FFCAM - Le Club Alpin Français - 1941 à 1974
Un historique du Club Alpin Français, aujourd'hui Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne, est proposé en six dossiers du Centre Fédéral de Documentation (CFD) allant de 1874 à nos jours :
- Les origines du Club Alpin Français
- Le Club Alpin Français de 1874 à 1914
- Le Club Alpin Français de 1915 à 1940
- Le Club Alpin Français de 1941 à 1974
- Le Club Alpin Français de 1975 à 1994
- La Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne de 1995 à aujourd'hui
LE CLUB ALPIN FRANÇAIS de 1941 à 1974
Préambule
De 1874 à 1940, le Club Alpin a mené des actions pionnières, dans l'ensemble des domaines consacrés aux montagnes, présentées dans les dossiers précédents.
Il a été notamment :
< Artisan du développement économique des hautes vallées des montagnes de France.
< Aménageur de la haute montagne, par ses refuges et ses sentiers.
< Précurseur dans l'engagement de la société civile pour la sauvegarde du milieu naturel et de la montagne.
< Incitateur dans les actions de la société civile conduisant à la création des Parcs nationaux.
< Artisan de l'essor du tourisme de montagne.
< Promoteur dans les activités tournées vers l'excursionnisme, l'alpinisme, le ski et les autres activités sportives liées aux montagnes.
< Organisateur de la profession de Guides de haute montagne, depuis 1904, et jusqu'en 1940.
< Initiateur du tourisme hivernal et des loisirs sportifs attachés en France, depuis 1904, et jusqu'à l'autonomie du ski de compétition, pour depuis 1924 se consacrer au ski de montagne.
< Organisateur des Caravanes scolaires pour la jeunesse, depuis 1874, jusqu'en 1940.
< Contributeur majeur dans la connaissance scientifique de la montagne.
< Mentor du Groupe de Haute Montagne depuis 1919, avant son autonomie en 1930.
< Diffuseur de guides-itinéraires et de manuels techniques.
< Après 1922, promoteur de l'Enseignement alpin.
< Accompagnateur du développement du camping dès 1929.
< Incitateur dans les premières initiatives, vers les plus hautes montagnes du monde, d'avant 1940.
< Éditeur d'une littérature alpine étendue, avec une promotion pour les livres et la photographie.
< Il a publié certains textes essentiels dont notamment : La question des montagnes(1874).
Et surtout, il aura permis à beaucoup de découvrir, d'approcher et d'aimer la montagne.
Il était jusque-là l'institution française dominante dans l'organisation des sports de montagne, dans l'aménagement et la préservation de l'espace montagnard.
Sommaire :
- Les années de guerre et d'occupation
- 1942 - Les tentatives de dislocation du Club Alpin
- 1942 - La Fédération Française de la Montagne
- Durant les années d'occupation
- Les refuges pendant les années d'occupation
- 1945 - Le retour de la paix
- 1945 - Dans l'agitation qui va suivre la Libération
- Montrer ses muscles
- 1945-1948 - La cohésion du monde de la montagne
- Les principaux points d'achoppement
- Une pratique populaire
- L'Union Nationale des Centres de Montagne
- 1945 à 1948 - L'Enseignement alpin
- Les formations aux métiers de la montagne
- 1945 à 1952 - La reconstruction des refuges
- 1946 à 1949 - Les refuges construits
- 1947 - Le secours en montagne
- 1948 - Les organisateurs des institutions
- Le matériel de l'alpiniste de 1945 à 1970
- 1949 - La Commission de ski et d'alpinisme hivernal
- 1949 - Le Club Alpin a soixante quinze ans
- 1949 - Le moment était venu
- 1950 - Le premier 8000
- La forte autonomie du Comité de l'Himalaya
- Les réunions inter-Sections
- 1951 à 1956 - Les refuges construits ou restaurés
- Le Club Alpin en 1952
- 1953 - L'essor du tourisme
- 1955 - Le téléphérique de l'Aiguille de Midi
- 1955 - La liaison de l'Aiguille du Midi au Col du Géant
- 1955 - Le Makalu
- 1955 - Le titre La Montagne & Alpinisme
- 1956 - Pour un Parc national de Savoie
- 1955 à 1958 - Le secours en montagne
- 1958 - Le pactole de l'Annapurna encore
- 1957 à 1963 - Les refuges construits
- 1958 à 1966 - Le ski au Club Alpin
- 1962 - Alerte au suréquipement
- 1962 à 1972 - Le secours en montagne
- 1963 - Le Parc national de la Vanoise
- 1964 à 1966 - Les refuges construits
- 1965 - L'escalade en mutation
- 1965 et 1967 - Les premières difficultés fédérales
- 1965 - Vers un Parc national des Pyrénées
- 1967 à 1969 - Les refuges construits
- 1968 - La vie institutionnelle
- 1969 - Le Parc national de la Vanoise déjà attaqué
- 1969 - La Grande Traversée des Alpes Françaises
- 1970 à 1974 - Les refuges construits
- 1970 - Une déclaration remarquable pour une politique de l'environnement
- 1971 - Le Pilier ouest du Makalu
- 1972 - SOS Vosges
- 1973 - Une année cruciale
- 1973 - Le Parc national des Écrins
- 1874-1974 - Le centenaire du Club Alpin
- À ce moment-là en 1974
- Les présidents du Club Alpin de 1945 à 1974
- Consultation et consultation en ligne
NB : Pour éviter l'ambigüité entre Guide de montagne professionnel et guide-itinéraires manuscrit, une majuscule est ajoutée au premier nommé.
LES ANNÉES DE GUERRE ET D'OCCUPATION
Parmi les membres du Club Alpin, certains malheureusement ne reviendront pas des événements de 1939-1940… L'un de ceux-ci, Hugues Paillon, était très engagé dans la vie de l'association.
La liste est longue des Morts pour la France.
Puis ce sera l'Occupation du territoire national, cinq ans vont passer et « le Club Alpin sera, comme tout ce qui est Français, empêché de poursuivre une vie libre ».
Cinq années, durant lesquelles les contraintes morales de tous genres, puis les difficultés matérielles se sont accumulées.
La conscription supprimée par les accords d'armistice de 1940, des « Chantiers de la Jeunesse » et l'organisation « Jeunesse et Montagne » sont instaurés, pour un Service civil de huit mois.
Ces deux organisations attireront une partie de la jeunesse active, et seront parcourues par des courants divers : une sympathie envers la résistance ou une allégeance au régime.
L'organisation « Jeunesse et Montagne » offrira une formation technique s'ouvrant sur les activités de montagne, elle sera rejointe par plusieurs alpinistes qui s'illustreront ultérieurement.
Surveiller le monde associatif
Dès 1940, le Commissaire général aux sports du régime de Vichy incite à la création de fédérations sportives, sur les bases d'une Charte des sports, surtout destinée à contrôler et surveiller le monde associatif.
La loi de février 1941 ajourne toutes les élections dans les Comités de direction des organismes reconnus d'utilité publique - dont le Club Alpin -, avec le maintien en fonction des élus, qui se prolongera jusqu'à la fin des hostilités.
L'occupation allemande et le régime de Vichy
Durant l'occupation allemande et le régime de Vichy, quelques-uns tenteront de faire survivre nos organisations de montagne.
D'autres auront des engagements plus courageux dans la Résistance :
< Jean Escarra (1885-1955), ancien président du Club Alpin de 1931 à 1934, rejoindra Londres dès janvier 1941, pour s'engager dans les Forces Françaises Libres, et servir auprès du général de Gaulle.
< Jean Morin (1897-1943), également engagé dans les Forces Françaises Libres, « disparut en accomplissant une mission dangereuse ».
Maurice Fourastier (1901-1961), héros de Monte Cassino.
< Certains dans les Armées de libération.
< Et aussi les frères Jean (1904-1996) et Georges (1905-1945) Vernet et René Picard (1899-1987).
Le Vercors
Pierre Dalloz (1900-1992), rédacteur en chef de la revue La Montagne, sera l'un des initiateurs du maquis du Vercors. Un plan stratégique initial approuvé par Jean Moulin, chef de la résistance intérieure, et par les Services français de Londres, sous le nom de plan « Montagnards ».
Ce schéma prévoyait d'utiliser le massif du Vercors comme base d'accueil d'éléments aéroportés alliés, afin d'agir à Grenoble et Valence, et couper la retraite allemande, durant la Libération.
Alain Leray (1910-2007), futur général, également membre éminent du Club Alpin et du Groupe de Haute Montagne, sera chargé de l'action militaire.
Une organisation audacieuse qui ne sera pas suffisamment appuyée, par les forces armées de libération, et même abandonnée seule devant l'occupant. Des ordres de dislocation seront malheureusement inobservés, des trahisons terribles surviendront, et finalement un maquis qui se trouvera pris au piège par les forces militaires allemandes, et sera conduit à la catastrophe en 1944.
La Résistance
Issus des Chantiers de la Jeunesse et de Jeunesse et Montagne, des résistants de conviction viendront renforcer les maquis, ainsi que de nombreux réfractaires voulant éviter le Service du Travail Obligatoire en Allemagne.
Ensuite des unités régulières se sont formées, et Alain Leray commandera le bataillon de Chasseurs Alpins, en action sur les crêtes de Maurienne, pour la libération du territoire.
Quelles zones d'ombre ?
Un périodique spécialisé a évoqué - soixante ans plus tard - certaines zones d'ombre, concernant les actions de nos associations - en particulier le Club Alpin - pendant les années d'occupation.
Quelles zones d'ombre ?
En général, les alpinistes et les montagnards n'ont pas été des résistants empressés, ni des gaullistes éclairés, beaucoup plus intéressés par leur passion pour la montagne, et la préservation de leurs institutions ; de protéger leur terrain de jeux, et d'aller courir les montagnes durant leur belle jeunesse, qui s'écoulait inexorablement.
Comme il est évoqué précédemment, certains ont eu le grand courage de résister et l'extraordinaire mérite de s'engager dans une lutte, qui demandait une vraie bravoure.
Et d'autres, par leurs actions et leurs dévouements, sauront protéger nos structures - en particulier le Club Alpin - en grand danger durant le régime de Vichy.
Évitons de réécrire l'histoire… Et les quelques honteuses suspicions apportées ici et là, sans le moindre argument, à seule fin d'édition, déshonorent ceux qui les ont portées.
LES TENTATIVES DE DISLOCATION DU CLUB ALPIN
Sur les bases d'une Charte des sports, une fédération sportive devra encadrer les activités pratiquées en montagne. Et dès 1942, le Commissaire général aux sports - gêné par la représentation et l'unité du Club Alpin - comptera imposer sa dislocation et son éparpillement.
Les Sections du Club Alpin devenant des cellules indépendantes, dans une structure fédérale, nommée par le Commissariat aux sports, et le patrimoine mobilier et immobilier divisé.
Le nom même du Club Alpin Français n'était pas assuré de demeurer.
- C'est évidemment la représentation nationale et le domaine construit du Club Alpin qui suscitent bien des appétits.
Pour éviter le démantèlement, les discussions seront difficiles, et la solidarité montagnarde sera décisive.
Avec l'appui d'Yves Letort (1898-1988), vice-président du Club Alpin Français, qui assure l'intérim du président Léon Olivier, malade et démissionnaire en 1943, de Jean Escarra, avant son départ vers Londres, de Louis Neltner (1903-1985), d'Henry de Ségogne (1901-1979) et de Louis Wibratte (1877-1954) ; c'est Lucien Devies (1910-1980) qui se révélera l'acteur déterminant, et permettra de conserver l'unité du monde alpin et du Club Alpin.
« Une tâche extrêmement ardue à un moment où la coupure entre les zones libre et occupée du pays était quasi-totale, pas de courrier, quelques rares personnes munies de laissez-passer étaient seules autorisées à franchir la ligne de démarcation » écrit Louis Neltner... (voir la plaquette éditée en hommage à Lucien Devies en 1980).
1942 - LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DE LA MONTAGNE
Le 8 avril 1942, la « Fédération Française de Montagne » (FFM) est constituée, avec la présidence de Louis Neltner.
Le régime de Vichy fait pression sur le CAF, pour qu'il abandonne son rôle unificateur, et pour qu'il rejoigne la jeune fédération...
Le Club Alpin se pliera à cette exigence d'organisation, à la condition toutefois que celle-ci n'entraîne pas la dislocation radicale, antérieurement envisagée...
Le Commissariat aux sports ne voudra pas ratifier cette proposition.
Le 30 novembre 1942, il adresse au Club Alpin un ultimatum.
Le Club Alpin avait quinze jours pour choisir comment il sera brisé : transformation en une fédération, ou en une union d'entités indépendantes.
- En aucun cas, il était reconnu au Club Alpin Français le droit de demeurer un club national.
L'Association était menacée de dissolution.
Des intérêts divergents
Il y avait des intérêts divergents, qui fragilisaient le Club Alpin.
< La demande de création d'une École Nationale d'Alpinisme, sur une idée d'Édouard Frendo, avec la réorganisation du métier de Guide de haute montagne, qui était jusqu'alors, et depuis 1904, réglementé par le Club Alpin. Une prérogative qui devra être abandonnée.
< La Fédération Française du Ski qui, souhaitant unifier l'enseignement du ski, envisageait la création d'une École Nationale de Ski, et voulait récupérer les écoles de ski du Ski-Club Parisien de Morzine, Puymorens et Valloire, que le Club Alpin devra transmettre.
L'intervention d'Henry de Ségogne
Le CAF résistera à la menace de dislocation, grâce notamment à l'intervention de Henry de Ségogne, commissaire général au Tourisme, qui reconnut au Club Alpin un statut légal, dans le cadre des lois régissant le tourisme.
Le Club Alpin est en effet une communauté qui a pour objet principal non pas un sport, mais un vaste domaine d'expression, dont le tourisme, qu'il a été le premier à promouvoir dans les zones de montagne.
- Un Club Alpin qui sait ce qu'il doit à cet éminent personnage, grand commis d'état, alpiniste exceptionnel, fondateur et président d'un Groupe de Haute Montagne autonome, et aussi l'un des plus remuants et attachants membres du Club Alpin.
En 1943, un compromis est trouvé : le Commissariat aux sports accepte, devant des obstacles juridiques, de conserver l'entité nationale « Club Alpin Français ».
Son nom est préservé.
Son patrimoine reste sa propriété globale.
Le statut d'association reconnue d'utilité publique du Club Alpin et sa particularité d'entité pluridisciplinaire, dont ses engagements pour le tourisme, auront certainement permis de protéger notre organisation d'un dépouillement désastreux.
En échange, le Club alpin accepte d'intégrer la FFM, avec l'ensemble de ses adhérents.
Un projet de nouveaux statuts fut rédigé, et devait être soumis au Conseil d'État.
Ensuite un conflit de prérogatives opposa alors le Commissariat aux Sports à celui du Tourisme du régime de Vichy, qui ne permit pas de statuer, et aucune solution n'intervint jusqu'en août 1944.
- « Ainsi, le Club Alpin Français est demeuré ».
Une ambiguïté criante et une contrainte
En 1942, la Fédération Française de la Montagne devient l'interlocutrice des pouvoirs publics, pour ce qui intéresse les activités sportives en montagne, mais une ambiguïté criante est observable, en ce qui concerne le Club Alpin, avec certaines de ses orientations beaucoup plus généralistes - plus étendues que sportives -, comme l'œuvre bâtie, les démarches scientifique et culturelle, et les actions intéressant la sauvegarde de la montagne.
S'ajoutait, pour le Club Alpin, la contrainte de faire adhérer l'ensemble de ses membres à une fédération sportive particulière, sans tenir compte de sa spécificité et de ses domaines d'activité qui s'étendent très au-delà de ceux pour lesquels la FFM détient la représentation.
Cette ambigüité et cette contrainte ne seront pas levées à la fin de l'occupation en 1945, avec le nouveau statut donné aux sports français, et le maintien des activités sportives dans des fédérations représentatives.
Du fait de cette organisation, la FFM qui ne dispose pas, comme les autres fédérations, des compétitions et ses licences, pour s'imposer, et montrer un lien fort unissant ses membres - un lien unificateur visible - aura beaucoup de mal à s'imposer et devra composer avec l'association très majoritaire.
Un rapprochement
Les démarches et les actions essentielles, visant à sauver le Club Alpin du démantèlement, ont rapproché les responsables du Groupe de Haute Montagne et du Club Alpin, en particulier une grande confiance était apparue entre Yves Letort, président du CAF par intérim, et Lucien Devies, vice-président du GHM. Les crispations d'avant-guerre entre CAF et GHM semblèrent bien dérisoires, devant la tâche qui attendait les deux entités. Le recours aux meilleures compétences se révélera nécessaire et même indispensable.
DURANT LES ANNÉES D'OCCUPATION
Durant les années d'occupation, les activités des écoles d'alpinisme et d'escalade sont poursuivies, malgré les difficultés croissantes, principalement à Fontainebleau pour ceux de la zone occupée, des sites prometteurs sont explorés dans le Dijonnais et dans l'Yonne. Les falaises de Cormot sont mises en valeur, ainsi que celles du Saussois.
Dès 1941, à l'initiative de Louis Neltner, sept camps-écoles d'alpinisme sont organisés en montagne, avec la participation de plusieurs clubs, dont le GHM et le Club Alpin.
Des camps-écoles seront ensuite proposés par la FFM dans les Alpes et les Pyrénées. Dans ces programmes, le Club Alpin, la Société des Touristes du Dauphiné (STD) et le GHM seront à l'origine de l'organisation de la plupart de ces camps.
Plusieurs groupements CAF sont organisés dans les camps de prisonniers en Allemagne.
Des décisions pas toutes défavorables
Pendant le régime de Vichy, des décisions seront prises, pas toutes défavorables à nos institutions, certaines seront conservées et reconduites par la suite.
Le classement des cirques de Gavarnie, d'Estaubé et de Troumouse
En 1941, un décret porte classement des cirques de Gavarnie, d'Estaubé et de Troumouse dans les Pyrénées.
C'est un vaste ensemble qui est concerné par ce texte, extrêmement favorable aux associations de sauvegarde de la nature.
Le classement du massif de la Meije
En 1943, un arrêté du gouvernement inscrit à l'Inventaire des sites le massif de la Meije, « dont la préservation présente un intérêt général ».
Le Râteau et la Meije sont désormais hors de portée des aménageurs.
1943 - La qualification des Guides
Jusque-là, comme déjà dit, aucune réglementation légale ne venait contrôler la profession de Guide de montagne, qui était seulement organisée par le Club Alpin, à côté du particularisme du Syndicat des Guides de Chamonix.
La loi de 1943 vient combler cette lacune : nul ne peut servir de Guide, sans être titulaire d'une autorisation des Commissariats aux sports et au tourisme.
Une réglementation s'inspirant des textes mis en place par le Club Alpin, qui avait su organiser et gérer cette profession, depuis 1904 et jusqu'à la guerre de 1939-1940.
Un stage de formation sera désormais nécessaire pour accéder à la profession.
Mais l'application devra encore être aménagée et discutée.
La création de l'École Nationale d'Alpinisme
Une École Nationale d'Alpinisme voit le jour en 1943 à La Grave, sous la direction technique d'Édouard Frendo (1910-1968), et Armand Charlet (1900-1975) en est le moniteur-chef.
Elle est chargée d'organiser et de valider les stages de formation de plusieurs semaines, nécessaires pour obtenir le diplôme de Guide.
Elle aura les mêmes services administratifs que ceux de l'École Supérieure de Ski, située à l'Alpe d'Huez, et qui prendra le relais en hiver.
Un manuel technique
En 1943, un manuel technique est publié chez l'éditeur Arthaud : « La technique de l'alpinisme » par Édouard Frendo et Marcel Pourchier, sous le parrainage de la FFM, pour faire « connaître les méthodes de la technique la plus moderne » à tous ces jeunes que l'on veut « entraîner en montagne ». Les rédacteurs du manuel rapidement suranné « estiment qu'il est préférable de bien connaître dans chaque cas un mouvement simple plutôt que d'en connaître plusieurs, mais mal ».
Leurs propositions simplistes seront mises en cause par Pierre Allain dans « L'Art de l'Alpinisme » en 1956.
La création de l'École Nationale de Ski
Longtemps souhaitée par la FFS, une structure avait été fondée en 1937, pour former les moniteurs de ski, unifier les méthodes et les techniques du ski, elle sera vite supprimée par Vichy…
En 1943, une nouvelle organisation est mise en place, avec l'École Nationale de Ski qui s'installera à l'Alpe d'Huez en hiver. Un stage de formation est nécessaire pour enseigner le ski.
La graduation-type des difficultés d'escalade rocheuse
En 1943, le GHM réunit une commission comprenant les compétences du moment : Allain, Charlet, Devies, Frendo, Jonquière, Laloue, pour définir des exemples de graduation-type de passages d'escalade rocheuse, et des exemples d'évaluation globale d'une ascension.
Une mise au point publiée par Lucien Devies accompagne les travaux de l'instance.
Le fameux VI sup des Dolomites, qui indiquait : soit une escalade libre difficile, soit une escalade mixte et artificielle technique, soit encore un passage exposé et peu sécurisé, a vécu.
1944 - Le film Premier de cordée
Sortie du film « Premier de cordée » de Louis Daquin, une approche de la haute montagne qui suscitera des vocations… Le film est adapté du roman éponyme de Roger Frison-Roche.
Les refuges pendant les années d'occupation
Alors que beaucoup de refuges seront pillés, vandalisés ou détruits, quelques-uns seront érigés par le Service de l'équipement de la montagne de l'État, et l'administration des Ponts et Chaussées. Ils subiront des délais considérables, liés aux circonstances, mais pas seulement.
1941 - Les refuges des Bans, du Glacier Blanc et de Vallonpierre,
1945 - Le refuge de l'Envers des Aiguilles,
1945 - Refuge-bivouac du Col de la Temple.
< Voir un historique dans le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges.
1945 - LE RETOUR DE LA PAIX
À la libération, le Club Alpin Français est « exsangue mais encore vivant ».
Dans la première édition d'après-guerre de La Montagne d'août 1945, Yves Letort au nom du Club Alpin s'incline :
« Aujourd'hui, nos premiers mots seront pour fêter ici comme dans nos cœurs la libération de la France et pour exprimer notre gratitude à ses libérateurs, - pour dire aussi que des milliers des nôtres, éloignés de nous, de leur famille, de leur patrie, sont enfin revenus et que nous nous en réjouissons infiniment - mais pour dire encore hélas, que d'autres ne reviendront pas, devant le souvenir de qui nous nous inclinons avec émotion ».
Les deux titres La Montagne et Alpinisme
Les années de guerre auront été difficiles pour nos publications, mais le lien demeurera.
La Montagne a continué de paraître dans les années sombres, sous une forme famélique de 1940 à fin 1943, les Saxifrages vont occuper trois numéros de l'édition…
Elle n'est plus autorisée en 1944, renaîtra à la Libération, et retrouvera sa liberté en 1945. C'est la fin des parutions comportant le cachet de la censure.
Le nouveau Comité de rédaction est composé de Letort, Carcagne, Devies, Lauras et Latarjet.
La revue Alpinisme est entièrement confiée à son directeur Lucien Devies en 1942, qui en assura la survie…
Des articles de référence
Concernant l'histoire de l'alpinisme, Lucien Devies publie plusieurs articles importants :
< Dans Alpinisme de juin 1941 : « Les débuts de l'alpinisme français sans Guide ».
< Dans La Montagne de juillet 1945 : « L'Alpinisme français de 1939 à 1944 », le bilan de l'activité des alpinistes pendant l'occupation…
< Dans La Montagne d'octobre 1945 : « Le début de l'alpinisme français », un historique très documenté.
Le Bleausard
Fin 1944, apparition d'un périodique humoristique, consacré à l'escalade et à la montagne « Le Bleausard », rédigé par des moniteurs de la Section de Paris du Club Alpin, et souvent critique pour les institutions de montagne.
Mais ne nous y trompons pas, nous sommes dans un cercle très parisien et très restreint, ne dépassant pas la forêt de Fontainebleau et la Capitale. Des critiques d'entre initiés, qui ne peuvent pas être entendues depuis la Province... Rédacteur en chef : Tony Vincent. Rédacteurs et fondateurs : René Wilfred (Fred) Bernick, René Ferlet, J.A Martin, Maurice Martin, Roland Truffaut et Tony Vincent (51 parutions jusqu'en 1953).
Et lorsque deux des membres influents de la rédaction du « Bleausard », Wilfred Bernick et Roland Truffaut, deviendront, quelques années plus tard, les rédacteurs en chef de « La Montagne », ils n'apporteront curieusement pas d'avancées probantes, ni l'amélioration attendue...
L'Appel des Cimes
En 1945, un film documentaire grand public « L'Appel des Cimes » est produit par le Club Alpin, une propagande pour l'alpinisme, des images de Georges Terraz et un film d'Alain Pol.
1945 - La formation des moniteurs bénévoles
En 1945, en parallèle aux pédagogies professionnelles, et principalement mise en application par la Section de Paris du Club Alpin, une formation de moniteur bénévole d'alpinisme est reconnue, elle est destinée, dans un cadre associatif, à préparer des Chefs de cordée, et à procurer une autonomie aux stagiaires. La formation devra encore être discutée un long moment pour l'obtention des brevets de compétence qui ne seront officialisés qu'en 1959.
1945 - DANS L'AGITATION QUI VA SUIVRE LA LIBÉRATION
En 1945, la Charte des sports du régime de Vichy est abolie, un statut nouveau est donné aux sports français, aux activités de plein air et au tourisme, mais l'organisation des activités par des fédérations est maintenue, dont la « Fédération Française de la Montagne ».
L'adhésion collective des membres du Club Alpin est conservée, afin d'assurer la viabilité et la représentativité de la structure fédérale.
C'est la FFM qui conduira les futures initiatives et les activités liées aux sports de montagne, en accord avec le Club Alpin, acteur très majoritaire dans la structure, hégémonique même, au regard du nombre de ses licenciés.
Louis Neltner, trop occupé par ses activités professionnelles, avait dû passer la main fin 1943.
L'Assemblée générale de la FFM de 1945 mettra en conformité ses statuts, respectant la législation de la Libération.
Le Comité de direction n'est plus désigné, mais élu.
Yves Letort est président de la Fédération Française de la Montagne, Lucien Devies et Louis Neltner sont vice-présidents, montrant une volonté de continuité et de solidarité.
En ces temps de grandes difficultés économiques, et de manque d'équipements pour l'alpinisme, la FFM distribuera des cordes d'alpinisme, des chaussures de montagne et des espadrilles d'escalade, sur demande justifiée par une preuve de compétence.
Dans l'agitation qui va suivre la Libération, un vice-président devra intervenir, pour éviter quelques ennuis à des alpinistes, qui exerçaient leurs talents, pendant que d'autres affrontaient les combats ; et aussi pour freiner l'enthousiasme d'un éminent alpiniste, désireux de proposer l'entrée au GHM de son ancien chef de Jeunesse et Montagne, la prudence du vice-président se révélera judicieuse, à l'instant où le passé, durant l'occupation, de l'ancien chef, sera mis en cause.
La liberté juridique
En cette année 1945, la liberté juridique est rendue aux associations.
L'Assemblée générale du 28 octobre 1945 élit officiellement Yves Letort à la présidence du Club Alpin.
Lucien Devies intègre le Comité directeur, et est appelé à la présidence de la « Commission des travaux en montagne », la structure chargée du patrimoine…
MONTRER SES MUSCLES
Devant les incertitudes des réorganisations engagées à la Libération, le Club Alpin doit montrer ses muscles, sous la plume du président Letort en 1945 :
« Le C.A.F. n'entend point se soustraire à ses devoirs et à ses droits de rester l'organisme essentiel des activités de montagne en France.
Par contre, il n'entend point non plus sacrifier sans raison une unité morale et matérielle qui fait sa force bienfaisante.
Cette force lui a permis de réaliser tout l'équipement de la montagne française, pour le plus grand avantage de tous les montagnards et touristes, français et étrangers, qui la fréquentent.
Elle lui a permis d'éveiller chez d'innombrables jeunes gens les vocations alpines, d'en préparer un très grand nombre au service des troupes de montagne.
Pour ce faire, depuis plus d'un demi-siècle, nos membres ont apporté et uni leurs efforts, fait don de leurs temps et de leur travail, au seul bénéfice, en définitive, de la Patrie.
Briser les liens d'unité, qui ont fait naître ces sentiments de dévouement à l'immense cordée qu'est notre Club, aurait été à la fois une mauvaise action et une erreur.
C'est au contraire avec un même esprit d'équipe que le C.A.F. entend continuer son action et son effort.
Il attend à nouveau des pouvoirs publics la compréhension, qui fut autrefois si féconde et qui avait cessé de se faire jour au cours de ces tristes dernières années.
Il est prêt de son côté à apporter sa collaboration complète :
- sur le plan de l'équipement de la montagne, qu'il est décidé à poursuivre en accord avec les services gouvernementaux, et grâce aux moyens dont il dispose, dans des conditions infiniment moins onéreuses que ne le sont les constructions entreprises directement par l'État,
- sur le plan de l'éducation alpine, en été et en hiver, et de la préparation militaire en montagne, qu'il réalise dès cette année, sous l'égide de la F.F.M., pour la très grande majorité des camps organisés en France,
- enfin, sur les divers plans d'organisation, de sécurité, d'exploration et d'études en montagne, où depuis toujours s'est exercée son activité ».
En filigrane du propos musclé, on perçoit la mise en garde contre une atteinte à la cohésion du Club Alpin et contre quelques appétences pour le domaine bâti de l'association, des agissements déjà constatés en 1942, et que nous retrouverons plus tard en 1981.
1945-1948 - LA COHÉSION DU MONDE DE LA MONTAGNE
Trois dirigeants Lucien Devies, Yves Letort et Louis Neltner ont su préserver les intérêts des organisations de montagne durant les années d'occupation... C'est à eux qu'il reviendra d'envisager l'avenir des institutions, et de permettre la cohésion du monde de la montagne, une communauté constituée principalement par trois entités :
< Le Groupe de Haute Montagne qui représente l'excellence en matière d'alpinisme.
< Le Club Alpin « qui rassemblait tous ceux qui aimaient la montagne, aussi bien pour ses paysages, son ambiance, ses fleurs ou ses minéraux, que ceux qui la gravissaient, qu'elle fût moyenne ou haute, facile ou difficile ».
< La Fédération Française de la Montagne, qui est désormais la structure incontournable, pour les autorités de tutelle.
Et pendant vingt cinq ans, les deux organisations Club Alpin et Fédération de la Montagne coexisteront, partageant locaux, personnels et dirigeants, au 7, rue La Boetie à Paris.
Le Groupe de Haute montagne déclare également son siège social dans les locaux communs.
La solidarité montagnarde
Mais il faudra beaucoup de solidarité pour faire vivre une FFM, représentant les associations de montagne, et un Club Alpin possédant une supériorité numérique hégémonique, proposant des orientations culturelles et sportives multiples.
Déjà des incohérences criantes sont observables, elles resteront « cachées derrière le nuage de fumée de la cohésion montagnarde » dira souvent Lucien Devies, le garant du fragile équilibre...
Seule la cohésion montagnarde permettra au système d'être viable pendant trente ans, et toutes les initiatives fédérales devront être prises en harmonie avec la politique du Club Alpin.
Et durant les années 1950-1980, concernant l'Union Internationale des Associations d'Alpinisme, il ne sera pas fait état de l'ambigüité qui pouvait se présenter, concernant la représentation française, entre le Club Alpin - membre fondateur de l'UIAA - et la FFM.
LES PRINCIPAUX POINTS D'ACHOPPEMENT
Situons, dans l'organisation de la Fédération Française de la Montagne, les principaux points d'achoppement, ils resteront remisés de nombreuses années « grâce à la cohésion du monde de la montagne », et surtout par la diplomatie d'un Lucien Devies, qui conduira l'institution de 1948 à 1973 :
< Un Club Alpin, qui doit faire obligatoirement adhérer l'ensemble de ses membres à l'organisme fédéral, afin d'assurer une grande part de l'équilibre économique et une représentativité significative de la structure. La conséquence sera une situation très déséquilibrée, avec une hégémonie du Club Alpin, qui sera automatiquement majoritaire au sein de la fédération, ce qui plus tard provoquera des incompréhensions...
< Des clubs, aux faibles effectifs, qui se retrouvent automatiquement très minoritaires.
< Des groupements forts d'un grand nombre d'adhérents qui, par l'intermédiaire d'une Section montagne, ne proposeront à leurs membres des licences fédérales que sur la base du volontariat, et seulement 50 licences individuelles seront exigées pour le financement de la FFM... Cette participation minimaliste sera le choix de plusieurs organismes qui sauront profiter des bienveillances structurelles. Et certaines de ces associations seront plus tard les plus farouches critiques du fragile équilibre de l'organisation.
< D'autre part, des sociétaires du Club Alpin dont l'activité principale est le ski, et qui ne comprennent pas pourquoi ils doivent être licenciés à la FFM, souvent déjà inscrits individuellement à la Fédération Française de Ski, des interrogations venant principalement des Sections proches des montagnes.
< La place légitime des skieurs de montagne - insuffisamment appréciée - comptera pour beaucoup dans les équilibres institutionnels à venir. La réclamation des skieurs était la possibilité de permettre leurs sports de montagne, sans une affiliation obligatoire à une ou plusieurs fédérations. Elle sera perceptible dans les futures incompréhensions fédérales.
< Des réticences aussi du côté des adhérents tournés vers d'autres activités : les randonneurs, les amoureux de la nature, partisans d'une montagne paisible, éloignée des ambitions sportives, les adeptes des activités douces de loisirs en montagne, ceux encore plutôt intéressés par les activités scientifiques et culturelles ; ces différents courants auront toujours beaucoup de mal à se reconnaître dans un organisme fédéral qui semblera bien peu les représenter.
Seule la cohésion du monde de la montagne était l'argument recevable.
UNE PRATIQUE POPULAIRE
Jusqu'en 1936, les activités de montagne étaient réservées à un milieu très restreint, disposant de temps libre et des moyens d'existence appropriés, et seule encore la proximité régionale offrait une approche au plus grand nombre.
À cette date, les loisirs populaires sont venus avec l'instauration des congés annuels, les pouvoirs publics voulaient encourager le ski et l'alpinisme pour tous... et rendre possible le développement des activités de pleine nature.
C'est le camping, en développement depuis les années 1930, qui va offrir un accès plus facile vers les montagnes. Ce sera le vecteur principal d'un essor populaire des activités alpines.
Les années d'occupation ne permirent pas d'avancer...
Dès 1945, et les années de l'immédiat après-guerre, et malgré les privations de toutes sortes, un engouement exceptionnel pour les activités de plein air accompagnera un mouvement d'intérêt pour la montagne.
Mais en dehors des congés annuels, limités souvent à deux semaines, l'accès aux montagnes restera encore souvent réservé aux catégories aisées de la population.
Seuls encore les proches des zones alpines pouvaient organiser des sorties régulières de fin de semaine en montagne, c'est-à-dire le dimanche...
Pour les parisiens, les vallons et forêts de l'Île-de-France permettaient de s'échapper. Avec des réductions significatives, obtenues par les associations, sur les prix des déplacements de fin de semaine par le train, les gares desservant les accès aux sentiers de randonnée de la région et aux sites d'escalade de la forêt de Fontainebleau connaissaient une forte fréquentation, surtout pour les sorties du dimanche, la semaine anglaise ne viendra qu'un peu plus tard…
Les lyonnais, les grenoblois et les niçois avaient les Préalpes et les Alpes relativement proches, les marseillais avaient les collines provençales et les Calanques, enfin les bordelais pouvaient regarder vers les Pyrénées…
Le train était le moyen d'approche…
Et dès la fin des années mil neuf cent cinquante, c'est la voiture qui va permettre de gagner une plus grande liberté.
Ensuite les fins de semaine de deux jours viendront offrir aux fendus parisiens, lyonnais et autres marseillais des performances nocturnes étonnantes, surtout en hiver, pour gagner les montagnes, en automobile ou en car au confort spartiate, sur un réseau routier encore archaïque, et en hiver fréquemment verglacé.
1945 - L'UNION NATIONALE DES CENTRES DE MONTAGNE - UNCM
Afin de promouvoir les activités de montagne pour la jeunesse, l'« Union Nationale des Centres de Montagne » (UNCM) est fondée en 1945.
Elle est administrée par l'État, les collectivités territoriales et les grands mouvements de jeunesse et d'éducation populaire. Elle permettra à un très grand nombre d'approcher les montagnes...
Une organisation qui pourra proposer une formation pour les Chefs de cordée, et procurer une autonomie aux pratiquants, dans le cadre des clubs. Une initiation pour les aspirants montagnards, skieurs et alpinistes.
Les guides-itinéraires du massif des Écrins
Dès 1931, l'élaboration d'un guide-itinéraires du massif des Écrins est dans les intentions du GHM, la première description de ces montagnes datait de 1887, avec seulement une remise à jour en langue allemande en 1913. Ce n'est qu'en 1941, que le travail effectif sera entrepris par la paire Lucien Devies-Maurice Laloue. En 1946, les premiers guides-itinéraires, décrivant le massif des Écrins en deux tomes, sont publiés par l'éditeur Arthaud, le travail se poursuivra de 1946 à 1978.
Une œuvre exceptionnelle et majeure, les Devies et Laloue étant rejoints plus tard par François Labande (voir le dossier du CFD : Les guides-itinéraires pour l'alpinisme).
Les guides-itinéraires Vallot de la chaîne du Mont Blanc
Dans les années 1940, Lucien Devies forme le projet d'un guide-itinéraires pour la chaîne du Mont Blanc, consacré exclusivement aux ascensions et à l'alpinisme « sur la base d'une rédaction entièrement neuve et indépendante », venant remplacer les guides-itinéraires de l'éditeur Fischbacher de 1925. L'équipe de rédaction se limitera à la seule paire Lucien Devies-Pierre Henry (1900-1985), une collaboration qui va durer plus de trente années.
En 1947, les premiers guides-itinéraires, décrivant le massif du Mont Blanc en quatre tomes, sont publiés par l'éditeur Arthaud, le travail se poursuivra de 1947 à 1979, avec le patronage du GHM pour les premières éditions.
Le titre Guide Vallot étant conservé par fidélité et hommage aux prédécesseurs.
Les deux hommes vont entreprendre et réussir une œuvre exceptionnelle, extraordinaire et incomparable de méthode, de précision et d'intérêt pour la connaissance des montagnes du massif du Mont Blanc. Une tâche immense qu'ils pourront, durant trente années, plusieurs fois améliorer et compléter, pour arriver à la somme de connaissances acquises dans les dernières éditions.
En 1979, Gino Buscaini saura se fondre dans l'œuvre des deux amis pour la rédaction d'un dernier tome (voir plus précisément le dossier du CFD : Les guides-itinéraires pour l'alpinisme).
La polémique de l'Eiger
En 1946, le débat porte sur ce qui a fait réussir les germano-autrichiens en 1938.
Des collègues suisses avaient imprudemment avancé que l'ascension de la face nord de l'Eiger n'était pas de l'alpinisme, pour réussir une escalade aussi folle, il fallait des "surhommes" nazis, c'est-à-dire que sans Hitler la cordée de 1938 ne se serait pas attaquée à cette entreprise. Par contre l'ascension des frères Schmid de la face nord du Cervin se situant avant l'arrivée au pouvoir d'Hitler ne se voyait pas, en suivant cette thèse, également disqualifiée.
Pour Lucien Devies, qui avait été un des acteurs de l'exploration des dernières grandes faces nord des Alpes, l'ascension de la face nord de l'Eiger était de l'alpinisme, l'hitlérisme n'était pas la raison de l'assaut et du succès de 1938, mais la témérité traditionnelle des alpinistes allemands, la même que celle d'un Guido Lammer ou des frères Schmid.
Lucien Devies insiste :
« Il faut remarquer qu'Heckmair et les Schmid sont de la même génération. Et j'ai suffisamment rencontré de Munichois en montagne pour n'avoir aucune illusion à leur sujet : ils étaient presque tous, sinon tous, nazis. Aucune différence sérieuse entre les Schmid et Heckmair. Pas de césure entre la face nord du Cervin et la face nord de l'Eiger quant à la conception et la réalisation. La différence n'existe que dans la présentation après coup ; parce qu'entre les deux courses les nazis avaient pris le pouvoir. Aussi, la "propagande" a-t-elle pu exploiter l'Eiger à sa manière, bien sûr affreuse. C'est là que gît la différence, mais pas entre les protagonistes ».
Et quand en 1947 une cordée suisse reprend l'itinéraire décrié, Lucien Devies demande aux Suisses leur opinion sur cette nouvelle performance :
« Voit-on dans cette réussite un beau succès, un grand exploit, ou une course horrible et condamnable comme celle de 1938 ? ».
Les Suisses, par l'intermédiaire du bulletin du CAS, vont laisser entendre perfidement que Lucien Devies approuvait la conception alpine des nazis.
Sa lettre du 10 mars 1948, au rédacteur en chef de la revue Les Alpes, demandant un droit de réponse, apporte une mise au point cinglante (avec le soulignement de l'auteur) :
« Je ne puis accepter, comme vous l'avez fait entendre, que j'approuve l'esprit d'orgueil nationaliste, de supériorité raciale, de compétition mesquine et inhumaine, qu'en somme j'ai de la sympathie pour ce qu'était le nazisme, alors que tout cela me fait naturellement horreur. Je réprouve au moins autant que vous les horreurs nationalistes visées plus haut.
Non aucun de mes écrits n'autorise de pareilles conclusions, et me prêter des sentiments semblables c'est vraiment déformer ma pensée et le mot déformer est bien faible ».
1945 à 1948 - L'ENSEIGNEMENT ALPIN
Déjà en 1936, les pouvoirs publics voulurent encourager une approche de la montagne ouverte au plus grand nombre, et souhaitaient proposer une formation populaire. Les années d'occupation ne permettront pas d'avancer significativement.
Dans l'immédiat après-guerre, l'Enseignement alpin est organisé, par la FFM et le Club Alpin.
C'est un changement fondamental, initié d'abord timidement dès 1922, avec la propagande du GHM pour l'alpinisme autonome, mais le modèle du recours aux Guides, pour aller en montagne, estompait encore dans les années 1930, l'indispensable formation pour l'émancipation de chacun.
C'est maintenant une nécessité et une évidence incontournables, afin de conduire vers l'autonomie des pratiquants.
Les bases de la préparation seront l'école d'escalade durant l'intersaison, et les camps d'été en montagne.
- La conjugaison de ces deux moyens sera le socle de l'Éducation alpine.
La volonté des autorités de tutelle, du Club Alpin et des organisations travaillistes est de former et diplômer des moniteurs bénévoles, afin de transmettre une pédagogie vers les Clubs et les Collectivités intéressées.
Mais la Fédération Française de la Montagne se montrera un moment réticente, sur la question du brevet d'Instructeur bénévole, - pour ne pas gêner ses pourparlers avec les professionnels -, avant de s'engager de façon décisive. Il faudra attendre 1959 pour l'officialisation des brevets de compétence.
Les stages d'été sont particulièrement mis en exergue, et se révèleront de grande qualité, avec l'engagement des structures FFM, CAF et GHM.
Les camps-écoles, organisés en 1947 et en 1948, réuniront dans les Alpes et les Pyrénées, plus de cinq cents jeunes hommes et femmes repartis en trente-cinq groupes, entourés par une centaine de moniteurs.
L'encadrement se fait avec des moniteurs bénévoles cooptés, et aussi par les Instructeurs spécialisés.
La formation de Chef de cordée, pour ceux qui ont les qualités requises, est mise en avant.
Un règlement fédéral définira les capacités nécessaires du Chef de cordée, et de celles du Chef de course.
Plus tard des stages de perfectionnement seront réservés chaque année, dans l'établissement éducateur, aux membres affiliés à la FFM, pour la formation des futurs Chefs de cordée et des Chefs de course.
LES FORMATIONS AUX MÉTIERS DE LA MONTAGNE
En 1945, avec l'appui de la Direction des sports au niveau de l'État, un Comité de direction de l'Enseignement est chargé d'unifier les préceptes liés aux métiers de la montagne, et d'organiser l'arrivée de plusieurs sociétés travaillistes nouvellement venues aux sports de montagne, tels la FSGT, l'UCPA et l'UFOLEP.
Les différentes formations sont délivrées à l'École des Praz de Chamonix.
< L'École nationale préparera les Guides et les Moniteurs de ski.
< Le Collège national consacrera les Instructeurs destinés aux collectivités.
L'assistance des Instructeurs de collectivités répond non seulement à la demande des sociétés travaillistes et des clubs, mais aussi à celle des organisations structurées, comme l'École militaire de haute montagne de Chamonix.
Pour contourner les corporatismes, les Instructeurs de collectivités recevront le même enseignement que les Guides ou que les Moniteurs de ski, mais ne pourront pas exercer auprès de la clientèle privée.
Cette organisation très byzantine devra être plusieurs fois réaménagée, pour trouver le raisonnable.
En 1948, après quelques chamailleries, c'est la fusion entre les deux institutions.
L'« École Nationale de Ski et d'Alpinisme » (ENSA) regroupera les différentes formations destinées aux métiers de la montagne.
À ces enseignements s'ajoutent ceux délivrés aux Instructeurs bénévoles des associations, sociétés de ski, clubs d'entreprises et organismes d'éducation populaire.
C'est la prise en compte des différents courants qui traversent le mouvement sportif de l'époque.
Pour aller en montagne
Dans ces années d'après-guerre, il y a maintenant plusieurs manières, approuvées par les structures, d'aller en montagne :
< en autonomie, après avoir reçu une formation, pour la constitution de cordées indépendantes.
< en ayant recours à un Guide professionnel, pour ceux qui n'ont pas (ou n'ont plus) les moyens physiques ou psychologiques, pour ceux qui n'ont pas la possibilité ou la volonté de devenir ou de rester autonome.
< en formation avec un Guide professionnel, qui accepte de transmettre son savoir.
Après des débats commencés avant la Grande Guerre 1914-1918, on arrive enfin à un consensus, le but de l'« Enseignement alpin » est bien de rendre les alpinistes autonomes et responsables.
1944-1948 - La qualification des Guides
Dès 1944, Lucien Devies s'était attaqué à la question du statut et de la formation des Guides de montagne et de haute montagne, car l'application des intentions de la loi de 1943 devait encore être précisée et aménagée.
Les travaux porteront sur la rédaction des textes réglementaires, le statut et la formation des Guides, et la transposition des brevets attribués de 1904 à 1940 par le Club Alpin et la STD.
À l'initiative de la « Commission des Guides de la FFM », en liaison avec la Compagnie des Guides de Chamonix, un projet de réglementation de la profession est proposé à la Direction générale des sports.
Trois niveaux d'aptitude sont retenus : Guide de Montagne, Guide de Haute Montagne et Aspirant-Guide, avec port de l'insigne fédéral FFM.
C'est la FFM qui assurera le secrétariat de l'organisme, pour faciliter la régulation des anciens diplômes, décernés il y a quelque temps encore par le Club Alpin et la STD.
Ce n'est qu'en 1958 que l'École Nationale de Ski et d'Alpinisme prendra le relais.
Par la loi du 18 février 1948, le cadre juridique est donné au métier de Guide, seuls les titulaires d'un brevet de compétence peuvent emmener des clients en montagne contre rétribution.
Des brevets qui seront délivrés après un stage de formation à l'École Nationale de Ski et d'Alpinisme.
On va désormais devenir Guide non plus par sa naissance, mais par des qualités affirmées et contrôlées, mais la validation des anciens diplômes va encore - pour un temps heureusement - voir perdurer quelques rentes pittoresques de situation.
Une chaîne cohérente
L'Enseignement alpin est maintenant constitué d'une chaîne cohérente, allant de la formation distribuée dans les clubs, en passant par la qualification des Instructeurs professionnels et bénévoles des collectivités, jusqu'à la formation des Guides de haute montagne.
1946 - Le partage du Mont Blanc
Dès 1944, des discussions difficiles sont entamées, pour fixer les limites communales des hauts glaciers du Mont Blanc, les municipalités de piémont réclamaient un morceau du gâteau, et depuis bien longtemps se disputaient le sommet des Alpes.
L'arrêté préfectoral de 1946 attribue à Chamonix, aux Houches et à Saint-Gervais des parties des pentes et du sommet, sans se préoccuper de la réclamation de nos voisins italiens.
Une limite frontière contestée
Ceux-ci, contestant l'interprétation française des décisions des Commissions, chargées de fixer les détails des limites frontalières de 1796 et 1860, considèrent que le sommet est mitoyen.
Les cartes italiennes montrent un sommet mitoyen et les cartes de l'IGN proposent une ligne frontière laissant le sommet dans la partie française.
Si le cadastre du culmen des Alpes n'est pas encore certain - même aujourd'hui - mais qui s'en préoccupe, les refuges Vallot et du Goûter sont bien sur la commune de Saint-Gervais, et le refuge des Grands Mulets sur celle de Chamonix.
Du côté du Club Alpin, du GHM et de la FFM, ce sera le silence total sur la question, pour ne pas ajouter à l'écheveau.
Seul un article de Charles Vallot exposera correctement la situation dans La Montagne de 1949, que les intervenants d'aujourd'hui feraient bien de relire.
Et plus tard, un simple exposé de la situation, qui pouvait intéresser les lecteurs de nos publications, sera vite remisé au fond des tiroirs.
1946 - Le laboratoire des Cosmiques, 3613m
Dans le massif du Mont-Blancs, à proximité du Col du Midi, inauguration du laboratoire d'études des Rayons Cosmiques, le 31 août 1946, en bénéficiant de la benne de service du troisième tronçon du téléphérique du Col du Midi, à la finalité désormais définitivement abandonnée. C'était une étroite plateforme qui pouvait emporter 6 personnes, depuis la station des Glaciers, au départ du village des Pèlerins, avec des règles de sécurité d'un autre temps.
Le laboratoire comprend, en plus du dispositif scientifique permettant l'étude des rayons cosmiques, une cuisine et un dortoir.
Il accordera l'hospitalité aux alpinistes dans la limite des couchages disponibles, et de l'humeur du gardien… Il est détruit accidentellement en 1984. Jusqu'au nouveau bâtiment moderne de 1991.
1945 à 1947 - Le ski d'après guerre
Le prodigieux essor du ski reprend après la guerre, des téléphériques sont apparus à Serre Chevalier en 1941 et à Val-d'Isère en 1942, s'ajoutant aux équipements de Chamonix, de Megève et autres.
Le Club Alpin continue à entretenir un fort enthousiasme pour la discipline, avec la promotion du ski de haute montagne, et l'encouragement d'une forme d'émulation.
En 1947, il réactive ses compétitions inter-Sections, une Coupe des Améthystes et un Challenge inter-Sections, pour des courses combinées fond et descente.
Comme la Fédération Française de Ski possède le monopole reconnu de la compétition, concernant le ski, cela ne va pas sans quelques anicroches, malgré les bonnes volontés des deux parties.
En 1947, un protocole est signé :
< La FFM reconnaît que les compétitions et le tourisme à ski, l'organisation des stations et l'enseignement du ski, sont du domaine normal de la FFS.
< La FFS reconnaît, que le ski de haute montagne et l'organisation d'activités dans les régions glaciaires sont du domaine normal de la FFM.
Un protocole critiqué par plusieurs Sections de montagne du Club Alpin.
1945 à 1952 - LA RECONSTRUCTION DES REFUGES
En 1945 au sortir de la guerre, les refuges sont - pour la plupart - délabrés faute d'entretien, et certains sont pillés ou vandalisés.
Ils sont, pour la très grande majorité en France, des créations et des propriétés du Club Alpin, ou encore des lieux d'accueil confiés à sa gestion.
À la tête de la « Commission des travaux en montagne », Lucien Devies sera le concepteur d'une vaste stratégie et d'une politique à long terme de reconstruction et de développement.
Un véritable plan d'aménagement du territoire, permettant l'accès aux montagnes, tout en préservant certains sites.
De 1947, pour le refuge Temple-Écrins et jusqu'en 1974, pour celui d'Argentière, Lucien Devies sera présent aux 36 inaugurations de nos refuges de haute montagne, pour lesquels il aura été l'un des principaux artisans et décideurs... Seul le refuge de l'Envers des Aiguilles échappera - par suite d'un malencontreux accident - à cette exceptionnelle assiduité.
Nous retrouvons l'homme dans une note de la fin des années 1960 :
« Les problèmes de construction [des refuges] qui se posent ne sont pas philosophiques mais pratiques. Depuis vingt ans, aucun esprit de système n'a présidé aux choix des solutions retenues et leur diversité le montre bien. Pour des constructions érigées dans un milieu souvent très rude et laissées à elles-mêmes pendant de longs mois, le souci de la fiabilité est naturellement et nécessairement primordial ».
Yves Letort précise :
« À la fin de la guerre beaucoup de refuges sont dans un état alarmant. Nombre d'entre eux avaient par force manqué d'entretien, certains avaient été pillés, "vandalisés" par des troupes d'occupation - pas toujours étrangères - ou même par des alpinistes peu scrupuleux.
Lucien Devies va s'attacher à relever ce délabrement, il y sera aidé par le dévouement des membres du Club qui vont jusqu'à monter eux-mêmes du ciment dans leurs sacs de montagne. Il déploie personnellement une intense activité, d'une part pour galvaniser l'action des sections du CAF, des gardiens et gérants de refuge, d'autre part pour obtenir des pouvoirs publics autorisations de reconstructions, subventions, dommages de guerre, et plus, prosaïquement : monnaie - matière sans laquelle ne peut être obtenu aucun matériau ».
En 1948, l'État transmet au Club Alpin la gestion de plusieurs refuges Glacier Blanc, Bans, Vallonpierre, et plus tard Envers des Aiguilles et Col de la Temple, qu'il n'a pas la capacité d'administrer convenablement, et proposera la concession des refuges italiens, maintenant sur le territoire national, suite à la rectification de frontière de l'après-guerre.
Au fil du temps, le Club Alpin restera l'une des rares associations, disposant de l'organisation et des compétences, pour construire et entretenir des refuges de haute montagne, avant les relais des Parcs nationaux et régionaux beaucoup plus tard.
Depuis 1942, la Fédération Française de la Montagne est l'interlocuteur des pouvoirs publics, en ce qui intéresse les activités sportives en montagne, mais comme déjà dit, une ambiguïté demeurera, en ce qui concerne l'œuvre bâtie.
Pour la gestion des refuges de montagne, la FFM ne fera que transmettre au Club Alpin la prise en charge effective et la réalisation, comme maître d'œuvre, des projets de construction du bâti en altitude.
En 1948 - nouveau président du Club Alpin - Lucien Devies publie dans La Montagne l'article « Nos refuges », une synthèse concernant les constructions d'altitude.
Le président Devies - par ailleurs président de la FFM - prend bien soin de signer son éditorial au titre de président du Club Alpin, pour bien situer les implications.
Le financement des refuges
Avant la Grande Guerre, les refuges avaient été édifiés avec les propres ressources de l'association, et en recevant legs et donations de ses membres.
Depuis 1922, l'État intervient enfin, en apportant une aide financière - un moment appréciable, mais peu durable - au Club Alpin, au Touring Club de France et à la STD, pour que l'équipement de la montagne se poursuive ; un véritable service au public qui commence à être reconnu. Mais ce sont encore les propres ressources du club, les legs et donations des adhérents, qui permettaient principalement le financement, et l'entretien des refuges. S'ajoutaient parfois quelques participations financières de municipalités, qui avaient déjà compris l'intérêt de ces lieux d'accueil, pour l'essor du tourisme local.
Après la Seconde Guerre mondiale, le Club Alpin saura définitivement convaincre l'administration, l'État, et plus tard les collectivités locales, de l'utilité publique de ces équipements, et de participer plus largement à leurs financements (voir le dossier du CFD : L'Aménagement de la montagne et les Refuges).
Poursuivre l'œuvre bâtie
Les premières remises en état et les initiatives nouvelles sont proposées en 1946, et marquent l'ambition du Club Alpin à poursuivre son œuvre bâtie...
1946 à 1949 - LES REFUGES CONSTRUITS OU RESTAURÉS
1946 - Le chalet du Graydon, 1335m
1947 - Le refuge du Baerenkopf, 1070m
1947 - Le refuge du Monte d'Oro, 1135m
1947 - Le refuge de Temple-Écrins, 2410m
1948 - Le refuge des Bans, 2083m
1948 - Le chalet des Cortalets, 2150m
1948 - Le refuge du Glacier Blanc, 2542m
1948 - Le refuge des lacs de Vens, 2380m
1948 - Le refuge de Nice, 2250m
1948 - Le refuge du lac de Rabuons, 2523m
1948 - Le refuge de la Vallée Étroite, 1780m
1948 - Le refuge de Vallonpierre, 2271m
1949 - Le refuge de Bise, 1506 m
1949 - Le refuge de Chastellar, 1997m
1949 - Le refuge de Chastillon, 2034m
1949 - Le refuge des Évettes, 2590m
1949 - Le refuge de la Lavey, 1797m
1949 - Le refuge de la Madone de Fenestre, 1903m
1949 - Le refuge des Merveilles, 2100m
1949 - Le refuge du Saussois
1949 - Le refuge des Trois Fours, 1200m
< Voir un historique dans le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges.
1947 - Le premier rassemblement international
La FFM et le Collège National d'Alpinisme des Praz accueillent à Chamonix, dans les locaux du collège, un premier rassemblement des meilleurs alpinistes étrangers et français.
Cette manifestation, voulue par les responsables de la FFM et du Club Alpin, avait pour but de souligner le dynamisme de l'alpinisme de notre pays.
Cette réunion amicale sera proposée tous les quatre ans aux nations pratiquant l'alpinisme.
1947 - LE SECOURS EN MONTAGNE
Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, les interventions des secours étaient assurées par les montagnards eux-mêmes. Les premières initiatives, structurées localement, datent de 1897.
Aucun dispositif centralisé n'était organisé, le bénévolat était naturel, au nom de la solidarité et de l'assistance.
Des listes de volontaires étaient constituées, des systèmes d'alerte étaient prévus, « mais ce sont des efforts éparpillés, montés souvent au pied levé ».
Dans les centres alpins, ce sont les Guides qui assurent naturellement « le devoir de porter assistance ». En 1945, ces derniers ont eux-mêmes demandé que soit inscrite cette astreinte dans le nouveau règlement de leur profession.
Ce sont des dévouements et des bonnes volontés qui animent les petites entités existantes « mais ce sont des initiatives dispersées, des méthodes et des techniques disparates, des actions souvent improvisées ».
Et aussi des suzerainetés et des petits pouvoirs, qu'il faudra convaincre ou encore contourner (voir le dossier du CFD : Le secours en montagne ; et l'ouvrage : Lucien Devies - La montagne pour vocation - L'organisation du secours en montagne - Édition l'Harmattan).
La création de la Commission de secours en montagne
Au sortir de la guerre 1939-1945, à l'initiative de Lucien Devies, les associations de montagne vont proposer et mettre en œuvre, au sein de la Fédération Française de la Montagne (FFM), et par une « Commission des secours en montagne », les différentes initiatives se rapportant à cette mission, et de proposer une unité d'organisation et d'action.
Les grandes lignes d'une opération de sauvetage sont clairement définies, avec les trois niveaux : méthode - préparation - exécution. Ainsi que sont identifiées les différentes responsabilités : administrateur du plan d'action - directeur d'intervention - chefs de caravane - secouristes exécutants.
Dans La Montagne d'octobre 1946, Lucien Devies signe, comme président de la Commission de secours, l'article exposant « L'organisation des secours en montagne en France ».
Il y évoque une première fois l'idée d'un Service public.
Le 11 octobre 1947, se tient la réunion générale constitutive de la Commission fédérale regroupant les « Sociétés de secours en montagne », agissant pour la plupart sous le statut de la loi de 1901 sur les associations.
Les préoccupations principales seront : la formation des secouristes, la fabrication de matériel moderne de sauvetage, les assurances, les récompenses, le recouvrement des frais de sauvetage, « ainsi que la très importante question de la coopération avec les pouvoirs publics pour la recherche et le sauvetage des avions perdus en montagne ».
Le souci premier des représentants de l'État, présents à cette réunion, était d'aller récupérer les morts dans les avions accidentés en montagne, pas les skieurs, ni les alpinistes en détresse...
La Commission fédérale regroupera l'ensemble des Sociétés de secours en montagne, réparties dans nos zones de montagne.
En 1948, une première grande opération de secours, dépassant la simple routine, se présente sur la face sud du Pavé, dans le massif des Écrins. Viendra ensuite l'intervention des secours sur la face nord-est de l'Olan en 1949, et pour la catastrophe aérienne sur l'Obiou en 1950, ainsi que celle du Malabar Princess sur les pentes supérieures de Mont Blanc, la même année.
Ces opérations montreront les limites de l'organisation.
Les Sociétés de secours auront beaucoup de difficultés à recruter des secouristes rapidement disponibles, et souffriront d'un manque chronique de moyens.
En ces temps-là, les opérations de secours se déroulaient par voie terrestre, les portages, dans les zones escarpées, se faisaient bien entendu à dos d'homme, et par des bêtes de somme en terrain plus apprivoisé (voir le dossier du CFD : Le secours en montagne).
1947 - UN COMITÉ NATIONAL DE RANDONNÉE
Au lendemain de la Grande Guerre 1914-1918, venant du scoutisme, Jean Loiseau avait créé un groupe de marcheurs : « Les Compagnons Voyageurs », et avec le soutien du Camping Club de France, il avait ébauché le projet de créer en France des « Grandes Routes du marcheur ».
Dans la première moitié du vingtième siècle, les sociétés qui s'intéressent aux excursions pédestres en pleine nature sont : le Mouvement scout, les Auberges de Jeunesse, le Club Alpin Français, la Société des Touristes du Dauphiné, le Camping Club de France, le Touring Club de France, le Club Vosgien, les Excursionnistes marseillais et toulonnais.
Et chaque structure proposait ses chemins d'excursion.
Le Club Alpin était surtout présent dans les massifs montagneux ou accidentés.
Le 22 août 1947 est constitué un « Comité National des Sentiers de Grande Randonnée » (CNSGR) réunissant les clubs précités.
Avec une proposition de réseau national de chemins balisés, une signalisation (le fameux trait rouge surmonté du trait blanc) et le recrutement de bénévoles dans les associations fondatrices, les « Grandes Routes du marcheur » se transforment vite en « Sentiers de Grande Randonnée ».
Le terme « randonnée » est lancé…
Le Club Alpin apporte son concours sur le terrain, par ses Sections qui balisent et entretiennent certains sentiers de Grande Randonnée, particulièrement dans les zones de montagne (voir le dossier du CFD : Randonnée et randonnée alpine).
1947 - La Réserve naturelle d'intérêt national du Mercantour
Jusque-là, un des versants du Mercantour était situé en territoire italien. Conséquence des accords de Paris, à la fin de la guerre 1939-1945, une rectification des frontières permet au massif du Mercantour d'être entièrement dans nos limites nationales.
En 1947, la « Réserve naturelle d'intérêt national du Mercantour » voit le jour dans les Alpes-Maritimes, pour la préservation de la faune sauvage.
C'est le Conservateur des Eaux et Forêts, Alfred Dugelay qui est à l'origine de la proposition. Une zone de sauvegarde facilement admise par les chasseurs, après le saccage des gros et petits gibiers, par les braconniers.
1947 - La montagne d'utilité publique
Le Club Alpin poursuit sa politique de préservation du milieu naturel, suggérée dès sa création en 1874, en étant encore peu entendu...
Pourtant, la longue intervention de Paul Gayet-Tancrède dit Samivel (1907-1992), dans La Montagne de juillet 1947, se révélera appropriée :
« Il faut pratiquer intensivement une politique de parcs nationaux. Multiplier aussi les "réserves", où les formes vivantes et inanimées et les rythmes cosmiques seront préservés de toute pollution ou destruction. Il faut en tous lieux protéger les rivières, les forêts, les cavernes, les montagnes.
Les territoires montagneux, par la variété extrême de leurs grands aspects naturels, de leur faune, de leur flore, les qualités bénéfiques du milieu, les facilités relatives d'isolement qu'ils présentent, paraissent éminemment propres à la constitution des terrains de jeu et des réserves. Leur préservation n'intéresse pas que les alpinistes, mais à peu près tous les tenants des sports de plein air ».
Les hauts lieux de l'escalade en falaise
L'escalade en falaise connaît un engouement sensible. Les Ardennes belges, les Calanques et le Saussois sont les hauts lieux de cette préparation à l'alpinisme, avec à un degré moindre les sites de Saffres, de Cormot, du Baou, des Dentelles de Montmirail et du Caroux.
La sécurisation des grimpeurs est assurée par les pitons, qui servent souvent indifféremment de point d'assurage et de point d'aide.
Mais il est apparu rapidement que les pitonnages et les dépitonnages successifs endommageaient sérieusement la roche, et principalement la roche calcaire, plus fragile que le granite.
L'équipement à demeure de voies fréquentées deviendra vite une obligation, avec parfois des ancrages placés après forage de la roche (voir le dossier du CFD : Un historique de l'escalade).
Les Sections Paris-Chamonix et de Lyon-Saint-Gervais du Club Alpin
Les Sections de Paris et de Chamonix se réunissent pour un temps, probablement en 1947.
Une simplification dans l'organisation du Club Alpin, avec une Section de Chamonix aux effectifs extrêmement fluctuants, et une Section de Paris très engagée dans la gestion des refuges du massif du Mont-Blanc, forte d'un grand nombre d'adhérents et cadres bénévoles, et de quelques moyens de financement.
Même situation et même organisation pour la Section de Lyon Saint-Gervais, dans les années qui suivirent.
1948 - Les chaussons d'escalade
En 1948, et après une longue mise au point commencée en 1935, Pierre Allain introduit sur le marché, dans son célèbre magasin de la rue St Sulpice à Paris, un chausson d'escalade à semelle caoutchouc de marque PA.
Les fameux chaussons bleus seront immédiatement les accessoires indispensables pour l'escalade à Fontainebleau.
Ils seront un moment utilisé en falaise et en montagne par des initiés, comme en 1953 les frères Henry et Pierre Lesueur, durant l'ascension par l'arête nord-est de la dent du Caïman. Mais les chaussures à semelles Vibram, plus commodes et plus confortables en escalade mixte et artificielle, seront en ensuite préférées pendant un moment.
Les chaussons PA resteront, en France, réservés, à quelques exceptions près, aux blocs de Fontainebleau durant encore quinze ans.
En 1950, sur les falaises, on grimpe en chaussons à semelle de crêpe, puis en chaussons PA, et rapidement en chaussures à semelles Vibram. Un modèle de chaussure légère à semelle Vibram sera proposé en 1953 (voir le dossier du CFD : Le matériel de l'alpiniste).
En 1955, les chaussons PA sont adoptés pour l'escalade des parois des Îles Britanniques.
1948 - LES ORGANISATEURS DES INSTITUTIONS
< Le 11 avril 1948, le Club Alpin procède à l'élection comme président de Lucien Devies.
< Louis Neltner est l'un des vice-présidents et Yves Letort est membre du Comité de direction…
< Yves Letort est président de la FFM.
< Lucien Devies et Louis Neltner sont vice-présidents…
Ces trois dirigeants, Lucien Devies, Yves Letort et Louis Neltner ont su préserver les institutions de montagne durant les années difficiles, et ont permis au mouvement alpin de s'organiser dans la solidarité de l'immédiat après-guerre...
- Mais par la suite, un seul va pouvoir assurer la conduite de nos associations.
À la fin de l'année 1948, Yves Letort, trop occupé par ses activités professionnelles, doit passer la main, et Lucien Devies est élu président de la FFM…
- Lucien Devies concentre l'ensemble des moyens et des pouvoirs, en présidant les principales organisations de montagne, le CAF, le GHM, la FFM et Comité de l'Himalaya, il est aussi le directeur et le chroniqueur de la revue Alpinisme.
Pendant vingt-cinq ans, le monde de la montagne va confier sa destinée à un seul homme…
Dans ces années-là, c'est lui qui conduira principalement les actions des associations, dans la défense du milieu naturel et de la montagne, dans la reconstruction et l'extension du patrimoine bâti en altitude, dans les initiatives françaises tournées vers l'exploration des plus hautes montagnes.
Les cotisations
En 1948, le Club Alpin - en modifiant les montants de ses cotisations - supprime la faculté de devenir membre à vie, jusque-là proposé contre un versement forfaitaire.
Un appel aux dons est adressé aux heureux bénéficiaires de ce privilège, que l'inflation a rendu complètement exorbitant…

LE MATÉRIEL D'ALPINISTE DE 1945 à 1970
À la sortie de la guerre, le matériel d'alpinisme est rationné. Il faut un bon d'achat distribué par la FFM, pour obtenir corde et chaussures, en présentant une preuve de compétence, il redeviendra en vente libre en 1949.
Depuis les années 1905, plusieurs commerces spécialisés ont vu le jour et s'annonceront dans La Montagne, les pages réservées à la publicité (la réclame) rappellent ces initiatives marchandes, avec notamment l'établissement Pierre Allain dès 1936, et le magasin Au Vieux Campeur dès 1945, qui deviendra au fil du temps une grande surface de notoriété.
C'est dans ces année-là que des progrès techniques peuvent être constatés (voir le dossier du CFD : Le matériel de l'alpiniste).
- La corde en polyamide
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, deux initiatives parallèles sont poursuivies, visant à améliorer la sécurité des cordes d'alpinisme.
Jusque-là, on grimpait avec comme seule sécurité la corde en chanvre (la corde d'attache), celle-ci pouvait se rompre devant une chute libre d'un mètre, sous une charge de 80 kg, la sécurité du premier de cordée était absente.
Les cordes ordinaires en chanvre étaient destinées à subir un effort de traction lent ou une charge statique, elles ne supportaient pas une charge dynamique, c'est-à-dire la chute du premier de cordée.
Avec le polyamide (Nylon), le progrès va être décisif.
Les cordes spéciales câblées voient le jour en Grande Bretagne à la fin de la guerre, en conservant les méthodes de fabrication des cordes de marine… Elles seront les premières à offrir une résistance importante, grâce à leur élasticité, permettant de parer la chute d'un grimpeur progressant au-dessus d'un point d'ancrage.
-
En 1947, la corde moderne est mise au point, sur les conseils de Pierre Chevalier (1905-2001), par les établissements Joanny. Une corde à fils parallèles, eux-mêmes formés d'éléments multi filamentaires de polyamide, protégée par une gaine tressée.
C'est une grande avancée… Ces nouvelles cordes vont offrir une vraie sécurité et vont se trouver préservé des frottements avec la roche, par leur gaine extérieure.
À Grenoble, Maurice Dodero, au sein de la Société des Touristes du Dauphiné, commence l'étude systématique de la résistance des cordes avec la mise au point d'un dispositif d'essai, l'appareil Dodero simulant, pour la corde, la chute d'un grimpeur.
- Les cordes à double et à simple
Jusque-là, les cordées emportaient une corde supplémentaire, pour la descente en rappel, qui s'ajoutait par un nœud à la corde d'attache.
Bientôt les équipementiers vont proposer des cordes à double (9 puis 8 mm), permettant l'assurage pendant l'escalade, en utilisant les deux brins de la corde, et la descente en rappel, sur une même longueur libre. Des cordes à simple sont proposées, pour l'assurage en falaise, au début avec un diamètre important (14 puis 12 mm, aujourd'hui 9 et jusqu'à 8.2 mm pour les plus techniques).
- Les mousquetons
C'est encore le mousqueton en acier qui est utilisé.
Déjà en 1938, un mousqueton en alliage d'aluminium, avait été essayé par Pierre Allain.
En 1948, le mousqueton léger en alliage d'aluminium (Duralumin) est commercialisé par Allain, mais devait être utilisé avec prudence, essentiellement pour l'escalade artificielle, car il ne résistait pas à une chute même modeste. L'information technique publiée parle imprudemment d'une résistance bien supérieure aux mousquetons en acier…
Ces mousquetons ne sont pas munis d'un tenon de verrouillage du doigt mobile, comme l'ont été depuis longtemps, par empirisme, les mousquetons en acier.
Les améliorations n'apparaîtront que plus tard avec les progrès de la science des matériaux.
En 1958, Allain est le premier à proposer un mousqueton à haute résistance mécanique en alliage léger (Zicral).
En 1966, un mousqueton en alliage léger, avec verrouillage du doigt d'ouverture, est présenté par Allain. C'est un véritable élément de sécurité.
La charge admissible passe de 1600 à 2800 daN ; le mousqueton en alliage léger devient un véritable élément de sécurité, capable d'accepter - suivant des normes précises - l'énergie correspondant à la chute d'un grimpeur, évoluant au-dessus d'un point d'assurage.
Des fabrications similaires seront bientôt proposées par plusieurs fabricants.
- D'autres progrès techniques
Des progrès techniques apparaissent en France avec les chaussures à semelle Vibram (1948), les pitons américains en acier élastique (1952), les piolets (1957 en Écosse), la poignée Jumar (1958), les broches à glace (1960 et 1970) et le casque d'escalade (1961).
1949 - La technique française de cramponnage
Imposée par Armand Charlet, le meilleur glaciériste français depuis les années vingt, une méthode de cramponnage présentée en France comme la technique française de cramponnage, enseignée par l'École Nationale de Ski et d'Alpinisme, sera fossilisée par l'article « Techniques actuelles de la neige et de la glace » d'André Contamine (1919-1985), paru dans Alpinisme de 1949.
Une simple adaptation de la méthode de cramponnage Eckenstein - dite technique des pieds à plat - avec les crampons 10 pointes de 1908, expliquée en France, dans Alpinisme de 1927, appropriée aux pentes classiques, mais beaucoup moins aux pentes plus raides, et aux progrès à venir… (voir le dossier du CFD : Le matériel de l'alpiniste).
La méthode nécessitait des conditions anatomiques particulières, une grande souplesse des chevilles qui permettait de conserver la technique des pieds à plat dans les pentes raides (Armand Charlet, Claude Dufourmantelle et autres).
Lire plus loin les péripéties de 1967 et 1969, et il faudra attendre les années 1970 pour que les crampons 12 pointes et la technique frontale, utilisés par les initiés depuis 1929, soient enfin proposés à tous en France…
1949 - LA COMMISSION DE SKI ET D'ALPINISME HIVERNAL
L'enthousiasme grandissant pour le ski faisait de ce sport le mode de recrutement le plus important pour l'association.
Impossible pour elle de se désintéresser de cette activité, qu'elle a elle-même mise en œuvre en France, en son temps...
L'harmonie et la communauté de vue seront recherchées avec la Fédération Française de Ski, pour ce qui concerne les compétitions sportives organisées par le Club Alpin.
En 1949, trente-deux Ski-Clubs Alpins sont attachés au Club Alpin...
Au sein de la Fédération Française de Ski, certains Ski-Clubs du Club Alpin sont la plus forte représentation en nombre de certains Comités régionaux FFS...
En 1949, la « Commission de ski et d'alpinisme hivernal » du Club Alpin se réorganise, elle est transférée de Paris à Lyon, pour se rapprocher des montagnes, et « être en contact étroit avec les problèmes de la neige et de la montagne »…
Son rôle est rappelé :
< unifier et coordonner le ski dans les Sections.
< fédérer les activités et les initiatives concernant le ski, conformément à l'esprit et à l'intérêt du Club Alpin, et aux aspirations des adhérents.
< organiser des compétitions réservées aux membres du Club Alpin, exaltant l'esprit d'équipe et de cordée, et restant dans le cadre d'un divertissement dominical, entre skieurs amateurs. Un Challenge national inter-Sections d'hiver et un Rallye de haute montagne au printemps, sont les deux manifestations principales, avec la Coupe des Améthystes, organisée par le Ski-Club Alpin de Paris.
< encourager le ski de fond, discipline de haute valeur athlétique et morale. Les qualités d'endurance, d'énergie et de discipline personnelle demandées étant proches de celles permettant d'accéder à la haute montagne.
- Le but ultime pour la Commission reste le parcours de la montagne enneigée, par des skieurs accomplis.
Les propagandistes du ski de montagne
Deux personnalités du Club Alpin, Maurice Martin (1910-1983) et Jacques Rouillard (1924-2010) vont apporter des contributions notables en faveur du développement du ski de montagne en France.
Par leurs écrits, dans la revue La Montagne et ailleurs, par leurs exemples et leurs propositions d'itinéraires originaux, ils sauront initier et convaincre de nombreux skieurs au parcours de la montagne hivernale.
L'article de Maurice Martin, paru dans La Montagne de février 1954 : Camping sur la neige, montre son intérêt pour l'autonomie.
Le livre de Jacques Rouillard « Loin des pistes l'aventure » dans lequel il proposait une vision originale du ski de montagne, rappellera ses pérégrinations hivernales.
Depuis bien d'autres adeptes du ski de montagne apporteront leurs expériences, mais les initiatives des précurseurs en France, d'abord celles des Henry Duhamel, Michel Payot, Léon Zwingelstein, puis celles de Maurice Martin et Jacques Rouillard resteront dans nos mémoires…
1949 - LE CLUB ALPIN A SOIXANTE QUINZE ANS
En 1949, le Club Alpin a soixante quinze ans, c'est l'occasion pour le président Lucien Devies de dresser un bilan, de proposer des perspectives d'avenir dans plusieurs domaines d'action, et de souligner les valeurs portées par notre association.
Les domaines d'action :
< essor de l'alpinisme français
< présence dans les massifs lointains
< protection du terrain de jeu
< enseignement alpin
< travaux en montagne
< secours en montagne
< randonnée
< ski
< spéléologie
< vol à voile
Les valeurs portées :
< l'amour et le respect de la montagne
< l'esprit d'entreprise
< l'aventure libre
< l'expérience et le dépassement de soi.
Une carte du Mont Blanc au 1/10 000e
Une carte au 1/10 000e du Mont Blanc voit le jour en 1949 ; elle est présentée comme le chef-œuvre de l'Institut géographique national, fondé en 1940 en remplacement du Service géographique des armées, afin d'éviter la mainmise de l'occupant (voir le dossier du CFD : Les cartes géographiques).
1949 - Le tunnel de Mont Blanc
Publication dans La Montagne d'un article présentant le projet du tunnel routier sous le Mont Blanc, par la plume d'un Inspecteur général des Ponts et Chaussées. Un projet de tunnel ferroviaire datait de 1874, il était abandonné un peu avant la Seconde Guerre mondiale au bénéfice d'un tunnel routier…
Il n'y aura pas de réaction du monde de la montagne, ni des associations, ni des édiles locaux, et ni des gens de la vallée.
Dans nos vallées, l'heure n'est pas encore aux préoccupations environnementales.
1949 - LE MOMENT ÉTAIT VENU
Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, les regards se tournèrent de nouveau vers les plus hautes montagnes du globe. Elles sont toutes concentrées sur ce qui forme « l'ossature fondamentale » des montagnes d'Asie, avec l'Himalaya, le Karakoram et l'Hindou-Kouch.
Les principales nations possédant un alpinisme dynamique et actif ont mis en place des structures chargées de mener l'exploration des montagnes lointaines, notamment les plus hauts sommets de l'Himalaya et du Karakoram.
Redisons encore une fois que l'organisation de pareilles expéditions nécessitait - à ce moment-là - des compétences techniques, financières et diplomatiques très éloignées du savoir-faire des alpinistes.
Seul un Comité d'organisation pouvait conduire un pareil projet.
D'abord un jeu diplomatique
Comme en 1933, pour une initiative vers les montagnes les plus hautes, certaines encore jamais approchées, il fallait l'accompagnement d'un effort diplomatique indispensable au niveau des ministères et des ambassades de notre pays, vers les autorités du pays hôte (voir le dossier du CFD : Un historique des expéditions lointaines françaises institutionnelles).
Les Français se préparent...
Les alpinistes français n'ont été présents qu'une seule fois, sur plus de cent expéditions déjà organisées, et les 8000 ont été tentés trente fois sans aucun résultat.
En 1949, le Népal - jusque-là fermé aux étrangers - ouvre ses frontières, les ascensionnistes européens se précipitent, en premier lieu les Britanniques qui ont une longue expérience et une organisation solide, mais ont surtout un grand objectif, le Chomolangma-Everest qui se refuse à eux depuis trente ans.
En France, c'est la Fédération Française de la Montagne qui conduira les futures initiatives et les activités liées à l'exploration des montagnes lointaines.
Fin 1948, la FFM crée le « Comité de l'Himalaya » pour les besoins de l'organisation. Il succède au « Comité français de l'Himalaya », structure indépendante organisatrice de l'expédition de 1936, qui accepte de passer la main…
Le comité se compose de Pierre Allain, Lucien Devies, Jean Escarra, Maurice Herzog, Yves Letort, Louis Neltner, Henri Salin, Henry de Ségogne, Robert Tézenas du Montcel et Louis Wibratte.
Le cadre juridique, structurant l'expédition, est reconduit sur les mêmes bases que celui des années trente « préservant les produits de l'expédition, film, livre, articles, photographie et conférence, qui permettront d'organiser une seconde expédition et ainsi de suite ».
Cette commission aura pour mission de préparer, de contrôler, de gérer les conséquences de la future expédition et des suivantes, « d'approuver une politique d'ensemble menée en faveur des expéditions hors d'Europe, dans le souci de l'unité d'action des alpinistes français ».
Lucien Devies, au titre de président du Groupe de Haute Montagne, lance un appel dans la revue Alpinisme de décembre 1949 :
« L'heure de l'action est arrivée… pour nous le but suprême des expéditions à l'Himalaya demeure la conquête d'un sommet de 8000 mètres. Si, en effet, près de trente sommets de 7000 mètres ont été gravis, aucun des quatorze 8000 n'a encore cédé ».
Louis Neltner, qui a été nommé président du Comité de l'Himalaya, par la direction fédérale, demande rapidement à être remplacé, c'est Lucien Devies qui est appelé pour lui succéder.
Lucien Devies sera l'initiateur, le concepteur et l'organisateur de la future expédition, qui est dirigée vers l'Annapurna et le Dhaulagiri, deux montagnes jamais approchées par les himalayistes (voir le dossier du CFD : Un historique des expéditions lointaines françaises institutionnelles).
Au sujet du Comité de l'Himalaya
Beaucoup plus tard - au XXIe siècle - dans un article consacré aux nationalismes des années mil neuf cent trente, un périodique spécialisé voudra faire un lien entre ce qui se passait en Allemagne et en France, au détriment de la réalité.
< L'affirmation : « La Fondation allemande pour l'Himalaya a été le prototype d'une organisation étatique de l'alpinisme dont les Français se sont inspirés quand ils ont mis en place, après la guerre, le Comité pour l'Himalaya » est évidemment fausse.
< La « Fondation allemande pour l'Himalaya », dont la publication explique des relations et des proximités avec les nazis, a été créée en 1936… Tenter de faire un rapprochement entre cette fondation et l'organisation française est scandaleux.
< Le « Comité Français de l'Himalaya » est conçu dès 1933 sur le modèle du « Comité de l'Everest » des Britanniques en place dès 1919, il est patronné par le Club Alpin Français et par le Groupe de Haute Montagne, c'est une structure indépendante du type loi de 1901, juridiquement déclarée le 16 mai 1935.
< Après la guerre, c'est la même organisation qui sera reconduite par la FFM, avec le « Comité de l'Himalaya ».
Ces comités ne reflétaient évidemment pas de volontés nationalistes, mais répondaient à des besoins organisationnels.
L'effort financier
Au Comité de l'Himalaya, le cadre juridique de 1935 étant reconduit, l'intérêt général sera protégé par un contrat individuel liant chaque participant avec la FFM. L'intérêt individuel des participants, concernant les résultats éventuels de l'expédition, s'effaçant au bénéfice des futures générations, avec notamment une exclusivité de 5 ans qui préservait les droits de l'organisation.
Pour le financement de l'opération en préparation, l'administration française contribuera, ainsi que des entreprises financières et industrielles, le Club Alpin apportera son concours dans la préparation, et aussi en participant pécuniairement.
L'équilibre financier ne sera pas trouvé, et le Comité de l'Himalaya devra recourir à une souscription, à laquelle les associations de montagne et leurs membres - notamment ceux du Club Alpin - participeront permettant à l'opération de se concrétiser (concernant l'effort financier initial se reporter à la Chronique alpine de La Montagne & Alpinisme n°2/1981 et au dossier du CFD : Historique des expéditions lointaines françaises institutionnelles).
1950 - LE PREMIER 8000
Il revient au Comité de désigner un chef d'expédition qui devra « tirer son autorité de l'exemple », il sera le représentant et agira au nom de la commission fédérale organisatrice.
L'équipe est composée de : Jean Cousy (1923-1958), Maurice Herzog chef d'expédition (1919-2012), Louis Lachenal (1921-1955), Gaston Rébuffat (1921-1985), Marcel Schatz (1922-1987), Lionel Terray (1921-1965), Jacques Oudot, médecin (1913-1953), Marcel Ichac, cinéaste (1906-1994) et Francis de Noyelle, officier de liaison (1919-2017).
- Ce sera le formidable succès du 3 juin 1950.
Après une longue exploration de ces vallées et montagnes jamais explorées par des ascensionnistes, un assaut rapide, léger et déterminé est donné vers l'Annapurna, 8091m.
Souvenons-nous que l'équipe opère sans l'aide de l'oxygène respiratoire. Elle va devoir forcer la chance avant l'arrivée de la mousson...
- Les deux du sommet - Maurice Herzog et Louis Lachenal - auront à subir de douloureuses amputations durant la marche du retour, sous les pluies de la mousson.
C'est le retour tragique et glorieux...
Pour bien situer l'exploit, l'historien Christian Greiling rappellera plus tard que l'Annapurna restera le seul sommet de tous les géants de plus 8000m, à avoir été gravi sans reconnaissance, ni tentative préalable.
Les résultats financiers
Les conférences « Victoire sur l'Annapurna » présentant l'exploit, illustrées par le film de Marcel Ichac, vont connaître un intérêt exceptionnel en France, en Europe, en Afrique et en Amérique.
Le livre de l'expédition « Annapurna, premier 8000 », écrit par Maurice Herzog, sera un immense succès d'édition, avec quinze millions d'exemplaires publiés dans le monde entier.
Les résultats financiers sont à la mesure de l'événement et très conséquents. On peut estimer le montant à plus de 2,2 millions d'euros (2017) de recette !
Guido Magnone (1917-2012), qui sera un des acteurs des futures grandes réussites, écrit :
« Avec l'Annapurna, tout se place, se noue, s'explique et vraisemblablement tout ou presque va en découler » (voir le dossier du CFD : Un historique des expéditions lointaines françaises institutionnelles).
Une certaine confusion
Dans le grand public, il y aura longtemps une certaine confusion, entre la plus haute altitude déjà atteinte par l'homme en 1924 : 8500m sans utiliser l'oxygène respiratoire, par Edward Felix Norton (1884-1954) sur les pentes du Chomolangma-Everest ; et le premier sommet gravi dépassant l'altitude de 8000m, avec l'Annapurna 8091m en 1950.
Le trésor de guerre
Avec les résultats financiers de l'Annapurna, un « trésor de guerre » pourra être constitué, entièrement consacré aux futures initiatives du Comité de l'Himalaya. Et par de judicieux placements financiers, on peut penser que le Comité a eu à sa disposition quelque 5 millions d'euros (2017), pour organiser ses expéditions durant vingt ans (voir le dossier du CFD : Un historique des expéditions lointaines françaises institutionnelles).
« Pour mettre en application cette politique d'ensemble menée en faveur des expéditions hors d'Europe dans le souci de l'unité d'action des alpinistes français »
LA FORTE AUTONOMIE DU COMITÉ DE L'HIMALAYA
Dans la structure fédérale, le Comité de l'Himalaya - agissant par délégation - prendra vite une très grande indépendance dans la gestion de ses finances. Parmi ses membres, l'un des principaux banquiers français, Louis Wibratte, gèrera directement les recettes, avec des placements financiers fructueux.
En 1953, le comité se compose de Lucien Devies, président ; Jean Escarra et Henry de Ségogne, présidents d'honneur ; Pierre Allain, Georges Descours, Raymond Gaché, Maurice Herzog, Raymond Latarjet, Yves Letort, Louis Neltner, Robert Tézenas du Montcel et Louis Wibratte.
Et au décès de Louis Wibratte en 1954, c'est un autre des principaux banquiers français qui entre au Comité de l'Himalaya, et sera le conseiller financier de la commission. Jacques Allier, (autre personnalité du secteur bancaire) gérera désormais le pactole du petit cercle.
En 1954, arrivée de Jean Cousy et Jean Franco. En 1956, de Jacques Allier et de Marcel Ichac.
En 1957, Louis Neltner et l'année suivante Maurice Herzog passent la main. Ils sont remplacés par Guido Magnone et Lionel Terray.
À ce moment-là, la petite structure se trouvait « délivrée de la hantise d'être à court d'argent ».
« Elle n'aura plus la besogne écrasante, insipide, humiliante parfois, consistant à tendre constamment la main, à mendier des aumônes qui ne sont pas toujours faites de bonne grâce ».
Le succès financier de l'Annapurna et le pactole réuni donneront à ce cénacle une grande liberté de manœuvre, et une large autonomie, en faisant longtemps des envieux… En aval vis-à-vis de la FFM elle-même, car les contrats, signés par les membres des expéditions, assuraient que les résultats acquis devaient être versés à « un fonds destiné à faciliter le financement de l'expédition présente ou de toute expédition ultérieure » ; et en amont au regard des participants, qui avaient accepté de s'effacer au bénéfice du Comité et des futures générations (voir le dossier du CFD : Un historique des expéditions lointaines françaises institutionnelles /Année 2000 / Annapurna 1950).
< On notera le très faible encouragement financier de l'État pour les opérations en devenir, qui ajouteront pourtant au prestige national, une administration sans doute bien informée de la forte capacité financière de la petite structure.
< Lire : Le Comité de l'Himalaya, dans la revue du GHM : Cimes 2008.
Un Comité de l'Himalaya solidaire
Le Comité de l'Himalaya, en dehors des futurs projets d'expédition, interviendra lorsqu'il faudra soutenir, au-delà des indemnités des assurances et de l'État, un compagnon handicapé, ou assurer l'éducation des enfants orphelins…
Au retour de l'Annapurna, il aura naturellement à soutenir financièrement ses blessés dans leurs épreuves de réinsertions, en fonction des handicaps résultants.
La Commission fédérale se montrera constamment solidaire :
< En intervenant, afin de faire nommer, à un emploi protégé, un participant handicapé au retour d'expédition.
< Et en 1956, puis en 1958, après « deux pénibles accidents de montagne », en soutenant les familles de deux compagnons disparus pour « assurer l'éducation des enfants orphelins jusqu'à l'âge de 23 ans, en aliénant le capital correspondant », compte tenu du rôle éminent que les disparus « ont joué par leurs performances et leurs exemples dans l'alpinisme français ».
À propos de l'Annapurna
À la fin du XXe siècle et à l'approche du cinquantenaire de l'ascension de l'Annapurna, certains hors contexte et utilisant des informations partielles et des « on-dit » ont voulu exploiter l'événement historique à des fins d'édition et en développant la thèse empoisonnée de la suspicion.
Pourtant, la description précise donnée par les deux du sommet : la grande falaise terminale et le couloir permettant l'accès au sommet, que personne, sauf eux, ne pouvait connaître, constituait une information essentielle, irréfutable et définitive.
Un remarquable travail de Jean-Jacques Prieur, dans la publication du Groupe de Haute Montagne, permet de s'informer et de comprendre
- Annapurna, une affaire de cordée ou de photos ? Cimes 2014.
- Annapurna, la conjuration du cinquantenaire. Cimes 2015.
En mai 2022, parution du livre ANNAPURNA 1950 de Christian Greiling, chez l'éditeur Héliopoles. L'ouvrage pertinent et indiscutable replace l'événement correctement.
Ce travail d'un historien - extérieur à nos cercles habituels - revient sur les égarements de quelques auteurs sans scrupules en mal d'édition des trente dernières années.
L'auteur démonte les nombreux arguments avancés par les polémistes, et souligne que le livre tant décrié d'Herzog s'appuyait en fait sur les écrits de plusieurs membres de l'expédition, et déjà publiés dans les journaux de l'époque.
PS : Yves Ballu mis en cause dans l'ouvrage, pour certains de ses écrits, apporte une réponse, qui lui appartient, dans son blog accessible sur Internet.
Une première tempête
Mais dès 1951, la Commission fédérale va subir une première tempête, lorsque les alpinistes lyonnais demandent à organiser leur propre expédition. Ils présentent un projet et une équipe constituée pour traverser la Nanda Devi, en réclamant les mêmes prérogatives obtenues par d'autres.
Un projet trop audacieux pour certains. Il faudra de difficiles négociations pour qu'un consensus soit trouvé, préservant l'autorité du Comité de l'Himalaya, et permettant à l'expédition d'aller vers son destin, sans pour autant obtenir une assistance financière de la fédération.
< La position de juge et partie du Comité de l'Himalaya, qui veut contrôler l'ensemble des initiatives françaises, et organiser ses propres expéditions, sera constamment discutée, critiquée et disputée.
Lucien Devies s'efforcera toujours de faire accepter une politique d'intérêt et de prestige national, qui s'opposait évidemment à l'initiative individuelle, l'une des valeurs premières de l'alpinisme.
Sans base juridique solide, l'intention du Comité de l'Himalaya, d'exercer un contrôle sur l'ensemble des initiatives vers les montagnes lointaines, sera difficile à faire accepter, du côté de l'État, comme du côté des organisateurs d'expédition.
Dans le cas de la Nanda Devi, l'incident venait d'un Comité régional FFM.
Le Comité de l'Himalaya va rester - de tout temps - vigilant concernant l'action des expéditions d'initiative privée, pour souvent retenir les grimpeurs les plus actifs dans la formation de ses équipes fédérales, qui se veulent des représentations nationales.
Mais il agira avec la plus grande prudence dans l'utilisation de son « trésor de guerre ».
En 1956, le Comité précisa encore « qu'en égard à l'origine des fonds qui ont été à la base première de l'organisation des expéditions himalayennes » son pactole était réservé aux expéditions nationales.
C'est-à-dire aux objectifs qu'il a lui-même choisis...
1950 - Le Comité national du tourisme
C'est une période d'équipement touristique de la montagne à tout va qui s'annonce. Le développement, qui est engagé, dans l'euphorie de l'époque, sera réalisé sans la pondération des associations de montagne, très peu présentes…
Un « Comité national du tourisme » est installé, et un schéma est proposé, avec les initiatives suivantes :
< Téléphériques de Carlaveyron, de l'Aiguille du Midi, de Bellevarde et de Courchevel.
< Télébennes de Samoëns, de Sixt, des Contamines, de Valloire, de St Pierre de Chartreuse, de Chamrousse, de Villard-de-Lans et de Valberg.
< Funiculaire de Barèges.
< Patinoire de Chamonix, village de vacances de la vallée de la Guisane, construction de nombreux hôtels de montagne.
C'est le prélude à l'équipement outré et sans contrainte des années 1960.
Là aussi, l'heure n'était pas aux préoccupations environnementales.
Et chaque vallée voulait ses équipements…
1950 à 1960 - LES RÉUNIONS INTER-SECTIONS
Les réunions inter-Sections du Club Alpin ont pour origine le rassemblement chaque 11 novembre - dès 1927 - des responsables des Sections de l'Est dans le massif des Vosges, au Grand Ballon devant le monument dédié aux Diables Bleus, les chasseurs à pied des troupes de montagne de la Grande Guerre, devenus les chasseurs alpins.
Une manifestation du souvenir, qui deviendra aussi peu à peu un rendez-vous annuel de concertation et d'information, entre les Sections de la région Est de la France…
Au lendemain de la guerre 39-45, l'inter-Sections de l'Est de la France reprendra ses échéances annuelles.
- En 1946, à l'initiative de la Section d'Annecy, un premier regroupement des Sections de Savoie est organisé en 1949, il deviendra régulier et annuel.
- En 1953, les présences du président du Club Alpin et du président de la Commission des Travaux en Montagne - montrant l'importance de ces manifestations - vont institutionnaliser ces échanges. Elles s'élargiront bientôt aux Alpes du Nord, et accueilleront les Sections voisines de Lyon, Saint-Étienne, Mâcon, Chalon, Bourg et du Haut Jura.
- En 1954, c'est une réunion inter-Sections du Sud-ouest qui est convoquée, et qui s'annualisera également.
- En 1956, l'inter-Sections des Pyrénées regroupe les Sections locales, et plus tard, celle du Centre-est s'organisera.
- En 1960, l'inter-Sections des Alpes du Nord devient l'inter-Sections du Sud-est.
- Et en 1965, le regroupement des Sections par région est achevé et pérennisé, avec chaque automne les inter-Sections de l'Est, du Centre-est, du Sud-est, du Sud-ouest, et plus tard celle du secteur Ouest-Val de Loire.
- Les séminaires inter-Sections - bien que n'étant pas statutaires - devenaient des échéances incontournables et essentielles dans l'organisation du Club Alpin, permettant ainsi à la cellule dirigeante de rester informée et de préparer l'avenir institutionnel.
1951 à 1956 - LES REFUGES CONSTRUITS OU RESTAURÉS
1951 - Le refuge de la Valmasque 2233m
1952 - Le refuge du Couvercle, 2687m
1953 - Le refuge du Grand Ventron, 1150m
1954 - Le refuge de la Pilatte, 2572m
1954 - Le chalet de montagne des Tuffes, 1250m
1956 - Le refuge de la Brèche de Roland - Les Sarradets, 2587m
1956 - Le refuge du Clot-Xavier Blanc, 1399m
1956 - Le refuge du Sélé, 2610m
< Voir un historique dans le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges.
1951 - Le classement du Mont Blanc
Le classement des terrains, situés au-dessus de 2000 mètres, constituant la partie française du massif du Mont-Blanc, et surplombant la vallée de Chamonix, est achevé. Le résultat d'une démarche entreprise, depuis plusieurs années, avec l'engagement et le soutien du Club Alpin, et l'implication personnelle de son président.
Cette mesure, prise en application de la loi du 2 mai 1930 sur la sauvegarde des sites, a fait l'objet de l'arrêté ministériel du 14 juin 1951 pour la commune de Chamonix, et du 5 janvier 1952 pour la commune des Houches. Un article, promis par La Montagne concernant ce classement, ne verra jamais le jour, pour éviter quelques polémiques, on restera entre décideurs.
À l'époque, peu de gens étaient ouverts à la défense des sites. (voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne).
En 1951 et 1952 - Les dernières parois vierges gravies
La face est du Grand Capucin et la face ouest des Drus, dans le massif du Mont-Blanc, semblaient impossibles à escalader, mais les moyens techniques auront réponse à tout…
< En 1951 en trois jours, ascension de la face est du Grand Capucin, par Walter Bonatti (1930-2011) et Luciano Ghigo. C'est la première grande application dans les Alpes occidentales des possibilités de l'escalade mixte et artificielle employée systématiquement, en s'inspirant de ce qui s'était fait sur le calcaire des Alpes orientales dès 1933.
< En 1952, la face ouest des Drus est gravie en deux fois, par Lucien Berardini (1930-2005) et ses compagnons. Premier itinéraire tracé sur la face rocheuse la plus célèbre et la plus fameuse des Alpes occidentales, en ayant également recours à l'escalade mixte et artificielle.
Aucune paroi n'échappera à son exploration, avec les moyens techniques.
L'alpinisme au féminin
Au retour vers les montagnes, après la Seconde Guerre mondiale, les femmes demeureront très actives, et une nouvelle génération va peu à peu se distinguer.
Les chroniques confirment Sylvia d'Albertas, Louise (Loulou) Boulaz, Micheline Morin-Blachère et Erika Stagni, révèlent Jeanne Franco, Claude Kogan, Geneviève (Sonia) Livanos et Yvonne Syda et plus tard Lalou Bize, Denise Escande et Yvette Vaucher (voir le dossier du CFD : L'alpinisme au féminin).
LE CLUB ALPIN EN 1952
En 1952, le président du Club Alpin Georges Descourt - élu en 1951 - souligne l'effort immense de l'association sur l'ensemble du territoire, pour ses refuges et ses chalets-skieurs. Ces installations sont les étapes indispensables aux alpinistes, skieurs et montagnards, et encore souvent les seuls lieux d'accueil à leur disposition.
Il insistera sur l'Enseignement alpin qui est désormais une préoccupation majeure pour l'initiation à la montagne des jeunes.
Et aussi sur la nécessaire propagande, pour conserver au Club Alpin une prospérité numérique, lui permettant ses initiatives et ses actions, tout en conservant des finances saines.
1952 - Des tarifs réduits dans les refuges
Dans sa fonction de coordination, la Fédération Française de la Montagne va proposer aux clubs affiliés un règlement uniforme de gestion pour l'ensemble des refuges… et demander un tarif préférentiel pour ses adhérents…
La FFM qui ne dispose pas, comme les autres fédérations, des compétitions pour s'imposer, et montrer un lien fort unissant ses membres - un lien unificateur visible - demande et obtient des tarifs réduits, dans les refuges des sociétés affiliées.
Une contrepartie, pour l'entretien des refuges, sera versée aux organismes gestionnaires - le Club Alpin et la STD - sous la forme d'indemnités forfaitaires, et dès 1952 pour le Club Alpin, par une cotisation réduite.
En 1956, un texte amendé de la contrepartie à verser, pour l'entretien des refuges au Club Alpin et à la STD, est adopté par la FFM. « Il tient compte des efforts faits par chaque club pour l'équipement de la montagne ».
- Nous sommes là dans le fameux « nuage de fumée de la cohésion montagnarde », avec un Club Alpin qui doit affilier l'ensemble de ses membres, avec certaines associations qui ne cotisent que pour 50 licences ; et des clubs gestionnaires de refuges qui bénéficient d'une cotisation réduite.
Toute dissipation de ce voile de fumée entraînerait vers des querelles sans issues.
1952 - Un programme de construction
Un programme d'implantation, d'agrandissement, de remise en état des refuges, au titre de l'équipement sportif, est proposé par l'État, avec son aide financière.
Ce programme concernera surtout l'œuvre bâtie du Club Alpin.
En sachant réunir au niveau national les compétences et les hommes, en conservant une ligne d'actions initiée dès 1874, notre association demeure sans égale dans l'édification et l'entretien du bâti en altitude.
Les noms des refuges
Longtemps le Club Alpin avait honoré des personnalités, en désignant de leurs noms certains refuges. C'est dans ces années-là qu'il est décidé de n'appeler les refuges que par leur seule situation géographique.
1952 - La Chronique alpine
La « Chronique alpine » qui avait disparu de La Montagne en 1933, pour un nouvel intitulé : Variétés et Courses nouvelles, réapparaît en 1952, mais curieusement dans « Alpinisme », exit « Informations »
Lucien Devies va trouver avec Jean Cousy, un précieux collaborateur partageant sa ferveur et sa passion, ils seront en 1952 les corédacteurs de la Chronique alpine pour la revue Alpinisme.
Plus tard en février 1955, avec la fusion des deux titres « La Montagne » et « Alpinisme », la Chronique alpine trouvera naturellement sa place dans la nouvelle publication « La Montagne & Alpinisme ».
Le titre La Montagne en 1952
Durant les années d'après-guerre, La Montagne régulièrement confrontée à la concurrence d'Alpinisme, - qui est animé par un directeur, à la fois secrétaire de rédaction et chroniqueur particulièrement actif -, aura des difficultés à recueillir informations et articles ; et à trouver un rédacteur en chef.
Les principaux articles d'alpinisme lui échappaient, et les autres domaines d'action du Club Alpin ne trouvaient que rarement les plumes capables de retenir l'intérêt du lecteur.
Les nombreux articles concernant le ski de montagne et le ski de compétions, avec les Challenges inter-Sections très suivis et commentés, venaient occuper les sommaires.
Critiquée régulièrement par un milieu très parisien, la publication connaîtra, d'octobre 1948 à mars 1952, deux rédacteurs en chef René Wilfred (Fred) Bernick et Roland Truffaut, anciens rédacteurs du très incisif « Bleausard », mais ils n'apporteront pas le souffle escompté.
C'est finalement la fusion des deux titres qui apportera une amélioration décisive en 1955.
1952 - L'École nationale de ski et d'alpinisme
L'École Nationale de Ski et d'Alpinisme (ENSA), quitte les installations de l'École des Praz, pour l'ancien hôtel des Allobroges à Chamonix.
L'école organise et diplôme les Guides et Moniteurs de ski, et les Instructeurs professionnels et bénévoles ; elle accueille régulièrement un rassemblement des meilleurs alpinistes étrangers et français...
Une équipe de Guides-instructeurs est constituée, pour encadrer les camps d'été, organisés par les clubs affiliés à la FFM. Des stages de formation rassemblent plus de 600 participants, appartenant surtout au Club Alpin.
Le Festival International du film de montagne
La région et la ville de Trento, le Club Alpin Italien et la Fédération Italienne de Sports d'hiver créent en septembre 1952, le premier Festival International du film de montagne.
Il se tiendra chaque automne, en présentant les meilleurs films de montagne, et en réunissant les alpinistes et skieurs les plus actifs.
1953 - CHOMOLANGMA-EVEREST, 8850m
On va devoir prendre très au sérieux le Comité de l'Himalaya et les ascensionnistes français.
Au lendemain « de la douloureuse réussite (de 1950), les pensées se tournent vers l'avenir, c'est-à-dire vers l'Everest et les quatre autres grands 8000 », car avec les moyens à leur disposition provenant des résultats fianciers de l'Annapurna, Lucien Devies et son comité peuvent eux aussi prétendre à l'Everest.
Dans une conversation avec les Anglais, Devies indique avec une certaine subtilité de langage : « Il fut admis qu'il était normal que les Anglais organisent les premiers une expédition d'assaut à l'Everest, les Anglais acceptant que les Français tentent à leur tour leur chance en cas d'échec ».
À ce moment-là, les deux parties ignoraient encore qu'elles avaient été devancées par les Suisses.
Les Britanniques ne peuvent qu'assister de loin aux efforts de l'expédition suisse, qui ouvre la voie du Col Sud, et explore l'arête sud-est du Chomolangma-Everest.
Mais le 28 mai 1952, Raymond Lambert (1914-1997) et Norgay Tensing Sherpa (1914-1986) échouent vers 8540m. Dès l'automne, ils se présentent de nouveau, mais un peu trop tardivement, et c'est un nouvel échec. Ils montrent pourtant aux suivants le bon itinéraire et les deux saisons favorables, les périodes de pré-mousson en mai et de post-mousson en octobre.
Un symbole et un mythe s'effacent
En automne 1952, le colonel John Hunt (1910-1998) communique à Lucien Devies son plan d'action, pour la conquête de la plus haute montagne : « Nous sûmes que l'Everest serait pour la première fois sérieusement menacé ».
Avec une bonne méthode d'acclimatement, l'emploi systématique de l'oxygène et des moyens conséquents, les Britanniques ne vont pas laisser passer leur chance, et le 29 mai 1953 le « Toit du monde » Chomolangma-Everest, 8850m est atteint par le Néo-zélandais Edmund Hillary (1919-2008) et le Sherpa Norkay Tensing.
« Un symbole et un mythe s'effaçaient. C'est le cœur serré mais avec une sincérité complète que nous applaudîmes au succès exceptionnel de nos amis britanniques, l'espoir d'apporter une contribution française à la conquête du culmen du monde s'était évanoui, mais il n'était pas question de se décourager », écrit Lucien Devies.
Le Comité de l'Himalaya reprend de ses cartons l'ensemble de ses études antérieures, le Makalu figure en bonne place.
1953 - L'ESSOR DU TOURISME
Lucien Devies participe activement au plan gouvernemental de modernisation des stations de montagne, les projets se font entre décideurs, sans avoir recours à la mobilisation des adhérents, et en appliquant la méthode chère à notre ancien dirigeant : « expliquer et convaincre, plutôt que protester et crier ».
En 1953, il est membre du « Conseil supérieur du tourisme ».
À l'époque, les responsables de nos associations pensaient pouvoir se mobiliser pour la haute montagne, mais n'imaginaient pas peser sur l'aménagement des vallées et de la moyenne montagne, et l'opinion publique n'est pas prête, pas encore concernée par la préservation de la nature.
Et l'État pouvait souvent apporter des compensations, qui effaçaient les résistances au niveau local.
1953 - Une Réserve d'intérêt national de Savoie
Initiée dès 1953 par des chasseurs membres du Club Alpin, l'idée d'une « Réserve d'intérêt national de Savoie » est proposée, analogue à celle du Mercantour de 1947, et prélude aux initiatives de 1956 et au Parc de la Vanoise en 1963 (voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne).
1954 - Le retour de l'alpinisme britannique
Après la Seconde Guerre mondiale, les grimpeurs britanniques ont dû supporter longtemps les conséquences des privations provoquées par la guerre, l'accès aux montagnes était difficile, voire impossible. Et le renouvellement des forces vives sera difficilement assuré.
Il y avait l'« Alpine Club » enfermé dans son passé glorieux d'avant 1914, en résistance contre tout progrès technique.
Les crampons, les semelles Vibram, la corde nylon étaient regardés avec suspicion, les pitons et les outils de l'escalade artificielle étaient des instruments diaboliques et bannis. C'est la jeunesse qui créera un nouvel engagement.
En 1952, autour de Tom Bourdillon et Cym Smith, quelques grimpeurs anglais fondent l'« Alpine Climbing Group » qui marquera le retour de l'alpinisme britannique vers le haut niveau, après une éclipse de presque quarante ans.
Ils auront beaucoup évolué concernant l'usage des crampons, des pitons, et devant les escalades rocheuses, où l'usage des ancrages est nécessaire.
En 1954, première sérieuse incursion de ce nouvel alpinisme britannique dans les Alpes.
Joe Brown (1930-2020) et Don Whillans (1933-1985) inaugurent un itinéraire difficile, sur la face ouest de l'Aiguille de Blaitière.
1954 - La présence des Français dans les Dolomites
Lucien Devis encourage la présence de l'alpinisme français, non seulement dans les massifs extra européens, mais aussi dans les massifs éloignés des Alpes…
En 1954, Robert Gabriel (1923-2020) et Georges Livanos (1923-2004) sont envoyés en mission d'exploration dans les Dolomites par la FFM, pour reprendre les itinéraires les plus prestigieux, et réaliser des ascensions nouvelles.
1954 - Le coup de tonnerre de l'Aconcagua
En 1954, au cours de la préparation d'une initiative sur un grand 8000 par le Comité de l'Himalaya, la nouvelle de l'ascension de la face sud de l'Aconcagua, 6959m a l'effet d'un coup de tonnerre.
C'est une expédition « de copains aussi fauchés qu'enthousiastes, sans billet de retour, avec un matériel minable et hétéroclite » qui réalise l'exploit de forcer un itinéraire dans la formidable face sud de la plus haute montagne du continent américain.
Sommet le 25 février 1954 pour Lucien Bérardini, Adrien Dagory, Edmond Denis, Pierre Lesueur, Robert Paragot et Guy Poulet.
La plupart des équipiers auront à subir malheureusement de pénibles amputations.
L'exploit sera reconnu comme il se devait, et restera un des hauts faits de l'ascensionnisme français.
Pour la première fois, une grande paroi située en haute altitude est gravie (voir le dossier du CFD : Un historique des expéditions lointaines françaises institutionnelles).
LE CLUB ALPIN en 1954
L'Assemblée générale du Club Alpin de 1954 procède à l'élection de Maurice Herzog comme président.
Le club compte 32 400 membres, gère 123 refuges, dont 118 lui appartiennent.
Il consacre plus de la moitié de son budget à la construction et à l'entretien de ses refuges.
La Section de Paris compte 10 115 membres, Lyon 2 709, Grenoble 1 501, Nice 1 358, Bordeaux 1 210...
La fréquentation des refuges est de 45 000 nuitées, dont 9 900 pour le massif du Mont-Blanc, et 7 200 pour le Briançonnais.
Maurice Laloue
Parmi les personnalités du Club Alpin qui ont marqué de leur empreinte la Commission des travaux en montagne et l'association dans son ensemble, il faut citer Maurice Laloue qui devient, en 1954, président de cette structure technique essentielle.
Dans l'hommage rendu à sa disparition en 1970, que nous reproduisons dans le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges, est souligné l'énorme investissement de notre homme.
Au travers du témoignage bien rendu, il est possible de rappeler le travail ingrat et le dévouement de l'ensemble des responsables des différentes structures chargées du bâti en altitude de 1874 à nos jours, un travail et un dévouement que nous avons voulu évoquer dans la note située dans le dossier consacré aux refuges : « Un hommage aux bâtisseurs ».
1954-1958 - Des chalets-skieurs
Le Club Alpin reprend ses intentions d'avant-guerre en érigeant ou aménageant des chalets-skieurs, afin de répondre à l'engouement de l'époque pour le ski et au manque d'hébergements adaptés (voir le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges).
1955 - LE TÉLÉPHÉRIQUE DE L'AIGUILLE DU MIDI
En 1949, le projet du téléphérique conduisant directement au sommet de l'Aiguille du Midi avait rencontré l'opposition du Club Alpin et de la FFM, qui contestaient l'installation de la station supérieure, sur le sommet de la principale Aiguille de Chamonix…
L'avis des associations ne sera pas entendu, faute d'une mobilisation qui n'était pas encore dans l'air du temps.
À l'exemple de certaines stations de montagne de Suisse, il fallait un emblème à la vallée de Chamonix.
Le principal dirigeant de nos sociétés de montagne répétera souvent que le téléphérique de l'Aiguille du Midi était le prix à payer, et que Chamonix avait besoin d'un belvédère à la mesure du Mont Blanc…
En 1949, un filin est descendu dans la face nord de l'Aiguille du Midi par un groupe de Guides, cette opération difficile marque le début des travaux.
En 1954, la station intermédiaire du Plan de l'Aiguille est ouverte et en 1955, le téléphérique de l'Aiguille du Midi entre en service.
1955 - LA LIAISON ENTRE L'AIGUILLE DU MIDI ET LE COL DU GÉANT
En acceptant, sans trop de réactions, le téléphérique de l'Aiguille du Midi, nos dirigeants n'imaginaient pas l'intention des promoteurs, avec le projet de liaison entre l'Aiguille du Midi et le Col du Géant, par-dessus la Vallée Blanche.
Deux articles dans La Montagne, de Samivel en juin 1954, et de Georges Sonnier en octobre 1954, sonneront la charge contre ce projet controversé.
Du côté institutionnel, on décidera une « action courtoise, mais d'une fermeté absolue », insuffisante devant les agissements d'intervenants sans scrupules.
Dès le projet dévoilé, le CAF, la FFM, le GHM, le TCF et l'Union Nationale des Associations de Tourisme ont élevé une protestation solennelle contre la construction d'un téléphérique traversant ce site admirable...
La partie française du massif du Mont-Blanc, où sera implantée l'installation, est un site protégé au-dessus de la cote 2000. Ce classement, décidé en accord avec la commune de Chamonix, a fait l'objet de l'arrêté ministériel du 14 juin 1951, pris en application de la loi du 2 mai 1930 sur la sauvegarde des sites.
La Commission supérieure des sites s'est prononcée, à l'unanimité en juillet 1954, contre cette initiative illégale.
Le ministre de l'Éducation nationale, par dépêche de septembre 1954, a prescrit l'arrêt des travaux. Cette décision a été notifiée aux intéressés, par un arrêté du préfet de Haute-Savoie, en novembre 1954.
« Les travaux commencés en 1954 n'en ont pas moins repris dès le printemps de 1955, et sont poursuivis avec activité en violation de la loi et des décisions prises pour son respect ».
La rude intervention des responsables du Club Alpin (dans laquelle on reconnaît la plume de Lucien Devies) est publiée dans La Montagne & Alpinisme de 1955 :
« Une coalition d'intérêts particuliers profite de la carence du gouvernement pour violer impunément la loi… ».
« Qui s'est soucié, en dehors des associations officielles de tourisme et d'alpinisme, de défendre l'intérêt général ? Qui s'est soucié de faire respecter la loi ? ».
Mais la méthode reste la même, très respectueuse des usages :
« Nul ne songe, au Club Alpin, à employer d'autres méthodes que les protestations officielles remises aux autorités sous la signature de son président ».
La carence ou la complaisance du gouvernement
Plus tard, l'amertume fait hausser le ton :
« Là où des gendarmes et douaniers sont impuissants, des chasseurs alpins de l'École Militaire de haute montagne pourraient aisément remettre les choses en ordre…
Tous les alpinistes et les amis de la montagne attendent impatiemment l'acte d'autorité qui fera respecter la loi française ».
La loi ne sera pas respectée, par la carence ou la complaisance du gouvernement.
Et pour se faire entendre, le courtois et le bien élevé ont montré leurs limites.
D'autres protestations concerneront des projets heureusement sans suite, dans un massif du Mont-Blanc, victime de son succès touristique, comme les liaisons de la gare des Glaciers aux Grands Mulets, et du Nid d'Aigle à l'Aiguille du Goûter.
À cette époque de développement à tout-va, il n'y avait, comme seul garde-fou, que la très faible « Commission supérieure des sites »…(voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne).
Une mission permanente
L'article de Georges Sonnier dans La Montagne de 1954, montre le chemin :
« Le projet de téléférique à la Vallée Blanche soulève de nouveau, avec insistance, le problème de la préservation de la montagne et, de façon générale, de tout ce capital de beauté terrestre qui a été dévolu aux hommes.
Mais qu'on y prenne garde : c'est chaque année, c'est chaque mois que se trament, ici ou là, des attentats irréparables. Beaucoup sont moins éclatants ou moins voyants que celui-là. La somme n'en est pas moins redoutable, et de cette manière aussi se trouve peu à peu compromis ce qu'il nous importait de protéger.
C'est dire que l'œuvre de sauvegarde qui nous échoit requiert une vigilance sans relâche et doit être tenue pour ce qu'elle est en vérité : une mission permanente ».
1955 - LE MAKALU, 8463m
Les Français, à la recherche d'un objectif prestigieux à la hauteur de leurs ambitions, se tournent vers le dernier des grands 8000 pas encore exploré : « nous le choisîmes pour ajouter l'intérêt de la découverte, plutôt que de tenter un sommet déjà connu » précise le président du Comité de l'Himalaya.
Le Makalu, avec ses 8463m, est évidemment un objectif de premier ordre.
Une reconnaissance est organisée en 1954, le Col du Makalu, 7410m est atteint, montrant la viabilité des pentes supérieures de la montagne.
En bénéficiant des meilleures conditions possibles au niveau des hommes, des moyens, du temps et de l'état du terrain, l'expédition du printemps 1955 « va avoir la rigueur d'une démonstration ».
Le 15 mai, Jean Cousy et Lionel Terray réussissent les premiers le sommet, presque facilement, sans lutte acharnée. Le lendemain et le surlendemain l'ensemble de l'équipe suivra.
« L'ascension du Makalu restera une page heureuse dans l'histoire de l'himalayisme » pourra écrire Jean Franco, le chef d'expédition.
Soulignons également le partage, sans réserve, du succès avec les assistants Sherpas, « coéquipiers et compagnons incomparables... » (voir le dossier du CFD : Un historique des expéditions lointaines françaises institutionnelles).
L'âge d'Or
L'âge d'Or des premières explorations des grands sommets de l'Himalaya et du Karakoram ne va durer que quelques années, les cinq plus élevés (les grands 8000) sont atteints de 1953 à 1956, les autres sont tous gravis, de 1950 avec l'Annapurna, à 1960 avec le Daulaghiri.
Inaccessible pour des raisons politiques, le Xixapangma devra patienter un peu plus, pour voir des hommes l'approcher.
Une équipe légère, décidée et rapide
Au Comité de l'Himalaya, le débat est vif, et les avis partagés, pour définir les futurs objectifs d'ascension.
Les bonnes questions sont posées :
« Une équipe légère, décidée, sans oxygène, n'a-t-elle pas plus de chances, étant plus mobile et plus rapide, de saisir l'occasion de quelques jours de beau temps pour tenter un raid vers le sommet, alors qu'il faut au moins trois fois plus de temps à une équipe plus lourde ? ».
Mais en ces années-là, les esprits ne sont pas prêts pour une pareille évolution, et devant de pareils obstacles à franchir.
Ni les acteurs, c'est-à-dire les ascensionnistes, ni les concepteurs, c'est-à-dire Devies et son comité, n'arbitreront dans le sens du « léger, décidé et rapide ».
1955 - LE TITRE LA MONTAGNE & ALPINISME
Depuis plusieurs années, le manque de collaborations bénévoles rend de plus en plus difficile l'édition des deux périodiques La Montagne pour le Club Alpin et Alpinisme pour le GHM.
Lucien Devies est le directeur d'Alpinisme, il a - note le comité du GHM - « réussi pendant de nombreuses années [dès 1936] à faire sortir quasiment seul les quatre numéros annuels d'Alpinisme », il est aussi membre (très) influent du Comité de rédaction de La Montagne.
Les nombreuses responsabilités, aux niveaux associatif et professionnel de notre homme, vont rendre l'exercice de plus en plus difficile.
En février 1955, c'est la fusion des deux éditions que l'intérêt général commandait, avec ce nouveau titre : « La Montagne & Alpinisme ».
Le protocole final actant cette fusion est signé rétrospectivement en 1961, par le CAF et le GHM.
Alpinisme, entièrement confié à son directeur en 1942, étant préalablement revenu dans le giron du GHM, par le protocole également rétroactif de 1958.
De simples mises en conformités administratives.
Lucien Devies est le directeur de la rédaction et Maurice Martin le secrétaire de rédaction.
Une légitime fierté
La légitime fierté, de celui qui a tenu à bout de bras Alpinisme durant 25 ans, est exprimée dans le dernier éditorial de la parution :
« Témoignage des alpinistes les plus entreprenants, "Alpinisme" est conscient d'avoir valablement exprimé pendant 29 ans l'alpinisme français et même l'alpinisme dans le monde entier. Il est convaincu d'avoir été pour les grimpeurs français, l'inspirateur d'une action consciente, à la fois équilibrée et audacieuse ».
< C'est un des rares satisfecit que l'on trouvera de la main de Lucien Devies concernant son immense travail.
< Nous n'omettrons pas d'ajouter les commentaires de l'« Alpine Climbing Group », association réunissant les meilleurs alpinistes britanniques :
« L'influence de la revue "Alpinisme" sur l'alpinisme français a été indéniable et capitale. Elle a aussi certainement encouragé les progrès rapides et le développement de l'alpinisme en général…
Une influence qui s'est fait sentir dans de nombreux pays étrangers.
Il n'est pas exagéré de dire que l'Alpine Climbing Group a été constitué dans une large mesure sous l'impulsion directe de cet ouvrage.
"Alpinisme" nous a donné une image franche de l'alpinisme de l'après-guerre.
Elle nous a permis un aperçu sur les méthodes d'ascension contemporaines, une image réelle et sans préjugés ; elle nous a démontré que l'alpinisme est un sport raisonnable et non fanatique et nous a incité à essayer des ascensions similaires.
Les Alpes ayant ainsi été mises à notre portée, plusieurs parmi nous avaient été amenés à former le club ».
Les récits d'expédition
La FFM participera aux frais d'édition de La Montagne & Alpinisme pour publier, sans trop de réserve, les récits d'expédition et articles concernant l'alpinisme de haut niveau… atténuant ainsi quelques critiques sur l'équilibre éditorial, parfois malmené après certains succès notables dans les montagnes d'Europe et du monde.
La Chronique alpine de « La Montagne & Alpinisme »
En février 1955, avec la fusion des deux titres, la chronique alpine avait trouvé naturellement sa place dans « La Montagne & Alpinisme », avec Jean Cousy qui assurera seul la rédaction. Mais en 1958, il sera victime d'une chute de pierres durant une ascension.
1956 - Fâcherie à l'UIAA
Suite à une proposition de Lucien Devies et de la FFM qui voulaient secouer « un organisme qui ne remplit aucunement actuellement le rôle qui devrait être le sien » et demandaient une réorganisation de l'Union Internationale des Associations d'Alpinisme, une fâcherie intervient et durera quelques années… sans que soient « réexaminés d'une façon fondamentale sa structure, ses objectifs et ses méthodes de travail ».
En 1958 encore, la FFM (c.-à-d. Devies) regrette que l'UIAA « demeure dans une situation et une inactivité qui ne sont pas convenables ».
1956 - L'Art de l'Alpinisme
Avec son ouvrage « L'Art de l'Alpinisme », Pierre Allain met en cause la pédagogie simpliste prônée par Édouard Frendo dans « La technique de l'alpinisme » de 1943, et innove en accompagnant ses conseils « d'explications de nature à faire comprendre comment s'appliquent certains principes mécaniques » en ce qui concerne la gestuelle de l'escalade.
C'est cet état d'esprit, « comprendre pour apprendre », qui prévaut encore aujourd'hui dans les formations proposées par le Club Alpin.
1956 - La station de ski de la Flégère
La station de ski de la Flégère est érigée au-dessus de Chamonix, c'est le maillage systématique de l'espace montagnard, par les câbles des remontées mécaniques, qui est entrepris. Chaque station d'altitude voulant concurrencer sa voisine.
Le CAF et la FFM - après la scandaleuse affaire du téléphérique entachant le site unique de la Vallée Blanche - doivent composer pour être entendus, et vont se déclarer favorables - à titre compensatoire - à la mise en place de certains téléphériques et équipements, tout en réclamant des mesures sur les sites les plus essentiels à protéger.
Ce sont encore des discussions entre initiés, l'appel aux montagnards et la mobilisation des adhérents et des citoyens ne sont toujours pas dans l'air du temps.
1956 - POUR UN PARC NATIONAL DE SAVOIE
Initiée dès 1953 par des chasseurs membres du Club Alpin, l'idée d'une « Réserve d'intérêt national de Savoie » est avancée, analogue à celle du Mercantour de 1947.
Ces intentions évolueront vers une proposition de « Parc national de Savoie » comparable au « Parc italien du Grand Paradis » et bordant celui-ci, en englobant le massif de la Vanoise et les versants des vallées de la Maurienne et de la Tarentaise.
L'une des finalités est la sauvegarde du bouquetin et autres animaux de montagne, souvent victimes de viandards et de braconniers, agissant de ce coté-ci de la frontière.
Ces caprins sauvages avaient disparu de nos montagnes au XIXe siècle à cause d'une chasse non régulée. Protégés en Italie dans la « Réserve royale de chasse », devenue le « Parc du Grand Paradis » en 1922, les bouquetins qui traversaient la frontière n'avaient aucune chance de survie.
Un Comité d'étude
En 1956, le Club Alpin estimant que la sauvegarde du bouquetin, ainsi que des autres spécimens de la faune alpine, entre bien dans le rôle qu'il s'est assigné, décide de constituer un « Comité d'études pour la création d'un Parc national de Savoie ».
Il est animé par Georges Descours - président du Club Alpin de 1951 à 1954 - qui a été le promoteur du projet, dans la prolongation de l'implication de la Section lyonnaise du Club Alpin pour la Haute Maurienne.
Le Comité est constitué avec la participation de l'« Association des chasseurs de montagne », de la « Société d'histoire naturelle de Savoie » et de plusieurs personnalités compétentes.
Il est déclaré ceci :
« Le but est d'obtenir une décision du gouvernement pour la création de cette réserve, le tracé de ses limites et l'installation de gardes pour assurer la surveillance.
Personne, du reste, aujourd'hui ne conteste l'intérêt, tant au point de vue touristique et alpin qu'au point de vue cynégétique, d'un parc national en Savoie où flore et faune de montagne dans tous leurs éléments seront protégées et deviendront l'un des attraits les plus spectaculaires de la région comprise entre Bonneval, le Col de l'Iseran et Val-d'Isère ».
Un article de référence paraît dans La Montagne & Alpinisme de juin 1956 : « La protection du bouquetin dans le parc national de Savoie », sous la plume de Marcel Couturier (1897-1973), l'éminent spécialiste et... chasseur assidu, qui oublia parfois la loi et les règles de la discipline.
Les différents courants de la Commission réussiront une synthèse entre :
- une sauvegarde de la faune sauvage,
- une conservation des éléments naturels et un équilibre biologique présentant un intérêt scientifique,
- une rénovation économique de la région,
- et une meilleure ouverture offerte aux citadins pour accéder à des espaces naturels.
En 1958, le « Conseil national de la protection de la nature », en accord avec la « Direction de l'aménagement du territoire », décide de faire effectuer une enquête préliminaire.
Le courant d'opinion entretenu par le Club Alpin et la prise de conscience des autorités aboutiront - le nom du parc ayant évolué - à la création du « Parc national de la Vanoise » cinq ans plus tard (voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne).
Le retour des bouquetins
En avril 1959, les deux premiers bouquetins prélevés dans le Valais, et offerts par nos voisins suisses, sont lâchés dans le vallon de Fontenil du massif des Écrins, puis deux autres venant des environs de Berne seront libérés en automne 1960, ces magnifiques bovidés avaient disparu de nos montagnes, à cause d'une chasse irresponsable.
1955 à 1958 - LE SECOURS EN MONTAGNE
Devant l'augmentation de la fréquentation de la montagne, le dispositif fédéral du secours en montagne tend vers sa limite. Malgré les dévouements, l'analyse de chaque opération souligne les fragilités de l'organisation bénévole.
La lecture des bulletins officiels de la fédération montre l'énorme implication de la structure et des Sociétés de secours…
Une FFM qui devra consacrer une grande partie de son activité et de son énergie à organiser le secours en montagne en France, étant souvent abandonnée par les administrations et par l'État.
C'est incidemment qu'un commencement de solution se présentera, et qu'une assistance se manifestera. Elle viendra des corps constitués, les « Compagnies Républicaines de Sécurité » d'abord, la « Gendarmerie Nationale » plus tard. Les deux entités vont peu à peu s'intéresser aux opérations de secours en montagne, dès 1950 par de simples participations volontaires, puis en partenaires.
Et les dirigeants de ces institutions ne tarderont pas à prendre conscience de l'image très positive, produite par ces initiatives individuelles. Plus tard, les deux structures créeront des unités spécialisées intégrant ce nouveau métier, qui s'écartant des missions classiques et austères du maintien de l'ordre, renforçait leurs prestiges.
Des compétences en matière juridique et d'assurances
Devies, président de la Fédération de la Montagne de 1948 à 1973, assurera directement ou indirectement la responsabilité réelle du secours en montagne, en s'appuyant sur deux personnalités, très dévouées et proches du terrain, Félix Germain (1904-1992) et André Georges (1902-1963), jusqu'à sa transmission aux services de l'État en 1972.
Il faut souligner qu'à cette époque bien peu, dans le monde de la montagne et dans les instances fédérales, étaient avertis et avaient les compétences nécessaires dans les domaines juridiques, administratifs et en matière d'assurance, ou étaient suffisamment disponibles, pour défendre les causes soutenues par la structure, et se confronter aux technocrates et à nos administrations et ses hauts fonctionnaires, ou pouvaient s'aventurer facilement dans les arcanes des assurances.
La Société chamoniarde de secours
Vivement réclamée, une Société chamoniarde de secours en montagne s'était constituée en 1948.
C'est évidemment dans le massif du Mont-Blanc que tout est plus compliqué, à cause d'une fréquentation de plus en plus intense de ces montagnes et du nombre élevé d'opérations de sauvetage.
À Chamonix, petite capitale de l'alpinisme, les missions d'exécution sont confiées à tour de rôle aux « Guides de la Compagnie », à l'« École nationale de ski et d'alpinisme » et à l'« École militaire de haute montagne ».
« Trois forteresses jalouses de leur indépendance », les seules capables de mobiliser, non pas des hommes mais leurs hommes, avec leurs règles et leurs hiérarchies pas toujours compatibles.
En été 1955, le Service de la protection civile met un hélicoptère à la disposition de la Société chamoniarde de secours en montagne, pour le repérage et le transport des blessés.
En 1956, un premier secours par un hélicoptère est organisé, depuis le refuge Vallot, 4362m, pour évacuer un blessé.
Un engagement décisif
En décembre 1956, installation à Chamonix d'un Centre National d'Entraînement à l'Alpinisme et au Ski des Compagnies Républicaines de Sécurité, c'est un engagement décisif.
1957 - Le drame de Vincendon et Henry
C'est à ce moment que survient la tragédie Vincendon et Henry.
Le 28 décembre 1956, deux alpinistes, François Henry et Jean Vincendon, sont immobilisés dans les glaces du Grand Plateau, dominé par le Mont Blanc. On sait tout de cette opération manquée, mal conduite par les militaires de l'EHM, qui coûtera la vie aux deux naufragés, et de graves amputations à l'un des secouristes.
De furieuses polémiques vont accompagner ces malheureux événements, divers partis vont vivement s'affronter, et le monde de la montagne ne sortira pas grandi de cette tragédie (voir le dossier du CFD : Un historique du secours en montagne, et l'article : La tragédie Vincendon et Henry - La Montagne & Alpinisme n°3/1983).
La solidarité n'avait pas joué
L'analyse des résultats, compte tenu de toutes les malchances rencontrées, montrait les faiblesses du dispositif.
La solidarité, qui était la base de l'organisation, n'avait pas joué.
La compagnie des Guides la plus prestigieuse avait refusé de s'engager.
L'inadmissible même apparaissait dans les mots très durs de Lionel Terray :
« Je trouve normal que beaucoup de Guides n'aient manifesté aucun enthousiasme à exposer leur vie, mais ce que je n'admets pas, c'est que l'on cherche à empêcher les volontaires d'agir ».
Enfin la Commission fédérale et les dirigeants du Club Alpin et de la FFM, qui n'avaient jamais été écoutés, se trouvèrent totalement dépossédés, et mis dans l'incapacité d'intervenir.
C'était le premier échec subi par l'organisation du secours en montagne, mais il s'est produit là où se trouvaient réunis en France, les moyens les plus nombreux en personnel et en matériel.
Un corps de sauveteurs amateurs
Arrivant après la bataille, le milieu parisien de la montagne veut organiser un petit corps d'alpinistes amateurs de haut niveau, pouvant contribuer aux opérations de difficulté exceptionnelle, une initiative qui suscitera certaines réserves du coté de l'organisation fédérale, et qui se heurtera rapidement aux réalités.
Vers un service public
Le drame de François Henry et de Jean Vincendon allait faire prendre conscience aux autorités de l'État qu'il fallait une intervention forte.
Le 21 août 1958, une circulaire ministérielle, le plan ORSEC-montagne, réglemente le Secours en montagne, qui devient un véritable service public, sous la tutelle du ministère de l'Intérieur, par l'intermédiaire du Service de la protection civile.
Un plan d'action énumère les moyens ‑ en personnel et en matériel ‑ et les organismes chargés de l'exécution des secours, c'est-à-dire : les Sociétés locales de secours, les deux Écoles de haute montagne civile et militaire, les Groupements spécialisés des Compagnies Républicaines de sécurité et de la Gendarmerie.
Interviennent désormais officiellement ‑ et non plus officieusement ‑ les « Compagnies Républicaines de Sécurité » en place dès 1958, et la « Gendarmerie Nationale » trois ans plus tard.
Ces deux entités vont former un personnel très spécialisé et de haut niveau, et viendront peu à peu se substituer aux organisations bénévoles.
Jusque-là, vingt deux « Sociétés de secours en montagne », affiliées à la FFM, étaient réparties sur le territoire montagnard, et assuraient les missions d'exécution.
1957 - Le retour à l'escalade libre
Il faut avoir à l'esprit que le talent de beaucoup d'alpinistes de cette époque s'exprimait surtout en plantant des pitons, en oubliant parfois de sortir les pieds des étriers, lorsqu'il était possible de grimper proprement.
Les gains d'une première ascension ou d'une réalisation notoire primaient aux yeux de beaucoup, sans trop se préoccuper de la façon de faire.
En 1957 déjà, sur la paroi nord-ouest de la Punta Tissi de la Civetta, dans les Dolomites (800m, 40 pitons), Dieter Flamm et Walter Philipp avaient montré la voie, vers un retour à l'escalade libre, en parcourant l'itinéraire en trois jours, avec une grande économie de moyens.
Cette ascension - le dièdre Philipp-Flamm - est un des événements majeurs de l'histoire de l'escalade et de l'alpinisme, elle marque le retour du goût des grimpeurs pour l'escalade libre.
Jusque-là, les grandes parois étaient forcées à grand renfort de pitons, en ayant recours surtout à l'escalade mixte et artificielle… Ici la paroi est gravie, en empruntant un cheminement permettant l'escalade libre.
Elle sera la voie ultime des années 1960 dans les Dolomites, aux dires de Claudio Barbier (1938-1977) et de Reinhold Messner, les meilleurs de ces années-là.
Mais il faudra encore du temps pour une prise de conscience généralisée.
La recherche de l'escalade libre va se faire par l'économie de pitons. Le jeu va être de n'en utiliser qu'un minimum pour réaliser une escalade. Mais l'usage du piton est mal précisé, les trois fonctions sont souvent confondues : assurage, aide et repos.
LE CLUB ALPIN EN 1957
L'Assemblée générale du Club Alpin de 1957 procède à la réélection de Lucien Devies comme président, après un premier mandat de 1948 à 1951.
Lucien Devies retrouve l'ensemble des moyens et des pouvoirs, en présidant les principales organisations de montagne, le CAF, la FFM et le Comité de l'Himalaya, il est aussi le directeur et le chroniqueur de La Montagne & Alpinisme.
Il sera réélu pour deux mandats successifs de trois ans jusqu'en 1962.
Le décès de Jean Couzy
Devies avait trouvé un précieux collaborateur partageant sa ferveur et sa passion, ils seront en 1952 les corédacteurs de la Chronique alpine d'Alpinisme, puis en 1955 Jean Cousy assurera seul la Chronique de La Montagne & Alpinisme.
Mais en 1958, il est victime d'une chute de pierres durant une ascension. Au-delà de l'alpiniste décidé et entreprenant et du drame familial, c'est pour Devies celui qui représentait l'avenir…
1958 - Un nouveau cavalier seul
Dès le numéro suivant de LM&A, Lucien Devies reprend son cavalier seul.
Celui qui a été l'un des acteurs les plus actifs de l'alpinisme sportif des années trente, et tout en restant l'observateur attentif aux évolutions, va chercher à peser sur les orientations de notre discipline, par une tribune où se manifestera un esprit critique.
Ses prises de position concerneront le suréquipement des voies d'escalade, la limitation des moyens techniques dans les ascensions, l'opposition aux refuges-bivouacs dans les itinéraires, et aussi la propreté de l'espace montagnard et le refus des moyens héliportés dans l'approche des ascensions (voir le dossier du CFD : Un historique de la Chronique alpine, et l'article homonyme de La Montagne & Alpinisme n°4/2004).
LE PACTOLE DE L'ANNAPURNA ENCORE
Constitué par les résultats financiers de l'Annapurna de 1950, le fameux « trésor de guerre » conservé et géré en autonomie par le Comité de l'Himalaya, continue de faire quelques déçus et de susciter des jalousies et des critiques…
Des initiatives locales issues des milieux lyonnais et pyrénéens sont repoussées « en estimant que les grands objectifs, comme les 8000 en particulier, relèvent d'expéditions nationales organisées directement par la Fédération, et qu'il n'y a pas lieu d'y déroger pour personne ».
Il est admis cependant qu'une équipe régionale peut très bien envisager des objectifs plus modestes, et obtenir l'appui de la Fédération et un financement fédéral, sans lien avec le fonds Annapurna.
À toutes fins utiles
À toutes fins utiles, le besoin de verrouiller sérieusement le dossier financier du fonds Annapurna apparaît dans les décisions et les déclarations du Comité de direction de la Fédération Française de la Montagne.
< En 1953, la FFM dans son bulletin officiel, en constatant les recettes remarquables liées à l'Annapurna, remercie Maurice Herzog et les membres de l'expédition.
< En 1954 et en 1955, la FFM ne manque pas « de rendre hommage à l'expédition de l'Annapurna tout entière, grâce à laquelle les fonds du Comité de l'Himalaya ont pu être constitués, permettant ainsi de mener à bien les expéditions comme celles de 1954-1955 ».
Les fonds du Comité de l'Himalaya
Connaissant « certains états d'âme » Devies et le Comité de l'Himalaya marquent leur territoire, il s'agit bien des fonds du Comité de l'Himalaya, dans les déclarations et le bulletin officiel de la FFM.
< En 1955, un exposé complet et détaillé des comptes des expéditions, depuis 1950, est présenté au Comité de direction de la FFM.
< En 1956, la délégation est officiellement donnée au Comité de l'Himalaya « dans les diverses décisions à prendre au sujet des expéditions d'outre-mer ».
Simple ajustement administratif, pour un Comité de l'Himalaya qui n'avait pas attendu cette décision - lui laissant totalement les mains libres - pour « appliquer sa politique en faveur des expéditions hors d'Europe et d'unité d'action des alpinistes français ».
Des dispositions financières
Pour la préparation d'une future expédition, le Comité de direction de la FFM sera juste informé, par le petit cercle, que « des dispositions financières ont été prises en effectuant des réalisations de titres du portefeuille ». Un portefeuille géré directement par l'un des principaux banquiers français, membre du Comité de l'Himalaya.
< En 1957, les comptes fédéraux sont approuvés, « après que le président et le trésorier aient répondu aux questions qui leur étaient posées et qu'ils aient donné toutes précisions utiles sur le compte spécial affecté à l'Himalaya ».
Ces précisions appuyées montrent que derrière la façade de l'institution le « trésor de guerre » doit être défendu avec opiniâtreté, et continue de susciter beaucoup d'intérêt.
Des précautions juridiques
En 1958, des précautions juridiques sont prises, concernant l'utilisation des fonds constitués par les résultats financiers de l'Annapurna, avec l'expertise et le conseil demandés à un éminent professionnel, tant au niveau légal qu'au niveau fiscal.
Des attentions également en 1960 - qui conduiront à la modification des statuts fédéraux -, pour que le soutien à la famille d'un compagnon disparu entre bien dans les objets de la fédération.
< En 1965, les dispositions prises, en faveur des enfants les membres de l'expédition de l'Annapurna, sont encore évoquées, comme étant en lien avec l'opération génératrice « des ressources financières qui ont permis de monter les expéditions suivantes ». Concernant les droits d'auteur des livres des expéditions, il est décidé en 1965 de partager par moitié des droits entre la Fédération et le ou les auteurs à partir de la onzième année de leur exploitation, cela concerne principalement le succès exceptionnellement prolongé du livre Annapurna premier 8000.
< Et dans les années 1980, les droits du livre seront entièrement cédés - à sa demande - à l'auteur.
De 1959 à 1966, des chalets-skieurs
Le Club Alpin, en réponse à l'engouement constant pour les activités hivernales, inaugure, agrandit ou réaménage plusieurs chalets-skieurs (voir le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges).
1957 à 1963 - LES REFUGES CONSTRUITS OU RESTAURÉS
1957 - Le refuge de l'Envers des Aiguilles, 2520m
1957 - Le refuge de l'Olan, 2344m
1957 - Le refuge STD du Soreiller, 2719m
1958 - Le refuge de Larribet, 2072m
1958 - Le refuge de la Minière, 1502m
1959 - Le refuge Albert 1er, 2702m
1959 - Le refuge de la Charpoua, 2841m
1959 - Le refuge du Châtelleret, 2232m
1960 - Le refuge des Grands Mulets, 3051m
1960 - Le refuge Vallot, 4362m
1962 - Le refuge de l'Aigle, 3450m
1962 - Le refuge de l'Aiguille du Goûter, 3835m
1962 - Le refuge d'Avérole, 2210m
1962 - Le refuge de Font Turbat, 2169m
1962 - Le refuge du Pelvoux, 2700m
1963 - Le chalet du Gros Morond-Métabief, 1321m
< Voir un historique dans le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges.
1958 - Le chalet d'accueil de Chamonix
Le Club Alpin installe à Chamonix, au centre de la ville, son chalet d'accueil, où les adhérents trouveront, en la personne d'un Guide, un technicien qualifié pouvant leur donner les renseignements et conseils sur la montagne. Des sorties collectives, de toutes difficultés, seront organisées, sous la conduite d'un Guide.
Ce lieu d'accueil d'abord édifié par le Touring Club de France en 1912 sur un terrain municipal, sera plus tard utilisé par les deux associations.
Pour le Club Alpin, il venait en remplacement de l'ancien chalet de la place de la Gare, qui était le siège social de la Section de Chamonix depuis 1928.
Cette proposition d'informations et d'activités est une heureuse initiative, et l'idée sera reprise plus tard par la ville.
Le chalet sera restauré en 1995 et réaménagé en 2021.
1958 à 1966 - LE SKI AU CLUB ALPIN
En 1958 dans la revue du club, un article du président de la Commission de ski - Le ski au Club Alpin - montre bien le poids de cette discipline dans l'Association, et l'attrait de la compétition dans ses Ski-Clubs.
Deux tendances différentes sont soulignées dans les activités neige du Club Alpin :
< Celle adoptée par nos Sections de plaine, vivant éloignées des champs de neige, tournée vers l'organisation de séjours et de stages.
< Et celle des Sections de montagne, proches de la neige, dont la principale activité est le ski de fin de semaine.
Deux pratiques coexistent entre ceux qui privilégient la performance et la compétition, et ceux qui préfèrent la randonnée alpine en haute montagne.
Les activités structurées tournées vers le ski, venant en complément des programmes hebdomadaires des Sections proches des montagnes, sont nombreuses :
< Challenge national du CAF, avec compétition de ski de fond et de descente.
< Rassemblements nationaux de ski en Oisans, en Haute Maurienne et dans le massif du Mont-Blanc.
< Slalom géant du Ski Club Alpin lyonnais.
< Coupe des Améthystes du Ski Club Alpin parisien.
< Coupe de ski Alpe-Provence.
< Collectives de ski de printemps dans les Sections.
< Rallye skieurs du Queyras.
< Rallye skieurs d'Auvergne.
< Rallye skieurs du Marcadau.
< Stages inter-Sections pour adolescents.
< Le rallye international de ski CAF-CAI viendra s'ajouter, avec la participation d'équipes italiennes et françaises, et plus tard la présence d'équipes autrichiennes et espagnoles.
Mais au sein de la direction du Club Alpin des voix se font entendre pour rappeler que, malgré la ferveur populaire pour la piste et la compétition, le ski demeure un moyen de découvrir et parcourir la montagne.
Plus tard, la direction du Club Alpin aura à intervenir pour que certains groupes de skieurs, un peu trop épris d'indépendance, reviennent dans les limites définies par les statuts du club.
1958 - Le schéma d'équipement de la montagne hivernale
Dans cette période, le Club Alpin par sa représentation au Conseil supérieur du tourisme « prend une part éminente à la mise en œuvre du plan d'équipement de la montagne hivernale ».
Les excès des futurs plans neige sont à venir, et n'alerteront que plus tard nos responsables…
1959 - Les Initiateurs et les Instructeurs bénévoles d'alpinisme
À la demande de plusieurs clubs affiliés et des pouvoirs publics, la FFM a mis en place, au titre de l'Enseignement bénévole, des brevets fédéraux d'Initiateur et d'Instructeur d'alpinisme, en gestation depuis 1948.
Mais il a fallu encore tenir compte de l'état d'esprit des Guides, extrêmement craintifs sur le sujet, en écartant « toute parité sur le plan technique pour la délivrance des brevets ».
< Le brevet d'Initiateur bénévole d'alpinisme permettra de conduire une cordée, dans une caravane constitué de plusieurs cordées.
< Le brevet d'Instructeur bénévole d'alpinisme autorisera la conduite d'une caravane.
- La formation à l'autonomie devient un objectif prioritaire pour le Club Alpin et la FFM.
1959 - La politique de la jeunesse
Le président Lucien Devies publie un article « Le Club Alpin et la jeunesse » portant sur la politique de la jeunesse « qui conditionne l'avenir de notre association ».
« Traitons les jeunes dès que leur esprit mûrit comme des camarades… dans le cadre de nos structures normales. Il n'y a pas au Club Alpin de distinctions entre les sexes et les catégories sociales ; il n'y a pas lieu d'en établir entre les âges ».
1959 - L'alpinisme international à Chamonix
En juillet 1959, à l'initiative de la FFM, le rassemblement international des alpinistes à l'ENSA de Chamonix réunit 26 grimpeurs de différentes nations… Cette manifestation est reconduite régulièrement tous les quatre ans depuis 1947.
1959 - Les calanques de Marseille-Cassis
Judicieuse initiative des Excursionnistes marseillais, qui sauront obtenir l'inscription des calanques de Marseille-Cassis à l'Inventaire des sites, par le décret du 24 novembre 1959.
1959 - Le tunnel du Mont Blanc
En 1959, début du percement du tunnel du Mont Blanc, son inauguration aura lieu en 1965. Sans réaction du monde de la montagne, ni des gens de la vallée.
1959 - Une expédition féminine au Cho Oyu
Une expédition féminine se présente, et demande l'appui du Comité de l'Himalaya, pour tenter le Cho Oyu, 8153m.
Dirigée par Claude Kogan (1919-1959), cette entreprise novatrice et ambitieuse est composée de trois Françaises, trois Anglaises, trois Népalaises, une Suisse et une Belge, toutes alpinistes confirmées.
Le Comité de l'Himalaya - partagé face à ce projet - refuse d'accorder son patronage, mais accepte une participation financière.
Malheureusement, l'expédition se terminera en catastrophe, avec la disparition de Claude Kogan, de Claudine Van der Stratten et de l'assistant népalais Ang Norbu Sherpa. Disparition également de Chhowang Sherpa parti à leur recherche, avec le Sirdar Wongdi Sherpa.
1960 - Les Étoiles du Midi
Sortie du film Les Étoiles du Midi de Marcel Ichac, entièrement consacré à l'alpinisme, qui montre notre discipline avec beaucoup d'authenticité.
1960 à 1965 - LA PROTECTION DES SITES
Des articles complaisants
La Montagne & Alpinisme, par une série d'articles complaisants de 1960 à 1965, offre curieusement une large tribune aux partisans de l'équipement à outrance de l'espace alpin, très enthousiasmés des possibilités offertes par les moyens mécaniques, avec ce commentaire terrible « malgré tous les pylônes, toutes les bennes, tous les câbles, toutes les pistes, il reste encore assez de place pour l'amateur de neige vierge ».
Un aménagement concerté et raisonnable
Dans cette période d'équipement touristique à tout va, les positions des associations de montagne - le Club Alpin et la FFM - ont beaucoup de mal à apparaître clairement.
Elles ont à composer avec l'enthousiasme de leurs sociétaires pour le ski lié aux remontées mécaniques, et pas encore très concernés par la sauvegarde de l'espace alpin.
Mais elles doivent pourtant agir dans l'intérêt de ce qui constitue leur raison d'être : la préservation du milieu naturel et de la montagne ; en apportant la pondération nécessaire entre équipement et sauvegarde.
La grande idée sera l'aménagement concerté et raisonnable. Mais en face, il n'y aura pas toujours des interlocuteurs, pour le concerté et le raisonnable…
Des réclamations argumentées
En appuyant leurs démarches par des dossiers argumentés, nos organisations réclamaient :
< la création des Parcs nationaux du Haut Dauphiné, du Mercantour et du Néouvielle.
< un tracé de l'autoroute du sud, évitant par l'ouest, le passage au travers de la forêt de Fontainebleau.
< un programme d'achat de terrains par l'État, en vue d'accroître la surface protégée de la forêt de Fontainebleau.
Elles s'opposaient :
< à la construction du téléphérique des Houches vers l'Aiguille du Goûter ; du Montenvers vers Trélaporte ; de l'Aiguille du Midi vers le Mont Blanc du Tacul, et à celui conduisant au sommet du Râteau.
< à tout équipement nouveau dans le massif du Mont-Blanc, notamment en amont du Montenvers.
Elles étaient favorables à titre compensatoire, en échange de l'adhésion de la commune de La Grave au Parc national des Écrins, à un téléphérique vers le Dôme de la Lauze, qui deviendra le téléphérique des glaciers de la Meije (voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne).
Le premier tronçon sera construit en 1976 et le second atteindra le col des Ruillans (3211m) en 1977. Cette réalisation a été précédée de longues négociations entre les partisans de la création du Parc national des Écrins, décidée en 1973, et les aménageurs. Les contours du parc créé en 1973 s'étaient adaptés au projet de téléphérique.
1960 - Une loi relative à la création de Parcs nationaux
L'effervescence provoquée par le Comité d'étude pour la création d'un Parc national de Savoie, et les résultats de l'enquête préliminaire, demandée par le Conseil national de la protection de la nature, aboutiront à l'élaboration et au vote de la « loi du 22 juillet 1960 relative à la création en France de Parcs nationaux ».
L'État se donnait enfin les moyens d'agir.
- C'est une loi essentielle qui commandera l'ensemble des aménagements à venir en matière de préservation, dans la droite ligne des réclamations du Club Alpin.
Les Parcs nationaux
Un « Parc national » sera une portion de territoire dans laquelle la faune, la flore et le milieu naturel en général seront protégés des activités humaines...
« Un Parc national aura pour mission de protéger la nature sauvage pour la postérité et se voudra un symbole de fierté nationale. Ce sera un monument naturel, porteur de l'attractivité de ses paysages, et vecteur de leur identité culturelle et une richesse considérable pour un territoire et une nation ».
Il a évidemment un intérêt touristique fort.
Le parc sera constitué d'une « Zone centrale » - le cœur du secteur concerné - et d'une « Zone périphérique », ouverte à un essor économique adapté.
« La zone centrale du Parc national sera une véritable "assurance sur le capital" et aura un régime de haute protection garanti par la législation.
Au-delà de la protection de la zone centrale, l'ambition sera de s'inscrire dans le développement durable de toute la région.
La protection de la zone centrale sera d'autant plus efficace et durable que les acteurs locaux se l'approprient, et que les politiques de développement et les activités menées autour de la zone centrale la favorisent ».
En Europe, la première initiative avec la création du Parc national suisse du Val Cluoza datait de 1914. En Espagne, le Parc national d'Ordesa est constitué en 1918. En Italie le Parc national du Grand Paradis est inauguré en 1922.
1961 - L'équipement des itinéraires
L'implantation d'équipements et de cordes fixes, en vue de faciliter l'ascension de l'arête sud-est de l'Aiguille de Blaitière, est vivement dénoncée par Guido Magnone - président du GHM - dans les Annales du GHM de 1961, avec un titre tonitruant : « Faut-il brûler les refuges ? ».
C'est une initiative hasardeuse de la Compagnie des Guides de Chamonix, et de certains gestionnaires de la Section de Paris du Club Alpin, pour élargir la proposition d'ascensions des professionnels et optimiser la fréquentation du refuge de l'Envers des Aiguilles ; en allant à l'encontre des valeurs de l'alpinisme.
Le Club Alpin et la FFM avaient aussitôt demandé le retrait des équipements, et la remise en état des lieux.
L'article des Annales du GHM, avec son titre provocateur, suscitera quelques étonnements. Il dérogeait fortement aux façons de faire de l'époque : agir avec discrétion dans les organismes de décision, en évitant la place publique.
1961 - Le drame du Frêney
C'est l'un des accidents dramatiques de l'histoire de l'alpinisme.
En 1961, le pilier central de Frêney proposait une voie directe vers le point culminant des Alpes. En juillet, la cordée italienne de Walter Bonatti, Roberto Gallieni et Andreas Oggioni rencontre fortuitement la cordée française de Robert Guillaume, Pierre Kohlman, Pierre Mazeaud et Antoine Vieille engagée sur le même projet.
Pendant la tentative, ils seront surpris par une forte tempête. Durant leur retraite Antoine Vieille, Robert Guillaume, Pierre Kohlman puis Andreas Oggioni, tous épuisés perdront la vie durant ces terribles journées.
Seuls Bonatti, Gallieni et Mazeaud reviendront de l'une des principales catastrophes de l'histoire de l'alpinisme.
Cet événement soulignait le peu d'organisation, et les difficultés du secours en montagne transfrontalier de l'époque (voir le dossier du CFD : Un historique du secours en montagne).
En 1965 encore, le déplacement d'un hélicoptère français, vers un blessé au fauteuil des Allemands dans le versant italien du Mont Blanc, était une affaire d'État, il avait été exceptionnellement autorisé à cause de la présence des chefs d'État d'Italie et de France, venus inaugurer le tunnel du Mont Blanc.
1961 - Le port du casque pour l'alpinisme
Notons que des casques figurent dans l'équipement des deux ascensionnistes de l'Eigerwand, Anderl Heckmair et Wiggerl Vörg en 1938.
Il est adopté régulièrement par les grimpeurs austro-allemands, dès les années 1950.
Pour ce moyen de sécurité essentiel, l'élément déclencheur sera la diffusion mondiale des splendides photographies relatant la première ascension hivernale de la face nord-ouest de l'Eiger du 6 au 12 mars 1961. Les Austro-allemands Walter Almberger, Toni Kinshofer, Anderl Mannhardt et Toni Hiebeler sont tous équipés de casques.
Il est proposé à l'information sur le matériel d'alpinisme, dans La Montagne & Alpinisme de juin 1961.
Le casque entre dans les mœurs et dans les catalogues des commerces français en 1965, et connaîtra de nombreux progrès.
Mais les pages publicitaires des revues de l'époque vantent plus la cigarette que le port du casque… Un label FFM concernant les casques pour alpiniste sera en place dès 1967 (voir aussi le dossier du CFD : Le matériel de l'alpiniste).
1961 - La forêt de Fontainebleau coupée en deux
Suite à un manque certain de vigilance des associations, et à l'invraisemblable irresponsabilité de l'administration, la forêt de Fontainebleau sera coupée en deux par l'autoroute du sud.
Un gâchis irréparable…
Les propositions de nos instances, en faveur d'un tracé de l'autoroute, évitant la forêt de Fontainebleau par l'ouest, ne seront pas suffisamment appuyées et ni défendues. Elles susciteront le commentaire laconique et désabusé du président du Club Alpin et de la FFM : « il y a très peu de chance [que ces réclamations] soient prises en considération ».
Là encore, on restera entre décideurs, aucun appel à l'opinion publique et aux adhérents ne sera tenté. À l'époque, les responsables de nos associations n'avaient pas encore l'opinion publique derriére eux pour peser sur les décisions.
Et le réveil tardif d'autres groupements, et quelques gestes irresponsables, n'y feront rien.
Deux échecs cuisants
Nos institutions auront connu deux échecs cuisants concernant la sauvegarde de la nature :
< en 1955, un téléphérique traverse un site classé, la Vallée Blanche.
< et en 1961, une autoroute coupe en deux la forêt de Fontainebleau.
Deux revers certainement dus à des démarches trop respectueuses des usages, confrontées à des agissements beaucoup moins attentionnés…
Il faudra à l'avenir savoir manifester et crier, lorsque expliquer et convaincre se révéleront insuffisants…
Au sein du Club Alpin, de la FFM et ses clubs, une prise de conscience s'ébauchera pour agir à l'avenir d'une façon organisée et dynamique et surtout en ne restant plus entre initiés, mais en convoquant l'ensemble des adhérents. En attendant le basculement de l'opinons public, qui commencera à se faire sentir dès 1972 (voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne).
1962 à 1974 - Les plans neige
C'est en 1960 que les plans neige vont être instaurés, ils confieront à des promoteurs l'équipement de domaines skiables, la gestion, la construction et l'intégration de toutes les fonctions d'une station d'altitude, avec un minimum de contrainte de la part de l'administration.
Ce sera de 1962 à 1974, un bétonnage en règle de l'espace alpin, au nom de l'essor économique, et un équipement à tout va, avec quelques réussites et de nombreux mécomptes.
Situées très au-dessus de l'habitat traditionnel, ces stations se développeront, souvent sans la participation des autochtones.
1962 - ALERTE AU SURÉQUIPEMENT
Lucien Devies - membre du Conseil supérieur du tourisme - est bien informé de ce qui se trame.
Considérant que « l'équilibre entre les divers intérêts - qui avait subi déjà quelques horribles entorses - risquait d'être sérieusement rompu sur des points essentiels » et constatant les limites de la méthode « expliquer et convaincre entre décideurs », Lucien Devies sera amené à intervenir publiquement, et à appeler à la mobilisation des adhérents.
En avril 1962, deux articles en forme de cris d'alarme paraissent dans La Montagne & Alpinisme, sous les signatures de Didier Olivier Martin et de Jacques Lancien.
En juin, l'article capital et décisif « Alerte au suréquipement » signé de Lucien Devies, président du Club Alpin, est publié dans LM&A de juin 1962, il commandera les actions futures :
« Des sites admirables sont menacés de faire place à des paysages industriels ou urbains, d'être envahis par la mécanique. Le prodigieux développement économique de notre pays depuis la libération, l'accélération de la concentration urbaine, l'expansion touristique, souvent insuffisamment pensés, risquent vraiment, si on ne les insère dans des programmes convenables d'aménagement du territoire, de détruire irrémédiablement certains des traits les plus précieux du visage de notre pays, qui au contraire, devraient être respectés et exaltés ».
À son corps défendant, et devant des menaces réelles d'équipements outranciers, Lucien Devies doit constater que les « actions courtoises mais d'une fermeté absolue » sont inefficaces, devant les agissements d'interlocuteurs sans état d'âme, et qu'il fallait adopter une méthode différente - celle de ne plus rester entre décideurs - en appelant chacun de nos adhérents à la responsabilité :
« Il faut qu'un grand mouvement soutienne cette action, que chaque membre du Club Alpin qui est en mesure de la soutenir et de l'appuyer auprès de l'opinion et des autorités se fasse connaître, que les associations de défense s'organisent, que l'État comprenne et fasse son devoir à l'égard de l'avenir ».
Une intervention historique
L'intervention historique de Lucien Devies « Alerte au suréquipement » accompagnera le courant d'opinion que l'on pouvait déjà pressentir.
Une alerte aussi décisive que l'intervention d'Ernest Cézanne de 1874 « La question des montagnes ».
Ces deux alarmes situent bien le rôle important tenu par le Club Alpin concernant la protection du milieu naturel et de la montagne (voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne).
1962 - Le COSIROC
Création du COSIROC, un Comité de coordination, soutenu par le Club Alpin, regroupant plusieurs associations, et ayant pour but la défense des sites et des rochers de Fontainebleau, avec initialement deux grandes actions :
< le rattachement du massif des Trois Pignons à la forêt domaniale de Fontainebleau, avec le rachat par l'État de près de deux mille propriétés couvrant le massif.
< la création de la base de plein air de Buthiers-Malesherbes, évitant un projet d'urbanisation.
Le Cosiroc deviendra une association indépendante en 1967.
Des Comités de coordination identiques se constitueront dans divers sites régionaux d'intérêt.
Parallèlement, en venant appuyer l'administration, le Club Alpin et la FFM se prononcent pour l'interdiction de toute circulation automobile dans la forêt domaniale de Fontainebleau, en dehors des voies goudronnées ; des voitures qui s'introduisaient partout dans les sous-bois.
1959-1962 - LE JANNU, 7710m
En 1959, le Comité de l'Himalaya « décida de faire tenter le Jannu » peut-on écrire, en reprenant une expression de Lionel Terray. Un sommet situé dans l'Himalaya du Népal.
Après une reconnaissance, l'expédition du printemps 1959 va découvrir et reconnaître un itinéraire viable en installant six camps d'altitude, mais va échouer vers 7400m.
En 1962, c'est encore un succès collectif complet.
Il avait fallu trois opérations, dont deux d'envergure, pour obtenir le succès d'où le titre de la relation : « Bataille pour le Jannu » ; mais c'était « ce qui avait été accompli de plus difficile et de plus audacieux dans l'Himalaya » (voir le dossier du CFD : Un historique des expéditions lointaines françaises institutionnelles).
Le Comité de l'Himalaya depuis 1960
Depuis 1960, le Comité de l'Himalaya comprend Lucien Devies, président ; Henry de Ségogne, président d'honneur ; Pierre Allain, Jacques Allier, Georges Descours, Jean Franco, Raymond Gaché, Marcel Ichac, Raymond Latarjet, Yves Letort, Guido Magnone, Lionel Terray, Robert Tézenas du Montcel.
En 1965, Robert Paragot et Claude Maillard, remplacent Allain et Allier.
En 1967, Herzog réintègre l'instance et Claude Deck est appelé l'année suivante.

1962 à 1972 - LE SECOURS EN MONTAGNE
L'emploi de l'hélicoptère
L'emploi de l'hélicoptère va permettre une extraordinaire avancée et rapidement bouleverser les techniques du secours en montagne.
En 1960, deux hélicoptères, un appareil expérimental Alouette II et un prototype Alouette III, se posent au sommet du Mont Blanc, montrant les immenses possibilités.
En 1961, un premier colloque Air-Montagne, réunissant l'ensemble des partenaires concernés par le secours en montagne et par l'apport des moyens aériens, est organisé à l'ENSA de Chamonix.
C'est « une nouvelle étape dans l'organisation du secours en montagne en France »…
Mais le débat sera vif entre les avantages des actions terrestres et ceux des moyens aériens, et la FFM continuera de développer un treuil léger de transport des blessés jusqu'en 1965.
Le bilan de 1962
Le bilan de 1962 du secours en montagne constate 179 opérations de secours, dont 98 avec des moyens héliportés.
La FFM a enregistré 2 363 journées-sauveteurs.
Les secours ont ramené 117 blessés et 57 égarés.
Il y a eu à déplorer 59 morts.
En 1964, la FFM constate que « les résultats des interventions de la Société chamoniarde de secours en montagne montrent une forte augmentation des opérations aériennes ».
Peu à peu l'hélicoptère va prendre une place prépondérante.
L'hélicoptère pour l'ensemble des missions d'exécution des secours
De nouvelles machines très performantes, aux mains d'habiles pilotes, vont rapidement être capables d'aller porter assistance dans les endroits les plus inaccessibles des montagnes.
En 1965, une circulaire interministérielle pour l'emploi de l'hélicoptère dans le secours en montagne est publiée le 12 mai.
La même année, il y a encore 196 caravanes terrestres, pour 224 opérations aériennes.
Un peu plus tard, la puissance de l'Alouette III va autoriser un progrès décisif.
L'appareil ‑ équipé d'un treuil et d'un brancard adapté ‑ va faire des merveilles, en permettant le vol stationnaire directement au-dessus du lieu d'intervention. Le blessé, installé sur le brancard, est remonté à l'aide d'un filin et du treuil, pour être récupéré et immédiatement évacué.
Le 18 juillet 1967, un sauveteur est déposé à 3100m sur la face est du Moine, et les deux blessés enlevés. Le 7 août, sur l'arête faîtière proche du Grand Gendarme de l'Aiguille du Grépon, un alpiniste en fâcheuse position est directement extrait.
Plus tard encore, un harnais en extrémité de filin permettra des opérations, particulièrement acrobatiques et osées.
En 1972, la couverture des zones de montagne du territoire national par les groupes spécialisés de secours des CRS et de la Gendarmerie - disposant du monopole des moyens aériens - est complète.
Ils vont assurer l'ensemble des missions d'exécution des secours.
Le secours en montagne sort du cadre juridique de la FFM
Au Comité interministériel, les négociations pour l'organisation d'un Service public ont été longues et difficiles. Lucien Devies se sera beaucoup dépensé pour préserver les intérêts du monde de la montagne.
En 1969, il informe le Club Alpin et la FFM que l'organisation du secours en montagne va être entièrement prise en charge par l'État.
En 1972, Devies pouvait transmettre le dispositif fédéral au nom des valeurs qui lui étaient chères : l'intérêt général et le pragmatisme…
Devies pouvait constater avec satisfaction que les méthodes qu'il avait su proposer, et faire appliquer au monde de la montagne, étaient reprises par les autorités publiques... Que les adaptations nécessaires étaient elles-mêmes établies, en tenant compte de ses propres suggestions.
Une Commission des secours en montagne que Lucien Devies aura - là aussi - tenue à bout de bras durant presque trente années (voir le dossier du CFD : Un historique du secours en montagne et l'article : L'organisation du secours en montagne 1945-1975, dans l'ouvrage coordonné par Olivier Hoibian : Lucien Devies, La montagne pour vocation, édition L'Harmattan 2004 ).
1963 - LE PARC NATIONAL DE LA VANOISE
Dès 1953-1956, des initiatives avaient été prises pour la création d'une Réserve d'intérêt national de Savoie, analogue à celle du Mercantour de 1947. Ces intentions avaient évolué vers une proposition de parc national comparable au Parc italien du Grand Paradis et bordant celui-ci.
Le « Comité d'étude pour la création du Parc national de la Vanoise » est actif depuis 1956, à l'instigation de notre association. Il est animé par Georges Descours - président de Club Alpin de 1951 à 1954 - qui a été le promoteur du projet.
Le courant d'opinion entretenu par le Club Alpin, et l'intervention judicieuse dans la presse d'un alpiniste connu, conduiront - après de longues discussions et hésitations - à la création du « Parc national de la Vanoise », premier Parc national de France, par le décret du 6 juillet 1963.
Le Club Alpin, principal soutient du projet, est naturellement présent au Conseil d'administration du Parc.
Le « Parc national de la Vanoise » sera inauguré officiellement le 26 juin 1965.
Ainsi le très long intérêt pour la Haute Maurienne - commencé à la fin du XIXesiècle - de nos collègues lyonnais trouvait une solution pérenne. L'implication de Georges Descours - président de Club Alpin de 1951 à 1954 et promoteur du projet - dans les actions de la Section lyonnaise du Club Alpin pour la Haute Maurienne ne doit pas être oubliée (voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne).
Un événement considérable
C'est un événement considérable, pour la première fois l'État s'engageait réellement dans la conservation du milieu naturel.
Au fil du temps, dix Parcs nationaux constitueront un solide capital inaliénable, auquel s'ajouteront les Parc naturels régionaux.
Notre association doit être fière d'avoir été l'une des premières organisations, sinon la première d'audience nationale, à l'origine de cette heureuse réclamation, venant en soutien de certains esprits éclairés et précurseurs, puis en conduisant les actions.
Vu depuis notre XXIe siècle
Il est intéressant d'observer et de situer depuis notre XXIe siècle, les interventions particulièrement appropriées de nos prédécesseurs, pour préserver des richesses nationales uniques, des territoires de montagne fabuleux, certains aujourd'hui devenus définitivement inaliénables :
< D'abord l'article initial d'Ernest Cézanne, président du Club Alpin et par ailleurs membre de l'Assemblée nationale : « La question des montagnes », dans le premier volume de l'Annuaire du Club Alpin de 1874. C'est l'acte fondateur en ce qui concerne l'intérêt de l'association pour l'environnement.
< Puis les réclamations du Club Alpin, à la fin du XIXesiècle, venant soutenir les préoccupations des ingénieurs des Services des Eaux et Forêts, pour nos terrains de montagne, menacés par la déforestation et le surpâturage des prairies d'altitude, ces abus de jouissance provoquaient la ruine et la misère, dans les villages des vallées oubliées des montagnes de France.
< En s'appuyant sur une Commission scientifique composée de personnalités écoutées et incontestables, l'association pouvait donner des avis autorisés et pertinents.
< En fonction de sa forte représentation nationale, le Club Alpin apportera l'appui de la société civile et des sociétés savantes pour la sauvegarde du milieu naturel, devant le peu des soucis des autorités politiques de l'époque pour la nature.
< En s'alarmant régulièrement par des articles argumentés dans différentes publications.
< En soutenant les premières initiatives posant la question des Parcs nationaux en France dès 1910.
< En se rapprochant de partenaires partageant les mêmes préoccupations, comme le Touring Club et les associations régionales.
< En accompagnant une première réaction collective, avec la manifestation de Port Miou de 1911.
< En s'engageant dès 1934, dans une longue quête pour empêcher que la Meije ne soit pas définitivement souillée et vandalisée.
< Ensuite en 1956, sa démarche lumineuse - essentielle - visant à la création de la Réserve naturelle de Savoie. Une initiative rejoignant les réclamations de quelques-uns des conservateurs des Eaux et Forêts les plus éclairés, mais peu écoutés.
< En 1962, l'article capital et décisif « Alerte au suréquipement », publié dans LM&A commandera les actions futures. Un texte essentiel et d'une grande portée de Lucien Devies qui provoquera la prise de conscience de l'ensemble du monde alpin et interpellera directement les autorisés.
< C'est une action pionnière qui alertera notre administration - enfin réveillée - pour aboutir à la création du Parc national de la Vanoise en 1963.
< Suivront les décisions qui toucheront les parcs des Écrins, du Mercantour, des Pyrénées et autres.
Il aura fallu les fortes inquiétudes de nos associations, notoirement le Club Alpin, pour préserver des territoires remarquables, évitant ainsi la mainmise des intérêts particuliers sur des richesses nationales uniques.
C'est seulement après 1972, avec le mouvement "SOS Vosges", que commencera de naître un engouement du grand public, pour cette sauvegarde de la nature, sa mobilisation viendra renforcer les actions des associations. Une opinion publique qui a depuis acquis une sensibilité certaine, c'est le plus sûr garant de la pérennité de nos Parcs nationaux et régionaux et Réserves naturelles…
Une curiosité
Soulignons à cette occasion une curiosité : « un oubli » un peu général des Communes, des administrations, des organismes de montagne ; et aussi des rédacteurs de publications et de guides d'informations de ne jamais mentionner le rôle du Club Alpin, indiscutablement à l'origine de ces initiatives de préservation du milieu naturel.
Ainsi que de rappeler la justesse de vue de nos prédécesseurs du XIXe siècle, qui déjà réclamaient un intérêt de l'État, pour la sauvegarde de la montagne.
Le monde de la montagne a parfois la mémoire courte.
Mais l'essentiel restera de cette heureuse initiative ; un Parc national de la Vanoise définitivement préservé de décisions hasardeuses ou mercantiles.
Une revue assez discrète
Étrangement la revue La Montagne & Alpinisme est restée assez discrète, concernant les tractations qui amèneront la création du Parc national de la Vanoise.
Après le document initial de référence, signé par Marcel Couturier de juin 1956, aucun article de soutien entre 1956 et 1962 ne sera publié, en dehors de courtes et succinctes informations, et malgré l'intérêt et la mobilisation des membres de l'association.
C'était avant l'année charnière 1962 et le cri d'alarme « Alerte au suréquipement » ; les années où la méthode « expliquer et convaincre entre décideurs » était encore de rigueur.
Il faudra attendre avril 1964 pour qu'enfin - la décision étant acquise - un article général signé par René Varlet « Le Parc national de la Vanoise » soit présenté dans la publication du Club Alpin, le promoteur du projet.
Pour un Parc national en Haut Dauphiné
Aussitôt la décision acquise en Vanoise « évitant ainsi des rivalités inopportunes », Lucien Devies proposera la création du « Parc national en Haut Dauphiné », un projet mûri depuis longtemps.
Un article « Pour un Parc national en Haut Dauphiné » paraît sous sa signature, dans La Montagne & Alpinisme de décembre 1963.
Et déjà les Assemblées générales du Club Alpin et de la FFM avaient approuvé le projet structuré.
Cette démarche proposait un projet construit et d'envergure s'appuyant sur les acquisitions circonstancielles de l'État d'une partie du Haut Vénéon en 1914, d'un secteur sud du massif des Écrins en 1924, et du Haut Valgaudemar en 1928 ; le massif de la Meije étant classé, au titre de la loi de 1930 et de l'arrêté de 1943 sur les sites (voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne).
La part des chasseurs
Il faut souligner la part notable prise par les chasseurs dans la création du Parc de la Vanoise, ils auront été des alliés solides, et seront de nouveau sollicités pour les futures batailles.
Avecs le projet du Parc en Haut Dauphiné - qui deviendra le Parc des Écrins - leur soutien est sollicité en ces thermes « une action de peuplement combinée avec une réglementation astucieuse pourrait faire le plus sensationnel terrain de chasse au chamois qui soit, une zone de "safari", si l'on peut se permettre cette expression à l'échelle de l'Europe ».
1963 - Un stage de haut niveau technique
La FFM organise un stage d'alpinisme de haut niveau technique dans les Dolomites, sous la direction de Georges Livanos, les plus difficiles escalades du massif de la Civetta sont entreprises, par les stagiaires en cordées autonomes, dont notamment le dièdre Philipp-Flamm de la Punta Tissi du groupe de la Civetta.
Un second stage de haut niveau sera organisé l'année suivante, puis ces initiatives s'adresseront aux cadres fédéraux.
1963 - Une Fédération Française de Spéléologie
La Fédération Française de Spéléologie (FFS) voit le jour le 1er juin 1963, à Millau. Elle est issue de la réunion de la Société Spéléologique de France, fondée le 1er février 1895 par Édouard-Alfred Martel, et du Comité National de Spéléologie, créé le 28 mai 1948.
On retrouvera un historique de la spéléologie dans un article de Philippe Morveran « La petite histoire de la spéléologie au Club Alpin » dans La Montagne & Alpinisme n°4/1997. Est bien décrite la part du Club Alpin, en ce qui concerne l'origine de la spéléologie en France, puis sa structuration et son évolution.
Les liens forts de la spéléologie avec le Club Alpin, le premier à s'intéresser à cette discipline dès1888, méritent d'être soulignés et rappelés, ainsi que les activités de la Commission des travaux scientifiques du Club Alpin de 1939 à 1950 (voir le dossier du CFD : Un historique de la spéléologie).
1963 - La Commission fédérale du matériel de sécurité
En 1963, la Fédération Française de la Montagne décide d'étendre l'objet de la Commission fédérale des cordes de montagne, qui devient la Commission fédérale du matériel de sécurité, et aura compétence sur les éléments essentiels de la sécurité des grimpeurs et des alpinistes.
1964 - Un label international pour le matériel
Le principal progrès, dans le matériel d'alpinisme, aura été la mise au point de la corde moderne dès 1947, et depuis ses caractéristiques seront beaucoup améliorées, et contrôlées par des normalisations nationales.
En 1964, l'Union Internationale des Associations d'Alpinisme crée sa Commission internationale, et ses propres spécifications.
Cette certification internationale (UIAA) va venir se substituer aux labels nationaux, elle est aujourd'hui le garant de la sécurité. Désormais, c'est le même essai reproductible, dans les différents laboratoires compétents, qui certifie la qualité des cordes.
1964 - Des notions de mécanique
La même année, il sera mis en relief - auprès des utilisateurs - la notion fondamentale d'absorption d'énergie, qui doit être prise en compte en cas de sollicitation du matériel de sécurité, plutôt que la simple résistance mécanique statique.
1964 à 1966 - LES REFUGES CONSTRUITS OU RÉNOVÉS
1964 - Le refuge de la Cougourde, 2090m
1964 - Le refuge-bivouac du Grand Bec de Pralognan, 2500m
1964 - Le refuge des Oulettes de Gaube, 2150m
1965 - Le refuge de Maupas, 2430m
1965 - Le chalet-refuge du Ratou, 1200m
1966 - Le refuge du Promontoire, 3092m
< Voir un historique dans le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges.
1964 - Le domaine des Trois Pignons
Quelques initiatives privées, et celles du Club Alpin, avaient réclamé que le domaine des Trois Pignons, « complément essentiel de la forêt de Fontainebleau », soit mis hors de portée des promoteurs.
La forte mobilisation des familiers de la forêt de Fontainebleau était réelle et perceptible, ces usagers s'estimaient victimes du mauvais coup de l'administration, qui n'avait pas hésité à couper en deux la forêt, pour donner place à une autoroute.
Voulant peut-être atténuer ce fiasco environnemental, l'administration se portera acquéreur des zones encore non protégées de l'exceptionnelle forêt.
L'enquête publique, en vue de l'expropriation de l'ensemble du massif des Trois Pignons, débutera en 1966. L'arrêté de déclaration d'utilité publique date du 20 octobre 1967.
Après divers procédures, qui attaquèrent la décision devant le tribunal administratif compétent, il faudra encore attendre l'arrêté du 10 mai 1974 pour aboutir.
Le domaine de Bois Rond déjà acquis par l'Armée en 1952 - ce qui évita l'appropriation privée de cet autre espace unique -, et le secteur de Coquibus déjà acheté par l'État, entrent dans les limites de l'arrêté.
Avec ces heureuses initiatives, et après les irresponsabilités criantes qui provoquèrent la désastreuse saignée de l'autoroute, la forêt de Fontainebleau échappait maintenant - en grande partie - aux turpitudes des hommes.
Il était constaté que l'administration - qui s'était montrée à la hauteur de l'enjeu dans l'affaire des Trois Pignons - devenait maintenant plus attentive aux aspects environnementaux, concernant le territoire national (voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne).
1964 - La montagne en deuil
Le 7 juillet 1964, un drame particulièrement tragique survient durant l'ascension de l'arête des Grands Montets de l'Aiguille Verte, par un stage de l'École Nationale de Ski et d'Alpinisme. Trois professeurs et neuf Aspirants-Guides sont précipités dans le couloir Cordier, où ils trouveront la mort.
La catastrophe, touchant des professionnels liés à l'organisation de l'enseignement de la technique et de la sécurité, vient cruellement souligner les dangers de l'alpinisme, et les incertitudes rencontrées en montagne.
1964 - Un bilan après quatre vint-dix ans d'activité
C'est Claude Maillard qui préside le Club Alpin de 1963 à 1965.
< Le Club Alpin compte 48 000 adhérents.
< Les refuges du Club Alpin ont enregistré cette année-là 68 000 nuitées.
< Pour les refuges de haute montagne, la répartition géographique de la fréquentation des 58 200 nuitées se présente ainsi :
- Massif des Écrins 24 700
- Mont Blanc 16 300
- Alpes-Maritimes 4 200
- Vanoise-Tarentaise 4 000
- Pyrénées 4 000
- Maurienne 2 700
- Belledonne 2 300
< Les 9 800 nuitées restantes concernent les refuges de moyenne montagne accessibles par la route.
< Ses chalets-skieurs ont enregistré 25 000 nuitées.
Les activités structurées venant en complément des programmes hebdomadaires des Sections sont principalement :
< les rassemblements escalades et randonnées, dans divers massifs.
< les camps d'été permanents d'alpinisme, à la Bérarde et à l'Envers des Aiguilles.
< les stages d'initiation alpine pour adolescents.
< les stages fédéraux de formation, au niveau Initiateur et Instructeur bénévoles d'alpinisme.
< un stage de haute difficulté dans les Dolomites.
< les échanges franco-allemands, avec le Club Alpin d'Allemagne (DAV).
< l'ensemble des activités de ski.
1965 - Le tunnel du Mont Blanc
En 1965, inauguration du tunnel du Mont Blanc, par les chefs d'État d'Italie et de France, Giuseppe Saragat et Charles de Gaulle.
1965 - L'ESCALADE EN MUTATION
Les pitons scellés et ancrages scellés après forage de la roche
Sur les falaises du Saussois et des Ardennes belges, mise en place de pitons scellés ou d'ancrages implantés directement dans la roche, après un forage de celle-ci, « les ancrages scellés après forage », aux relais et aux points névralgiques des escalades classiques.
En particulier sur les rochers de Surgy, Guy Richard se livre à un équipement général des voies, avec une implantation réfléchie des points d'ancrage, placés en rappel.
La propagande de Claudio Barbier
Claudio Barbier, qui était l'un des meilleurs rochassiers de sa génération, sera le premier propagandiste en Europe occidentale d'une escalade libre et propre, il a visité l'ensemble des massifs d'escalade, et connaît bien les règles sportives des écoles est-allemandes et britanniques, très critiques sur les moyens artificiels.
Rapidement convaincu que le paroxysme atteint par le « règne du fer » conduisait à une impasse, le grimpeur belge fera une diffusion discrète, mais continue, des idées venues de Grande-Bretagne et des bords de l'Elbe. Et plus tard, il sera également très actif pour propager le recours aux coinceurs.
L'escalade en jaune
Claude Barbier cherche à faire évoluer l'escalade dans les falaises des Ardennes belges.
La Directissime de la falaise de l'Al'legne, une des plus classiques et des plus belles escalades de Freyr, est à l'évidence surpitonnée, et beaucoup utilisent les ancrages comme points d'aide… « le tire-clous ».
Pour ne pas provoquer de polémique, Barbier a l'idée de différencier, avec de la peinture jaune, les ancrages qui ne devaient seulement servir que de points d'assurage, contrairement aux points d'aide ou de repos. Petit à petit, l'expression « jaunir une voie » va devenir synonyme d'escalade libre, mais cette proposition restera marginale, pour encore un peu de temps.
Et "le tire-clous" a encore de belles années devant lui.
Les falaises de l'Elbsandsteingebirge
En 1966, Claudio Barbier propose la traduction d'un article « L'Elbsandsteingebirge » d'Herbert Richter, dans La Montagne & Alpinisme. Ce sera une vraie stupéfaction pour beaucoup.
1965 et 1967 - LES PREMIÈRES DIFFICULTÉS FÉDÉRALES
En 1963, une réduction de cotisation FFM est refusée à un club gestionnaire de refuges, car il ne consacre plus aucune part de la cotisation de ses membres à la construction ou à l'entretien de ses refuges.
En 1965, le représentant d'une association - qui connaît parfaitement le fragile équilibre qui permet le fonctionnement de la FFM - demande l'unification des cotisations fédérales.
Il est répondu, par le président de la Fédération, que « seul à ce moment-là, le Club Alpin bénéficie d'une cotisation réduite conformément aux statuts, car consacrant une part de la cotisation de ses membres à la construction ou à l'entretien de ses refuges ».
En 1967, le représentant de la même organisation demande une augmentation de la cotisation des membres des clubs possédant des refuges et une diminution pour les autres, ainsi qu'un resserrement de l'éventail du taux des taxes des nuitées dans les refuges.
C'est évidemment une façon provocatrice de convoquer les petites associations, contre un Club Alpin possédant une supériorité numérique hégémonique, et qui doit faire adhérer l'ensemble de ses membres, moyennant une cotisation réduite pour l'entretien de ses refuges.
La solidarité et la cohésion du monde de la montagne se trouvaient malmenées, pour une question subalterne de cotisation, et certainement pas dans une intention de bonnes relations.
Autre difficulté, certaines petites sections montagne dépendant de structures très importantes se font représenter - dans les arcanes de la fédération - par leurs personnels permanents et salariés - très aguerris aux débats conflictuels - avec en face les représentants bénévoles du Club Alpin, ce qui ajoute aux difficultés relationnelles, et ne facilite pas les discussions.
Ce que les contradicteurs ne savaient pas, c'est que la provocation donnait corps - par effet miroir - aux réticences internes bien présentes au Club Alpin, concernant l'adhésion fédérale, et que nous avons déjà évoquées. Ceux qui n'ont pas de raisons d'être licenciés à la FFM, les randonneurs, les skieurs, les amoureux de la nature partisans d'une montagne paisible éloignée des ambitions sportives, et les adeptes des activités douces de loisirs en montagne, ceux tournés vers les activités scientifiques et culturelles du Club Alpin.
Et à cette époque, presque 20 000 de nos adhérents ont une licence de la Fédération Française de Ski.
1965 - L'Union Nationale des Centres Sportifs de Plein Air
En 1965, l'« Union Nationale des Centres Sportifs de Plein Air » (UCPA) prend la succession de l'UNCM et des Groupements de sports de mer, elle propose de mieux organiser les activités de pleine nature vers la jeunesse.
Elle est administrée par l'État, les collectivités territoriales et les grands mouvements de jeunesse et d'éducation populaire.
L'UCPA « inscrit son projet humaniste, social et citoyen dans le prolongement du service public, et participe à la mise en œuvre des politiques publiques destinées à la jeunesse ».
1965 - Une Commission des sports aériens de montagne
Le Club Alpin installe une Commission des sports aériens de montagne, avec des formations concernant le vol sur appareils à moteurs, les atterrissages sur altiport et sur glacier, et le parachutisme en montagne.
C'est une curiosité notable, venant à contre-courant des vives oppositions qui se percevaient dans l'association, pour la navigation aérienne à moteur en montagne, et pour les déposes aériennes à but touristique.
Un stage de formation est proposé à Challes-les-Eaux en 1966.
Deux rassemblements seront organisés en septembre 1971 à l'Alpe d'Huez et en mai 1972 à Serre-Chevalier. Cette activité, qui n'entre que très partiellement dans le rôle que s'est assigné l'association, sera ensuite transmise.
Dès 1973, une Association Française des pilotes de montagne prendra peu à peu le relais, le Club Alpin - qui conseille déjà l'adhésion à l'AFPM - organisera encore des rassemblements de pilotes de montagne jusqu'aux années quatre-vingt, et maintiendra ensuite une collaboration jusqu'en 2000.
La Charte des Alpages et des Glaciers de 1976 avait fait tourner la page de cette courte aventure, et le développement du vol libre en 1978 viendra apporter une légitimité plus incontestable.
1965 - VERS UN PARC NATIONAL DES PYRÉNÉES
Alors que le Parc de la Vanoise a comme origine les réclamations du Club Alpin et de précurseurs informés - évidemment relayées par les pouvoirs publics et par d'autres associations -, c'est une action des Services des Eaux et Forêt du ministère de l'Agriculture qui a conduit aux études préliminaires concernant la création d'un « Parc national des Pyrénées ».
Un Parc qui irait du Pic d'Anie à l'ouest, au Pic Long à l'est de la chaîne.
Un article « Vers un parc national des Pyrénées » est publié dans La Montagne & Alpinisme d'avril 1965, où l'audace et l'ampleur du projet sont soulignées dans le texte de Raymond Ritter.
Les Sections locales du Club Alpin appuieront ce projet, mais il faudra aussi convaincre quelques oppositions farouches…
L'intervention du président Lucien Devies, à l'occasion de l'inauguration du refuge des Oulettes de Gaube au pied du Vignemale, devant les autorités locales et les montagnards réunis, sera insistante :
Les Pyrénées saisiront-elles « la chance unique qui leur est offerte, non seulement de protéger leurs sites et leurs richesses naturelles, mais encore de les valoriser à l'échelle du tourisme européen de demain ? ».
LE CLUB ALPIN EN 1965
Les effectifs
Pour l'Assemblée générale de 1965 du Club Alpin, il est constaté qu'en dehors de la masse fondamentale des adhérents, fidèles soutiens des actions du Club Alpin, une partie superficielle d'affidés ne reste que pour un temps limité dans l'association, soumettant les effectifs à une fluctuation difficilement contrôlable, qui entraîne de grandes complexités administratives.
« Ce mouvement de marée - flux et reflux - superficiel ne paraît affecter qu'une catégorie de membres, ceux qui ne viennent que pour le ski de piste, le plaisir facile de la descente et le moindre effort dans la montée... Le flux les apportera, le reflux les emporte ! ».
Le Club Alpin compte 48 500 adhérents.
Les liens inter-Sections
Les réunions d'inter-Sections deviennent régulières et générales, elles permettent des échanges de vues, des regroupements d'activités et de communication.
L'organisation de l'Enseignement alpin
Elle se fait :
< au niveau des Sections, par des collectives d'escalade, des stages et camps d'été,
< au niveau national, par la formation des cadres Initiateurs et Instructeurs.
Ces brevets ne doivent pas « devenir des tests ou des satisfecit personnels », mais « des instruments au service d'une collectivité et non pas d'intérêts égoïstes ».
1964 à 1967 - Le secours aux skieurs
Longtemps le secours aux skieurs est resté dans le domaine du flou artistique. De fait, pour le ski de piste, c'était le personnel des stations qui assurait ce service mal défini.
Les deux destinations, la piste et le hors-piste, seront précisées :
« L'organisation des secours dans le domaine des sports de montagne se subdivise en deux branches, le secours aux skieurs sur piste, le secours en montagne ».
Depuis 1964, une Instruction interministérielle impose aux maires de prendre un arrêté, instituant une Commission chargée du service de sécurité, sur les pistes de ski de leur commune. Mais, on va longtemps ergoter sur la définition d'une piste de ski, et même sur la largeur de celle-ci.
En 1967, on arrivera à la notion de domaine skiable « qui séparait convenablement les domaines de la montagne et du ski de piste ».
1966 - L'opposition aux refuges-bivouacs
Au fil du temps, Lucien Devies luttera constamment contre l'installation de refuges-bivouacs « réducteurs d'aventure » implantés sur des itinéraires de montagne.
Déjà en 1938, lorsque les refuges-bivouacs, sur l'arête de Peuterey et sur l'arête de l'lnnominata, allaient être construits, versant italien du Mont Blanc, un long combat avait été livré et perdu.
Il ne lâchera rien dans sa lettre du 22 mars 1966 à ses collègues italiens :
« Vous avez demandé un avis sur l'opportunité de placer un refuge-bivouac sur le versant est du Mont Rose. À mon sens, c'est une bonne chose que de faciliter l'accès à la montagne, afin de permettre à quiconque de pratiquer l'alpinisme s'il en a le désir et la volonté. Mais c'est une erreur que de faciliter les courses elles-mêmes.
Le devoir dans ce domaine n'est pas de diminuer la difficulté, mais bien de la maintenir pour que les Alpes puissent continuer à répondre aux aspirations des alpinistes.
Or, les Alpes ont des courses qui ont l'ampleur de celles du Caucase. Ne diminuons pas cette échelle.
Il me semble qu'il serait tout à fait dommage de répéter la même erreur au Mont Rose [que celle commise dans le versant sud du Mont Blanc].
Depuis la cabane Marinelli, la Dufour et la Nordend se font commodément, dans la matinée ou dans la journée. Rien ne devrait être placé entre la cabane Marinelli et les sommets, ni près des sommets eux-mêmes.
Quant à la Gnifetti, aucun refuge-bivouac ne devrait être placé à moins de deux heures de la rimaye située au point le plus bas de la paroi. Il faut laisser cette face merveilleuse et sa proximité vierges de tout équipement.
Tel est l'avis, que je voulais vous exprimer. Il est dicté par une réflexion profonde sur l'équilibre à maintenir entre un équipement d'approche et la sauvegarde d'une zone de haute montagne ».
1966 - Le Huascaran, 6768m
Les montagnes de l'Himalaya ne sont plus accessibles, à cause de sérieuses tensions politiques. Le Comité de l'Himalaya se tourne vers l'Amérique du sud et les Andes. L'objectif est le versant nord du Huascaran, 6768m. Ce sera une escalade andine réussie avec des moyens himalayens.
Tout le monde, sauf un blessé, trouvera le chemin de la cime.
Mais, durant le retour du sommet, Dominique Leprince Ringuet fait une chute fatale. C'est le premier accident mortel que l'instance fédérale avait à connaître...
1966 - Les commandements du Parc national de la Vanoise
Samivel est l'auteur d'un texte écrit pour le Parc national de la Vanoise et ses visiteurs.
Sous la forme de 14 commandements, la déclaration est reproduite dans La Montagne & Alpinisme de février 1966, et s'ouvre sur cette proclamation :
« Le parc national protège contre l'ignorance et le vandalisme des biens et des beautés qui appartiennent à tous ».
1966 - Il faut créer le Parc national du Haut Dauphiné.
À l'occasion de l'inauguration du nouveau refuge du Promontoire, 3092m dans le massif des Écrins, le 26 juin 1966, le président Lucien Devies rappellera la prestigieuse conquête de la Meije en 1877 par un jeune homme de 19 ans Emmanuel Boileau de Castelnau, un chasseur de chamois dans la force de l'âge Pierre Gaspard et son fils Pierre.
Mais il est déjà entièrement tourné vers l'action suivante, profitant de la présence des représentants de l'État pour l'événement :
« L'alpinisme français est né là. Il faut protéger cette région sauvage et si originale des Alpes, il faut créer le Parc national du Haut Dauphiné.
C'est à cela que nous devons nous employer ».
1966 - La Montagne Sainte-Victoire
Mise en place d'une zone de sauvegarde de la Montagne Sainte-Victoire, car elle n'était pas à l'abri des investisseurs.
1966 - La classification des difficultés de l'escalade rocheuse
En 1966, l'Assemblée générale de l'Union internationale des Associations d'Alpinisme (UIAA) avait proposé l'adoption générale du système Welzenbach de classification des difficultés en six degrés d'un passage d'escalade rocheuse, en décidant en plus, et malheureusement, que le précepte a une limite, le VI supérieur.
C'est-à-dire qu'il est fermé, alors que depuis longtemps, pour les escalades de blocs et en falaise, une autre évaluation était utilisée qui, au-dessus du sixième degré, permettait de prendre en compte l'évolution de l'escalade.
L'utilisation de chiffres romains est préconisée dès les parutions des guides-itinéraires du massif des Écrins de 1946 et Vallot-Arthaud de 1947, et dans les ouvrages italiens. Elle le sera jusqu'en 1978.
1967 - Les chaussons d'escalade
Depuis 1948, les fameux chaussons bleus PA aux semelles de caoutchouc inventés par Pierre Allain étaient l'équipement indispensable pour l'escalade à Fontainebleau.
Seuls des initiés avertis utilisaient les chaussons PA en falaise et en montagne.
En 1955, ces chaussons avaient été adoptés pour l'escalade des parois des Îles-Britanniques…
En 1963, le modèle d'origine échappe à son inventeur et sera récupéré par son fabricant-cordonnier Bourdonneau qui proposera le chausson bleu d'origine, mais sous sa propre marque, avec le sigle EB super-gratton.
En 1967, les chaussons d'escalade PA devenus EB font leurs apparitions dans les falaises, et aussitôt dans les escalades rocheuses des Alpes… permettant bientôt des progrès notables dans l'escalade rocheuse.
Et, à partir de 1974, les chaussons EB et leurs dérivés seront indispensables pour toute escalade rocheuse difficile ou pas, en tous lieux.
Dans le même temps les grimpeurs américains sont venus constater en Grande-Bretagne les avantages des chaussons devenus EB.
Voir le dossier du CFD : Un historique de l'escalade / École de blocs, école de Bleau / Année 1948 / Les chaussons d'escalade.
1967 - La technique française de cramponnage
En 1967, après un colloque franco-allemand sur les techniques glaciaires, l'intervention d'André Contamine dans La Montagne & Alpinisme : « La glace vingt ans après » annonce une timide évolution.
S'il consacre encore la technique Eckenstein - dite technique des pieds à plat - appelée curieusement de technique française avec des crampons dix pointes, il admet pour les pentes raides certains avantages des pointes avant « sollicitant l'appui par la pointe du pied, un peu comme en escalade rocheuse », et du cramponnage frontal.
Les crampons avec pointes avant sont qualifiés de matériels nouveaux… disponibles depuis 1929 à Courmayeur !
Il faudra continuer à aller acheter ses crampons à Genève ou à Courmayeur, même si discrètement un modèle est apparu chez les fabricants, dès 1965 en France.
1967 et 1973 - Les brevets pour le ski de haute montagne
En 1967, la FFM crée un brevet de Chef de caravane bénévole de ski de haute montagne, pour l'encadrement de son Enseignement alpin.
Et en 1973, elle crée un brevet de Chef de course bénévole de ski de haute montagne.
1967 - Le ski extrême
C'est une discipline complètement liée à l'alpinisme et pratiquée par des alpinistes skieurs. Prémices en 1935 dans les Alpes orientales ; en 1941, descente à skis de la face nord du Dôme du Goûter.
Mais aux yeux de tous, cela restait du ski sur des pentes anonymes.
En septembre 1967, lorsque le Suisse Sylvain Saudan se lance à skis dans la descente du couloir Spencer de l'Aiguille de Blaitière ce fut la stupeur : à skis dans des pentes remontées en crampons par les alpinistes.
Il n'était pas le premier à s'élancer dans les pentes raides, mais il sera le premier à le faire savoir.
Aussitôt, en Autriche et dans les Alpes orientales et occidentales, des initiatives apparaissent.
Mais c'est dans le massif du Mont-Blanc que les performances les plus frappantes seront réalisées, car empruntant les itinéraires les plus fameux de l'histoire de l'alpinisme.
Peu à peu, aucune pente naturelle n'échappera aux explorations des très audacieux skieurs qui vont se présenter (voir le dossier du CFD : La pratique hivernale de la montagne / 1967 - Le ski extrême).
1967 - Le Parc national des Pyrénées occidentales
Le Parc national des Pyrénées occidentales est créé par le décret du 23 mars 1967, le Club Alpin, « qui a beaucoup contribué à sa création » sera représenté dans l'Établissement public…
1967 - Les Parcs naturels régionaux
Le décret du 1er mars 1967 du ministère de l'Aménagement du territoire et du Plan officialise la création de « Parcs naturels régionaux ».
Ils répondent à une partie des préoccupations économiques et sociales de l'administration, concernant le développement du territoire, en conservant un caractère régional, notamment pour :
< animer certains secteurs ruraux, en difficulté sur le plan agricole, et réaliser un programme harmonieux de rénovation rurale.
< procurer, aux citadins des grands centres urbains, des zones naturelles de détente.
< assurer, par l'adhésion des collectivités locales et de la population, la sauvegarde et la mise en valeur des sites et monuments.
Ils sont instaurés après accord entre l'État et les collectivités locales, autour d'une « charte constitutive ».
Le sentiment d'avoir été entendu
Avec les initiatives de l'État, pour les créations des Parcs nationaux et régionaux, on constate que la longue croisade du Club Alpin et ses cris d'alarme ont porté leurs fruits.
Le Club Alpin et bien sûr les autres structures amies ont le sentiment d'avoir été entendus par l'administration (voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne).
1967 - Un Parc naturel régional du Vercors
La création du Parc de la Vanoise a provoqué de nombreuses intentions.
Une initiative Vercors Nature se constitue pour favoriser la préservation du massif du Vercors.
Un article de Philippe Traynard (1916-2011) en fera l'annonce, dans La Montagne & Alpinisme de juin 1967, « Pour un Parc naturel régional du Vercors ».
1967 - Les surhommes d'autrefois
Alain de Chatellus (1907-1987) publie, dans La Montagne & Alpinisme, une série d'articles sur les explorations polaires des pionniers durant les premières années du XXe siècle, « Les surhommes d'autrefois », un titre qui ne semble pas vraiment excessif…
1967 - Les dangers de la foudre en montagne.
Un article du Nord-Américain Alvin Peterson dans La Montagne & Alpinisme, apporte une information, appuyée sur des bases scientifiques, concernant les dangers de la foudre en montagne.
1967 à 1969 - LES REFUGES CONSTRUITS OU RESTAURÉS
1967 - Le refuge d'Ambin, 2270m
1967 - Le chalet-refuge de Maljasset, 1905m
1967 - Le refuge de l'Olan, 2344m
1967 - Le refuge du Pigeonnier, 2423m
1967 - Le refuge de Pombie, 2030m
1967 - Le refuge de Presset, 2514m
1967 - Le chalet de montagne des Tuffes, 1250m
1967 - Le refuge de Vénasque, 2249m
1968 - Le refuge des Conscrits, 2730m
1968 - Le refuge Ghiglione, 3690m
1968 - Le refuge de la Lavey, 1797m
1968 - Le refuge de Leschaux, 2450m
1968 - Le refuge Packe, 2495m
1969 - L'ancien refuge Albert 1er, 2702m
1969 - Le refuge d'Arrémoulit, 2300m
1969 - Le refuge de la Dent Parrachée, 2500m
1969 - Le refuge des Écrins, 3175m
1969 - Le chalet de montagne du Langenberg - Ballon d'Alsace, 1050m
1969 - Le refuge de la Noire, 2325m
1969 - Le chalet de montagne des Trois Fours, 1197m
< Voir un historique dans le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges.
< En 1968, le Club Alpin Italien installait le refuge Ghiglione au Col du Trident de la Brenva, 3690m qui doublera le refuge de la Fourche, pour l'accès aux exceptionnels itinéraires du versant Brenva du Mont Blanc. Il sera démonté en 1999.
1968 - LA VIE INSTITUTIONNELLE
Le Club Alpin Français
L'administration du Club Alpin se fait autour du président Devies de nouveau réélu en 1966, avec principalement Didier Olivier Martin, trésorier et les membres du bureau, dont Paul Bessière qui préside la puissante Section de Paris, Claude Maillard, et Maurice Martin, le dévoué secrétaire général, salarié du club.
< Le CAF compte 64 Sections, avec un effectif de 52 000 sociétaires, gère 120 refuges et chalets-skieurs.
< Plus de 700 Instructeurs, Initiateurs et Moniteurs bénévoles encadrent les activités liées à l'alpinisme.
< Plus de 500 Instructeurs, Initiateurs et Moniteurs bénévoles encadrent les activités liées au ski.
< Plus de 5 000 sorties collectives de randonnées à ski, en haute et moyenne montagne, sont conduites par des responsables qualifiés.
La Fédération Française de la Montagne
Dans le fonctionnement de la FFM, autour du président Devies, il y a Xavier Lauras trésorier, Pierre Henry (1900-1985) secrétaire général, et les membres du bureau avec notamment Paul Bessière, Claude Maillard et Maurice Martin secrétaire général administratif, également salarié de la fédération.
< La FFM compte 51 clubs (qui doivent avoir une activité d'été, et pas seulement de ski de montagne).
< Elle a compté jusqu'à 22 sociétés de secours en montagne.
< Elle est forte de 60 300 ressortissants, Club Alpin compris.
Cette écrasante majorité, qui donne en fait l'ensemble des pouvoirs organisationnels au Club Alpin, commence à provoquer des incompréhensions.
Le titre La Montagne & Alpinisme
La Montagne & Alpinisme est dirigée par un directeur de rédaction Lucien Devies, un rédacteur en chef Maurice Martin, et une secrétaire de rédaction Andrée Bruant. La publication est distribuée à l'ensemble des adhérents du premier rang.
Un cercle étroit
Ces organisations montrent le cercle étroit qui menait la vie associative et le peu des collaborateurs disponibles, en dehors des participants « silencieux »…
Et un simple rapprochement entre le nombre d'adhérents du Club Alpin et de sa fédération d'affinité montre que le système en place avait besoin de la cohésion montagnarde pour fonctionner.
- Dans ses multiples implications, malgré quelques solides collaborations, Lucien Devies, après de brillantes réunions dans les salons de la rue La Boétie, se retrouvait souvent bien seul, avec ses dossiers, et les sommes de travail engagées…
1968 - Des sites vierges de tout équipement
Dans le prolongement de la politique de protection de l'espace montagnard, le Club Alpin et la FFM décident de s'engager dans la conservation de certaines zones, bassins et cirques glaciaires de haute montagne, contre tout équipement ou construction, afin de conserver leur état naturel.
Le versant nord de la Meije, le glacier Noir, le versant nord du Pic Gaspard, le versant Valgaudemar des Bancs, le vallon des Étages et le versant nord-ouest du pied des Drus sont proposés.
1968 - La Réserve de chasse des Aravis
Une Réserve de chasse est constituée dans la chaîne des Aravis, par l'arrêté préfectoral du 26 août 1968.
1968 - Une Commission de la randonnée pédestre
Devant l'essor de la randonnée en plaine et en montagne, le Club Alpin met en place une « Commission de la randonnée pédestre », pour accompagner cette discipline - qu'il encourage et développe depuis 1874 -, et aussi pour renforcer son appui aux travaux du Comité National des Sentiers de Grande Randonnée, en suscitant la création de « hautes routes » pédestres et de sentiers d'altitude.
1968 - Une première carte de randonnée
En 1968, publication de la première carte de randonnée au 1/25 000e couvrant la forêt de Fontainebleau.
Les randonneurs ont à leur disposition des cartes au 1/50 000e (couleur et monochrome) aux levés des années 1890, révisées dans les années 1920 et 1950.
Nous sommes à des années-lumière des cartes de nos collègues suisses qui proposent des merveilleuses et précises éditions.
Longtemps, c'est la carte des Éditions Didier-Richard au 1/50 000e qui guidera les randonneurs dans les massifs alpins, sur les fonds de cartes de l'IGN. Ce qui laissait une grande part à l'aventure (voir le dossier du CFD : Les cartes géographiques).
1968 - Une découverte des parois du Verdon
Les parois des gorges du Verdon avaient été repérées depuis plusieurs années, par les grimpeurs marseillais, mais leur intérêt s'était focalisé sur les falaises de Saint Maurin et de Mayreste situées à l'entrée des célèbres gorges. Le plus brillant et entreprenant d'entre eux François Guillot avait encouragé Patrick Cordier et ses amis parisiens à visiter les lieux...
Ceux-ci, en août 1968, découvrent « un rempart de plusieurs kilomètres de falaises inexplorées ».
Au lieu de tenter les lignes les plus prometteuses, ils s'arrêtent devant la face la plus haute et la plus incertaine, la paroi du Duc. La voie des Enragés sera ouverte en technique de siège, corde fixe et tamponnoir, par Patrick Cordier, Patrice Bodin, Lothar Moch et Patrick Richard.
La grande histoire de l'escalade dans les gorges du Verdon pouvait commencer.
Et l'exploration pourra être reprise dans le bon sens, par François Guillot et ses amis, en commençant par les grandes lignes classiques, ouvertes en bon style, avant que les ancrages scellés après forage viennent changer la donne.
- Stages et collectives en 1969
Le Club Alpin propose cette année-là trois centres-écoles principalement destinés à recevoir les stages d'alpinisme à la Bérarde, à Chamonix et à Bonneval-sur-Arc.
Principaux séjours de formations :
< stages d'initiation et de perfectionnement à l'alpinisme.
< stages pour adolescents.
< stages de formation d'Initiateurs bénévoles d'alpinisme.
< stages de formation d'Instructeurs bénévoles d'alpinisme.
< circuits de randonnées et ascensions faciles, pour la connaissance du Parc de la Vanoise.
< circuits de randonnées et ascensions faciles, pour la connaissance du massif du Mont-Blanc.
Il est rappelé que les brevetés Initiateurs et Instructeurs sont bénévoles et ne doivent pas être rémunérés.
Dans les discussions entre les associations et les Guides participant à la Commission consultative des métiers de la montagne, le statut d'un brevet d'« Accompagnateur de moyenne montagne » commence à être proposé.
1969 - La technique de la glace et le cramponnage frontal
À ce moment là deux méthodes s'opposaient en France :
- le cramponnage 10 pointes, prescrit par l'École Nationale de Ski et d'Alpinisme, inspiré de la méthode Eckenstein - dite technique des pieds à plat - et rebaptisée curieusement de méthode française.
- le cramponnage frontal 12 pointes - la technique dite des pointes avant.
Pour faire avancer le débat qui perdurait, Lucien Devies demanda l'avis de ses collègues autrichiens.
La réponse sera sans appel :
« La façon la plus naturelle, car correspondant le plus aux données anatomiques, la plus sûre et la plus économique au point de vue dépense d'énergie, est d'avancer sur la glace raide suivant la marche avec les pointes frontales de crampons à 12 pointes, dite la technique des pointes avant.
On lira les explications particulièrement explicites des collègues autrichiens de 1969 dans les dossiers du CFD consacrés au matériel et à l'historique de l'alpinisme. C'est en effet une particularité anatomique qui permettait à certains de conserver la technique des pieds à plat dans les pentes raides (Armand Charlet, Claude Dufourmantelle et autres).
Le débat technique sur le cramponnage était nécessaire, car il concernait directement l'enseignement alpin... (voir l'article : La technique de la glace dans La Montagne & Alpinisme de juin 1969).
Et en 1970, les crampons 12 pointes inventés par Henri Grivel dès 1929, utilisés par des grimpeurs allemands, suisses, italiens, et par quelques cordées du GHM en France, depuis les années 1930, vont enfin être proposés à tous.
Et bientôt un modèle rigide sera proposé dans les années 1970.
Des crampons quatre pointes avant sont mis au point par des grimpeurs allemands dès 1969, et arriveront ensuite sur le marché. Plus tard des modèles avec les pointes avant adaptables seront commercialisés. Les progrès de la métallurgie accompagneront les perfectionnements du produit.
Le site des vallées des Merveilles
Le site des vallées des Merveilles, situé à l'ouest de Tende, est classé par l'arrêté ministériel du 22 avril 1969, améliorant les dispositions de sauvegarde du site des célèbres gravures et inscriptions préhistoriques.
Il était temps, car le site était déjà largement profané, par d'irresponsables graffitis contemporains.
1969 - LE PARC NATIONAL DE LA VANOISE DÉJÀ ATTAQUÉ
Le Parc national de la Vanoise est en place depuis si peu de temps, que déjà les appétits des promoteurs se nourrissent de projets de stations de ski, qui entraîneraient des modifications substantielles des limites du Parc, des rectifications qui constituaient des précédents fâcheux.
Ces errements susciteront, non seulement dans la plupart des organismes de tourisme et de protection de la nature, mais également dans les milieux de l'alpinisme et du ski, la plus vive émotion.
Le Club Alpin prendra rapidement position dans l'unanimité de son Assemblée générale de 1969, en émettant un ensemble de vœux :
< demandant qu'il ne soit porté nulle atteinte aux Parcs nationaux existants, créés pour préserver la santé physique et morale de la nation, et que soient respectées par avance les zones où des Parcs nationaux ou régionaux sont en étude et en projet.
< rappelant ainsi la nécessité de conserver aux générations futures la libre disposition de vastes territoires débarrassés de mécanisation bruyante pouvant servir de terrains de jeux et de lieux de contemplation et de méditation pour une jeunesse lassée d'une urbanisation excessive.
< estimant qu'il faut établir de la façon la plus générale un équilibre entre les zones équipées (et à équiper) et de très vastes espaces libres à conserver afin de garder à la montagne son caractère.
< demandant que les pouvoirs publics considèrent l'équipement de la montagne française dans le respect de ses plus beaux décors qui constituent en même temps sa véritable valeur attractive et qu'ils encadrent son développement dans la considération d'une volonté civilisatrice et le souci véritable du bonheur de l'homme.
Cet ensemble de vœux sera adressé au président de la République, au Premier ministre et aux ministres compétents.
En publiant immédiatement le texte dans La Montagne & Alpinisme de 1969, le Club Alpin montre qu'il a retenu la leçon :
« Ne plus rester entre décideurs, mais - pour les sujets essentiels - convoquer l'ensemble de ses adhérents ».
Cette attaque montrait que les tenants d'un équipement à tout va restaient écoutés et n'avaient pas abandonné leurs desseins intéressés, engagés au détriment de l'intérêt collectif.
C'est à partir de 1970, avec la déclaration remarquable du président de la République ; et en 1972 avec la démarche de l'« Association SOS Vosges » que l'on peut situer le basculement de l'opinion publique, désormais un allié de poids venant soutenir les associations, pour le plus grand bien de tous.
Finalement un accord boiteux sera trouvé en 1971, le Parc étant contraint d'accepter l'équipement modéré du glacier de Chavière, en contrepartie de son avenir économique.
Cet arrangement déjà étonnant en 1969, rencontrerait aujourd'hui quelques objections.
Le parc retrouvera heureusement son intégrité en 2003.
Les aménagements d'intérêt général du Parc national de la Vanoise
Le Parc national de la Vanoise a aménagé cinq sentiers-balcons en Maurienne, et en Tarentaise ; et plusieurs sentiers mènent aux principaux cols ; il construit onze refuges, venant considérablement améliorer les capacités d'accueil, déjà proposées par le Club Alpin, avec ses refuges du Mont Pourri, du Col de la Vanoise, de Péclet-Polset, de la Dent Parrachée et du Carro.
Le parc constate la croissance des hardes de chamois, et réadapte le bouquetin.
Une renaissance après les heures sombres de la guerre et de l'après-guerre, durant lesquelles les chamois avaient été anéantis, en allant - pour certains - jusqu'à utiliser des armes de guerre automatiques...
1969 - Un Parc naturel régional des volcans d'Auvergne
Dans l'engouement qui a suivi la création du Parc de la Vanoise, c'est directement l'administration, sous la signature de son chargé de mission Jean Pierre Marty, qui intervient dans La Montagne & Alpinisme d'octobre 1969, afin de promouvoir « Le Parc naturel régional des volcans d'Auvergne ».
1969 - Pour le Parc national des Écrins
Lucien Devies apporte tout le poids du Club Alpin et de la FFM, afin de forcer une décision, concernant la préservation du massif des Écrins, en signant, comme président des deux structures, l'article « Pour le Parc national des Écrins », dans La Montagne & Alpinisme de décembre 1969.
« Avec un joyau qui serait constitué par le massif des Écrins et par ses prolongements méridionaux, il offre la gamme la plus complète des paysages de montagnes. Il est le seul (avec le versant français de la chaîne du Mont Blanc) à présenter des sites rocheux et glaciaires de premier ordre, comparables à ceux des grands massifs suisses. C'est le massif le plus sauvage et le plus original des Alpes ».
Le projet sera longtemps celui d'un Parc du Pelvoux ou du Haut Dauphiné, des noms qui ne faisaient pas l'unanimité, pour ce Parc qui sera beaucoup son œuvre.
Parcourant les vallées, Devies a su persuader les autochtones et convaincre les décideurs, sûr de l'appui des montagnards et des clubs, sûr de sa légitimité, il pourra écrire :
« J'ai pensé qu'il fallait un titre de lumière, celui du plus haut sommet : vive le Parc national des Écrins ».
1969 - L'organisation des expéditions
Concernant les expéditions de grand alpinisme vers les plus hautes montagnes du globe, la FFM pourra souligner l'efficacité de son action, qui a contribué au rayonnement de notre pays depuis 20 ans, et n'a jamais disposé - redisons-le - que d'une contribution financière très limitée de l'État.
En 1969, la FFM réclame - encore une fois - à l'administration le contrôle des expéditions se rendant en Himalaya, et dans les massifs extra-européens.
Mais la position de juge et partie du Comité de l'Himalaya, qui veut contrôler l'ensemble des initiatives françaises et organiser ses propres expéditions sera critiquée. Cette requête, appuyée par des arguments fragiles, restera sans suite.
1969 - LA GRANDE TRAVERSÉE DES ALPES FRANÇAISES
En 1968, la Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale (DATAR) charge le Club Alpin d'étudier un itinéraire joignant la Méditerranée au lac Léman, et parcourable en hiver comme en été.
Un séminaire est organisé à Chamrousse en décembre 1969, un groupe de travail, comprenant le Club Alpin, la FFM et la FFS, est chargé de la mise en œuvre.
Au terme de l'étude conduite principalement par Philippe Lamour (1903-1992) et Lucien Devies, une association pour « La Grande Traversée des Alpes Françaises » (GTA) est fondée en 1971, elle réunit les collectivités départementales et communales, et les associations touristiques et sportives : CAF – FFM – FFS – TCF - CNSGR.
C'est une opération d'animation, d'initiative économique et de rénovation rurale des hautes vallées encore délaissées, tout en protégeant leur caractère.
Parmi les éléments retenus figurent l'équipement des étapes par des refuges et gîtes d'étape pour la randonnée d'été et d'hiver, le balisage discret des itinéraires, l'amélioration de la cartographie par l'IGN, la promotion et l'animation.
Le rôle principal de la structure est de « provoquer la construction de refuges en montagne et de gîtes au village, le long de la ligne idéale des itinéraires principaux » traversant les Alpes françaises.
Dès 1974, elle entreprendra de compléter les itinéraires principaux par des circuits, autour des lieux de séjour, entendant ainsi renforcer non seulement son œuvre de développement touristique, mais aussi son œuvre de rénovation rurale.
1969 - L'apparition des coinceurs
En 1960, première utilisation des coinceurs - les nuts - par les grimpeurs britanniques sur les falaises du Snowdon, dans le Pays de Galles.
Les Britanniques, qui s'interdisent, le plus possible, l'utilisation de pitons, avaient parfois recours à des coincements de pierres ou de cailloux, dans les fissures naturelles de la roche, comme moyen de protection, puis vont trouver une solution élégante pour l'assurage, en bloquant des petites pièces de métal - d'abord des boulons - reliées à des anneaux de corde. Ils façonneront ensuite des outils plus adaptés, les coinceurs.
L'emploi de ce moyen de sécurité va se répandre... d'abord dans les Îles Britanniques.
NB : Les coincements de pierres ou de cailloux, dans certaines fissures naturelles de la roche, ont rapidement intéressé les grimpeurs britanniques, permettant un ancrage de protection solide, entouré par un anneau de corde, et conforme à leur refus des pitons. Une façon de faire souvent confidentielle, comme en 1954 sur la face ouest de l'Aiguille de Blaitière, où le recours à cet artifice n'avait pas été rendu public.
Dès 1965, un constat inquiétant est fait aux USA, concernant l'usage des pitons en acier spécial. Ils détériorent le rocher, certaines fissures du Yosemite sont irrémédiablement abimées… Nos collègues américains viendront en 1967 chercher une issue dans les Îles Britanniques, avec l'emploi des coinceurs.
L'utilisation des coinceurs en Europe continentale
Claudio Barbier sera l'un des premiers propagandistes, pour l'usage de ces nouveaux accessoires en Europe continentale, et aussi utilisateur en inaugurant la voie du Dragon dans les Dolomites en 1969.
Utilisés dans les Alpes dès 1969, les coinceurs verront leurs formes s'améliorer avec les fameux Hexentrics, Stoppers, Bicoins, Titons et autres Copperheads…
En plus d'être un moyen de protection élégant et efficace, l'utilisation des coinceurs permet souvent de réduire l'exposition de l'escalade, mais en transformant certains grimpeurs en panoplie complète.
Il faudra attendre l'article de Patrick Cordier dans La Montagne & Alpinisme n°2/1974, puis celui d'Henri Agresti, dans LMA n°2/1977, afin que l'information soit complète en France, au regard des nombreuses rubriques des publications anglo-saxonnes.
En 1975, l'usage des coinceurs se généralisera (voir le dossier du CFD : Le matériel de l'alpiniste).
Notre titre reviendra sur l'aspect technique d'utilisation de ces nouveaux outils, avec un texte de Jean-Claude Droyer, en 1978.
La recherche des victimes d'avalanche
Jusque-là, les éléments de sécurité indispensables pour le ski de randonnée et la raquette à neige sont la pelle et la sonde ; les Détecteurs de Victime d'Avalanche (DVA) vont venir bien heureusement s'ajouter dans les années 1970 (voir le dossier du CFD : La pratique hivernale de la montagne).
L'usage des DVA va, peu à peu, être adopté par la grande majorité des skieurs-alpinistes. Il est le seul moyen de détection qui puisse être activé, par les compagnons du disparu, dans les secondes suivant l'accident.
Quatre-vingt-dix pour cent des personnes ensevelies dans une avalanche survivent, si elles sont retrouvées dans les 15 premières minutes. Il est donc essentiel de s'exercer régulièrement sur le terrain, pour bien maîtriser son DVA, afin d'être en mesure d'intervenir efficacement le moment voulu.
1970 - AU CLUB ALPIN
C'est Claude Maillard qui présidera le Club Alpin de 1970 à 1972.
Igloos, grottes de neige et refuges-bivouacs pièges mortels
La Montagne & Alpinisme de février 1970 rappelle le piège mortel que peut constituer un igloo, si une ouverture d'aération n'est pas prévue et contrôlée par une veille continue. Dans la tourmente, l'accumulation de la neige peut rendre les igloos, grottes de neige ou refuges-bivouacs impénétrables à l'air, avec des alpinistes ou skieurs endormis à l'intérieur.
De 1970 à 1975 - Des chalets-refuges
Le Club Alpin inaugure plusieurs chalets-refuges pour randonneurs et skieurs. Voir un historique dans le dossier du CFD : L'Aménagement de la montagne et les Refuges.
1970 à 1974 - LES REFUGES CONSTRUITS OU RESTAURÉS
1970 - Le refuge de la Brèche de Roland, 2587m
1970 - Le refuge de Chabourdéou, 2020m
1970 - Le refuge de la Vallée Étroite, 1780m
1970 - Le refuge de Véran, 1598m
1971 - Le refuge Campana de Cloutou, 2225m
1971 - Le refuge Cézanne, 1874m
1971 - Le refuge des Évettes, 2590m
1971 - Le chalet de Gourette, 1350m
1972 - Le refuge de Bossetan, 1602m
1972 - Le refuge de Chalance, 2250m
1972 - Le refuge du Pavé, 2841m
1972 - Le refuge du Plan de la Laie, 1825m
1972 - Le refuge de Péclet-Polset, 2500m
1972 - Le refuge des Souffles, 1975m
1972 - Le refuge du Col de la Vanoise, 2515m
1973 - Le refuge de l'Étendard, 2459m
1973 - Le refuge du Fond d'Aussois, 2350m
1973 - Le refuge de La Pra, 2110m
1974 - Le refuge d'Argentière, 2771m
1974 - Le refuge Durier, 3349m
1974 - Le refuge des Merveilles, 2130m
< Voir un historique dans le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges.
L'alpinisme au féminin après 1970
La parole est proposée aux femmes dans différents articles de La Montagne & Alpinisme, mais au-delà des points de vue intéressants de quelques-unes, la démonstration la plus convaincante et la plus définitive de l'alpinisme au féminin viendra avec des performances des actrices d'un véritable bouleversement.
Car bientôt vont se signaler, d'abord Simone Badier, puis Catherine Destivelle et autres Lynn Hill. Leurs engagements et leurs réalisations vont montrer que l'alpinisme au féminin a atteint le niveau le plus élevé (voir le dossier du CFD : L'alpinisme au féminin).
1970 - UNE DÉCLARATION REMARQUABLE SUR LA POLITIQUE DE L'ENVIRONNEMENT
Au cours du Conseil des ministres du 10 juin 1970, Georges Pompidou président de la République prononce une déclaration remarquable, qui montre la place primordiale que va prendre désormais l'environnement, dans les futures politiques de notre pays :
« Il ne s'agit que de la toute première étape d'une action qui demandera persévérance et obstination. Ce qui est en cause, ce sont les conditions mêmes et le cadre de la vie des hommes.
Il faut que nos villes restent ou redeviennent habitables, que les citadins aient à leur disposition les biens élémentaires qui s'appellent l'eau, l'air pur, un peu d'espace et de silence, que la nature soit à la portée de tous.
Que soient protégés nos côtes, nos plages, nos forêts et, partout, les arbres. Que l'espace rural soit préservé pour la vie des agriculteurs et pour le repos des citadins.
En un mot, que la civilisation moderne et industrielle s'insère dans la nature sans la défigurer et sans la détruire.
La France a l'immense chance de disposer encore de vastes espaces admirables dans leur diversité.
(Il faut)
Une action déterminée contre les nuisances de l'industrie et de ses produits.
Une politique de la construction, ne disons pas seulement conçue en termes fonctionnels et de rentabilité.
Une éducation du public pour lui enseigner le respect de la nature.
Le développement des parcs nationaux.
Une organisation de la pêche et de la chasse qui assure la sauvegarde des espèces animales.
Un effort accru en faveur des sports de plein air et de promenades.
Tout cela fait partie de la politique dite d'environnement. Son objet est de faire que la société de demain soit humaine ».
C'est une déclaration importante qui confortait le Club Alpin dans sa politique environnementale.
Elle reprenait « au sommet des idées que quelques-uns d'entre nous ont contribué à lancer, d'abord dans une grande indifférence » note avec satisfaction et un peu d'ironie Lucien Devies.
Cette orientation décisive, affirmée par le président de la République, est un événement tout à fait remarquable qui montrait une sensibilité plus marquée de nos élites, elles seront bientôt rejointes par une opinion publique déjà en éveil.
Parmi les premières mesures concrètes prises au cours de ce Conseil des ministres, citons :
- la création du Parc national des Cévennes, quatrième parc national.
- la mise à l'étude de deux autres Parcs nationaux dans les massifs alpins, celui des Écrins et du Mercantour.
- la création avant la fin de l'année de onze Parcs naturels régionaux : Lorraine, Forêt d'Orient, Morvan, Mont Pilat, Vercors, Camargue, Corse, Volcans d'Auvergne, Haut Languedoc, Landes de Gascogne et Brière.

1970 - Le rajeunissement du Comité de l'Himalaya
En 1970, le rajeunissement du comité est souhaité : Lucien Devies, président ; Henry de Ségogne, président d'honneur ; Jacques Allier, Claude Deck, René Desmaison, Jean Franco, Jean Guye, Maurice Herzog, Marcel Ichac, Raymond Latarjet, Guido Magnone, Claude Maillard, Jean-Paul Paris, Robert Paragot, Yannick Seigneur et Robert Tézenas du Montcel.
1971 - LE PILIER OUEST DU MAKALU
Le Comité de l'Himalaya juge l'instant opportun de tenter une évolution décisive et d'aller vers un itinéraire d'intérêt sportif, sur un grand huit mille.
Organiser une opération, qui par son ampleur ne peut qu'appartenir à la technique des expéditions très structurées, telle est la seule issue légitime de la commission fédérale.
Au même moment, les Britanniques poursuivent une réflexion identique, en 1970 ils regardent vers le versant sud de l'Annapurna.
Le choix se porte sur le fabuleux pilier ouest du Makalu, 8463m.
Robert Paragot est désigné chef de l'expédition. Après un difficile siège de plusieurs semaines, le sommet est atteint le 23 mai 1971, par Bernard Mellet et Yannick Seigneur.
L'entreprise soldera les résultats des recettes de 1950 et 1955 et ses plus-values (voir le dossier du CFD : Un historique des expéditions lointaines françaises institutionnelles).
L'apogée d'une méthode
Ce succès, sur le pilier ouest du Makalu, marque l'apogée d'une certaine méthode pour l'ascension des hautes montagnes, avec un comité autorité morale qui fixe un objectif, gère administrativement l'opération, « s'occupe des papiers », des finances, de la « diplomatie », désigne le chef d'expédition - qui sera son représentant et son seul interlocuteur -, et nomme également l'ensemble de l'équipe.
La méthode dite « française » est en fait la méthode Lucien Devies, avec un Comité de l'Himalaya qu'il anime et qu'il dirige depuis plus de vingt ans, une méthode très bien adaptée à l'exploration des plus hautes montagnes, dans les décennies 1950-1970…
1971 - Pour un Parc national du Mercantour
C'est encore le Club Alpin qui est à l'origine d'un projet de « Parc national du Mercantour », seul moyen de préserver ce magnifique massif.
Déjà depuis 1947, une « Réserve naturelle d'intérêt national pour la sauvegarde de la faune sauvage » avait été constituée à l'initiative du conservateur des Eaux et Forêts, Alfred Dugelay. Extension en 1953 et 1959, elle englobe les hauts terroirs de la Tinée, du Valdeblore, de la Vésubie et de la Roya.
Une étude est demandée, par la Section des Alpes-Maritimes du Club Alpin, qui a fondé l'« Association des amis du Parc national du Mercantour », et une présentation est proposée dans La Montagne & Alpinisme de juin 1971 « Pourquoi un Parc national du Mercantour ? », de Vincent Paschetta et Albert Viborel. Ce projet pourrait se jumeler avec le Parc italien de Valdieri mitoyen, en préparation.
1971 - La zone boisée et les rochers de Buthiers-Malesherbes
La zone de préservation de la forêt de Fontainebleau est étendue au sud-ouest, par la mise hors de portée des promoteurs de la zone boisée et des rochers de Buthiers-Malesherbes, avec l'arrêté interministériel du 15 mars 1971.
1972 - Aménagement et préservation de la montagne
Dans un article sans concession, Philippe Lamour se livre à une diatribe contre les excès des plans neige « Aménagement et protection de la Montagne », dans La Montagne & Alpinisme de 1972.
« À la nuisance des routes et des engins indiscrets enlaidissant la montagne, ces agglomérations créées de toutes pièces ajoutèrent la pire des pollutions : la pollution architecturale.
Quiconque a connu jadis le Val Claret, et peut, à présent y contempler les affligeantes constructions indignes, comprendra l'inquiétude et l'indignation de tous les amis de la montagne ».
À ces équipements brutaux, il plaide pour un développement doux des villages anciens, par l'essor de l'activité touristique, venant s'ajouter à la pratique agricole, qui ne suffisait plus à assurer les ressources nécessaires aux habitants.
Philippe Lamour - qui signe cet article en ne précisant pas sa qualité - était le président de la « Commission nationale d'aménagement du territoire »…
C'est une réaction aux plans neige qui ont implanté en altitude des stations intégrées depuis 1962. Cela avait été le bétonnage de l'espace alpin, au nom de l'essor économique, avec quelques réussites, parmi de nombreux hiatus.
La réponse à ces disproportions sera - dès 1975 - les projets de stations-villages authentiques de moyenne altitude, avec habitats traditionnels : chalets de bois, toitures en bois en ardoise ou en lauzes, et des espaces naturels préservés (voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne).
1972 - Les calanques de Marseille-Cassis
Le Club Alpin commence à mobiliser pour les calanques de Marseille-Cassis, par un article générique de 1972, publié dans La Montagne & Alpinisme par Paul Rouaix, président du Comité de Défense des Sites Naturels (COSINA).
Il est déjà évoqué l'idée d'un « Parc national des Calanques »… Il faudra encore se démener 42 ans, pour obtenir gain de cause.
1972 - SOS VOSGES
L'« Association SOS Vosges » sera à l'origine d'une démarche essentielle, qui va bouleverser les façons de s'organiser.
Claude Eckhart, président de la Section du Haut-Rhin du Club Alpin, publie un article - SOS Vosges - dans La Montagne & Alpinisme de 1972 :
« Au début de l'année 1972, quelques personnes qui avaient en vain élevé la voix par le passé pour la préservation des sites vosgiens décidaient d'unir leurs efforts et créaient en Alsace le mouvement "SOS Vosges".
Une campagne de presse était lancée, pour l'information du public et pour inviter les responsables des associations intéressées par la protection des Vosges à adhérer au mouvement. Les réponses affluèrent au-delà de toute prévision ; le nombre d'adhésions s'est rapidement élevé à près d'une centaine de groupements représentant plus de 100 000 membres, sans compter les habitants des communes ayant adhéré, ni les innombrables lettres de particuliers apportant leur soutien.
La campagne "SOS Vosges" a donc, comme premier résultat, démontré que les couches les plus larges et les plus diverses de la population réclament en fait un nouveau type de tourisme, désirant pouvoir s'évader des paysages et engins caractérisant la vie citadine, et se replonger dans une nature vraie ».
Aussitôt la réaction de la population va venir interpeller les responsables politiques de la région, et certaines réclamations pourront enfin être entendues (voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne).
L'adhésion de la population
L'adhésion de la population était un événement capital, pour la politique de sauvegarde du milieu naturel.
C'était un tournant décisif, la démonstration qu'une large partie de la population était maintenant concernée par son environnement, que cet engouement pouvait venir renforcer les efforts de nos organisations, et qu'il ne fallait plus rester dans les confidences des dossiers et des cabinets, mais s'appuyer sur les forces vives, constituées par nos affiliés associatifs partout en France, et aussi en appeler à l'opinion publique.
1972 - Une Commission de protection de la nature et de la montagne
Une Commission protection de la nature et de la montagne est instaurée, par le Comité directeur du Club Alpin, mais précise Claude Eckhart :
« Elle consiste en fait en une liste de quelques correspondants agréés par son président, Lucien Devies, et se limitait à d‘épisodiques échanges épistolaires quand le besoin s‘en faisait sentir ».
Elle comprend notamment Lucien Devies, Claude Eckhart, Philippe Lamour, Samivel et Philippe Traynard.
« Ce n‘est qu‘en marge de l'Assemblée générale du 20 avril 1974 à Grenoble qu‘eût lieu une petite réunion, essentiellement axée sur les informations délivrées par son président. Mais cela permit aux membres de la commission de se connaître ».
L'article « Le Club Alpin et la protection de la montagne » signé par Lucien Devies dans La Montagne & Alpinisme de 1974, pour le centenaire du club, montre bien que réticences perduraient encore pour aller vers cet appel au plus grand nombre, à la mobilisation des adhérents et des sympathisants.
Lucien Devies a toujours pensé que la façon de faire la plus efficace était un contact direct avec les cabinets ministériels - entre initiés -, afin de convaincre du bien-fondé de l'action ou de la proposition.
- Il restait un obstacle culturel et probablement générationnel à franchir.
1972 - Création de l'Office de la haute montagne de Chamonix
À l'initiative de Gérard Devouassoux, adjoint au maire de Chamonix, un Office de haute montagne a été fondé en 1972, dans le but de consultation, pour informer les alpinistes, et avec la possibilité de déclarer leur objectif avant de s'engager. Ce sont les mêmes intentions que le Club Alpin avait initiées en 1958, mais avec la puissance municipale et le bureau des Guides en complément.
1972 - Les piolets modernes
En 1950 en Écosse, les escalades hivernales se pratiquaient encore en chaussures à clous et taille de marches dans la glace, les crampons n'étaient pas acceptés comme moyen technique pour les ascensions.
Dès 1957 et ayant évolué et adopté les crampons, les Écossais vont développer une escalade glaciaire de haut niveau, et chercher à améliorer le matériel.
La ligne « Zero Gully » sur le Ben Nevis, par Tom Patey, Graeme Nicol et Hamish MacInnes, marque cette évolution.
Au début des années 1970, le piolet moderne est peu à peu mis au point en Écosse. Hamish MacInnes est l'inventeur du premier modèle de piolet-traction, le « Terrordactyl », avec une lame très fortement inclinée, dans la même période John Cunningham expérimente des marteaux à lame recourbée.
Ce seront des progrès décisifs. L'auto-verrouillage naturel des engins changeait complètement la façon de faire. Une petite modification, pour de très grands progrès. Le piolet moderne sera, au fil du temps, amélioré et perfectionné et une méthode développée qui sera appelée en France « la technique du piolet-traction ». Avec ces nouveaux outils, il devenait possible de franchir des passages rocheux recouverts de minces pellicules de glace où toute taille de marche était impossible, de gravir des cascades de glace… et bien plus un peu plus tard.
La chronique du matériel, de La Montagne & Alpinisme de fin 1977, montre que les perfectionnements ont mis du temps à traverser la Manche.
Le piolet traction dans les Alpes
En 1972, Walter Cecchinel a développé une technique glaciaire s'inspirant de celle utilisée par les Écossais, - qui ne sont presque jamais venus dans les Alpes exercer leurs talents -, il va faire connaître la méthode du piolet-traction, et la proposer dans les enseignements donnés à l'École Nationale de Ski et d'Alpinisme, en complément de la manière classique.
Cet événement bouleverse les habitudes de l'ENSA, qui enseignait toujours une méthode française, définie par Armand Charlet, et restait aveugle aux perfectionnements, apparus il y a trente-cinq ans.
Les fabricants continentaux ne tarderont pas à se montrer des plus créatifs, pour faire évoluer ce matériel.
Sur les pentes glaciaires des Alpes, avec les crampons modernes à pointes avant et le piolet moderne, un glaciériste à peine initié au cramponnage frontal se trouvait souvent plus à l'aise que les plus chevronnés utilisant le matériel et la technique antérieurs.
1972 - Le circuit des 25 bosses
Le parcours des 25 bosses, dans le massif des Trois Pignons de la forêt de Fontainebleau, est achevé par Maurice Martin et ses amis. Il reprend une succession de sentiers et des variantes de raccordement. Il offre une dénivellation finale assez sérieuse (850m), comme préparation à la montagne.
1973 - La carte au 1/25 000e
L'Institut Géographique National a tenu un colloque en mai 1973, ouvert aux usagers dont la FFM et le Club Alpin. Il a présenté sa nouvelle carte au 1/25 000e du massif du Mont-Blanc, qui se place parmi les cartes de montagne les plus précises, et pouvant être comparée avec les cartes suisses.
Les cartes de cette échelle vont peu à peu couvrir le territoire national, la nouvelle échelle avait l'avantage de satisfaire les usagers, et d'être commune avec celle des cartes des pays voisins. Réalisée par des relevés photogrammétriques, complétés sur le terrain de 1956 à 1979, et régulièrement révisée, la série Top 25 au 1/25 000e de l'IGN atteint aujourd'hui une grande précision.
Elle est la carte du randonneur, avec les sentiers balisés ou conseillés (voir le dossier du CFD : Les cartes géographiques).
L'anonymat iconographique
Ce qui peut étonner aujourd'hui, c'est l'anonymat iconographique exigé dans nos supports, et jusqu'en 1973 pour La Montagne & Alpinisme.
« Pas d'exhibition photographique », ni de « complaisance de mauvais aloi »… Les personnages n'apparaissent volontairement que peu reconnaissables, et jamais en portrait, ce qui passait pour une faute de goût, voire une fanfaronnade.
Autre temps, autres mœurs…
Seuls quelques succès d'expéditions échappaient un peu à cette règle ; et autrement voir un visage dans le magazine était mauvais signe, car réservé aux seules nécrologies.
1973 - UNE ANNÉE CRUCIALE
Depuis 1967, il y avait une effervescence entretenue par deux opinions antagonistes. D'une part, certaines associations, animées par des familiers des joutes politiques, demandaient une augmentation des cotisations du Club Alpin, au budget de la Fédération Française de la Montagne, et d'autre part certaines Sections du Club Alpin réclamaient une diminution de la participation fédérale de leur cotisation, obligatoire pour l'ensemble des membres de club.
C'était une remise en question de la solidarité et de la cohésion du monde de la montagne pour une querelle de cotisation, et dans l'intention pour certains de provoquer des dissensions.
Depuis 1945, du fait de la représentation hégémonique du Club Alpin, aucune décision fédérale ne pouvait être prise sans un consensus Fédération-Club Alpin, ce que Lucien Devies avait réussi à obtenir jusque-là.
En 1970, il avait transmis la présidence du Club Alpin, après 25 ans passés aux responsabilités et 13 ans de présidence.
Mais ces dernières années, une agitation sensible traversait les Assemblées générales du Club Alpin et de la FFM et l'omniprésence de Devies était contestée par certains.
Au Club Alpin, on remarquait en particulier l'activisme des Sections de montagne et des skieurs, dont le Comité de liaison des Sections de Savoie et Haute Savoie, des entités désireuses de peser plus significativement dans la conduite de notre association, et qui soutiendront les reproches faits à l'organisme fédéral.
Une situation difficilement gérable
Cette situation difficilement gérable et l'élection en 1973 d'une nouvelle direction du Club Alpin, président Jean-Charles Meyer, très critique envers la FFM, vont conduire Devies à s'écarter de ses postes de responsabilité.
En 1973, il quitte la présidence de la FFM, après 30 ans d'engagement, et 25 ans de présidence.
Il se libère également de la direction de la revue La Montagne & Alpinisme.
Et dans cette vie institutionnelle qu'il aura façonnée et conduite si longtemps, Lucien Devies - après la disparition de Jean Couzy - n'avait jamais plus rencontré, parmi un entourage « pas assez disponible ou insuffisant », le successeur qu'il espérait pour gérer les « affaires de la montagne ».
Mais existait-il un homme capable de consacrer autant d'énergie, de compétence et de temps pour la cause de la montagne ?
Dans un profond déchirement, avec une grande dignité, il doit prendre ses distances avec la conduite de nos organisations de montagne, après presque trente années passées « aux affaires ».
« Lucien Devies fut sans aucun doute l'un des plus grands dirigeants du Club Alpin, l'un des plus grands serviteurs de la montagne de notre pays » écrira Yves Letort.
« La solidarité et la cohésion du monde de la montagne », c'est ce qu'avait su obtenir Lucien Devies, et ce que ses successeurs vont avoir beaucoup de mal à trouver.
1973 - La main passe au Comité de l'Himalaya
Lucien Devies se défait également de la présidence du Comité de l'Himalaya, après 25 ans d'exercice, Robert Paragot est appelé à le remplacer.
En 1974, le Comité de l'Himalaya est composé de : Robert Paragot, président ; Lucien Devies et Henry de Ségogne, présidents d'honneur ; Bernard Amy, Claude Deck, Maurice Herzog, Bernard Mellet, Jean-Paul Paris, et Yannick Seigneur.
La révision de la répartition des cotisations
En 1973, le nouveau président du Club Alpin avait été élu, en demandant la révision de la répartition des cotisations fédérales, qui n'était pas proportionnelle au nombre des membres de chaque association.
Une réclamation impossible à satisfaire, sans mettre en danger la Fédération, et que l'administration ne laissera pas faire.
C'était aussi une réclamation risquée au niveau même de l'unité du Club Alpin.
C'est la poursuite des grandes incompréhensions entre le Club Alpin et certaines associations membres de la Fédération Française de la Montagne qui a élu Louis Gevril comme président.
Un rappel des points d'achoppement
La Fédération Française de la Montagne avait été imposée au Club Alpin en 1942, qui statutairement devait licencier l'ensemble de ses adhérents, ce qui assurait la viabilité économique et la représentativité de la structure fédérale, dans l'organisation du sport en France.
En 1972, la Fédération est composée d'un certain nombre d'associations petites et moyennes réunissant un faible nombre d'adhérents (67 associations avec seulement 8 600 adhérents en 1972), et un Club Alpin à la supériorité numérique écrasante (54 000 adhérents en 1972).
Beaucoup des domaines d'intérêt des adhérents du Club Alpin sortaient de l'objet de la FFM, mais ils devaient pourtant obligatoirement s'acquitter d'une licence fédérale.
Les autres organisations avaient principalement ou secondairement des domaines d'intérêt qui sortaient de l'objet de la Fédération, elles n'avaient pas cette obligation contraignante et n'offraient la licence fédérale qu'aux seuls adhérents intéressés.
Autre difficulté, l'Assemblée Générale du Club Alpin définissait une ligne d'action chaque début d'année qui devait ensuite s'intégrer dans celle de la fédération.
Le Club Alpin, par sa structure même, fédérait déjà en fait une grande majorité des montagnards de notre pays.
Et au-dessus des deux organismes, une administration qui contrôle et surveille les initiatives, avec un argument fort, ses subventions qui permettent le fonctionnement et les initiatives des deux structures.
Notons ici, encore une fois, que la FFM n'avait pas la compétition et ses licences pour affirmer un pouvoir réel, sur le modèle des autres Fédérations, ce qui constituait la principale faiblesse de l'organisation et conduira aux réorganisations de 1987 et 1995.
1973 - LE PARC NATIONAL DES ÉCRINS
Arrive une très bonne nouvelle, à une période difficile pour Lucien Devies, la création du « Parc national des Écrins », par le décret du 27 mars 1973.
Ce Parc est beaucoup le résultat de ses actions, parcourant monts et vallées pour porter la proposition, s'appuyant sur les acquis de 1914, 1924 et 1928, il avait su persuader les autochtones, convaincre les décideurs, trouver l'appui des montagnards et des associations.
Il était aussi - ne l'oublions pas - un des principaux acteurs des grandes ascensions de référence du massif des Écrins, réalisées dans les années 1930, et le coauteur du guide-itinéraires décrivant les ascensions du massif des Écrins.
Un article « Le Parc national des Écrins » est présenté dans La Montagne & Alpinisme de 1974, signé par Louis Arnoux, qui sera le premier représentant du Club Alpin au Conseil d'administration du Parc.
1973 - L'assurage
Jusque-là, l'encordement se faisait encore directement autour de la taille (sauf dans les voies d'escalade artificielle) et le demi-cabestan était le frein le plus conseillé pour l'assurage.
Dans un article consacré aux techniques de l'assurage dans La Montagne & Alpinisme de 1973, l'assurage à l'épaule est toujours proposé, mais c'est une solution à proscrire, dès qu'il y a risque de chute importante.
Seul le demi-cabestan survivra aux progrès qui viendront avec le baudrier d'encordement moderne et l'outil en forme de huit.
1973 - Les Guides de haute montagne et le ski
Jusqu'à cette date, il n'était curieusement pas demandé aux Guides de savoir skier, et certains d'entre eux - peu nombreux il est vrai - n'avaient jamais chaussé de skis.
Le ski de montagne va désormais prendre toute sa place dans la formation des Guides…
Un brevet de Guide-skieur avait été reconnu et encouragé par le Club Alpin depuis 1929, mais la suggestion n'avait pas été reprise au moment de l'élaboration des lois de 1943 et 1948.
1974 - Un Syndicat des gardiens de refuges
Un Syndicat des gardiens de refuges et de gîtes d'étapes (SNGRGE) entre en fonction réunissant les gérants des installations d'altitude, il deviendra un des interlocuteurs du club dans la gestion des refuges…
Les gardiens de refuges sont les garants d'un accueil de qualité, et leur engagement professionnel doit être considéré avec la plus grande attention par notre association.
Le gardien - soumis à une vie rude, essentiellement due à l'absence de confort, à la promiscuité, aux horaires de travail incontrôlables, et à l'absence de vie personnelle en période d'affluence - est lié au Club Alpin par un contrat de mandat de gardiennage, qui deviendra plus tard, avec la Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne, un contrat de mandat d'intérêt commun.
Par sa fonction d'accueil, le gardien de refuge permet la fréquentation de la haute et moyenne montagne à bon nombre d'excursionnistes, de randonneurs et de promeneurs.
1974 - Tentative sur l'Everest
En 1974, une expédition chamoniarde s'attaque à l'Everest, par l'arête ouest intégrale, pour une première expédition française sur la plus haute montagne du monde.
L'opération tourne à la catastrophe avec la disparition de Gérard Devouassoux et de cinq compagnons Sherpas, victimes d'une avalanche.
Dans les Pyrénées
La Montagne & Alpinisme de 1974 publie « Hautes randonnées dans les Pyrénées », décrivant la longue traversée reliant la Méditerranée à l'Atlantique en parcourant la chaîne des Pyrénées.
1974 - Les Deux Aiguilles
Dans le secteur des Deux Aiguilles de la montagne Sainte-Victoire, Christian et Martine Guyomar et Christian Hautecoeur réalisent une série d'itinéraires nouveaux de haute difficulté. Une ligne d'ascension exceptionnelle - Ovni - reste la marque de ces précurseurs, elle est aujourd'hui protégée par des rings (remplaçant les improbables plombs et fils de fer), toujours bien espacés, il est vrai (voir le dossier du CFD : Un historique de l'escalade).
1974 - Les chaussons d'escalade
En 1974, les chaussons d'escalade, du type Pierre Allain et ses dérivés, deviennent l'outil indispensable pour toute escalade rocheuse difficile ou pas, en tous lieux.
1974 - La Réserve nationale de chasse du Mercantour
L'arrêté ministériel du 26 février 1974 confirme la « Réserve nationale de chasse du Mercantour ». Il fait suite aux premières préoccupations de 1947.
1974 - La Réserve naturelle des Aiguilles Rouges
L'arrêté ministériel du 23 août 1974 crée, face au Mont Blanc, la « Réserve naturelle des Aiguilles Rouges ».
1874-1974 - LE CENTENAIRE DU CLUB ALPIN FRANÇAIS
Peu d'organisations ont l'occasion de marquer un pareil événement.
Deux manifestations anniversaires sont organisées, à l'occasion de l'Assemblée générale du Club Alpin, tenue à Grenoble les 20 et 21 avril 1974 ; et à Chamonix les 7 et 8 septembre, en lien avec l'inauguration du nouveau refuge d'Argentière.
Ces dates anniversaires auraient pu être l'occasion d'une célébration solidaire et consensuelle.
Dans l'intérêt supérieur du Club Alpin, c'était l'occasion, pour la nouvelle direction, d'un geste de réconciliation vers le prédécesseur, pour simplement reconnaître et saluer son œuvre.
Un geste qui ne se produira pas, la nouvelle direction ayant bien du mal à mesurer les enjeux et à privilégier l'intérêt supérieur de l'institution.
Elle n'a pas su rassembler et s'appuyer sur les différents talents qui font la force de notre club, maintenant centenaire.
La revue La Montagne & Alpinisme pourra tout de même publier un numéro spécial, avec un semblant de cohésion.
À CE MOMENT-LÀ EN 1974
En 1974, le Club Alpin Français a cent ans.
Il compte 100 Sections et près de 57 000 membres.
Avec la répartition géographique suivante des adhérents :
< Alpes et sud-est : 5 500
< Paris et bassin parisien : 13 500
< Jura et centre-est : 5 800
< Pyrénées et sud-ouest : 5 100
< Vosges, nord et nord-est : 5 000
< Ouest et centre : 1 800
Il gère et entretient 130 refuges dont 60 sont gardés et aussi 20 installations de vallée.
De 1874 à 1974, le Club Alpin a été présent dans l'ensemble des domaines liés à la montagne :
< Artisan du développement économique des hautes vallées des montagnes de France.
< Aménageur de la haute montagne, par ses refuges et ses sentiers.
< Précurseur dans l'engagement de la société civile pour la sauvegarde du milieu naturel et de la montagne.
< Incitateur dans les actions de la société civile, conduisant à la création des Parcs nationaux.
< Artisan de l'essor du tourisme de montagne.
< Promoteur dans les activités tournées vers l'excursionnisme, l'alpinisme, le ski et les autres activités sportives liées aux montagnes.
< Organisateur de la profession de Guides de haute montagne, depuis 1904, et jusqu'en 1940.
< Initiateur du tourisme hivernal et des loisirs sportifs attachés en France, depuis 1904, et jusqu'à l'autonomie du ski de compétition, pour depuis 1924 se consacrer au ski de montagne.
< Organisateur des Caravanes scolaires pour la jeunesse, depuis 1874, jusqu'en 1940.
< Contributeur majeur dans la connaissance scientifique de la montagne.
< Mentor du Groupe de Haute Montagne depuis 1919, avant son autonomie en 1930.
< Diffuseur de guides-itinéraires et de manuels techniques.
< Après 1922, promoteur de l'Enseignement alpin.
< Accompagnateur du développement du camping dès 1929.
< Incitateur dans les premières initiatives vers les plus hautes montagnes du monde d'avant 1940.
< Éditeur d'une littérature alpine étendue, avec une promotion pour les livres, la photographie et le cinéma.
< Il a publié certains textes essentiels dont La question des montagnes (1874), Alerte au suréquipement (1962).
< Depuis 1942, il a dû s'intégrer dans une organisation fédérale, où son hégémonie numérique produira plus tard des incompréhensions.
< Au sein de la Fédération Française de la Montagne, il sera le partenaire majoritaire dans toutes les décisions fédérales, et dans les initiatives vers les plus hautes montagnes du monde, organisateur du secours en montagne, avant l'intervention des pouvoirs publics en 1972.
< Il est une des composantes principales dans l'organisation des sports de montagne, essentielle dans l'aménagement et la préservation de l'espace montagnard.
Et surtout depuis 1874, le Club Alpin aura permis à beaucoup de découvrir, d'approcher et d'aimer la montagne.
LES PRÉSIDENTS DU CLUB ALPIN FRANÇAIS DE 1945 À 1974
CONSULTATION
La plupart des textes concernant l'historique de la montagne et de la FFCAM sont disponibles au Centre fédéral de documentation de la FFCAM, 24, avenue de Laumière, 75019 Paris.
Notamment dans les différentes publications :
- Les Annuaires du CAF, de 1874 à 1903.
- Les Bulletins du CAF, de 1876 à 1903.
- La Montagne, de 1904-1905 à 1954.
- Alpinisme, de 1925 à 1954.
- La Montagne & Alpinisme, depuis 1955.
- Les Annales du GHM, de 1955 à 2001 et Cimes, de 2002 à 2015.
Les livres constituant la bibliothèque de la FFCAM sont tous référencés.
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Il suffit de saisir un mot caractéristique ou un des mots clés d'un ouvrage recherché, dans l'un des champs appropriés (auteur, titre, sujet, année d'édition) et vous aurez accès aux références.
Accès aux publications
Vous pouvez rechercher en ligne les titres suivants :
- Les Annuaires du CAF, de 1874 à 1903, consultables sur le site de la Bibliothèque nationale : http://gallica.bnf.fr
- Voir aussi : www.archive.org et utiliser le mot clé : club alpin français.
- Les Bulletins du CAF, de 1876 à 1903, consultables sur le site de la Bibliothèque nationale : http://gallica.bnf.fr
- La Montagne, de 1904-1905 à 1954, consultables sur le site de la Bibliothèque Nationale : http://gallica.bnf.fr
- La Montagne & Alpinisme, depuis 1955, consultables sur le site de la Bibliothèque nationale : http://gallica.bnf.fr
- Enfin, Alpinisme, de 1926 à 1954, accessibles sur le site du GHM, avec Les Annales du GHM (1955-2001) et Cimes (2002-2015).