiertés du GHM d'avoir pu mener à bien cet éminent travail de 1925 à 1946.

Au final, sept petits guides verront le jour... Chaque itinéraire est présenté avec son historique, mais ce qui fait la grande originalité de ces ouvrages sera la publication des notes provenant de l'expérience directe des auteurs, ou de textes de première main établis par des camarades du GHM.

L'information alpine

Partant de sources incontestables, la collecte et la diffusion des renseignements sur les itinéraires de montagne seront les éléments indispensables au développement émancipé de l'alpinisme. Des collectes et des informations que le Groupe de Haute Montagne cherchera à développer.

Une « chronique alpine », publiée dans les périodiques, est le premier maillon d'une chaîne d'indications signalant succinctement une ascension, un itinéraire... Viendra ensuite la « description précise » des itinéraires dans ces mêmes éditions, avec le compte rendu des auteurs et l'avis éventuel des répétiteurs, pour aboutir au « guide-itinéraires » exhaustif, réunissant les différentes connaissances consacrées à un massif ou à une chaîne de montagnes.

Ces manuels complets - accessibles à tous - seront les éléments de base de l'information alpine jusqu'en 1945.

Les cours de technique alpine

En 1925, le Groupe de Haute Montagne se voit confier par le Club Alpin le soin d'organiser des cours de technique alpine. Ceux-ci font l'objet de deux séries de cinq conférences portant sur la technique du rocher et de la corde, les grandes courses, la technique de la glace et le bivouac, l'alimentation et l'alpinisme hivernal.

Les écoles d'escalade

L'escalade dans les sites-écoles se développe. Les Calanques de Marseille explorées dès 1900 et les rochers de Fontainebleau sont les plus connus de ces sites. D'autres massifs sont fréquentés comme les Dentelles de Montmirail et les falaises du dijonnais.
Ces écoles servent à l'exercice de l'escalade en vue d'aborder l'alpinisme. 
Les espadrilles et les cordes, pour les falaises, sont indispensables.

1932 - L'AUTONOMIE EN MONTAGNE

C'est vers 1932 que les instances dirigeantes du Club Alpin - avec la présidence de Jean Escarra - prendront définitivement en compte les valeurs contenues dans la recherche de l'autonomie en montagne, qui aux yeux de beaucoup d'alpinistes représentait la valeur de leur engagement.

Ces alpinistes prolongeaient ainsi la proclamation d'Emil Zsigmondy :

« Une ascension n'a de sens, de valeur que si le grimpeur la réalise par ses propres moyens… Rien ne doit venir s'interposer entre l'ascensionniste et la montagne… Le but ultime du jeu est de devenir autonome et responsable ».

Le Club Alpin se rapproche ainsi en partie de la position sportive du GHM qui depuis sa création en 1919 mettait en valeur l'alpinisme sans guide…

Si la marche dans les pas du Guide continue à être préconisée pour ceux qui n'ont pas, qui n'ont plus, les moyens physiques, techniques ou psychologiques, l'autonomie est maintenant une valeur reconnue.

En contrepartie, l'instance va beaucoup insister sur la sécurité.

Les révélateurs des nouveaux matériels

Jusque-là, l'utilisation des nouveaux matériels, facilitant beaucoup les ascensions, était restée dans la confidence des initiés.

En 1932, un article d'Alain Leray est publié dans La Montagne. L'auteur présente pour la première fois en France une information sur l'utilisation des pitons et des mousquetons en escalade.

La possibilité d'équiper les itinéraires rocheux et les relais, avec des ancrages artificiels, va considérablement améliorer la sécurité de la cordée, préalablement soumise aux incertitudes liées à la rencontre ou pas d'un ancrage naturel ou d'un relief favorable.

En 1933, Raymond Gaché toujours dans La Montagne note :

« Ce fut d'abord l'invention des crampons, qui sont devenus aussi indispensables que le piolet ou la corde. En ce moment nous assistons à l'introduction en France des méthodes dolomitiques avec leur arsenal d'étriers, de pitons à rocher et à glace, de mousquetons, de marteaux ».

Le Manuel suisse « l'Alpinisme » d'E. Brodbeck de 1933 et le « Manuel d'Alpinisme du Club Alpin » de 1934, dévoileront largement ces matériels, utilisés discrètement dès 1870, plus largement dès 1910, dans le Alpes orientales, dans les Alpes occidentales dès 1885.

1934 - Le Manuel d'alpinisme du Club Alpin

En 1934, le Club Alpin Français publie, avec la collaboration du Groupe de Haute Montagne, un « Manuel d'alpinisme », éditeur Librairie Dardel.

Deux parties en deux tomes constituent l'ouvrage. Une partie scientifique rédigée par des auteurs les plus avertis et une partie technique écrite par des membres du GHM.

Sont présentés les pitons, les mousquetons désormais d'usage courant, les différentes techniques de rappel et les crampons avec ou sans pointes avant.

<  Les pitons qui ont permis depuis quelques années la réalisation d'escalades rocheuses estimées impossibles auparavant, sont décrits et mis en avant. Avec les réserves de Louis Neltner qui signalera que « l'objet des pitons est d'accroître les possibilités des meilleurs et non pas de faciliter les courses réalisables sans leur aide ».

<  Concernant la technique de la descente à l'aide de la corde, le rappel en S est mis en avant, il apporte une bonne sécurité et sera d'utilisation générale jusqu'aux années 1975. Le rappel en S, développé par Hans Dulfer avant 1914, la « dülfersitz », venait remplacer la « kletterschluss » et les autres méthodes très dangereuses dans leurs utilisations. 

<  Les crampons, avec deux pointes avant, inventés en 1929, y sont proposés sans beaucoup enthousiasme. Ils vont pourtant bouleverser la technique de l'escalade glaciaire… Sauf en France comme nous l'avons indiqué dans nos différents dossiers (voir le dossier du CFD : Le matériel de l'alpiniste).

1935 - Une double échelle des difficultés

En 1935, Lucien Devies propose un double système de cotation de l'ensemble des difficultés d'un itinéraire rocheux, basé sur des comparaisons avec des ascensions de référence et applicable dans nos Alpes occidentales.

Une première échelle informe sur des différents obstacles à gravir en six degrés d'un itinéraire, elle est directement inspirée du système Welzenbach, c'est l'évaluation d'un passage d'escalade.

Une seconde échelle apprécie l'ensemble d'une ascension en six degrés également, c'est l'estimation globale d'un itinéraire, allant du "facile" à "l'extrêmement difficile" en six degrés également (voir le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme 1919-1939).

La nouvelle proposition réclamait de bien différencier, ce qui appartient à l'escalade libre, de ce qui ressort de l'escalade artificielle.

Son article « Propositions pour une graduation des difficultés dans les Alpes occidentales » paru dans la revue Alpinisme de 1935 est tout à fait pertinent et remarquable.

Une façon de « passer du vague au défini »... Aussitôt une belle polémique, animée par Etienne Bruhl, va enflammer le milieu alpin pendant quelque temps (lire les articles de La Montagne 1935 et 1936).

Lucien Devies, par des échanges épistolaires réguliers et rigoureux, chercha à stabiliser le système d'évaluation des difficultés de l'escalade, de 1935 et jusqu'en 1978. Son influence, comme corédacteur des principaux guides-itinéraires de montagnes de France, a été déterminante pour installer le système d'évaluation des difficultés de l'escalade rocheuse.

Il réussira à affermir le système, en établissant une série d'escalades de référence, acceptées par différents sachants - Guides et élite. 

Un peu plus tard, une évaluation de la difficulté de l'escalade artificielle en quatre degrés (A1 à A4) est proposée.

  • Le tri - déjà suggéré avant 1914 - commence à être fait entre escalade libre, mixte et artificielle. Mais il faudra encore longtemps pour une vraie prise de conscience des alpinistes et des grimpeurs, et une imprécision perdurera avec le recours à une forme mixte de progression pas toujours formulée.

1936 - VERS LA FORMATION DES GUIDES

En été 1936, première formation des Guides de la Compagnie de Chamonix à l'initiative d'Armand Charlet et Roger Frison-Roche.

Jusque-là, aucune réglementation légale ne venait contrôler la profession de Guide de montagne, qui était seulement organisée et réglementée par le Club Alpin, l'organisateur et le tuteur de la profession de Guide qu'il contrôle et dont il fixe les règles depuis 1904, en entente avec la Société des Touristes du Dauphiné dans son secteur d'activité, mais rien sur un examen des qualités requises pour exercer la profession, rien encore sur un nécessaire enseignement alpin. On devenait encore Guide par naissance ou par cooptation, avec les invraisemblables rentes de situation qui en découlaient.

Une pratique populaire

À cette époque, les loisirs en montagne étaient réservés à un milieu très restreint, disposant de temps libres et des moyens de vie appropriés, si l'on excepte les riverains des montagnes.
Le repos hebdomadaire du dimanche ne date que de 1906...

Les loisirs populaires viendront avec l'instauration des congés annuels en 1936, les pouvoirs publics voulaient encourager, pour tous, le ski et les sports de montagne, et rendre possible le développement des activités de pleine nature en montagne.

Mais, il n'existait que peu de moyens d'hébergement adaptés dans les vallées, hormis en altitude, les refuges du Club Alpin, ceux de la Société des Touristes du Dauphiné, les chalets et les hébergements du Touring Club de France, et les accueils hôteliers des stations.

C'est le camping - en développement depuis les années mil neuf cent trente - qui va offrir un accès plus facile, moins élitiste vers les montagnes, il va permettre à beaucoup d'aller en montagne.

Les années d'occupation

Durant le régime de Vichy et l'occupation du territoire national, sur les bases d'une Charte des sports, une fédération sportive devra encadrer les activités pratiquées en montagne.

La Fédération Française de la Montagne est créée le 8 avril 1942. On lira les différentes péripéties qui interviendront pendant la guerre de 39-45, dans le dossier : Le Club Alpin Français de 1941 à 1974.

Elle devient l'interlocutrice des pouvoirs publics, pour ce qui intéresse les activités sportives en montagne. Avec un Club Alpin contraint d'intégrer la nouvelle institution.

Une organisation qui sera maintenue après la guerre et un Club Alpin très fortement majoritaire dans la nouvelle structure.

Une ambiguïté criante sera observable en ce qui concerne le Club Alpin, avec certaines de ses orientations beaucoup plus généralistes - plus étendues que sportives -, et avec ses activités liées au ski, sortant du domaine de la nouvelle organisation.

1943 - LA QUALIFICATION DES GUIDES

Jusque-là, comme déjà dit, aucune réglementation légale ne venait contrôler la profession de Guide de montagne, qui était seulement structurée par le Club Alpin, à côté du particularisme du Syndicat des Guides de Chamonix.
La loi de 1943 vient combler cette lacune : nul ne peut servir de Guide, sans être titulaire d'une autorisation des Commissariats aux sports et au tourisme.
Une réglementation s'inspirant des textes mis en place par le Club Alpin, qui avait su organiser et gérer cette profession, depuis 1904, en entente avec la Société des Touristes du Dauphiné dans son secteur d'activité, et jusqu'à la guerre de 1939-1940.

Un stage de formation sera désormais nécessaire pour accéder à la profession.

Mais l'application devra encore être aménagée et discutée.

La création de l'École nationale d'Alpinisme

Une École nationale d'Alpinisme voit le jour en 1943 à La Grave, sous la direction technique d'Édouard Frendo, et Armand Charlet en est le moniteur-chef.
Elle est chargée d'organiser et de valider les stages de formation de plusieurs semaines, nécessaire pour obtenir le diplôme de Guide.
Elle aura les mêmes services administratifs que ceux de l'École supérieure de Ski, située à l'Alpe d'Huez, et qui prendra le relais en hiver.

La création de l'École nationale de Ski

Longtemps souhaitée par la Fédération Française de Ski, une structure avait été fondée en 1937, pour former les moniteurs de ski, et unifier les méthodes et les techniques du ski, elle sera vite supprimée par Vichy.
En 1943, une nouvelle organisation est mise en place, avec l'École nationale de ski qui s'installera à l'Alpe d'Huez en hiver. Un stage de formation est nécessaire pour enseigner le ski.

Un manuel d'alpinisme suranné.

En 1943, un nouveau manuel est proposé « La Technique de l'Alpinisme », par Édouard Frendo et Marcel Pourchier, il paraît chez l'éditeur Arthaud sous le parrainage de la FFM, pour faire « connaître les méthodes de la technique la plus moderne » à tous ces jeunes, que l'on veut « entraîner en montagne ».

Les rédacteurs du manuel rapidement suranné « estiment qu'il est préférable de bien connaître dans chaque cas un mouvement simple plutôt que d'en connaître plusieurs, mais mal ».

Avec la publication de « L'Art de l'Alpinisme » en 1956, Pierre Allain mettra en cause cette pédagogie réductrice.

La graduation-type des difficultés d'escalade rocheuse

En 1943, le GHM réunit une commission comprenant les compétences du moment : Allain, Charlet, Devies, Frendo, Jonquière, Laloue, pour définir des exemples de graduation-type de passages d'escalade rocheuse, et des exemples d'évaluation globale d'une ascension.

Une mise au point, publiée par Lucien Devies, accompagne les travaux de l'instance.

Le fameux VI sup des Dolomites, qui indiquait : soit une escalade libre difficile, soit une escalade mixte et artificielle technique, soit encore un passage exposé et peu sécurisé, a vécu.

1945 - Dans l'agitation qui va suivre la libération

En 1945, la Charte des sports du régime de Vichy est abolie, un nouveau statut est donné aux sports français, aux activités de plein air et au tourisme, mais l'organisation des activités par des fédérations est maintenue, dont la « Fédération Française de la Montagne ».

L'adhésion collective des membres du Club Alpin imposée par Vichy est conservée, afin d'assurer la viabilité et la représentativité de la structure fédérale.

C'est la FFM qui conduira les futures initiatives et les activités liées aux sports de montagne, en accord avec le Club Alpin, acteur très majoritaire dans la structure, hégémonique même, au regard du nombre de ses licenciés.

Les années de l'immédiat après-guerre

Dès 1945 et les années de l'immédiat après-guerre, malgré les privations de toutes sortes, un engouement populaire exceptionnel viendra soutenir un formidable mouvement d'intérêt pour la montagne.

Mais en dehors des congés annuels, limités souvent à deux semaines, l'accès aux montagnes restera encore réservé à la catégorie aisée de la population.

Seules les Sections du Club Alpin proches des zones alpines pouvaient organiser des sorties régulières de fin de semaine en montagne, c'est-à-dire le dimanche.
Pour les Parisiens, les vallons et forêts de l'Île-de-France permettaient de s'échapper. Avec des réductions significatives, obtenues par les associations, sur les prix des déplacements de fin de semaine par le train. Les gares, desservant les rochers d'escalade et les sentiers de randonnée de la forêt de Fontainebleau, connaissaient une forte fréquentation, essentiellement pour les sorties du dimanche, la semaine anglaise ne viendra qu'un peu plus tard.
Les Lyonnais, les Grenoblois et les Niçois avaient les Préalpes et les Alpes relativement proches, les Marseillais avaient les collines provençales et les Calanques, enfin ceux de Bordeaux pouvaient regarder vers les Pyrénées.
Le train était le moyen essentiel d'approche.
Et dès les années mil neuf cent cinquante, c'est la voiture qui va permettre de gagner une plus grande liberté. Ensuite, les fins de semaine de deux jours viendront offrir aux fendus parisiens, lyonnais et autres marseillais des performances automobiles nocturnes étonnantes, surtout en hiver, pour gagner les montagnes, sur un réseau routier encore archaïque...

1945 - L'UNION NATIONALE DES CENTRES DE MONTAGNE  - UNCM

Afin de promouvoir les activités de montagne pour la jeunesse, l'« Union Nationale des Centres de Montagne » (UNCM) est fondée en 1945.

Elle est administrée par l'État, les collectivités territoriales et les grands mouvements de jeunesse et d'éducation populaire. Elle permettra à un très grand nombre d'approcher les montagnes.

Une organisation qui pourra proposer une formation pour les Chefs de cordée, et procurer une autonomie aux pratiquants, dans le cadre des clubs.

Une initiation pour les aspirants montagnards, skieurs et alpinistes.

La formation des moniteurs bénévoles

En 1945, en complément des enseignements professionnels, et principalement mise en application par la Section de Paris du Club Alpin, une formation de moniteur bénévole d'alpinisme est reconnue. Elle est destinée, dans un cadre associatif, à former des Chefs de cordée, et à procurer une autonomie aux stagiaires. La structuration devra encore être discutée, un long moment, pour l'obtention des brevets de compétence, qui ne seront officialisés qu'en 1959.

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Les guides-itinéraires du massif des Écrins

Dès 1931, l'élaboration d'un guide-itinéraires du massif des Écrins est dans les intentions du GHM, la première description de ces montagnes datait de 1887, avec seulement une remise à jour en langue allemande en 1913. Ce n'est qu'en 1941 que le travail effectif sera entrepris par la paire Lucien Devies-Maurice Laloue.

Dès 1946, les premiers guides-itinéraires décrivant le massif des Écrins en deux tomes sont publiés par l'éditeur Arthaud, le travail se poursuivra de 1946 à 1978.

Une œuvre exceptionnelle et majeure, les Devies et Laloue étant rejoints plus tard par François Labande (voir le dossier du CFD : Les guides-itinéraires alpinisme).

Les guides-itinéraires Vallot du massif du Mont-Blanc

Dans les années 1940, Lucien Devies (1910-1980) forme le projet d'un guide-itinéraires pour le massif du Mont-Blanc, consacré exclusivement aux ascensions et à l'alpinisme « sur la base d'une rédaction entièrement neuve et indépendante », venant remplacer les guides-itinéraires de l'éditeur Fischbacher de 1925. L'équipe de rédaction se limitera à la seule paire Lucien Devies-Pierre Henry (1900-1985), une collaboration qui va durer plus de trente années.

Les deux hommes vont entreprendre et réussir une œuvre exceptionnelle, extraordinaire et incomparable de méthode, de précision et d'intérêt pour la connaissance des montagnes du massif du Mont Blanc. Une tâche immense qu'ils pourront, durant trente années, plusieurs fois améliorer et compléter, pour arriver à la somme de connaissances acquises dans les dernières éditions.

Ces guides-itinéraires seront publiés par l'éditeur Arthaud, de 1947 à 1979.

Le titre « Guide Vallot » étant conservé par fidélité et hommage aux prédécesseurs.

En 1979, Gino Buscaini saura se fondre dans l'œuvre des deux amis pour la rédaction d'un dernier tome (voir le dossier du CFD : Les guides-itinéraires alpinisme).

1945-1948 - L'ENSEIGNEMENT ALPIN

Déjà en 1936, les pouvoirs publics voulurent encourager en montagne une pratique du ski et de l'alpinisme, ouverte au plus grand nombre et souhaitaient proposer une formation alpine populaire. Les années d'occupation ne permirent pas d'avancer significativement.
Dans l'immédiat après-guerre, l'enseignement alpin est organisé par la Fédération Française de la Montagne créée en 1942, reconduite à la sortie du conflit mondial, et par le Club Alpin, acteur très majoritaire dans la nouvelle instance.

C'est un changement fondamental, initié d'abord timidement dès 1922, avec la propagande du GHM pour l'alpinisme autonome, mais le modèle du recours aux Guides, pour aller en montagne, estompait encore dans les années 1930, l'indispensable formation pour l'émancipation de chacun...
C'est maintenant une nécessité et une évidence incontournables, afin de conduire vers l'autonomie des affiliés.

Les bases de la préparation seront l'école d'escalade durant l'intersaison, et les camps d'été en montagne.

La conjugaison de ces deux moyens sera le socle de l'Éducation alpine.

La volonté des autorités de tutelle, du Club Alpin et des organisations travaillistes, est de former et diplômer des moniteurs bénévoles, afin de transmettre une pédagogie vers les Clubs et les Collectivités intéressées...

Mais la Fédération Française de la Montagne se montrera un moment réticente, sur la question du brevet d'Instructeur bénévole, -  pour ne pas gêner ses pourparlers avec les professionnels -, avant de s'engager de façon décisive. Il faudra attendre 1959 pour l'officialisation des brevets de compétence

Les stages d'été sont particulièrement mis en exergue, et se révèleront de grande qualité, avec l'engagement des structures FFM, CAF et GHM.
Les camps-écoles, organisés en 1947 et en 1948, réuniront dans les Alpes et les Pyrénées, plus de cinq cents jeunes hommes et femmes, repartis en trente-cinq groupes, entourés par une centaine de moniteurs.
L'encadrement se fait avec des moniteurs bénévoles cooptés, et aussi par les Instructeurs spécialisés.
La formation de Chef de cordée, pour ceux qui ont les qualités requises, est mise en avant.
Un règlement fédéral définira les compétences du Chef de cordée, et de celles du Chef de course bénévoles.
Des stages de perfectionnement seront réservés, chaque année, dans l'établissement éducateur, aux membres affiliés à la FFM, pour la formation des futurs Chefs de cordée et des Chefs de course bénévoles.

Les formations aux métiers de la montagne

En 1945, avec l'appui de la Direction des sports au niveau de l'État, un Comité de direction de l'enseignement est chargé d'unifier les formations aux métiers de la montagne, et d'organiser l'arrivée de plusieurs sociétés travaillistes nouvellement venues aux sports de montagne, tels la FSGT, l'UNCM et l'UFOLEP.

Les différentes formations sont délivrées à l'École des Praz de Chamonix.
L'École nationale préparera les Guides et les Moniteurs de ski.
Le Collègue national consacrera les Instructeurs destinés aux collectivités.
La formation des Instructeurs de collectivités répond non seulement à la demande des sociétés travaillistes et des clubs, mais aussi à celle des organisations structurées comme l'École militaire.

Pour contourner les corporatismes, les Instructeurs de collectivités recevront le même enseignement que les Guides ou que les moniteurs de ski, mais ne pourront pas exercer auprès de la clientèle privée.

Cette organisation très byzantine devra être plusieurs fois réaménagée pour trouver le raisonnable.
En 1948, après quelques chamailleries, c'est la fusion entre les deux institutions.

L'École Nationale de Ski et d'Alpinisme (ENSA) regroupera les différentes formations, destinées aux métiers de la montagne.

À ces enseignements s'ajoutent ceux délivrés aux Instructeurs bénévoles des associations, sociétés de ski, clubs d'entreprises et organismes d'éducation populaire.

C'est la prise en compte des différents courants qui traversent le mouvement sportif de l'époque...

Pour aller en montagne

Dans ces années d'après-guerre, il y a maintenant plusieurs manières - approuvées par les structures - d'aller en montagne :

<  en autonomie, après avoir reçu une formation, pour la constitution de cordées indépendantes,
<  durant un stage, encadré par les Instructeurs ou des Guides,
<  en ayant recours à un Guide professionnel, pour ceux qui n'ont pas (ou n'ont plus) les moyens physiques ou psychologiques, pour ceux qui n'ont pas la possibilité ou la volonté de devenir ou de rester autonome, 
<  en formation avec un Guide professionnel qui accepte de transmettre le savoir faire.

Après des débats commencés avant la Grande Guerre 1914-1918, on arrive enfin à un consensus, le but de « l'Enseignement alpin » est bien de rendre les alpinistes autonomes et responsables.

1944-1948 - LA QUALIFICATION DES GUIDES

 Dès 1944, Lucien Devies s'était attaqué à la question du statut et de la formation des Guides de montagne et de haute montagne, car l'application des intentions de la loi de 1943 devait encore être précisée et aménagée.
Les travaux porteront sur la rédaction des textes réglementaires, le statut et la formation des Guides, et la transposition des brevets attribués de 1904 à 1940 par le Club Alpin.et la STD.
À l'initiative de la « Commission des Guides de la FFM », en liaison avec la Compagnie des Guides de Chamonix, un projet de réglementation de la profession est proposé à la Direction générale des sports.

Trois niveaux de compétence sont retenus : Guide de Montagne, Guide de Haute Montagne et Aspirant-Guide, avec port de l'insigne fédéral FFM.
C'est la FFM qui assurera le secrétariat de l'organisme, pour faciliter la régulation des anciens diplômes, décernés il y a quelque temps encore par le Club Alpin et la STD.

Ce n'est qu'en 1958 que l'École Nationale de Ski et d'Alpinisme prendra le relais.

Par la loi du 18 février 1948, le cadre juridique est donné au métier de Guide, seuls les titulaires d'un brevet de compétence peuvent emmener des clients en montagne contre rétribution.

Les brevets de compétence seront délivrés, après un stage de formation à l'École Nationale de Ski et d'Alpinisme.

On va désormais devenir Guide non plus par sa naissance, mais par des qualités affirmées et contrôlées, la validation des anciens diplômes va encore - pour un temps heureusement - voir perdurer quelques rentes pittoresques de situation.

Il n'était curieusement pas demandé aux Guides de savoir skier, et certains d'entre eux - peu nombreux il est vrai - n'avaient jamais chaussé de skis, il faudra attendre 1973 pour que le ski de montagne entre dans la formation des Guides.

Le Club Alpin, en son temps, comme tuteur de la profession depuis 1904, diplômait déjà des Guides-skieurs en 1929, pour l'accès à la montagne en hiver, une suggestion qui ne sera pas reprise dans les directives de 1943 et de 1948.

Une chaîne cohérente

L'enseignement alpin est maintenant constitué d'une chaîne cohérente, allant de la formation donnée aux adhérents, distribuée dans les associations et les clubs, en passant par la qualification des Instructeurs professionnels et bénévoles des collectivités, jusqu'à la formation des Guides de hautes montagne.

1947 - Le premier rassemblement international

La FFM et le Collège National d'Alpinisme des Praz accueillent à Chamonix, dans les locaux du collège, un premier rassemblement des meilleurs alpinistes étrangers et français.

Cette manifestation, voulue par les responsables de la FFM et du Club Alpin, avait pour but de souligner le dynamisme de l'alpinisme de notre pays. Cette réunion amicale sera proposée tous les quatre ans aux nations pratiquant l'alpinisme.

1949 - La technique française de cramponnage

Imposée par Armand Charlet, le meilleur glaciériste français depuis les années vingt, une méthode de cramponnage, présentée en France comme la technique française de cramponnage, enseignée par l'École Nationale de Ski et d'Alpinisme, sera fossilisée par l'article « Techniques actuelles de la neige et de la glace » d'André Contamine (1919-1985), paru dans Alpinisme de 1949.

Une simple adaptation de la méthode de cramponnage Eckenstein - dite technique des pieds à plat - avec des crampons 10 pointes de 1908, expliquée en France, dans Alpinisme de 1927, appropriée aux pentes classiques, mais beaucoup moins aux pentes plus raides, et aux progrès à venir… (voir le dossier du CFD : Le matériel de l'alpiniste).

La méthode nécessitait, dans les pentes raides, des conditions anatomiques particulières, une grande souplesse des chevilles qui permettait de conserver la technique des pieds à plat dans les pentes raides (Armand Charlet, Claude Dufourmantelle et autres).

Lire plus loin les péripéties de 1967 et 1969, et il faudra attendre les années 1970 pour que les crampons 12 pointes et la technique frontale, utilisés par les initiés depuis 1929, soient enfin proposés à tous en France.

1952 - Une préoccupation majeure

En 1952, le président du Club Alpin Georges Descourt insistera sur l'enseignement alpin qui est désormais une préoccupation majeure, pour l'initiation des jeunes aux sports de montagne.
Les nouveaux adhérents doivent trouver dans leur Section les formations indispensables pour tous les types et tous les niveaux de pratique de la montagne, ainsi qu'une sensibilisation à la nature et à la nécessité de la préserver.

1952 - L'École nationale de Ski et d'Alpinisme

L'École nationale de Ski et d'Alpinisme quitte les installations de l'École des Praz, pour l'ancien hôtel des Allobroges à Chamonix.
L'école organise et diplôme les Guides et Moniteurs de ski, et les Instructeurs professionnels et bénévoles ; elle accueillera régulièrement un rassemblement des meilleurs alpinistes étrangers et français.

Une équipe de Guides-instructeurs est formée pour encadrer les camps d'été, organisés par les Clubs affiliés à la FFM.
Des stages de formation rassemblent plus de 600 participants.

1956 - L'Art de l'alpinisme

Avec la publication de « L'Art de l'Alpinisme », Pierre Allain mettra en cause la pédagogie réductrice du manuel de 1943, et innove en accompagnant ses conseils « d'explications de nature à faire comprendre comment s'appliquent certains principes mécaniques », en ce qui concerne la gestuelle de l'escalade.

 On y trouvera la première présentation de l'effet poulie et du facteur de chute. 

C'est cette intention, « comprendre pour apprendre », qui prévaut encore aujourd'hui dans les formations proposées par le Club Alpin.

1959 - Les Initiateurs et les Instructeurs bénévoles d'alpinisme

À la demande de plusieurs clubs affiliés et des pouvoirs publics, la FFM a mis en place, au titre de l'enseignement bénévole, et agissant dans le cadre associatif, des brevets fédéraux d'Initiateur et d'Instructeur d'alpinisme, en gestation  depuis 1948. 

Mais il a fallu encore tenir compte de l'état d'esprit des Guides, extrêmement craintifs sur le sujet, en écartant « toute parité sur le plan technique pour la délivrance des brevets ».

<  Le brevet d'« Initiateur bénévole d'alpinisme » permettra de conduire une cordée, dans une caravane formée de plusieurs entités.
<  Le brevet d'« Instructeur bénévole d'alpinisme » autorisera la conduite d'une caravane.

La formation à l'autonomie est un des objectifs prioritaires pour le Club Alpin et la FFM.

1965 - L'organisation des formations

L'organisation des formations se fait :

- au niveau des Sections pour les adhérents, par des collectives d'escalade, des stages et camps d'été,

- au niveau national, par la formation des cadres Initiateurs et Instructeurs.

Ces brevets ne doivent pas « devenir des tests ou des satisfecit personnels », mais « des instruments au service d'une collectivité et non pas d'intérêts égoïstes »...

1965 - L'Union Nationale des Centres Sportifs de Plein Air

En 1965, l'« Union Nationale des Centres Sportifs de Plein Air » (UCPA) prend la succession de l'UNCM et des Groupements de sports de mer, elle propose de mieux organiser les activités de pleine nature vers la jeunesse.

Elle est administrée par l'État, les collectivités territoriales et les grands mouvements de jeunesse et d'éducation populaire.

L'UCPA « inscrit son projet humaniste, social et citoyen dans le prolongement du service public, et participe à la mise en œuvre des politiques publiques destinées à la jeunesse ». Une initiation pour les aspirants montagnards, skieurs et alpinistes.

1966 - Une échelle des difficultés de l'escalade rocheuse

En 1966, l'Assemblée générale de l'Union internationale des Associations d'Alpinisme (UIAA) avait proposé l'adoption générale du système Welzenbach de classification des difficultés en six degrés, d'un passage d'escalade rocheuse, en décidant en plus, et malheureusement, que le précepte a une limite, le VI supérieur.
C'est-à-dire qu'il est fermé, alors que depuis longtemps, pour les escalades de blocs et en falaise, une autre évaluation était utilisée qui, au-dessus du sixième degré, permettait de prendre en compte l'évolution de l'escalade.

L'utilisation de chiffres romains est préconisée, elle sera effective, dès les parutions des guides-itinéraires du massif des Écrins de 1946 et Vallot-Arthaud de 1947, et dans les ouvrages italiens. Elle le sera jusqu'en 1978.

1967-1973 - Les brevets de cadres bénévoles pour le ski

En 1967, la FFM crée un brevet de Chef de caravane bénévole de ski de haute montagne, pour l'encadrement de son enseignement alpin.

Et en 1973, elle crée un brevet de Chef de course bénévole de ski de haute montagne.

Stages et collectives en 1969

Cette année-là, le Club Alpin propose trois centres-écoles, principalement destinés à recevoir les stages d'alpinisme à la Bérarde, à Chamonix et à Bonneval-sur-Arc.

Les principaux séjours de formations sont :

-  les stages d'initiation et de perfectionnement à l'alpinisme,
-  les stages pour adolescents,
-  les stages de formation d'Initiateurs bénévoles d'alpinisme,
-  les stages de formation d'Instructeurs bénévoles d'alpinisme,
-  les circuits de randonnées et ascensions faciles, sur le thème de la connaissance du Parc de la Vanoise,
-  les circuits de randonnées et ascensions faciles, sur le thème de la connaissance du massif du Mont-Blanc.

Il est rappelé que les brevetés initiateurs et instructeurs sont bénévoles et ne doivent pas être rémunérés.
Dans les discussions entre les associations et les Guides participant à la Commission consultative des métiers de la montagne, le statut d'un brevet d'Accompagnateur de moyenne montagne commence à être proposé.

 En 1969 - La technique de la glace

Pour faire avancer les discussions, qui perduraient en France, sur la technique de cramponnage imposée par l'ENSA, la technique Eckenstein - dite technique des pieds à plat - rebaptisée curieusement technique française, Lucien Devies demanda l'avis de ses collègues autrichiens.

La réponse sera sans appel, le cramponnage frontal s'imposait dans les pentes raides (voir le dossier du CFD : Le Club Alpin Français de 1941 à 1974 / 1969 - La technique de la glace).

Le débat technique sur le cramponnage était indispensable, car il concernait directement l'enseignement alpin.

Et en 1970, les crampons 12 pointes avec 2 pointes avant, inventés par Henri Grivel dès 1929, utilisés par des grimpeurs allemands, suisses, italiens et par quelques cordées du GHM, en France depuis les années 1930, vont enfin être proposés à tous… pour les zones de forte pente.

La technique Eckenstein restant évidemment propice à enseigner en terrain classique ordinaire.

 

LA QUALIFICATION DE L'ENCADREMENT BÉNÉVOLE

Dans les années 1960, la croissance des Sections situées dans les grandes agglomérations et dans les villes moyennes des vallées alpines, amène nos instances à structurer davantage la formation des nouveaux adhérents.
Ainsi se mettront en place des cycles de formation sur toute l'année, en préparation des stages d'été en montagne. L'encadrement bénévole est souvent renforcé en faisant appel aux professionnels.

C'est à partir des années 70 qu'apparaît la nécessité de mettre en place un dispositif de qualification de l'encadrement bénévole plus approprié. Les brevets d'Initiateur et d'Instructeur sont redéfinis par la FFM et des stages de formation sont mis en place.

ÊTRE AUTONOME ET RESPONSABLE

Sous l'impulsion de Pierre de Galbert, l'accent est mis sur l'apprentissage de l'autonomie et de la responsabilité individuelle. Aussi bien dans les formations de cadres, qu'ensuite lorsque les Initiateurs supervisent les formations de base dans les clubs.

Le cadre n'est plus en position de chef de caravane ou de premier de cordée. Dès que les techniques de base sont acquises, les stagiaires doivent les mettre en œuvre, par une pratique dans laquelle ils choisissent leur course, sans toutefois chercher à brûler les étapes sur le niveau de difficulté affronté. Ils recherchent l'itinéraire et mettent en place leurs protections.

L'Initiateur a un rôle d'enseignant qui laisse aux stagiaires l'initiative dans la conduite des courses. Il conseille, corrige et éventuellement vient en aide en cas de blocage. 

Ce modèle a fait rapidement ses preuves et reste complètement d'actualité, malgré le fort engagement des cadres qu'il sous-entend.

L'ENSEIGNEMENT ALPIN EN 1976

L'enseignement des techniques appropriées pour chacune des activités proposées est maintenant une intention majeure du Club Alpin, notamment dans les disciplines comportant le plus d'incertitudes et de difficultés : l'alpinisme et le ski de montagne.

Le but est de rendre les adeptes autonomes et responsables « dans les composantes nécessaires ou utiles pour aborder la montagne : sur les plans physique et technique, mais aussi connaissance du milieu, bon sens, esprit sportif, goût de l'effort, adaptation aux éléments naturels, mesure du risque, contacts humains et vie du club ».

La « Commission Nationale de l'Enseignement Alpin » du Club Alpin regroupe les délégués régionaux. Dans le souci de favoriser les initiatives des Sections, ce sont elles qui forment leur équipe d'Instructeurs autour d'un animateur, avec souvent pour les Sections les plus modestes en effectifs, des regroupements départementaux ou régionaux.

Les stages gradués dans l'autonomie permettent aux apprentis montagnards de progresser :

<  stage d'initiation, pour les débutants.
<  stage de perfectionnement, pour la conduite d'une cordée.
<  stage de Chef de course, pour la conduite d'une caravane.
<  stage de préparation à l'encadrement.
<  stage d'initiateur, brevet fédéral pour la conduite d'activité de formation.
<  stage d'instructeur, brevet fédéral pour organiser des stages.

En 1976, 33 000 journées d'activité sont consacrées aux écoles d'escalade, 52 900 journées d'activité aux courses d'application, avec 14 650 journées d'encadrement bénévole et 3 850 d'encadrement professionnel.
Les Centres alpins du Mont Blanc, des Écrins, de Haute Tarentaise, de la Vanoise, du Valgaudemar, des Alpes-Maritimes et des Pyrénées réunissent les différents stages en montagne.
La Section de l'Isère a reçu 294 stagiaires adultes et 210 cadets, durant des séjours de formation allant d'une à deux semaines, et celle de Paris près de 200 stagiaires adultes, au cours de mêmes séjours. 
Treize stages pour l'obtention du brevet fédéral d'Initiateur d'alpinisme compteront 140 candidats et 81 seront diplômés au titre du Club Alpin et un pour les autres Sociétés adhérentes à la FFM…

1978 - L'ÉCHELLE DES DIFFICULTÉS

En 1935, Lucien Devies avait préconisé un double système de cotation des difficultés de l'escalade rocheuse, basé sur des comparaisons avec des ascensions de référence, séparant l'évaluation d'un passage d'escalade libre en six degrés, inspiré directement du système Welzenbach, proposé en 1924 dans les Alpes orientales, et l'estimation globale d'une ascension allant du « facile » à « l'extrêmement difficile » en six degrés également, en utilisant les chiffres romains.

Redisons que Lucien Devies, par des échanges épistolaires réguliers et rigoureux, chercha à stabiliser le système d'évaluations des difficultés de l'escalade, de 1935 et jusqu'en 1978. Son influence comme corédacteur des principaux guides-itinéraires des montagnes de France a été déterminante pour stabiliser le système d'appréciation.

En 1966, l'Assemblée générale de l'« Union Internationale des Associations d'Alpinisme » (UIAA) avait proposé l'adoption générale du système Welzenbach de classification des difficultés en six degrés d'un passage d'escalade rocheuse ; en décidant en plus et malheureusement, que le système avait une limite, le VI supérieur.

 C'est-à-dire qu'il était fermé, alors que depuis longtemps, pour des escalades de blocs, existait un système qui, au-dessus du sixième degré, permettait de prendre en compte l'évolution de l'escalade.

En 1978, le guide-itinéraires Vallot utilise la graduation « Fontainebleau » pour qualifier des passages d'escalade dépassant le sixième degré supérieur, dans le massif du Mont-Blanc, avec un indice alphabétique, pour indiquer des degrés supplémentaires (VIb, VIc, VId, et jusqu'à VIh pour le bloc).

Évolution dans la classification des difficultés de l'escalade rocheuse, proposée par l'UIAA

La recherche du bon curseur, avec les propositions de 1924-1935-1966 pour codifier l'escalade, ne va pas connaître l'unification souhaitée. Avec la prise en compte de l'escalade sportive et de ses progrès fulgurants, la souhaitable uniformisation internationale se révélera impossible.

En 1978, l'Assemblée générale de l'UIAA décide d'ouvrir le système Welzenbach de classification des difficultés de l'escalade rocheuse de façon linéaire, après le VI vient le VII et ainsi de suite.

Mais le système se révélera inadapté, avec une progression excessive, et restera peu employé…

Chaque zone d'influence continuera de proposer sa graduation, en Europe occidentale, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Australie.

La classification des difficultés de l'escalade rocheuse, en France

En France, afin de prendre en compte les progrès de l'escalade libre, les grimpeurs imposeront, pour la classification d'un passage d'escalade, une échelle différente, plus exigeante, l'utilisation des chiffres arabes et trois échelons intermédiaires : a, b et c pour chaque degré.

Pour la haute difficulté, c'est-à-dire au-dessus du sixième degré, le système se trouvant encore trop inflationniste, on décide d'introduire une appréciation particulière entre les échelons intermédiaires. On rencontre donc le 7a limite supérieure, autrement dit 7a+... un langage d'abord réservé aux initiés et aux usagers.

Et peu à peu cette cotation deviendra d'un usage général en France et dans certains pays voisins (voir le dossier du CFD : Un historique de l'escalade / 1978 - Équivalence des cotations).

La seconde échelle appréciant l'ensemble d'une ascension allant du « facile » à « l'extrêmement difficile » en six degrés est également corrigée, avec les progrès sportifs constatés, apparaît un degré supérieur, proposé par nos amis suisses et se voulant humoristique « ABO » pour abominable…

Une grande confusion

Une grande confusion va perdurer entre la graduation UIAA, employée principalement en Europe centrale, et celles utilisées en Europe occidentale, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Australie.
Lorsque certains indiquent un niveau VII (UIAA), il n'est seulement question que d'un obstacle de difficulté 6b en Europe occidentale. 

Plus tard, des graduations précisant les difficultés glaciaire et mixte viendront compléter l'information, et les chroniques alpines résumeront l'ensemble des difficultés dans un seul cartouche.

L'ESCALADE SPORTIVE

Dans les années 1980, on assiste à l'éclosion de l'escalade sportive. Les filières de formation des grimpeurs se distinguent progressivement de celles de l'alpinisme. La FFM définit un brevet d'Initiateur d'escalade.

Ensuite, les attentes des grimpeurs de haut niveau conduisent à la création de la Fédération Française de la Montagne et de l'Escalade (FFME) en 1987, ainsi qu'à l'élaboration des règles de la compétition de difficulté.

Le développement des Structures Artificielles d'Escalade consacre la séparation des deux disciplines et des cursus de formation qui sont proposés.

1996 - Une fédération de multiactivité et de multisports.

En 1996, le Club Alpin devient ce qu'il était déjà - de fait - depuis 1874, une fédération de multiactivité et de multisports : « La Fédération Française des Clubs Alpins » qui plus tard en 2005, après un élargissement de ses propositions, prendra le nom de « Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne ».

Une fédération qui réunit les différents clubs et associations de montagne affiliés.

1997 - Les connaissances nécessaires pour aller à l'autonomie

L'Assemblée générale annuelle de la Fédération des Clubs Alpins s'est réunie le 1ᵉʳ février 1997 à Lourdes, elle a élu un nouveau président André Croibier qui signe un premier éditorial :

« Le Club Alpin Français, dès sa création, s'est donné pour mission de promouvoir l'aventure en montagne et  [ plus tard...] d'apporter à ses adhérents toutes les connaissances nécessaires à leur autonomie.
La Fédération Française des Clubs Alpins
poursuivra les mêmes objectifs : notre effort de formation, plus particulièrement auprès des jeunes, n'a pas d'autre but ».

1998 - La formation pour les sports de montagne, de neige et de pleine nature

Pour la saison 1998-1999, le Club Alpin met en place ses propres formations dans le domaine des sports de montagne, de neige et de pleine nature, débouchant sur des brevets fédéraux, comprenant trois niveaux de formation. 

La présentation est publiée dans La Montagne & Alpinisme n°4/1998. 

1998 - Les brevets de formation

À la fin des années 90, la Fédération Française des Clubs Alpins aura défini ses propres brevets et aura organisé ses formations de cadres, indépendamment de la FFME.

2000 - LES COMPOSANTES DE L'ENSEIGNEMENT ALPIN 

Les différentes composantes de l'« Enseignement alpin » se spécialisent dans chacune des disciplines : alpinisme, escalade, randonnée, ski-alpinisme.

Des cursus de formation et des brevets spécifiques sont mis en place.

En 1998,  le Club Alpin produit une série de nouveaux guides techniques qui sont réunis sous la forme du Manuel de la Montagne, édités par Le Seuil.

Par ailleurs, la Fédération Française des Clubs Alpins a mis en place une formation commune à tous les candidats au brevet d'Initiateur qui comprend cinq thèmes généraux, en plus de la cartographie et de l'orientation :

- historique des fédérations,
- les responsabilités des cadres et des participants,
- aspects physiques et médicaux,
- protection de la montagne,
- organisation des activités.

Cette formation est exigée pour les encadrants, ainsi que celle concernant les premiers secours, délivrée par les Centres de secours de la Croix Rouge

2000 - La loi sur les activités physiques et sportives

La loi sur les activités physiques et sportives, dite loi sur le sport, datait du 16 juillet 1984, elle est modifiée le 6 juillet 2000.

Au sujet de l'enseignement alpin :

« Les fédérations sportives agréées assurent la formation et le perfectionnement de leurs cadres. (...)
Les diplômes concernant l'exercice d'une activité à titre bénévole, dans le cadre de structures ne poursuivant pas de buts lucratifs, peuvent être obtenus soit à l'issue d'une formation, soit par validation des expériences acquises ».

2002 - L'équipement des voies d'escalade en terrain d'aventure

La Montagne & Alpinisme n°2-2002 publie un article sur l'équipement des voies d'escalade en terrain d'aventure, sous la signature de Jean-Paul Bouquier.

Un terrain d'aventure qui a bien des difficultés à se définir, surtout sur rocher calcaire. En principe, les ancrages ne sont pas à demeure, le grimpeur doit placer lui-même ses protections et recourir à l'assurage naturel avec les coinceurs, mais aussitôt on se heurte au problème du pitonnage-dépitonnage excessif (même avec les coinceurs), avec tous les dégâts provoqués, surtout sur la roche calcaire fragile.

2005 - La Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne (FFCAM)

Avec l'élargissement de ses propositions, le Club Alpin, achevant sa mutation commencée en 1988, devient la « Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne » (voir le dossier du CFD : Le Club Alpin de 1995 à aujourd'hui).

2005 - Le ski de montagne et les raquettes à neige

Durant le congrès de Chambéry du Club Alpin, le représentant du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative annonce aux congressistes  que : 

« dans un souci de rationalisation de l'organisation des disciplines sportives de montagne et dans le contexte de renouvellement des délégations à l'issue de l'olympiade, le Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative (entendait) attribuer les délégations "ski de montagne" et "raquettes à neige" à la FFCAM ». 

Une juste reconnaissance pour le Club Alpin, initiateur et organisateur des pratiques hivernales de la montagne depuis 1904.

2017 - Un inventaire des métiers sportifs en montagne

Un dossier très complet dresse un inventaire des métiers sportifs en montagne dans La Montagne & Alpiniste n°1-2017. L'insertion professionnelle, la pluriactivité et aussi les incertitudes attachées à ces activités sont soulignées dans le travail de Philippe Vouillon.

L'ENSEIGNEMENT ALPIN AUJOURD'HUI

  • Durant ces dernières années, la FFCAM a mis en place un ensemble très complet d'actions de formation s'adressant à toutes les catégories d'intéressés.

En voici quelques réalisations en 2013 :

<  vers les très jeunes : écoles d'aventure, d'escalade et de ski, dans les clubs.
<  vers les jeunes : groupes Espoir à l'échelon départemental (17 groupes en alpinisme, 120 jeunes, et 80 en escalade), groupes Excellence au niveau fédéral.
<  pour les adultes débutants : les Grands Parcours (5 en alpinisme), en quelque sorte des week-ends portes ouvertes pour découvrir l'alpinisme ou réviser ses connaissances de base dans différents massifs.
<  pour les adultes en recherche d'autonomie : les unités de formation commune ou spécialisée dans une discipline (2500 participants).
<  pour les futurs cadres : les stages initiateurs, moniteurs, instructeurs (800 participants).

L'enseignement et les incertitudes de la montagne

La formation aux sports de montagne, bien qu'indispensable et profitable - nous ne le redirons jamais assez -, ne sera que la partie insuffisante dans la formation de l'alpiniste, où l'engagement, l'audace, la prise de risques (et la sanction qui l'accompagne) resteront prépondérants.

Une part indispensable, mais incomplète pour l'alpiniste, qui ne rencontrera souvent en montagne que des incertitudes. 

L'alpiniste, fort d'un enseignement alpin transmis et bien compris, devra conserver une grande part de bon sens et d'expériences, qui sont les clés de ses futures aventures.

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En résumé

LA DIFFICILE ÉVALUATION DES DIFFICULTÉS D'UNE ESCALADE ROCHEUSE

Pouvoir estimer la difficulté objective rencontrée dans un passage d'escalade, puis évaluer la globalité d'une ascension, furent des informations rapidement souhaitées par les grimpeurs et les alpinistes à la recherche d'une autonomie dès la fin du XIXe siècle.

Le besoin de connaître une évaluation des obstacles que l'on va rencontrer dans un parcours viendra intimement s'ajouter aux descriptions des itinéraires qui commenceront à être proposées.

EN FALAISE

Déjà avant 1914, les audaces de certains étaient soulignées, par des escalades impressionnantes en falaise, d'abord dans les deux premiers sites précurseurs en Angleterre et en Allemagne.

Mais comment en rendre compte précisément ?

EN MONTAGNE

Déjà avant 1914, les initiatives de certains étaient remarquées en montagne, par des ascensions remarquables.

Les progrès les plus importants dans l'escalade rocheuse viendront des grimpeurs des Alpes orientales, confrontés aux raides parois calcaires, beaucoup plus exposées que les granites des Alpes occidentales.

Mais, là encore, comment objectivement en rendre compte ?

Paul Preuss

En 1911, Paul Preuss à la recherche de la perfection, réussit l'ascension de la face est du Campanile Basso, dans les Dolomites occidentales, seul, sans piton, sans corde et redescend par le même itinéraire sans l'aide de la corde.

En cette année 1911 paraît dans le titre Deutscher Alpenzeitung, sous la plume de Paul Preuss, l'article clé concernant les moyens de l'escalade.

Le piton, la corde, la descente à la corde, rien ne résistera à la critique de Preuss, c'est le rejet de tout moyen artificiel.

Mais le prophète ne pourra être suivi, car l'exigence était trop élevée...

En 1923 - La recherche d'une évaluation des difficultés

Des réclamations et des demandes, pour obtenir des descriptions et des évaluations précises des difficultés rencontrées dans les  ascensions, figurent dans la revue du Club Alpin La Montagne : « cela rendrait de grands services particulièrement aux sans guides ».

Dans les relations des itinéraires qui commencent à être publiées, il apparaissait un embarras certain pour situer la difficulté d'un itinéraire ou d'un passage d'escalade.

Les évaluations ne se font que par des formules diverses et variées : difficulté suprême, supérieure, extrême, absolue, considérable, importante, appréciable, fatigante, sérieuse, insignifiant. Des estimations totalement approximatives et ambigües.

1924 - Une échelle des difficultés dans les Alpes orientales

En 1924, Willo Welzenbach propose une estimation des difficultés d'un passage d'escalade rocheuse, par une échelle en six degrés, s'inspirant des notations pédagogiques germaniques en cinq degrés, avec un sixième degré, représentant la limite des possibilités humaines.

En France, le GHM va largement œuvrer à développer l'information alpine, en tenant compte des particularités des Alpes occidentales.

1935 - L'échelle double des difficultés de l'escalade rocheuse

En 1935, Lucien Devies propose un double système de cotation des difficultés rencontrées dans un itinéraire rocheux, basé sur des comparaisons avec des ascensions de référence et applicable dans nos Alpes occidentales.

Voir le paragraphe consacré en amont dans ce dossier.

Une influence déterminante

Lucien Devies, par des échanges épistolaires réguliers et rigoureux, cherchera à stabiliser le système d'évaluation des difficultés de l'escalade, de 1935, et jusqu'en 1978. Son influence, comme corédacteur des principaux guides-itinéraires de montagnes de France, directeur de la revue « Alpinisme », puis de « La Montagne & Alpinisme » a été déterminante pour installer le système d'évaluation des difficultés de l'escalade rocheuse.

Il réussira à affermir le système en établissant une série d'escalades de référence acceptées par différents sachants – guides et élite.

1943 - Une graduation-type des difficultés d'escalade rocheuse

En 1943, le GHM réunit une commission comprenant les compétences du moment : Allain, Charlet, Devies, Frendo, Jonquière, Laloue, pour définir une graduation-type des passages d'escalade rocheuse, et la graduation globale d'une ascension. Une mise au point publiée par Lucien Devies, dans la revue Alpiniste, accompagne les travaux de l'instance.

Le fameux VI sup des Dolomites, qui indiquait : soit une escalade libre difficile, soit une escalade mixte et artificielle technique, soit encore un passage exposé et peu sécurisé, a vécu… 

1966 - Une classification des difficultés de l'escalade rocheuse proposée par l'UIAA

En 1966, l'Assemblée générale de l'Union internationale des Associations d'Alpinisme (UIAA) avait proposé l'adoption générale du système Welzenbach de classification des difficultés en six degrés pour l'escalade rocheuse, en décidant en plus, et malheureusement, que le précepte a une limite, le VI supérieur.
C'est-à-dire qu'il était fermé, alors que depuis longtemps, pour les escalades de blocs, une autre évaluation était utilisée qui, au-dessus du sixième degré, permettait de prendre en compte l'évolution de l'escalade.

1978 - Évolution dans la classification des difficultés de l'escalade rocheuse, proposée par l'AIAA

La recherche du bon curseur, avec les propositions de 1924-1934-1943-1966 pour codifier l'escalade ne va pas connaître l'unification souhaitée. Avec la prise en compte de l'escalade sportive et ses progrès fulgurants la souhaitable uniformisation internationale se révélera impossible.

En 1978, l'Assemblée générale de l'UIAA décide d'ouvrir le système Welzenbach de classification des difficultés de l'escalade rocheuse de façon linéaire, après le VI vient le VII et ainsi de suite...

Mais le système se révélera inadapté, avec une progression excessive, et restera peu employé…

Chaque zone d'influence continuera de proposer sa graduation,  en Europe occidentale, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Australie.

1978 - La classification des difficultés de l'escalade rocheuse, en France

En France, afin de prendre en compte les progrès de l'escalade libre, les grimpeurs imposeront, pour la classification d'un passage d'escalade, une échelle différente plus exigeante, l'utilisation des chiffres arabes et trois échelons intermédiaires : a, b et c pour chaque degré.

Pour la haute difficulté, c'est-à-dire au-dessus du sixième degré, le système se trouvant encore trop inflationniste, on décide d'introduire une appréciation particulière entre les échelons intermédiaires. On rencontre donc le 7a limite supérieure, c'est-à-dire 7a+... un langage d'abord réservé aux initiés et aux usagers.

Et peu à peu cette cotation deviendra d'un usage général en France et dans certains pays voisins (voir le dossier du CFD : Un historique de l'escalade /1978 - Équivalence des cotations).

La seconde échelle appréciant l'ensemble d'une ascension allant du « facile » à « l'extrêmement difficile » en six degré est également corrigée, avec les progrès sportifs constatés, apparaît un degré supérieur, proposé par nos amis suisses et se voulant humoristique « ABO » pour abominable…

Une grande confusion

Une grande confusion va perdurer entre la graduation UIAA, employée principalement en Europe centrale, et celle qui est utilisée en Europe occidentale, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Australie.
Lorsque certains indiquent un niveau VII, en chiffres romains (UIAA), il n'est seulement question que d'un obstacle de difficulté 6b, en chiffre arabe, en France.

 

LES SUITES DE LA CHRONOLOGIE DE CE DOSSIER DEVRONT ÊTRE AJOUTÉES ULTÉRIEUREMENT

 

CONSULTATION

La plupart des textes concernant l'historique de la montagne et de la FFCAM sont disponibles au Centre fédéral de documentation de la FFCAM,  24, avenue de Laumière, 75019 Paris.

Notamment dans les différentes publications :

- Les Annuaires du CAF, de 1874 à 1903.
- Les Bulletins du CAF, de 1876 à 1903.
- La Montagne, de 1904-1905 à 1954.
- Alpinisme, de 1925 à 1954.
- La Montagne & Alpinisme, depuis 1955.
- Les Annales du GHM, de 1955 à 2001 et Cimes, de 2002 à 2015.

Les livres constituant la bibliothèque de la FFCAM sont tous référencés.

Et aussi :

- Le manuel d'alpinisme, éditeur Lucien Laveur de 1904, par Maurice Paillon.
- Le manuel d'alpinisme, éditeur Librairie Dardel de 1934, par des érudits du Club Alpin pour la partie scientifique du premier tome, et par des membres du GHM pour la partie technique du second tome.
- L'art de l'alpinisme, éditeur Amiot Dumont de 1956, par Pierre Allain, réédition ultérieure.
- Le manuel de la montagne, éditeur Seuil de 2004.

Tous référencés.

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Accès aux publications

Vous pouvez rechercher en ligne les titres suivants :

 - Les Annuaires du CAF, de 1874 à 1903, consultables sur le site de la Bibliothèque nationale : http://gallica.bnf.fr
- Voir aussi : www.archive.org et utiliser le mot clé : club alpin français.
- Les Bulletins du CAF, de 1876 à 1903, consultables sur le site de la Bibliothèque nationale : http://gallica.bnf.fr
- La Montagne, de 1904-1905 à 1954, consultables sur le site de la Bibliothèque Nationale : http://gallica.bnf.fr
- La Montagne & Alpinisme, depuis 1955, consultables sur le site de la Bibliothèque nationale : http://gallica.bnf.fr
- Enfin, Alpinisme, de 1926 à 1954, accessibles sur le site du GHM, avec Les Annales du GHM (1955-2001) et Cimes (2002-2015).