FFCAM - Le Club Alpin Français - 1874 à 1914
Un historique du Club Alpin Français, aujourd'hui Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne, est proposé en six dossiers du Centre Fédéral de Documentation (CFD) allant de 1874 à nos jours :
- Les origines du Club Alpin Français
- Le Club Alpin Français de 1874 à 1914
- Le Club Alpin Français de 1915 à 1940
- Le Club Alpin Français de 1941 à 1974
- Le Club Alpin Français de 1975 à 1994
- La Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne de 1995 à aujourd'hui
LE CLUB ALPIN FRANÇAIS de 1874 à 1914
Préambule
La genèse de ces événements - passant par les premières approches des montagnes et la naissance de l'alpinisme - est abordée dans le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914, qui nous amènera au milieu du XIXe siècle.
En passant par les repères suivants :
- Le Canigou entre 1276 et 1285
- Le Mont Ventoux en 1336
- Rochemelon en 1358
- Le Mont Aiguille en 1492
- Les glacières en 1741
- Horace Bénédict de Saussure en 1760
- La science depuis 1760
- La naissance de l'alpinisme en 1786, avec l'ascension du Mont Blanc
- Les officiers géographes en 1825
- Les premières explorations des plus hauts sommets de 1800 à 1850
- Tout s'accélère depuis la Grande-Bretagne de 1854 à 1865
Voir également l'avant-propos : Les origines du Club Alpin Français.
Sommaire :
- Les débuts d'une grande histoire
- 1874 - Le Club Alpin Français
- Des adhérents issus de milieux cultivés et aisés
- À ce moment-là, de l'autre coté de nos frontières
- Les grandes orientations à la fin du XIXe siècle
- Les premiers en France
- Un Annuaire du Club Alpin
- La question des montagnes
- Une démarche sociale et très politique
- Un aménageur de la montagne
- 1875 à 1892 - Les premiers refuges
- L'expérience reconnue de la Commission des refuges
- 1876 à 1914 - Les sentiers et chemins muletiers de montagne
- 1875 à 1914 - Les Caravanes scolaires
- 1874 à 1914 - Une approche scientifique des montagnes de France
- Un essor remarquable
- Sous la conduite du Guide
- Le matériel de l'alpiniste en 1870 et avant
- L'industrie du Mont Blanc
- 1877 - L'ascension de la Meije
- 1880 - La sauvegarde du milieu naturel
- 1882 - L'utilité publique du CAF
- Le développement économique
- 1890 - Création du Touring Club de France
- Quelques illustres alpinistes de la fin du XIXe siècle
- Avant 1904 - La pratique hivernale de la montagne
- 1890 à 1920 - L'œuvre de Joseph et Henri Vallot
- 1903 - La Commission de Topographie et le Service géographique des Armées
- 1903 à 1928 - L'œuvre de Paul Helbronner
- 1904 -1910 - Le métier de Guide
- 1893 à 1914 - Les refuges construits
- 1905 - Un seul titre La Montagne
- L'essor du tourisme
- 1906 - Les restaurations des terrains de montagne
- 1906 - La loi Beauquier et les Commissions des Sites et des Monuments naturels
- 1904 à 1914 - Le développement du ski en France
- 1910 - La manifestation de Port-Miou
- 1911 - Une première prise en compte par l'État
- L'alpinisme autonome
- 1908 - Le Groupe des Rochassiers
- Le matériel de l'alpiniste jusqu'en 1914
- 1912 - L'organisation n'était pas prête
- 1913 - La préservation des sites et de la montagne
- 1914 - Un projet de Parc national
- Les femmes se présentent aussi
- Pendant ce temps à l'étranger
- Quelques alpinistes marquants au début du XXe siècle
- Les figures notoires de l'ascensionnisme d'avant 1914
- À ce moment-là, en 1914
- Les présidents de Club Alpin Français de 1874 à 1914
- Les premières Sections du Club Alpin
- Consultation et consultation en ligne
LES DÉBUTS D'UNE GRANDE HISTOIRE
Ce n'est que progressivement que les hommes ont éprouvé de l'intérêt pour les montagnes, longtemps suspectées de maléfices.
Les prémices d'une curiosité pour la haute altitude sont difficiles à situer, elle est d'abord visitée par les bergers, les chasseurs, les contrebandiers et les cristalliers, conduits par la nécessité ou l'intérêt économique.
En ce qui concerne le goût naissant des hommes pour l'exploration et l'aventure, pour « le seul désir de voir la remarquable altitude de l'endroit » (Pétrarque) ou par la curiosité scientifique, quelques actions préliminaires, pouvant servir de repères, sont signalées en préambule et dans le dossier consacré du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914.
La science pour justification
C'est la science, dès 1760, qui va faire avancer l'idée de gravir les montagnes, et donner l'élan décisif à leurs explorations.
Pour certains, ce fut la reproduction de l'expérience de Pascal de la Tour Saint-Jacques à Paris avec le baromètre de Torricelli, puis au Puy-de-Dôme en 1647, plus tard au Canigou et au Mont Buet gravi en 1770, avec une motivation scientifique, par les genevois et frères Deluc.
Durant un long temps, il faudra s'accompagner du baromètre et du thermomètre pour justifier l'aventure, jusqu'au moment où, après 1850, les Britanniques feront voler en éclats les arguments scientifiques dans l'approche des montagnes.
En 1760, voyage d'Horace Bénédict de Saussure dans la vallée de Chamonix. Devinant l'intérêt scientifique de gravir ou de faire gravir le Mont Blanc, le plus haut sommet des Alpes, il promet une récompense à qui découvrira un cheminement permettant l'ascension.
Pour d'autres, dès 1825, il s'agira d'établir, en service commandé, des visées de triangulation, destinées à l'établissement des cartes géographiques pour l'intérêt des militaires.
La naissance de l'alpinisme
C'est la première ascension du Mont Blanc en 1786 qui est souvent retenue comme la naissance de l'alpinisme.
Le 8 août 1786, première ascension du Mont Blanc, 4810m par les deux Savoyards natifs de Chamonix, Michel-Gabriel Paccard (1757-1827) et Jacques Balmat (1762-1834), l'un est médecin et l'autre chasseur, les valeurs du baromètre et du thermomètre sont enregistrées. Le premier est animé par son intérêt pour la science, l'autre par la récompense promise par Saussure.
Ils comptent parmi les premiers audacieux agissant en autonomie, c'est-à-dire sans le recours à des Guides locaux, qui peu à peu vont se proposer « pour aller devant ». La performance est suivie depuis la vallée, par plusieurs témoins, à l'aide des longues-vues de l'époque.
Ce n'est surtout qu'après l'ascension du Mont Blanc par Horace Bénédict de Saussure de 1787, et la notoriété donnée à l'événement, que l'assistance aux Guides deviendra naturelle et sera la bonne façon de faire.
Ensuite, les ascensionnistes des premières années ne vont se présenter que d'une manière occasionnelle, voire pour une unique incursion, avec une justification scientifique ou géodésique.
En France, en 1848, Victor Puiseux (1820-1883) est le premier en France à réussir seul l'ascension d'un sommet notable, dans l'unique intérêt d'en réaliser son ascension, le Mont Pelvoux, 3943m, dans le massif des Écrins (voir le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914).
Et dès 1850, les précurseurs britanniques feront se confronter différentes façons d'aborder les montagnes :
< Les adeptes d'un alpinisme contemplatif, d'un domaine sacré qu'il ne fallait pas profaner.
< Ceux qui voulaient s'en tenir à une approche savante, permettant des avancées scientifiques, concernant la Physique et les Sciences de la Terre.
< Et enfin les tenants d'une démarche aventureuse et sportive.
UN PETIT GROUPE ISSU DES MILIEUX CULTIVÉS DE LA SOCIÉTÉ
Les premières sociétés d'excursionnistes et d'ascensionnistes se structurent dans la seconde partie du XIXe siècle.
D'abord en 1857, en Grande-Bretagne, pour le très élitiste « Alpine Club », défenseur d'une conception « aventureuse et gratuite », qui ne compte à sa création que 34 membres.
< Londres sera, jusqu'à la Grande Guerre, le centre de référence pour tout ce qui concerne l'alpinisme.
Et bientôt création des Clubs Alpins Allemand-Autrichien en 1862, Suisse et Italien en 1863.
En France, l'idée de fonder une organisation consacrée à la montagne est venue - dès 1870 - d'un petit groupe issu des milieux cultivés de la société, dont Édouard de Billy (1802-1874) et Adolphe Joanne (1813-1881).
Des personnalités déjà averties et porteuses d'intérêt pour les montagnes, disposant des loisirs et des moyens économiques indispensables.
Mais la guerre de 1870 repoussera le projet pour un temps.
1874 - LE CLUB ALPIN FRANÇAIS
< En 1874, création du « Club Alpin Français », c'est l'activisme éclairé d'Abel Lemercier (1819-1893) qui permit l'initiative, il y aura 137 membres fondateurs.
< La Direction centrale comprend : Édouard de Billy, Ernest Cézanne, Auguste Daubrée, Adolphe Joanne, Abel Lemercier, Alphonse Lequeutre, Charles Maunoir, Albert Millot, Victor Puiseux, Armand Templier, marquis de Turenne et Eugène Viollet-le-Duc.
< Le 2 avril 1874, Édouard de Billy est élu président du Club Alpin Français, deux jours plus tard il décède dans un accident de chemin de fer. Le 6 avril, la Direction centrale désigne Ernest Cézanne, député des Hautes-Alpes, à la présidence.
< L'ambition de l'association est de représenter les montagnards et les alpinistes, de diffuser la connaissance de la montagne et d'encourager sa fréquentation, ce sera l'institution française dominante dans l'organisation des sports de montagne et dans l'aménagement et la préservation de l'espace montagnard.
L'inlassable enthousiasme d'Abel Lemercier créera le courant d'opinion favorable « dans le monde savant et lettré des académies et de l'Institut de France, allant auprès des maîtres des Grandes Écoles et des Facultés, convainquant les grands noms de l'Armée, du Barreau, de la politique, et des affaires…, pressant les banquiers et le haut commerce, il conquit les capitaines des grands réseaux de Chemin de fer ».
L'année 1874 s'achève avec les 607 membres du Club Alpin.
La structure naissante est administrée par une « Direction centrale » et une « Assemblée générale » annuelle. Elle rassemble des « Sections locales », formant les éléments de base de l'association.
Le président du Club Alpin anime la Direction centrale.
Les sept premières Sections sont : Paris, Auvergne, Gap, Isère, Vosges, Savoie et Lyon.
Un engouement pour le sport
Cette initiative n'est pas sans lien avec l'inclination générale en France, en faveur du mouvement hygiéniste, du développement des exercices physiques dans la population sédentaire des villes, un engouement pour le sport encouragé par les autorités de l'État.
Un fort sentiment patriotique
Il convient de se souvenir que la France venait de perdre la guerre de 1870, et comme tribut l'Alsace et une partie de la Lorraine.
Un fort sentiment patriotique animait toutes les couches sociales de la nation meurtrie, il sera évidemment très perceptible dans les actions de notre association jusqu'à la Grande Guerre 1914-1918.
Une société d'un caractère nouveau
Le Club Alpin développera des orientations culturelles et scientifiques se rapportant aux montagnes, et proposera des pratiques sportives pondérées, un excursionnisme alpin cultivé et un alpinisme mesuré.
C'est une association qui aura pour objet non pas un sport, mais un domaine - la Montagne - ce qui la rendra, encore aujourd'hui, très différente des organisations sportives classiques.
« Une société d'un caractère nouveau, sans exemple dans le passé ».
La création du Club Alpin est appuyée par la « Société de Géographie », qui compte plusieurs de ses membres dans la direction de la nouvelle association, et un lien fort demeurera. Soutenue également par la librairie Hachette et ses dirigeants. Adolphe Joanne, le directeur des guides touristiques Joanne, est membre fondateur. Il sera président du Club Alpin de 1876 à 1878.
Engagement de plusieurs libraires-éditeurs, de la famille Lemercier, de banquiers, avocats, scientifiques, médecins, fonctionnaires, professeurs, ingénieurs, parlementaires et notables, qui rejoindront la nouvelle institution, certaines individualités intégrant la Direction centrale (voir le dossier du CFD : Les origines du Club Alpin Français).
D'autres structures existent déjà, ou se constituent en province, mais seulement au niveau local, comme la « Société Ramond » dans les Pyrénées en 1864, et la « Société des Touristes du Dauphiné » (STD) en 1875.
La STD voit le jour à Grenoble avec un rayonnement régional pour l'aménagement des sentiers, la construction de refuges, la création d'un corps de Guides locaux, dans son périmètre d'action, et la mise en œuvre de différents travaux scientifiques.
Insigne et devise
Le Club Alpin adoptera une devise « Excelsior » et un premier insigne en 1877 où figurent un bâton de montagne, un piolet et une corde (voir le dossier du CFD : Les origines du Club Alpin Français / Insigne et devise).
UNE EXCEPTION REMARQUABLE
En s'ouvrant dès l'origine aux femmes, le Club Alpin sera une exception remarquable se différenciant de la plupart des Sociétés et Clubs sportifs, notamment de Suisse et de Grande-Bretagne qui les excluaient, et les excluront, pour certains d'entre eux, jusqu'après le milieu du XXe siècle.
Le Club Alpin se voulait accessible à tous « sans distinction d'âge, de sexe, d'états de service », et en incitant les femmes à découvrir les sports de montagne, notre club se trouvait être très en avance sur son temps.
Une particularité rarement relevée par les exégètes du XXIe siècle.
Les premières initiatives féminines non subies et assumées dataient de 1830 et 1838 avec l'Anglaise Anne Lister (1791-1840) et la Française Henriette d'Angeville (1794-1871).
Ces événements situaient l'origine d'un intérêt des femmes pour la montagne (voir le dossier du CFD : L'alpinisme au féminin).
DES ADHÉRENTS ISSUS DE MILIEUX CULTIVÉS ET AISÉS
Dans les premières années, les adhésions viendront - comme pour les Fondateurs - des milieux cultivés de la société, puis des populations aisées disposant des loisirs et des sérieux moyens économiques. Un recrutement venant essentiellement des villes, au début majoritairement de Paris et des cités proches des montagnes.
Ce n'est que plus tard que l'intérêt pour la montagne, que l'attrait pour l'excursionnisme et l'ascensionnisme, se répandront dans d'autres couches sociales de la population (voir sur le sujet : la revue La Montagne 1939 / Nos précurseurs, et les commentaires qui ont suivi).
< En ces temps-là, rien ne pouvait venir d'un monde paysan, trop attaché à faire fructifier ses terres ou à se nourrir, ni d'un monde ouvrier, occupé à simplement travailler pour vivre, ni des classes moyennes, formées des employés et des commerçants, trop accaparées par leur travail et ne disposant pas non plus du temps libre suffisant, le repos hebdomadaire du dimanche faisant encore débat jusqu'à la loi de 1906.
Il faut se remémorer les difficultés de transport, d'hébergement et les nécessaires loisirs conséquents pour aborder les activités de montagne.
< Seuls les bergers, les chasseurs et les cristalliers avaient un intérêt pour la montagne, certains deviendront les Guides qui conduiront des touristes découvrir les montagnes, mais il s'agissait principalement d'un intérêt d'ordre économique.
Les premières Sections du Club Alpin
En 1874 : Section de Paris ; d'Auvergne (Clermont-Ferrand) ; de Gap ; de l'Isère (Grenoble) ; d'Annecy ; d'Aix-les-Bains.
En 1875 : Section lyonnaise (Lyon) ; vosgienne (Nancy) ; de Briançon ; de Barcelonnette ; de Saône-et-Loire (Chalon-sur-Saône) ; d'Embrun ; de Tarentaise (Moûtiers) ; du Jura (Besançon) ; de Provence (Marseille).
En 1876 : Section des Pyrénées centrales (Toulouse) ; du Sud-ouest (Bordeaux) ; Côte d'Or et Morvan (Dijon) ; Hautes Vosges (Épinal et Belfort).
En 1877 : Section du Mont-Blanc (Bonneville).
En 1879 : Section du Midi ( Montpellier ) et des Alpes Maritimes (Nice).
Certaines sont d'abord des sous-Sections (comme Gap-Briançon-Embrun) respectant une hiérarchie départementale, avant une reconnaissance plus affirmée ou une recomposition.
Voir en fin de dossier la liste des Sections du Club Alpin créées depuis 1874 et jusqu'en 1904.
Le parrainage
Pour rejoindre les Sections locales du Club Alpin, le nouvel adhérent était parrainé par deux anciens qui l'aideront à se former.
Le parrainage garantissait la qualité des entrants et leur intérêt pour les montagnes, il permettait l'initiation et servait principalement à la transmission d'un rudiment d'enseignement alpin.
Des activités accompagnées
Dès 1875 les sorties, organisées en « caravanes » d'adultes ou scolaires, donnaient au plus grand nombre la possibilité de s'initier à un premier savoir-faire, sous la conduite d'un Guide ou d'anciens expérimentés.
C'est ainsi que quelques éléments de technique alpine pouvaient se transmettre, mais ne favoriseront pas l'autonomie des excursionnistes et des ascensionnistes.
On devra attendre un long moment (1922) pour que l'instauration et la diffusion d'un enseignement alpin et d'une information appropriée soient reconnues.
Une Direction centrale pas suffisamment représentative
Le Club Alpin est administré par une « Direction centrale » de 18 personnalités, élues par l'Assemblée générale annuelle, et par les présidents des Sections locales. Les Sections sont implantées dans les principaux centres urbains proches des montagnes, à l'exception de la Section de Paris, qui est la plus nombreuse en nombre d'adhérents.
Cette organisation particulière fera longtemps débat… Certaines Sections sont mal représentées et réclameront dès 1878 un scrutin plus égalitaire.
Il faudra la loi de 1901 et la réforme des statuts de 1911 pour que le Club adopte une représentation proportionnelle aux élections et aux votes, en Assemblée générale.
Un Club ouvert à tous
Concernant la propagande pour un alpinisme (ascensionnisme) mesuré et un excursionnisme cultivé et averti, les dirigeants du Club insistent :
« Beaucoup de personnes s'imaginent que pour entrer dans notre association, il faut avoir des courses difficiles ou périlleuses. Vous savez qu'il n'en est rien. Nos rangs sont ouverts à tous ceux et toutes celles qui aiment les montagnes, même de loin ».
À CE MOMENT-LÀ, DE L'AUTRE COTÉ DE NOS FRONTIÈRES
Dès 1850, les Britanniques, ayant déjà développé le goût du sport et de l'aventure, dans leurs milieux cultivés et aisés, vont transformer la donne, en prônant une approche élitiste et sportive, en faisant voler en éclats l'argument scientifique pour l'exploration des montagnes, qui était la justification du moment, pour une façon de faire « aventureuse et gratuite » concernant une activité « sans règlement et sans arbitre, fondée sur une éthique non écrite et fluctuante ».
Outre-Manche, l'alpinisme (mountaineering) va devenir - pour certains - une passion, allant jusqu'à leur prendre « la moitié de leur vie » ; affirmant aussi un trait fondamental des Britanniques pour l'exploration, le grand large et le savoir regarder au loin, révélant un intérêt jamais démenti pour la montagne et l'ascensionnisme sportif.
En 1865, tous les sommets remarquables des Alpes sont gravis, principalement par nos voisins d'outre-Manche, à l'exception de la Meije et du Pelvoux visités d'abord par nos compatriotes (voir le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914).
LES GRANDES ORIENTATIONS de la fin du XIXe siècle
À sa création, le Club Alpin prendra une orientation très différente de celle des prédécesseurs britanniques, davantage tournée vers une connaissance du milieu, la protection et l'aménagement de la montagne, un développement touristique, une approche scientifique de société savante, des intentions d'excursionnisme cultivé et d'ascensionnisme modéré, et l'instance sera moins conduite à éveiller l'engagement sportif, l'exploration et la découverte des montagnes de la terre.
À la fin du XIXe siècle, apparaissent peu à peu les quatre grands courants qui vont traverser notre association, et - en France - le monde de la montagne :
- les orientations culturelle et scientifique.
- les pratiques modérée ou sportive.
Les inclinaisons culturelles et scientifiques seront longtemps mises en avant par la Direction centrale de notre club, ainsi que les activités tournées vers l'excursionnisme et vers une approche modérée de l'ascensionnisme.
En ce qui concerne les façons de faire plus sportives, les « conceptions aventureuses » qui commenceront à se présenter dès la fin du XIXe siècle, en autonomie ou conduites par des Guides, elles susciteront les plus grandes réserves de l'association, qui défendra longtemps ses prudentes ambitions d'action.
Ainsi, une course sans Guide - une modeste excursion alpine - est un « exemple fâcheux » qui pourrait avoir comme résultat « d'engager nos collègues à entreprendre des grandes courses sans Guide ».
Un cénacle qui se risque ainsi à vouloir instituer une bonne façon de faire.
Pour l'excursionnisme alpin et l'alpinisme, il sera recommandé de marcher sous la conduite des Guides, qui étaient censés connaître la montagne et être avertis des façons de faire et des dangers.
À quelques exceptions près, ces démarches cultivées et modérées vont tenir les montagnards français écartés de l'exploration alpine et des initiatives sportives pour un long moment.
Les premiers en France à gravir les montagnes
Ce sont bien les officiers géographes de la carte de France, agissant en service commandé, qui entre 1825 et 1830 ont été les premiers à gravir des sommets présentant des obstacles déjà sérieux dans les Alpes françaises et les Pyrénées. Leurs missions étaient de construire des balises géodésiques et d'effectuer les visées de la triangulation des régions montagneuses de France pour l'établissement de la carte d'état-major (voir le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914 / Les officiers géographes de la carte de France).
Les principales initiatives françaises
- En 1834, le Mont Blanc, 4810m, qui a déjà été atteint 15 fois, est gravi par un ascensionniste français, le comte Henri de Tilly (1805-1875) avec ses Guides,
- En 1838, par une ascensionniste française, Henriette d'Angeville (1794-1871) avec ses Guides.
Le Mont Blanc, un moment mitoyen sur notre territoire national de 1796 à 1814, était situé dans le royaume de Sardaigne depuis 1720 et le restera jusqu'au plébiscite de 1860, qui rattachera la Savoie, et en partie le Mont Blanc à la France. La première femme au sommet a donc été la Chamoniarde Marie Paradis en 1808, mais de quelle façon…
- Le 9 août 1848, Victor Puiseux (1820-1883), comme déjà souligné, est le premier alpiniste français à gravir un sommet notable, dans l'unique intérêt d'en réaliser l'ascension, le Mont Pelvoux, 3943m dans le massif des Écrins, seul et accompagné pendant l'approche par un villageois de la vallée, Pierre-Antoine Barnéoud, qui avait déjà atteint l'antécime rocheuse en 1830 avec Adrien Durant (1787-1835), capitaine ingénieur géographe, en service commandé pour la triangulation du massif.
La cime principale du Pelvoux s'appelle aujourd'hui la Pointe Puiseux, 3943m.
L'histoire a retenu qu'ayant établi sa station sur le sommet rocheux, 3932 m en 1828 et 1830, Adrien Durant n'a probablement pas jugé utile d'atteindre le sommet neigeux principal, proche de quelque 500m et 11m plus haut. Le sommet rocheux, si voisin du culmen, porte aujourd'hui le nom de Pointe Durant, 3932m.
- Plus tard en 1876, le premier à s'engager dans un itinéraire difficile sera Henri Cordier (1855-1877). Avec les Guides Jakob Anderegg, Johann Jaun et Andreas Maurer, et ses amis Thomas Middlemore et J. Oakley Maund, il réussit, dans le massif du Mont-Blanc, l'ascension audacieuse du couloir de l'Aiguille Verte qui prendra son nom. Il réalisera également les premières ascensions des sommets prestigieux des Courtes et des Droites.
- L'ascension de la Meije, 3982m, en 1877, par Emmanuel Boileau de Castelnau avec ses Guides Pierre Gaspard père et fils, sera un événement notoire, dernier sommet remarquable de la chaîne des Alpes à être visité par les hommes.
1874 - UN ANNUAIRE DU CLUB ALPIN FRANÇAIS
Pour assurer la diffusion de son œuvre, mais aussi « contribuer à la construction d'une définition de l'alpinisme véritable », le Club publie dès la fin 1874 un « Annuaire du Club Alpin Français » et un « Bulletin Trimestriel » en 1876.
Un Comité de rédaction conduira ces éditions, d'abord sous la signature d'Adolphe Joanne (1813-1881), puis de Franz Schrader (1844-1924), successivement secrétaires de rédaction, et avec notamment au fil des ans, comme membres du cercle : Charles Durier (1830-1899), Pierre Puiseux (1855-1928) et Joseph Vallot (1854-1925).
Les deux titres seront les outils d'information et de promotion, ouverts aux différents courants qui animent le milieu montagnard.
Certaines plumes célèbres interviendront dans les colonnes de l'Annuaire, lui permettant d'acquérir un grand prestige.
Les deux séries d'ouvrages sont des documents incontournables pour retrouver l'histoire de notre club, jusqu'en 1904 où la revue La Montagne viendra remplacer les premiers écrits (voir les dossiers du CFD : Les origines du Club Alpin Français, et les revues du Club Alpin Français).
LA QUESTION DES MONTAGNES
Dès ses débuts, le Club Alpin montre ses intentions concernant la préservation de l'espace montagnard qui est dans un état inquiétant, et se préoccupe de son développement économique. Dans le premier volume de son Annuaire de 1874, l'avenir incertain de la vie en montagne est souligné par le président Ernest Cézanne (1830-1876), par ailleurs membre de l'Assemblée nationale :
« Il y a pour les pouvoirs publics une question des montagnes qui s'impose à leur attention. La grande œuvre de la régénération des montagnes est-elle praticable ? Peut-elle être entreprise avec quelque espérance de succès ?
Ces questions rentrent tout naturellement dans le cercle d'études que le Club Alpin Français s'est tracé ».
Les principales interrogations du texte sont reprises dans le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne.
Ernest Cézanne, comme ingénieur des Ponts et Chaussées, avait complété et augmenté la seconde édition de 1870 de l'ouvrage d'Alexandre Surell de 1841, alertant sur les désastres et les désolations que produisaient les torrents de montagne, et sur les inconséquences des hommes résultant du surpâturage et de la déforestation. Ce travail des deux érudits : « Études sur les torrents des Alpes » deviendra un document de référence.
Il faut avoir à l'esprit que l'économie de certains villages de montagne, basée sur les industries pastorale et sylvicole, dépendait beaucoup des locations des terrains communaux aux troupeaux transhumants de Provence, qui dévastaient les hauts pâturages, et de l'exploitation des forêts, le déboisement de certains espaces était préoccupant. Le sombre avenir, promis aux habitants de ces hautes vallées, encourageait l'exode et l'émigration.
L'article du président Ernest Cézanne, « La question des montagnes », sera le texte fondateur, pour notre association, en ce qui concerne la préservation du milieu naturel et de la montagne. Un texte que l'on peut également considérer comme l'un des actes premiers des réclamations de la société civile, pour la protection de nos montagnes.
Constatons que dès son origine, le Club Alpin réunira les hommes avertis et reconnus, permettant de faire entendre un avis autorisé sur ce sujet.
Pour notre association, la protection du milieu naturel et de la montagne sera une préoccupation constante, jamais démentie depuis 150 ans.
L'administration des Eaux et Forêts
L'administration des Eaux et Forêts, dans les limites de ses attributions et de sa réserve liée à sa dépendance vis-à-vis de l'État, avait été la première à souligner les dangers du surpâturage et de la déforestation.
De tout temps à l'écoute des inquiétudes des associations et des montagnards, elle restera un appui discret et essentiel pour le Club Alpin, dans ses alarmes et dans sa politique de sauvegarde de l'espace montagnard.
UNE DÉMARCHE SOCIALE ET TRÈS POLITIQUE
Dès sa création, et malgré des adhérents de la première heure venus des milieux cultivés et aisés de la société, le Club Alpin a été conduit par ses Fondateurs vers une démarche beaucoup plus sociale et politique qu'il n'y peut paraître.
< De préférence à vouloir « réunir une étroite fraternité de goûts par une sélection sévère », il préféra convoquer « sans distinction d'âge, de sexe, d'états de service ».
< L'idéal « qui avait prévalu de l'autre côté de la Manche s'est présenté, sans le moindre doute, à l'imagination de nos fondateurs. Ils ont eu la sagesse de ne point s'y attarder et de s'orienter franchement vers la solution démocratique et généreuse que l'avenir ne pouvait manquer de faire prévaloir ».
Plutôt que d'offrir « à quelques délicats un plaisir d'artiste, et à quelques jeunes gens robustes et déterminés les joies de la lutte et de la victoire », il fallait :
- donner « pour la jeunesse studieuse, pour les citadins affaiblis par un travail sédentaire, au total pour une fraction importante de nos concitoyens, une occasion de joies salubres, de rénovation morale et physique ».
- faire « se diriger vers nos vallées alpines ou pyrénéennes une immigration estivale, comparable à celle que reçoivent les régions favorisées de la Suisse ».
- encourager « la création, pour les familles aisées, de nouveaux centres de villégiature ».
- enlever « ces hôtes temporaires à l'oisiveté coûteuse des stations thermales, pour les mettre en contact avec la vraie montagne, et leur faire respirer l'air vivifiant des sommets ».
Un précurseur inspiré
Dans le même temps, « pouvaient être conjurées les menaces de dépopulation et de ruine que la décadence de l'industrie pastorale avait fait naître pour nos régions de montagne ».
« Ces communautés si intéressantes par la simplicité de leurs mœurs et leur fidélité aux traditions allaient se trouver rattachées au sol. Assurées de nouveaux éléments de prospérité, elles continueraient à former pour la patrie une réserve de défenseurs ; et pour la population inféconde et anémiée des villes, une source de rajeunissement ».
Le Club Alpin sera le précurseur inspiré :
- qui a conduit l'essor du tourisme de montagne,
- qui a accompagné le maintien et la croissance de l'économie montagnarde,
- qui a contribué à un début de prospérité pour les populations autochtones - à l'époque très appauvries - des hautes vallées oubliées des montagnes de France.
À la fin du XIXe siècle, les hautes vallées perdues, étaient victimes de la dépopulation, du surpâturage, de la déforestation et de la misère.
Seuls les centres de Chamonix et de Gavarnie, adossés aux « industries » du Mont Blanc et du cirque de Gavarnie, et les stations thermales de montagne, trouvaient une relative prospérité.
Parallèlement, dans certaines vallées du Dauphiné, la Société des Touristes du Dauphiné pourra mener au niveau local des actions équivalentes.
Après 1890, surtout tourné vers la moyenne montagne, le « Touring Club de France » viendra renforcer les actions de développement.
Pour l'essor du tourisme, deux conditions devront prolonger les actions des associations, indiscutablement à l'origine des intérêts pour les montagnes et des futurs développements économiques : le tracé des voies de communication par l'État ; et l'accueil hôtelier par les initiatives privées.

UN AMÉNAGEUR DE LA MONTAGNE
Dès les premières explorations des montagnes, différentes bases de départ étaient utilisées par les ascensionnistes, afin de réduire l'approche des cols et les cimes à gravir : le bivouac à la belle étoile, les chalets d'alpage et les campements transportés par des bêtes de somme et des porteurs recrutés dans les villages voisins. (voir le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914).
Ensuite les refuges viendront simplifier les approches.
En 1874, le Club Alpin, dont le but général est « d'encourager et favoriser la connaissance de la montagne et sa fréquentation individuelle ou collective en toute saison », a inscrit dans ses statuts, parmi les moyens d'action qu'il se donne, « la construction, l'amélioration et l'entretien de refuges, chalets, abris et sentiers ».
Pour lui en effet, la présence de tels points d'appui, de tels chemins d'accès, et en partance vers les cols et sommets, à peu près inexistants dans les massifs français, conditionne la possibilité de découvrir et de parcourir nos montagnes.
Sans ces équipements, il est inutile de vouloir développer les disciplines sportives liées aux hautes montagnes.
Parmi les autres sociétés bâtisseuses, la « Société des Touristes du Dauphiné » qui proposera rapidement - dans son environnement régional - plusieurs hébergements élaborés et les accès correspondants (voir le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges).
Un difficile équilibre
L'œuvre principale du Club Alpin sera de réussir le difficile équilibre, entre une préservation du milieu naturel et un équipement indispensable, pour que les hommes puissent fréquenter les montagnes.
Dans notre institution, la protection et l'aménagement de la montagne resteront de tout temps intimement liés.
La construction des refuges
Dès sa création, il va appartenir au Club Alpin, et à quelques rares autres associations, de mener à bien un quadrillage cohérent et généralisé des lieux d'accueil et des cheminements permettant l'accès aux montagnes de France.
Les gîtes et cabanes, déjà en place pour l'ascension du Mont Blanc, permettront au Club Alpin de porter ses premiers efforts vers les autres zones de montagne.
La gestion des refuges sera confiée aux Sections qui forment les éléments de base de l'association.
Elles deviendront beaucoup plus tard des Clubs Alpins locaux, en 1988 et 2005 avec les réformes des statuts.
Il faut constater - là aussi - la justesse de vue des Fondateurs :
« C'est aux Sections montagneuses, de voir et de dire quel refuge est à construire… au fond de leurs vallées, au sommet de leurs montagnes ou au pied de leurs glaciers. Elles seules peuvent sur ces questions édifier la Direction centrale, lui dire quelle est l'utilité des travaux à entreprendre, l'importance des dépenses, les ressources dont chaque section peut disposer et par suite le subside qui est nécessaire ».
À cette époque de centralisme triomphant, les Fondateurs offraient au Club Alpin une spécificité originale en matière d'équipement : tout ne viendra pas de Paris.
1885 - La Commission des refuges
Le Club Alpin instaure une Commission des refuges, chargée de gérer son patrimoine construit, et d'assister la Direction centrale du Club Alpin.
Elle deviendra la Commission des travaux en montagne en 1903.
Avec la réorganisation de 1988-1991-2005, c'est, de nouveau et depuis 1991, une Commission des refuges qui conduit l'œuvre du Club Alpin pour le bâti en altitude.
1875 à 1892 - LES PREMIERS REFUGES
Doit-on rappeler que le transport des éléments de construction des refuges se faisait le plus haut possible avec des bêtes de somme, puis par du portage à dos d'homme, jusqu'à l'aide de l'hélicoptère en 1959 qui changera la donne.
Et peu à peu, de constructions en rétrocessions, le Club Alpin deviendra un bâtisseur avisé et reconnu.
Et la Section de Briançon se révélera rapidement un des acteurs les plus actifs.
Entre 1875 et 1914, quelque quarante refuges et chalets sont édifiés.

DANS LES ALPES
1875 - L'abri Puiseux, 2200m
1876 - Le refuge de La Pra, 2110m
1877 - Le gîte Tuckett, 2400m
1877 - Le refuge Cézanne, 1874m
1877 - Le refuge de Provence, 2700m
1877 - Le refuge de l'Alpe de Villar-d'Arêne, 2079m
< L'adaptation de divers chalets d'alpage sera une alternative que l'association usera de temps en temps, lorsque la situation et l'altitude seront favorables.
1877 - Le refuge de Bric-Bouchet, vers 2000m
1877 - Le refuge des Lyonnais, 2350m
1878 - La grotte du glacier de Bonne-Pierre, 2570m
< La grotte du glacier de Bonne-Pierre, parfaitement sèche, est aménagée et murée pour offrir un gîte, elle deviendra rapidement une véritable fontaine inutilisable.
< Cette expérience malheureuse et quelques autres vont conduire à l'abandon de ces commodités naturelles.
1878 - Le refuge du Col de la Vanoise, 2515m
1879 - Le refuge de la Lauze, 2508m
1880 - Deux refuges éphémères : les refuges Joinville et Lombard
1880 - Le refuge de l'Alpe de la Lavey, 1780m
1882 - Le refuge du Carrelet, 2048m
1882 - Le refuge du Châtelleret, 2225m
1883 - Le refuge des Nants, 2500m
1883 - Le chalet du Parmelan, 1825m
1884 - Un refuge éphémère : le refuge Vignet, vers 2900m
1884 - Un premier refuge du Lac Noir, vers 2800m
1885 - Un refuge éphémère : le refuge Chancel, vers 2400m
1885 - Le refuge du Mont Pourri, 2600m
1886 - Le refuge Tuckett, 2438m
1889 - La grotte-abri de la Barma, 2160m
1889 - Le chalet-refuge de La Pra, 2110m
1889 - Le refuge de Praz-Riond, vers 2400m
1890 - Le refuge-observatoire Vallot, vers 4350m
1891 - Le refuge Cézanne, 1874m, photographie de 1904, derrière l'annexe de 1903
1891 - Le refuge Pelvoux-Abel Lemercier, 2700m
1892 - Le refuge-hôtel de l'Alpe de Villar d'Arène, 2120m
< Voir un historique dans le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges.
DANS LES PYRÉNÉES
Dans les Pyrénées, dès 1877, le Club Alpin s'intéresse aux hébergements à l'usage des excursionnistes et des ascensionnistes. D'abord des abris-sous-roche, mais ce genre de point d'appui ne connaîtra, comme dans les Alpes, que des déboires.
1877 - Deux gîtes à vocation touristique, vers 2900m
1882 - La première grotte du Vignemale, vers 3245m
1886 - Sous la dalle du lac d'Arrémoulit, vers 2300m
1890 - Le refuge de Tuquerouye, 2666m
< Voir un historique dans le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges.
L'expérience reconnue de la Commission des refuges
Quelques déconvenues ont fait abandonner les facilités naturelles, comme les abris-sous-roche et les constructions adossées, des points d'appui rendus rapidement inutilisables par l'humidité résultante. L'association n'aménagera plus que des équipements dégagés sur toutes leurs faces.
L'Annuaire de 1899 reprendra en rétrospective l'ensemble des aménagements d'altitude du Club Alpin, de 1874 à la fin du siècle, article rédigé par Pierre Puiseux.
Le financement des refuges
Jusqu'à la Grande Guerre, les refuges seront édifiés avec les propres ressources de l'association, et en recevant legs et donations de ses membres, en dehors de quelques modestes subventions de l'administration. Il faudra attendre 1922 pour voir l'État commencer à intervenir, en ce qui concerne ce véritable service public.
Les engagements des Sections du Club Alpin
Conformément aux vœux des Fondateurs, ce sont les Sections de montagnes du Club Alpin qui conduiront l'équipement de leurs vallées mitoyennes, par le tracé de chemins et sentiers, et l'édification des refuges.
Les principales initiatives concernent les Sections locales dans les Pyrénées, la Section des Alpes-Maritimes pour les vallées du Mercantour, la Section de Briançon pour le massif des Écrins sud, la Section de l'Isère pour le massif des Écrins nord, les Sections de Savoie pour leurs montagnes environnantes.
Deux exceptions, la Haute Maurienne et le massif du Mont-Blanc, dont les aménagements seront adossés respectivement aux Sections de Lyon et de Paris.
1876 à 1914 - LES SENTIERS ET CHEMINS MULETIERS DE MONTAGNE
Dès sa fondation en 1874, le Club Alpin Français sera un propagandiste essentiel de l'excursionnisme. « Déjà avant la Grande Guerre, puis dans l'Entre-deux-guerres, alors que les difficultés de transport confinaient les montagnards aux voisinages des villes, des Sections du CAF avaient entrepris un effort considérable de balisage, d'entretien et d'ouverture de sentiers ». Cela concernera principalement les Sections voisines des zones de montagne.
Parmi les nombreux articles figurant dans les rubriques " Sentiers " de nos publications, d'abord les Annuaires du Club Alpin Français de 1874 à 1903, puis La Montagne, on relève l'intense activité de notre club pour la création, l'entretien et le jalonnement d'itinéraires à but d'excursion dans les massifs montagneux.
Pour favoriser la fréquentation des montagnes, il fallait en complément des quelques itinéraires communément pratiqués, développer un réseau de sentiers et chemins muletiers conduisant aux refuges, permettant d'approcher les montagnes et d'accéder aux sites d'intérêt : grottes, cascades, sources, gorges, cols et belvédères...
Dès 1876, les Sections de Chambéry (chemin du Nivolet et de Joigny), d'Aix-les-Bains (chemin et chalet du Revard), d'Auvergne, de Gap et de Grenoble du Club Alpin organisent les premiers parcours pédestres.
On retrouvera les principales initiatives des Sections du Club Alpin, qui doteront nos montagnes d'un réseau conséquent de cheminements, dans le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges.
En 1888, il existe 350 kilomètres de chemins et sentiers ouverts aux excursionnistes et promeneurs.
Dans le même temps, la Société des Touristes du Dauphiné entreprend le tracé de plusieurs périples au départ de La Bérarde, participant pleinement à l'essor de cette vallée.
Bien que sa vocation soit la haute montagne, sinon la très haute montagne, le Club Alpin a toujours joué un rôle important dans le développement de l'excursion pédestre, qui prendra plus tard le nom de randonnée. Le Club Alpin sera - jusqu'au milieu du XXe siècle - le principal aménageur et créateur des sentiers et chemins muletiers dans les montagnes de France pour rejoindre les refuges, les principaux cols, et les belvédères remarquables. Il a contribué de tout temps à favoriser la marche, plus particulièrement - mais pas seulement - en montagne.
C'est une œuvre rarement mise en exergue.
La forêt de Fontainebleau
Les grès de la forêt de Fontainebleau sont visités régulièrement, pour l'excursion, par les caravanes du Club Alpin dès 1874.
Les sentiers dans les beaux chaos gréseux sont proposés depuis 1832 par le sylvain Claude-François Denecourt (1788-1875), avec le balisage par des marques de peinture sur plus de cent kilomètres de sentiers. Précurseur, il publie aussi un « guide du voyageur et de l'artiste à Fontainebleau » dès 1839, qui permettra le financement de son action et sa promotion.
L'arrivée du Chemin de fer, en 1849, rendra la forêt plus accessible depuis Paris, ce qui participera grandement à la popularité de la forêt.
L'œuvre sera poursuivie par Charles Prosper Colinet, (1839-1905), il consacrera quarante ans de sa vie et jusqu'en 1905 à la belle forêt, avec le concours du Club Alpin.
1875 à 1914 - LES CARAVANES SCOLAIRES
- La volonté des Fondateurs du Club Alpin - d'avoir un projet éducatif construit - conduira à la formation des « Caravanes scolaires », sur les modèles proposés en Suisse et en Allemagne, et évoqués dans les écrits de Rodolphe Töpffer, ses fameux « Voyages en zigzag ».
Avec les intentions suivantes :
- organiser des sorties collectives à but éducatif visant à développer, dans notre jeunesse, l'attrait pour les excursions à pied et la connaissance des montagnes.
- inspirer à ces jeunes adhérents le goût de la montagne.
- Ce sera pour le Club Alpin une heureuse initiative, décisive en ce qui concerne sa pérennité.
< Les premières Caravanes scolaires voient le jour en 1875, la première visita l'Auvergne et fit l'ascension du Puy de Dôme et du Puy de Pariou, et huit autres pourront être organisées cette année-là.
- En 1878, elles sont recommandées à l'attention des lycées et collèges, par le ministère de l'Instruction publique.
< En 1879, une première Caravane scolaire de jeunes filles est organisée par la Section de Gap.
< L'article général « Les Caravanes Scolaires » est présenté dans l'Annuaire de 1899, par Julien Brégeault, il dresse l'histoire des 25 premières années de « l'heureuse initiative ».
< En 1906, généralisation des Caravanes scolaires de jeunes filles.
< Le rapport de la Commission consacrée de 1906-1907, publié dans La Montagne de 1907, montre évidemment que l'œuvre entreprise n'est pas qu'un long fleuve tranquille.
< En 1909, collectives scolaires dans de nombreuses Sections : Paris, Alpes Maritimes, Bagnères-de-Bigorre, Canigou, Drôme, Provence, Embrun, Nord et Vosges.
< La Section de Paris propose 6 voyages avec 99 participants, et 102 excursions avec 2 930 adhérents.
- Cette année-là, nouvelle instruction à l'attention des lycées et collèges, par le ministère de l'Instruction publique, ce qui montre bien la portée de cette action.
< En 1910, au sein de la Section de Paris, le Groupe familial des jeunes filles compte 144 adhérentes, avec 22 excursions pour 576 participantes, et les Caravanes de jeunes gens comptent 544 adhérents, avec 92 excursions et 2 573 participants.
< En 1910, des jeunes gens des Caravanes scolaires de Paris accomplissent des exercices de ski sur le site de Montgenèvre.
< En 1911, cinq jeunes gens des mêmes Caravanes scolaires de Paris - emmenés par deux Guides - traversent les arêtes de la Meije ; passant ainsi de la Dame Joanne de la forêt de Fontainebleau à la Brèche Zsigmondy.
Ces initiatives novatrices - souvent oubliées par les exégètes - se poursuivront dans l'Entre-deux-guerres, puis concurrencées par d'autres activités de jeunesse comme le scoutisme, s'éteindront avec la Seconde Guerre mondiale.
Un lien fort subsistera
Dès 1908, peut-être 1906, des anciens des Caravanes scolaires de la Section de Paris du Club Alpin, commencent à fréquenter régulièrement les massifs de rochers de la forêt de Fontainebleau, dans le but de s'initier et de s'entraîner à l'escalade, ils se rassemblent au sein du « Groupe des Rochassiers »... Ce sera le lien fort qui conduira, plus tard en 1919, à la création du Groupe de Haute Montagne (voir le dossier du CFD : Le Groupe de Haute Montagne).
Des contacts étroits avec les militaires
Le Club Alpin, jusqu'à la Grande Guerre, entretient une forte proximité avec les militaires. Des contacts officiels concerneront la topographie et la cartographie, l'exploration et la connaissance des montagnes, et ensuite le développement du ski. En retour, l'armée voyait arriver des appelés au service militaire obligatoire, issus des Caravanes scolaires, avec un rudiment de formation et une bonne préparation physique.
À titre privé, plusieurs personnalités, appartenant à l'armée, seront des membres actifs de l'association et occuperont des responsabilités dans le club.
Les militaires étaient présents, depuis longtemps, dans les vallées et sur les principaux chemins de passage au niveau de plusieurs places fortes, après l'inspection et l'expertise de Vauban, de 1692, pour renforcer la frontière alpine, mais leur intérêt pour les zones de haute montagne est plus récent et se fera parallèlement avec celui de la société civile, principalement le Club Alpin.
En 1775, le lieutenant-général Pierre Joseph de Bourcet publie une étude sur les « Principes de la guerre de montagne » et une carte du Haut Dauphiné.
En 1793, les chasseurs des Alpes, créés en 1791, sont en place, mais seulement dans les vallées.
C'est en 1878 que nos militaires commenceront à s'avancer en haute altitude. Cette année là, un groupe de bataillons et de batteries effectue un séjour et des manœuvres en montagne.
En 1879, un premier bataillon alpin de chasseurs à pied est implanté à Grenoble.
Entre 1880 et 1888, développement des bataillons alpins de chasseurs à pied, associés aux artilleurs de montagne (Au pays des alpins, par Henry Duhamel, La librairie dauphinoise, 1899).
L'organisation est officialisée par la loi du 24 décembre 1888. Douze bataillons alpins de chasseurs à pied seront déployés le long de la frontière des Alpes et deviendront, en dernière incarnation, des chasseurs alpins entre 1886 et 1897.
Les « bataillons de chasseurs alpins » seront réorganisés en 1916 pendant la Grande Guerre.
L'ouverture d'un réseau routier aux frontières, par les militaires de l'Armée des Alpes - les routes des cols d'Allos, de la Cayolle, des Champs, du Galibier, de l'Izoard, de Vars, du Parpaillon, des Chapieux, des Rochilles, et du Sommet Bucher - fût saluée par le Club Alpin qui voyait ainsi s'améliorer l'accès aux montagnes, dans la droite ligne de sa politique d'équipement.
C'est entre 1889 et 1893 que le général Henry Berge, Gouverneur militaire de Lyon, ordonnera la plus grande partie de ces travaux.
À son décès en 1926, le Club Alpin fera paraître un article hommage dans La Montagne 1927 : Le Général Baron Berge (1828-1926).
1874 à 1914 - UNE APPROCHE SCIENTIFIQUE DES MONTAGNES DE FRANCE
Dès sa fondation, le Club Alpin Français a souhaité « développer et promouvoir une approche scientifique des montagnes de France ».
Les Annuaires seront des supports de diffusion ouverts aux différentes orientations qui animent le milieu montagnard, et la rubrique scientifique couvrira un large spectre : Géologie, Géomorphologie, Glaciologie, Spéléologie, Orographie, Météorologie, Topographie et Cartographie…
C'est une œuvre étendue qui est mise à la disposition du monde scientifique.
La « Commission de topographie » dès 1903, puis la « Commission des travaux scientifiques » en 1923, puiseront largement dans ce vivier (voir le dossier du CFD : Le Comité scientifique du Club Alpin Français).
UN ESSOR REMARQUABLE
< Fin 1874, le Club Alpin compte 600 membres, dont 4 femmes.
< Fin 1875, 1 700 membres, et 14 Sections couvrent le territoire national.
< En 1882, plus de 4 000 membres.
< En 1900, 6 000 membres, dont 300 femmes.
À la fin du XIXe siècle, nos adhérents sont une représentation du monde scientifique, politique et militaire.
C'est la période de l'excursionnisme cultivé et d'un tourisme sélectif, avec des instances dirigeantes majoritairement parisiennes, ou y séjournant régulièrement.
Le siège social
Pour répondre à sa croissance, le Club Alpin devra plusieurs fois agrandir les locaux de son siège social, en déménageant dans Paris.
< En 1874, un petit local du 6, rue Pierre Sarrazin est prêté par Hachette.
< En 1875, un premier siège social est établi au 2, rue Antoine Dubois.
< Dès 1876, déménagement au 31, rue Bonaparte.
< En 1883, déplacement au 30, rue de Bac jusqu'en 1930.
Les principaux domaines d'action
Par la qualité des membres formant sa Direction centrale, tous issus de l'élite universitaire et scientifique, et grâce à son implantation nationale, le Club Alpin sera le représentant du monde de la montagne et l'interlocuteur naturel des Pouvoirs publics jusqu'à la création d'un organisme fédéral en 1942.
Ses principaux domaines d'action concerneront :
< L'aménagement de la montagne.
< Le développement de l'excursionnisme et de l'alpinisme.
< L'essor du tourisme.
< L'organisation de la profession des Guides.
< La constitution d'une bibliothèque.
< Une production scientifique importante.
< Plus tard, la diffusion de l'usage du ski.
Les Commissions permanentes
Le travail de fond se fait dans les Commissions qui recouvrent les différents domaines d'action du Club :
< Bibliothèque et archives.
< Caravanes scolaires et alpinisme militaire.
< Finances.
< Publications.
< Publicité, propagande, hôtels, syndicats, congrès, récompenses.
< Refuges.
< Plus tard, Topographies, Tourisme et Voyages.
Les conférences, les banquets et les congrès
L'association organise des conférences très suivies à Paris et en province ; et ses assemblées, banquets et congrès annuels sont les jalons d'une vie associative, culturelle et mondaine bien établie. Des manifestations toujours marquées par la présence de ministres, députés, préfets et haute fonction publique ; et des représentants du monde universitaire, culturel et scientifique.
< En 1875, un « Rendez-vous international » est organisé au Col du Mont Cenis, une fête alpine à laquelle participe les Club Alpins Italiens et Français, le premier des grands rassemblements que le Club va organiser annuellement dans les régions de montagnes de France.
< En 1876, premier congrès du Club à Annecy et à Aix les Bains, avec le concours des Club Alpins Anglais, Italien et Suisse.
< En 1878, au cours de l'Exposition Universelle de Paris, organisé par notre association, se tient un « Congrès international des Club Alpins ».
Dans les Sections
Les Sections du Club Alpin sont les cellules de base de l'association. Elles assurent le lien direct avec les adhérents, en proposant des activités sportives et culturelles sous la forme de réunions d'information, d'excursions collectives, de sorties du dimanche et de Caravanes scolaires. Des voyages sont organisés dans les différents massifs de montagne.
Dans leurs zones d'influence, elles s'engagent dans la création des sentiers et la construction des refuges. Les assemblées, conférences, congrès et banquets règlent et animent la vie associative de ces groupements locaux.
Pour communiquer, les bulletins de Section complèteront les publications nationales, comme la Section de Provence dès 1880.
Certains de ces périodiques sont de haut niveau comme la « Revue Alpine » parue dès 1894.
Les Sections et sous-sections respectent, dans les premières années, une hiérarchie départementale, avant une reconnaissance plus affirmée ou une recomposition.
Les Sections éditent aussi des guides-itinéraires, proposant des excursions régionales, permettant aux clubistes et à leurs familles de découvrir les collines et les vallées de leur région.
Un cas particulier, dès l'origine, la Section de Paris a été intégrée administrativement dans la structure du Siège Central, moyennant une contribution financière.
SOUS LA CONDUITE DU GUIDE
Lire, dans le dossier consacré à l'histoire de l'alpinisme de 1492 à 1914, les paragraphes suivants :
< D'abord mener les voyageurs, les passeurs
< Ensuite conduire les alpinistes et les touristes
< Horace Bénédict de Saussure en 1760
< La naissance de l'alpinisme en 1786
Il fallait une organisation et un contrôle
Déjà dans le Valais en Suisse, une organisation et un règlement régissaient les compagnies de Guides depuis 1807.
À Chamonix, une première forme d'organisation est en place dès 1821, aménagée et authentifiée en 1823 par le vice-intendant du Faucigny Gaspard Sébastien Brunet, autorité régionale du royaume de Sardaigne, puis approuvée par le pouvoir royal. Déjà est suggérée la création d'une masse, caisse de secours et de prévoyance, le prix de la journée de Guide en fonction de la difficulté de la course et le nombre de Guides chargés de l'encadrement (lire l'article de Rozenn Martinoia : La genèse de la Compagnie des guides de Chamonix dans la revue La Montagne & Alpinisme n°2/2021).
La « Compagnie des Guides de Chamonix », qui bénéficiait depuis longtemps de l'industrie du Mont Blanc, avait instauré un tour de rôle et l'obligation de s'entourer de 12 Guides pour l'ascension du culmen des Alpes ; en 1852, on revient à quatre, puis trois en 1864... La compagnie s'était structurée avec des règles particulièrement fermées qui n'évolueront que lentement.
Depuis 1860, la Savoie étant devenue française, la petite compagnie s'administrera, pour un moment, elle-même et sans contrôle.
Lire, sur la question, le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914.
En 1874, ailleurs dans les Alpes françaises, en dehors des quelques-uns pouvant guider les voyageurs par les passages historiques transfrontaliers - les passeurs -, ni berger, ni paysan ou chasseur n'était capable de bien conduire les ascensionnistes et les touristes voulant aller vers les cols et les sommets des montagnes, il fallait pour le Club Alpin se structurer au plan national, comme en Suisse depuis 1864 et en Italie depuis 1871.
Le Dauphiné n'a encore que des chasseurs de chamois ayant une connaissance de la montagne ; mais, dès 1875, la Société des Touristes du Dauphiné, qui vient d'être fondée, s'occupe du recrutement des Guides, parmi les autochtones les plus décidés, dans les principaux centres d'activités dauphinois, et elle imposera un tarif et un règlement aux Guides, porteurs et muletiers, sur lesquels elle exercera désormais un contrôle efficace et son autorité, elle sera rapidement rejointe dans la même année 1875 par certaines Sections locales du Club Alpin.
Dans les Pyrénées, quelques Guides ont laissé leurs traces, dès 1802, Laurens et Rondo pour l'ascension du Mont Perdu. Et ceux qui accompagnèrent Anne Lister, en 1830, Jean-Pierre Charles et Étienne, sur la même montagne, Henri Cazaux, Bernard Guillembet, Jean-Pierre Charles et Jean-Pierre Sajous au Vignemale en 1838.
Des petits accommodements avaient cours, comme à Cauterets, Gavarnie, Bagnères-de-Bigorre dès 1863 et à Bagnères-de-Luchon dès 1872, à Gavarnie dès 1875, des petites compagnies constituées par arrêtés municipales et surtout liées au thermalisme, afin de promener les curistes venus « prendre les eaux », comme nous le restitue le récit plein d'esprit d'Hippolyte Taine, dans son « Voyage aux Pyrénées ».
Les organisateurs de la profession de Guide de montagne
Rapidement, le Club Alpin - au niveau national - et la Société des Touristes du Dauphiné - au niveau régional -, seront les organisateurs et les tuteurs de cette profession, et vont longtemps en assurer l'administration.
Pour le développement de cette activité nouvelle et encore incertaine, il fallait pouvoir gérer les us et coutumes spécifiques qui vont s'établir dans chaque vallée, en fixant des règles et des contrôles (voir le dossier du CFD : L'Enseignement alpin).
La priorité de l'action de la STD - en ce qui concerne les Guides du Dauphiné - sera reconnue par le CAF, avec les chamailleries que l'on imagine dues à la concurrence entre les deux associations, et surtout aux rudes intérêts économiques des Guides, jusqu'à l'unification de 1904.
< En 1875, la Section de Briançon diplôme les premiers Guides de Vallouise.
< Et l'année suivante, la Section de Tarentaise délivre les premiers livrets-diplômes aux Guides de sa région, et crée le bureau des Guides de Pralognan.
< En 1878, à Chamonix, où un règlement est déjà en place, le Club Alpin intervient auprès des autorités préfectorales pour améliorer les textes qui seront plusieurs fois remaniés, tant les intérêts locaux sont sensibles dans la principale villégiature de montagne de France.
Le Club Alpin créera une Commission particulière pour assurer la gestion des Compagnies de Guides en 1903.
L'hérédité et la cooptation semblaient suffisantes
En dehors des concurrences ou divergences locales, animées par le montant des tarifications des ascensions guidées, il apparaît que les éléments primordiaux à l'exercice de la profession tarderont à être proposés. Curieusement, la formation des Guides ne sera longtemps ni suggérée, ni exigée, l'hérédité et la cooptation semblaient suffisantes.
Il faudra attendre 1936 afin que les préceptes essentiels à l'exercice de la profession soient proposés : l'enseignement et le contrôle des compétences.
On deviendra alors Guide, non plus par naissance, mais par des qualités affirmées et contrôlées... La loi du 18 février 1948 fixera le cadre du métier.
Les Guides et les skieurs.
Les Guides-skieurs ne seront diplômés que plus tard en 1929 par le Club Alpin. Et l'enseignement du ski pour les Guides, dans la structure officielle de l'ENSA, ne date que de 1973.
Le matériel de l'alpiniste en 1870 et avant
Dans ces temps-là, l'équipement des alpinistes est assez primitif.
Les pionniers étaient surtout des glaciéristes, conduits par des Guides qui taillaient des marches pour la progression, sans ménager leur peine, dans les pentes de neige ou de glace.
Le matériel se limitait aux chaussures à clous (au fil du temps, les « Ailes de mouche » seront les plus appréciées), au piolet (qui sera peu à peu perfectionné) et à la corde en chanvre. Occasionnellement, des crampons archaïques seront employés. Le campement sous toile et le bivouac permettaient de s'approcher.
Bientôt certaines techniques vont être développées, comme le rappel dès 1864 - qui va éviter d'abandonner une corde pour descendre un passage raide - et le recours aux ancrages artificiels dès 1870, mais ils resteront d'un usage confidentiel (voir le dossier du CFD : Le matériel de l'alpiniste).

Les Guides, la Dame et le Monchu
L'industrie du Mont Blanc
L'immense retentissement de l'ascension du Mont Blanc, par Horace Bénédict de Saussure de 1787 - souvent confondue avec la première de 1786 -, et le récit qu'en fit le savant genevois « Relation abrégée d'un voyage à la cime du Mont Blanc », allaient susciter un intérêt de toutes parts en Europe pour atteindre le Toit des Alpes.
Une industrie du Mont Blanc se développera, au seul bénéfice des Guides et des hôteliers de Chamonix, car à l'époque, il n'y avait pas d'autre accès que celui passant par les affleurements rocheux du lieu-dit des Grands Mulets et le Grand Plateau.
En 1833, ascension (déjà réussie 15 fois) par un touriste français, le comte de Tilly avec ses Guides, en 1838 par une touriste française, Henriette d'Angeville, avec ses Guides.
Un attrait vital
Le Mont Blanc sera un attrait vital pour la croissance économique des trois communes de piedmont : Chamonix, Courmayeur et Saint Gervais.
Des points d'appui intermédiaires viendront faciliter l'ascension.
< Depuis Chamonix, une cabane rudimentaire est installée sur les affleurements rocheux du lieu-dit des Grands Mulets, 3050m en 1786, puis un abri amélioré en 1813, inauguration du premier refuge en 1853, une étape plus confortable sera installée en 1897, sur un itinéraire d'ascension qui va ainsi pouvoir se banaliser, pour le plus grand intérêt de la compagnie des Guides et de la bourgade.
< Les Guides de Courmayeur, à la recherche d'une approche depuis leur vallée, inaugurent en 1855 et 1863 une voie de contournement splendide, longue et pénible, pas du tout commerciale, par le Col du Géant et la traversée par le Mont Blanc du Tacul et le Mont Maudit. Un refuge au Col du Midi vers 3555m sera installé en 1863, par les Guides valdôtains, pour faciliter ce long périple.
< En 1854, depuis Saint-Gervais, une hutte est érigée à proximité du sommet de l'Aiguille du Goûter, 3817m, comme point d'appui pour une voie d'ascension en devenir. En 1855, un itinéraire assez détourné, par le Grand Plateau, est trouvé. En 1858, un premier refuge vient en remplacement de la première cabane, avec 4 couchages, sur ce qui deviendra un autre accès au plus haut sommet des Alpes, par l'arête des Bosses qui ne sera reconnue qu'en 1861.
Ces initiatives montrent bien l'impérieuse nécessité, pour les Guides de Saint-Gervais, de trouver un cheminement permettant d'atteindre le sommet du Mont Blanc depuis la station thermale, et de participer ainsi à cette industrie florissante. La cabane de l'Aiguille du Goûter devra être restaurée en 1882 et un nouvel abri construit en 1906. Et plus tard, l'accès par l'Aiguille du Goûter se révélera être la voie normale d'ascension la plus pratique.
< En 1890 depuis Courmayeur, une voie plus commode était trouvée par le glacier du Dôme et l'arête des Bosses. Courmayeur trouvait ainsi une route du Mont Blanc moins détournée.
1877 - L'ASCENSION DE LA MEIJE
En 1877, la première ascension de la Meije, 3982m le 16 août, par Emmanuel Boileau de Castelnau avec ses Guides Pierre Gaspard père et fils, a été un événement marquant.
Ce « merveilleux exploit » est une date mémorable dans l'histoire du Club Alpin, il est réussi pendant son Congrès annuel qui est réuni dans une vallée voisine, et la « performance de l'un de ses membres venait asseoir le prestige de la jeune association fondée seulement trois années auparavant… ».
En passant directement par le Col de la Temple, Castelnau et Gaspard seront présents au banquet du Congrès de l'association à Ville-Vallouise - qui venait d'inaugurer les refuges Cézanne et Provence -, ce qui demeurera un instant unique pour la jeune organisation.
Depuis cette date, la Meije restera la montagne emblématique du Club Alpin...
Et on peut dire qu'avec cette prouesse, l'alpinisme français a acquis une première notoriété, malgré les exploits des prédécesseurs, les géographes de 1825-1830, de Victor Puiseux en 1848 et d'Henri Cordier en 1876.
Dans l'histoire de l'alpinisme, l'ascension de la Meije est également un moment fort.
C'est le dernier sommet remarquable de la chaîne des Alpes à être visité par les hommes, la fin d'un âge d'or de l'alpinisme qui permettait d'envisager de gravir un sommet vierge.
Et après la Meije, « l'expédition idéale » ne sera plus possible, en ce qui concerne nos Alpes tout au moins.
C'est aussi un des rares sommets échappant aux initiatives des ascensionnistes britanniques présents partout.
< Emmanuel Boileau de Castelnau restera très fidèle à notre association. Décédé le 23 mars 1923, il avait fait un legs pour l'édification d'un ou plusieurs refuges dans le Haut Dauphiné.
Les Guides du massif des Écrins
Si les Guides dauphinois n'atteindront jamais la notoriété des Oberlandais, Valaisans, Chamoniards, Valdôtains et autres Mauriennais, quelques-uns ont laissé de belles performances, amorcées par le formidable exploit des Castelnau et Gaspard :
- En 1878, Henry Duhamel, avec Giraud-Lézin et F. Gonet, sont les premiers sur la Meije orientale.
- En 1880, J. Nérot, avec Émile Pic et Giraud-Lézin, réalisent la première ascension de l'Ailefroide orientale.
- En 1885, Claude Verne, avec Pierre Gaspard père et fils, Maximin Gaspard et Jean-Baptiste Rodier, inaugurent l'arête ouest de la Meije.
- En 1889, Auguste Reynier, avec Pierre Gaspard père, Christopher Clot et Joseph, première ascension par la face est de l'Ailefroide centrale.
- En 1893, Auguste Reynier, avec Joseph Turc et Maximin Gaspard, explorent le versant sud des Écrins, un exploit pour l'époque.
- En 1895, Auguste Reynier et Claude Verne, avec Maximin et Casimir Gaspard et Joseph Turc, remontent le couloir du Coup de Sabre.
- En 1898, E. Gravelotte, avec Joseph Turc et trois fils Gaspard, forcent, par un couloir de neige et de glace, la face nord de la Meije, le couloir Gravelotte.
- En 1907, Henry Mettrier, avec Jean-Pierre Engilberge et Eugène Estienne, sont les premiers à parcourir le couloir Mettrier sur le versant nord du Pelvoux.
Le livre « Les pionniers des Alpes du Dauphiné », éditeur Arthaud, de Pierre Lestas, apporte d'intéressantes informations sur les précurseurs.
1880 - LA SAUVEGARDE DU MILIEU NATUREL
Dès les premières années, le Club Alpin va régulièrement se manifester pour la sauvegarde du milieu naturel en venant, redisons-le, s'appuyer sur l'intervention historique du président Ernest Cézanne « La question des montagnes », l'un des actes fondateurs des réclamations de la société civile pour la préservation de nos montagnes.
Et les nombreux écrits, dans l'Annuaire du Club Alpin de 1874 à 1903, attestent de ces intentions et de ces réclamations.
En 1904, la Section d'Épinal doit intervenir avec succès pour arrêter l'exploitation des beaux blocs rocheux qui ornent certaines vallées vosgiennes, afin qu'ils ne soient pas débités en pavés.
Au niveau national, des démarches actives sont entreprises, afin d'éviter que certains sites remarquables ne soient sacrifiés et concédés à l'industrie.
Des conférences sont régulièrement proposées informant et réclamant la restauration des terrains de montagne endommagés par l'activité humaine, organisées par les personnalités indiscutables, inspecteurs des forêts, membres du Club Alpin, et publiées dans les Annuaires de l'association.
La loi du 4 avril 1882
Comme déjà évoqués, la déforestation des vallées de nos montagnes - avec comme conséquences des avalanches, des torrents de boue et de pierres - et le surpâturage des prairies d'altitude provoquaient la ruine et la misère dans les villages des vallées oubliées des montagnes.
Jusque-là, seules les alarmes de l'administration des Eaux et Forêts devant ces ravages pouvaient être entendues. Elles provoqueront la loi du 10 juillet 1860, sur le reboisement des montagnes et la régulation du régime des eaux, puis la loi du 9 juin 1864, sur le regazonnement des montagnes.
Mais il avait fallu des menaces plus visibles que celles provoquées dans les vallées délaissées - comme les risques d'ensablement du port de Bordeaux - pour faire vraiment bouger les choses.
Et la loi du 4 avril 1882 actera la création de périmètres domaniaux de restauration des terrains en montagne, sur les zones les plus sensibles, et la prise en charge des travaux par l'État, après acquisition de ces terrains à l'amiable ou par expropriation.
Soulignons la déclaration de 1893 de l'ingénieur Prosper Demantzey (1831-1898) de l'administration des Eaux et Forêts :
« Je ne sais pas de plus noble mission que celle d'aider la nature à reconstituer dans nos montagnes l'ordre qu'elle avait si bien établi et que seuls l'imprévoyance et l'égoïsme de l'homme ont changé en véritable chaos ».
L'œuvre des ingénieurs des Services des Eaux et Forêts, sera soutenue et accompagnée par le Club Alpin, en apportant l'appui de la société civile et des sociétés savantes.
1882 - L'UTILITÉ PUBLIQUE DU CLUB ALPIN FRANÇAIS
Dès 1882, c'est la reconnaissance d'utilité publique du Club Alpin Français, pour ses actions destinées à « faciliter et propager la connaissance exacte des montagnes ».
Le résultat d'un profond travail d'une Direction centrale très entreprenante et des principales Sections de l'association pour développer l'approche de la montagne : création des sentiers et construction des refuges, connaissances scientifiques, publications, œuvres de vulgarisation, propagande, Caravanes scolaires (voir le dossier du CFD : Les origines du Club Alpin Français).
1887 - La restauration des terrains de montagne
Dans sa préoccupation touchant la protection de la montagne et dans la droite ligne de sa politique, le Club Alpin organise une conférence portant sur la restauration des terrains de montagne, par Fabien Bénardeau, inspecteur des forêts et membre du CAF.
LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
Jusqu'à la Grande Guerre, dans la société civile, le Club Alpin sera l'artisan principal du développement économique des hautes vallées des montagnes de France. Il a apporté une contribution majeure dans la création d'un tourisme de montagne, qui assurera peu à peu l'essor économique des hautes vallées, et une prospérité pour les populations montagnardes.
Nous le répétons…
< C'est lui le précurseur audacieux de la fin du XIXe siècle, qui a voulu voir « se diriger vers nos vallées alpines ou pyrénéennes une immigration estivale comparable à celle que reçoivent les régions favorisées de la Suisse », et aussi qui a encouragé « la création pour les familles aisées de nouveaux centres de villégiature ».
< C'est lui le devancier avisé, qui pensait qu'ainsi « pouvaient être conjurées les menaces de dépopulation et de ruine que la décadence de l'industrie pastorale avait fait naître » dans nos régions de montagnes.
Avec parallèlement les interventions de la Société des Touristes du Dauphiné, et du Touring Club de France, après 1890.
L'œuvre de la Section lyonnaise du Club Alpin
La mise en valeur touristique de la Haute Maurienne - par la Section lyonnaise - depuis la fin du XIXe siècle est exemplaire, avec les nombreux travaux d'aménagement de sentiers et le développement du bâti en altitude pour accueillir les excursionnistes et les ascensionnistes.
En 1895, le chalet-hôtel de Bonneval-sur-Arc est inauguré, construction du refuge des Évettes en 1907, d'Avérole en 1920, du Col de l'Iseran et du Carro en 1925.
Les Lyonnais sauront poursuivre leur effort en soutenant un équipement raisonnable de la Haute Maurienne après la Seconde Guerre mondiale, puis dès 1956 en conduisant le projet d'un Parc national de Savoie, qui deviendra celui de la Vanoise.
Ainsi le très long intérêt pour la Haute Maurienne de nos collègues lyonnais trouvera, avec la création du Parc national de la Vanoise le 6 juillet 1963, une solution pérenne de conservation du milieu naturel.
1888 - La naissance de la spéléologie
On considère qu'Édouard-Alfred Martel (1859-1938) - membre éminent du Club Alpin - a été le père fondateur de la spéléologie en France. En consacrant une bonne partie de sa vie à cette discipline naissante, il a été celui qui a contribué le plus à la faire connaître, d'abord dans les Annuaires du Club Alpin dès 1888.
La préoccupation des avant-gardistes était de cartographier et décrire ce monde souterrain découvert.
On retrouvera un historique de la spéléologie dans le dossier consacré, voir également l'article de Philippe Morveran : « La petite histoire de la spéléologie au Club Alpin » dans La Montagne & Alpinisme n°4/1997. Est bien décrite la part du Club Alpin, en ce qui concerne l'origine de la spéléologie en France, puis sa structuration et son évolution.
Les liens forts de la spéléologie avec le Club Alpin, le premier à s'intéresser à cette discipline dès 1888, méritent d'être soulignés et rappelés (voir le dossier du CFD : Un historique de la spéléologie).
1890 - CRÉATION DU TOURING CLUB DE FRANCE
Le Club Alpin se livre à une propagande active pour un essor touristique des zones de montagne. Une orientation venant en complément de ses propositions culturelle et sportive.
Malgré des récriminations de quelques-uns voulant éviter les « hordes peu averties », le Club Alpin sera très présent - omniprésent - dans la création le 26 janvier 1890 d'une association consacrée, le « Touring Club de France », dont l'objet est de promouvoir ce tourisme naissant.
Le Club Alpin a toujours pensé que son développement était lié à celui du tourisme de montagne, un loisir encore très peu répandu en France.
Dès ce moment - au niveau national - le Club Alpin sera l'aménageur de la Haute Montagne, pour accueillir les alpinistes et les excursionnistes alpins, et le Touring Club de France sera celui de la Moyenne Montagne, des vallées et des sites remarquables, pour recevoir les touristes, jusqu'aux relais des initiatives locales plus tard.
Redisons qu'avec les stations thermales de montagne, seuls les centres touristiques de Chamonix et de Gavarnie étaient déjà actifs et organisés, possédant chacun leur site emblématique, le Mont Blanc et le cirque de Gavarnie.
Le but du Touring Club de France est « le développement du tourisme sous toutes ses formes, à la fois par les facilités qu'il donne à ses adhérents et par la conservation de tout ce qui constitue l'intérêt pittoresque ou artistique des voyages ».
Le premier président du Touring Club de France Abel Ballif (1845-1934) donnera de 1892 à 1919 une grande dynamique à cette organisation.
Le TCF s'intéressera à toutes les activités de loisirs, allant de la bicyclette, au nautisme, à l'aviation, en passant par la mise en construction de routes touristiques, comme de 1901 à 1903, la corniche d'or, entre le massif de l'Estérel et la mer méditerranée, reliant Saint Raphaël à Cannes, et la route des Grandes Alpes en 1909. Il sera aménageur de nombreux sentiers de randonnée et le créateur en France de la signalisation routière.
L'association est reconnue d'utilité publique par le décret du 30 novembre 1907.
On doit au Touring Club de France l'intense et suivie propagande pour la mise en valeur touristique des gorges du Verdon, qui sera son œuvre majeure : la création de sentiers permettant d'atteindre les zones remarquables dès 1906, le creusement de la route des gorges en 1929 et 30, l'implantation des différents belvédères, et enfin l'aménagement du refuge de la Malines en 1936.
Quelques illustres alpinistes de la fin du XIXesiècle
De ces temps anciens quelques illustres personnalités vont rester dans nos mémoires, mais évidemment la part primordiale de leurs exploits appartient à leurs Guides.
- En ces années 1864 et 1865, Edward Whymper est de toutes les grandes ascensions : la Barre des Écrins, l'Aiguille Verte et le Cervin, une série de performances qui font de lui l'un des plus remarquables alpinistes de tous les temps.
- William A. B. Coolidge compte parmi les grands pionniers. Un explorateur sans égal de grands itinéraires qui seront appelés à devenir les voies classiques, vers certains des plus beaux sommets des Alpes de 1868 à 1900.
- En 1885 déjà, Ludwig Purtscheller, Emil et Otto Zsigmondy réalisaient la traversée de la Meije, 3982m, c'est la plus belle performance de l'alpinisme sans Guide du XIXe siècle (voir le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914).
Les principaux sommets atteints, les alpinistes novateurs se tourneront vers d'autres challenges ; comme la recherche d'accès plus commodes, l'exploration des arêtes et des faces des montagnes, les itinéraires les plus esthétiques, les plus sportifs ou les plus directs… et encore atteindre les sommets secondaires ou franchir les cols les plus remarquables.
C'est la personnalité d'Albert Frederick Mummery qui va dominer la période de l'histoire de l'alpinisme de la fin du XIXe siècle, il révéla l'escalade rocheuse et les grandes courses de rocher.
Plus que ses performances, il a laissé un livre exceptionnel à la postérité : « Mes escalades dans les Alpes et le Caucase » dont l'un des chapitres « Plaisirs et pénalités » influencera beaucoup les futures générations.
C'est aussi un des précurseurs de l'alpinisme autonome - sans Guide - avec différents compagnons dans les Alpes occidentales. Ses audaces comptent parmi les ascensions les plus probantes d'un alpinisme émancipé naissant.
1890 - Une mission étonnante
En 1890, la Section de Belfort du Club Alpin devient gestionnaire de l'œuvre monumentale d'Auguste Bartholdi, le Lion de Belfort, qui commémore la résistance de la ville durant la guerre de 1870. Confirmation de cet arrangement par la ville de Belfort en 1926. Le célèbre monument ne retournera dans le patrimoine de la commune qu'en 1980.
Avant 1900 - LA PRATIQUE HIVERNALE DE LA MONTAGNE
Dans les temps anciens, les montagnes de nos contrées n'étaient pas fréquentées en hiver, et les avalanches étaient très redoutées. Ce sont les « passeurs » chargés de faire transiter les voyageurs, par les principaux cols des Alpes qui les premiers s'avanceront, puis les ascensionnistes chercheront à parcourir les montagnes en hiver, au début à pied (voir le dossier du CFD : La pratique hivernale de la montagne).
L'article, « Climat des alpes au moyen âge », dans la revue La Montagne & Alpinisme n°3 / 2014 de Daniele Cat Berro et Luca Mercalli, décrit des traversées exceptionnelles, dès l'an 1000 de certains cols alpins.
Chez les militaires, les troupes alpines ne quittaient pas leurs casernes par temps de neige.
Les raquettes à neige
Les raquettes à neige sont utilisées pour se déplacer en hiver, depuis les temps anciens en Asie centrale et septentrionale, puis probablement, après leurs migrations, par les Amérindiens du nord dans la période précolombienne, avant d'être adoptées par les colons européens principalement au Canada et en Alaska.
En France, des raquettes à neige rudimentaires étaient employées en hiver sur la neige, pour des mobilités très circonscrites, par les habitants des hauts villages de montagne et par les « passeurs ».
Au-dessus des villages, en dehors des « passeurs », et de quelques chasseurs, bien peu s'aventuraient au-delà des zones boisées. Dans les périodes favorables de l'hiver, les seules incursions étaient pour rejoindre les granges d'alpage, afin de descendre les foins entreposés à la belle saison, sur de grandes luges adaptées, et aussi pour descendre les bois de coupe des hautes forêts.
En hiver 1878-1879, Henry Duhamel - l'un des fondateurs de la Section de l'Isère du Club Alpin en 1874 - cherche à se procurer des raquettes à neige adaptées, pour parcourir la montagne en hiver. Sa visite de l'Exposition Universelle de 1878 lui permettra de découvrir les raquettes canadiennes, un modèle plus approprié que ceux employés dans nos villages. Dans le même temps, il peut acquérir des skis, mais qui ne pourront pas être utilisés à cause de l'absence des liaisons avec les chaussures.
< Dès 1884, les alpinistes du Club alpin découvrent la montagne hivernale, avec les raquettes à neige.
< En 1890, deux groupes militaires des troupes de montagne font l'ascension hivernale du Pic de la Croix de Belledonne, 2926m dans le but d'évaluer les reconnaissances militaires d'hiver aux grandes altitudes, et d'essayer un modèle de raquette à neige mis au point par le lieutenant Dunod.
< Dès 1891, nombreuses sorties hivernales avec les raquettes, par les alpinistes et les troupes de montagne (voir le dossier du CFD : La pratique hivernale de la montagne).
Toutes ces ascensions hivernales sont réalisées à pied ou avec des raquettes, les skis - et surtout leurs utilisations - étant encore inconnus.

Les balbutiements du ski en France
L'invention et l'empoi des lames en bois, servant aux déplacements hivernaux des hommes sur la neige, datent du néolithique dans les pays nordiques.
L'usage des skis, en particulier pour le commerce et la guerre, est attesté dès le moyen Âge, en Sibérie, en Scandinavie et dans les Pays Baltes. Ce mode de déplacement est très pratiqué dans ces pays et devient un sport permettant de glisser sur la neige dès 1860 en Norvège, où Sondre Norheim d'Øverbø invente une technique de virage - le Télémark - en 1866 ; et une fabrication industrielle de skis est opérationnelle à Oslo, en 1880.
Mais rien encore en Europe occidentale.
En 1878, un premier essai d'utilisation des skis est tenté par Henry Duhamel, il avait découvert les skis sur un stand suédois de l'Exposition Universelle de 1878, un test peu convaincant, à cause de l'absence de fixation entre ski et chaussure.
En 1889, visite d'Henry Duhamel au stand du Grand-Duché de Finlande de l'Exposition Universelle de cette année-là, elle lui permettra d'entrer en relation avec un Français demeurant en Finlande et de commander 14 paires de skis finlandais avec leurs fixations - les pièces manquantes des essais de 1878 - qui seront récupérées l'année suivante.
Il sera l'initiateur et le premier propagandiste de cette discipline nouvelle en France.
En 1890, expérimentation plus probante des skis par des membres du Club Alpin, comprenant Henry Duhamel et quatre compagnons, pendant l'ascension de la Croix de Chamrousse, 2253m.
En 1891, première sortie à skis de la Section de l'Isère du Club Alpin en février, avec l'ascension du Pic de la Croix de Belledonne, 2926m pour 22 ascensionnistes skieurs (voir le dossier du CFD : La pratique hivernale de la montagne).
L'intérêt des militaires
En France, les efforts de propagande pour l'usage des skis s'exerceront dans une étroite collaboration entre les militaires des troupes alpines et le Club Alpin.
Durant l'hiver 1895-1896, au cours d'expérimentations, l'officier suédois Charles Eric Widman, conseillé auprès de nos militaires au 28e bataillon de chasseurs à pied, effectue l'ascension à skis du Mont Saint-Guillaume au-dessus d'Embrun, pour souligner les avantages des skis par rapport à l'usage des raquettes à neige dans les déplacements en montagne.
L'usage des skis pour les mobilités - comparés aux raquettes - est favorablement évalué par les militaires... Et les bataillons alpins de chasseurs à pied se dotent de paires de skis, ils deviendront peu à peu des « bataillons de chasseurs alpins », après une longue mutation commencée en 1888, achevée en 1916.
C'est comme moyen de mobilité dans la montagne enneigée - mis en avant par les militaires et par le CAF - que la diffusion du ski en France se fera, puis viendront les compétitions de fond et de saut, déjà en vogue dans les pays scandinaves, et plus tard le ski de descente, lié aux remontées mécaniques (voir le dossier du CFD : La pratique hivernale de la montagne).
Le premier Ski-Club
En novembre 1895, à Grenoble, le premier Ski-Club est fondé, à l'initiative de la Section de l'Isère du Club Alpin, d'Henry Duhamel et du Rocher Club, le Ski Club des Alpes, renforcé par la présence du lieutenant Lilliehœk, norvégien en stage au régiment d'artillerie de Grenoble.
Le développement du ski en Suisse
En 1900, début des villégiatures d'hiver en Suisse, d'abord Davos puis Grindelwald.
Le développement du tourisme d'hiver dans les Alpes suisses sera vite beaucoup plus avancé qu'en France.
En 1906, Davos et Saint-Moritz sont déjà des stations de ski reconnues, avec ses moniteurs... norvégiens... La Fédération suisse de ski forme à Andermatt ses premiers moniteurs. Bientôt, elle comptera 32 clubs et 2000 skieurs sont actifs. Trois fabriques de skis s'installent à Zürich, Glaris et Berne.
Un engagement décisif du Club Alpin
De 1904 à 1914, comme on le verra plus loin, ce sera un engagement décisif du Club Alpin pour le développement du ski en France (voir le dossier du CFD consacré).
La pratique hivernale de la montagne deviendra une des activités importantes de l'association, les facilités offertes par la proximité géographique des Sections de montagne leur donneront peu à peu une dynamique remarquable.

L'observatoire et le refuge Vallot de 1893
1890 à 1920 - L'ŒUVRE DE JOSEPH ET HENRI VALLOT
- Joseph Vallot (1854-1925) est un naturaliste passionné par les Sciences de la Terre, il rejoint la Direction centrale du Club Alpin en 1891 et sera président en 1907.
- Henri Vallot (1853-1922) est ingénieur, il appartient également à la Direction centrale du Club Alpin, de 1889 jusqu'à sa mort, membre distingué de la Commission des refuges, il est secrétaire de la Commission de topographie.
Par leurs travaux concernant les études scientifiques se rapportant aux montagnes, les deux cousins - membres éminents de notre association - ont grandement apporté au rayonnement du Club Alpin.
En 1886, Joseph Vallot publie dans l'Annuaire : « Excursion scientifique au Mont Blanc », ce sera l'origine d'une vocation.
Ses nombreux écrits ponctueront son œuvre scientifique.
Il projette rapidement d'installer un observatoire sur les hauteurs du Mont Blanc.
Son cousin Henri Vallot l'accompagnera et l'assistera, tout en réalisant sur le terrain les relevés du Réseau trigonométrique du massif du Mont-Blanc et des altitudes des villages, chalets et lieux-dits, des cols, passages, brèches et fenêtres ; et de l'ensemble des sommets, aiguilles, clochers, gendarmes, pointes et tours.
En 1890, l'installation du premier observatoire Vallot, au niveau des Rochers Foudroyés, vers 4350m, est une initiative de Joseph Vallot, sur ses fonds propres. Une plateforme scientifique qui devra servir aussi de refuge au profit des Guides de Chamonix, à la demande de la Municipalité.
En 1893, afin d'éviter la gêne provoquée par les touristes, Joseph Vallot fait édifier un refuge proche du laboratoire - la cabane Vallot - 4362m qui accueillera Guides et ascensionnistes jusqu'en 1937.
En 1898, Joseph Vallot décide la reconstruction et l'agrandissement de son observatoire, quelques mètres plus loin à 4350m (voir l'évocation de l'œuvre scientifique de Joseph et Henri Vallot dans La Montagne & Alpinisme n°2/1998).
Les travaux de deux cousins seront poursuivis par Charles Vallot - fils d'Henri - par la production en 1925 d'une encyclopédie consacrée à la partie française du massif du Mont-Blanc. Une description précise, fidèle et complète de ces montagnes « dans quelque ordre d'idées que ce soit géographique, humain, historique, littéraire ».
1890 - Une ascension particulière
L'astronome Jules Janssen, physiquement diminué, installé sur un traineau, est tracté par douze Guides au sommet du Mont Blanc, par l'itinéraire de l'arête des Bosses pour une ascension à but scientifique.
C'est la plus invraisemblable ascension de la montagne. Janssen aura la simplicité d'affirmer : « Je suis le premier à être parvenu au sommet sans avoir eu à faire aucun effort corporel, il paraît que je suis également le seul qui ai joui de l'intégrité de ses facultés intellectuelles ».

L'éphémère observatoire au sommet du Mont Blanc
1891 - Un observatoire au sommet du Mont Blanc
Dans un climat de concurrence exacerbée, dans le but de devancer les travaux de Joseph Vallot, et malgré les remarques avisées de celui-ci, concernant la pérennité de l'installation, Jules Janssen fait construire en 1891 un observatoire directement au sommet du Mont Blanc. Inauguré en 1893, on constatera rapidement sa lente et inexorable plongée dans les glaces. En 1905, dans un entêtement inutile, une annexe est ajoutée et servira de refuge à 4810m avec 22 couchages.
Mais dès 1909, presque entièrement pris par les glaces, l'ouvrage dans son ensemble sera démonté et servira en partie de bois de chauffage pour l'observatoire Vallot.
1903 - La Commission de Topographie et le Service Géographique des Armées
Dans les premières années du XXe siècle, l'état-major des Armées et les montagnards partagent une préoccupation commune concernant les insuffisances, voire les erreurs, en matière de cartographie des Alpes ou des Pyrénées. Les premières cartes, représentant correctement le massif du Mont-Blanc dans son ensemble, ne datent que de 1865 et 1867.
Le Service Géographique des Armées créé en 1887 est issu du très ancien bureau de cartographie et d'archives à intérêt militaire de l'armée française.
C'est un corps d'ingénieurs géographes militaires, à l'origine tous polytechniciens, qui s'illustrèrent dans les travaux de cartographie de la France au début du XIXe siècle, en entreprenant des ascensions remarquables pour la triangulation des Pyrénées puis des Alpes (voir le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914 / Les officiers géographes de la carte de France).
Dans les Pyrénées les travaux de géodésie se déroulent dès 1825, et pour les Alpes les levés commencèrent en 1828, cela ne concerne pas la Savoie encore dans les États sardes, la carte dite d'état-major, à l'échelle 1/80 000e, sera publiée à partir de 1866 et jusqu'en 1875.
Une longue collaboration s'établira, entre le Club Alpin, ses différentes composantes scientifiques, et le Service Géographique des Armées, pour la cartographie des montagnes.
En 1903, à l'initiative du lieutenant-colonel du Génie F. Prudent (alors capitaine), un groupe de travail est réuni. Il rassemble des géodésiens et des alpinistes-topographes, avec entre autres personnalités Joseph et Henri Vallot, Franz Schrader, Paul Helbronner.
À la suggestion d'Henri Vallot, cette entité intègre en 1903 le Club Alpin Français, sous la dénomination de « Commission de topographie » (1903-1914). « Malgré son titre un peu restrictif, cette commission s'est occupée de la plupart des études scientifiques que l'on peut avoir à envisager pour la connaissance des régions montagneuses. » note Léon Maury.
La Commission de topographie du Club Alpin jouera un rôle appréciable notamment pour la formation aux techniques des relevés en terrain difficile, l'amélioration des méthodes et des matériels de topographie en montagne, la toponymie et l'analyse critique des épreuves.
< Voir : L'œuvre scientifique du Club Alpin Français (1874-1922), textes recueillis, mis en ordre et annotés par Léon Maury, 1936 ; accessible sur le site gallica de la Bibliothèque Nationale.
< Voir : Histoire d'une parenthèse cartographique - Nicolas Guilhot, thèse de 2005, Université Lumière Lyon 2.
La désignation des lieux de montagne
Dans ces années-là, la toponymie alpine, la désignation des lieux de montagne, est dans un état chaotique : « dissémination des renseignements, désaccords fréquents entre les intéressés, difficultés d'interprétation provenant de l'imprécision des auteurs, erreurs d'identification ».
Ce qui va conduire Henri Vallot à produire une contribution : « Des noms nouveaux en haute montagne » dans la revue La Montagne 1909 (voir le dossier du CFD : Le Comite scientifique du Club Alpin / La désignation des lieux de montagne).
Déjà en 1906 dans les Pyrénées, une Commission de la « Fédération des Sociétés Pyrénéennes » s'était chargée de définir « pour chaque lieu la dénomination et l'orthographe de nom qu'il convient d'adopter et d'inscrire sur les cartes ».
C'est dans les Alpes que le travail devait être poursuivi.
La Commission de topographie du Club Alpin, et plus tard les rédacteurs des guides-itinéraires des années 1920 à 1950, en lien avec le service de cartographie des Armées, puis avec l'IGN, apporteront de nécessaires stabilisations et cristallisations dans la désignation des noms des lieux de montagne, en restant dans un cadre national…
Ensuite une fois la cartographie figée, il restera de n'introduire que le minimum de changements compatibles avec la vérité reconnue, en tenant compte de l'état des choses établi par l'usage, car « en matière de toponymie, il y a des courants que l'on ne remonte pas ».
Pour les crêtes frontalières, les répertoires, proposés par les rédacteurs de guides-itinéraires et par les cartographes des différents pays alpins, ne concorderont pas souvent. Le travail de coordination de 1995 ne pourra que constater l'impossibilité d'avancer sur la toponymie des arêtes mitoyennes, en venant buter sur les différentes frontières entre les pays, sur certaines limites de régions ou même sur certaines délimitations de zones linguistiques, où chacun restera maître chez lui.
< Voir : Les noms de lieux des montagnes françaises - Léon Maury - 1929 ; accessible sur le site de la Bibliothèque Nationale : http://gallica.bnf.fr
< Voir le dossier du CFD : Le Comité scientifique du Club Alpin / 1995 - Les sommets de plus de 4 000 mètres d'altitude dans les Alpes.
1903 à 1928 - L'ŒUVRE DE PAUL HELBRONNER
Il faut souligner l'immense travail de Paul Helbronner (1871-1938) durant vingt-deux campagnes de relevés de 1903 à 1928, aboutissant à une modélisation géodésique de l'ensemble des Alpes françaises et de la Corse ; une vaste tâche doublée d'un ensemble d'illustrations photographiques exceptionnelles et de panoramas des Alpes remarquables. Une œuvre que le géodésien, alpiniste, topographe et photographe - membre illustre du Club Alpin - réunira en 12 tomes dans sa « Description géométrique détaillée des Alpes Françaises ».
Le Club Alpin rappellera :
« L'énorme tâche entreprise, qui ne vise à rien de moins qu'à procéder à une nouvelle triangulation des Alpes françaises. L'œuvre accomplie jadis par de nombreuses missions de notre corps d'état-major, M. Helbronner, armé de nouvelles méthodes, la reprend seul pour et à son compte : labeur effrayant, mais qu'il conduit avec ce bonheur qui ne favorise que les audacieux. Chaque été vous le voyez, loin des siens, campé sur nos cimes les plus ardues, debout dès l'aube, opérant des visées, prenant des photographies, employant les heures de pluie à avancer ses calculs et ne perdant jamais un instant de vue le but final ».
1903 - La Commission des travaux en montagne et des Guides
Dans son organisation interne, le Club Alpin installe en 1903, et jusqu'à la Grande Guerre, une double structure :
- celle des travaux en montagne, succédant à la Commission des refuges de 1885, qui deviendra une commission consacrée en 1920.
- celle de la gestion des Compagnie des Guides, qui deviendra une commission consacrée en 1920.
La « Commission des travaux en montagne » va rapidement acquérir une expérience reconnue.
Elle deviendra une des principales structures du Club Alpin, chargée de gérer et de renforcer son patrimoine, ses refuges.
1904 - Un Manuel d'alpinisme
Demandé dès 1900, au cours du Congrès international, un ouvrage portant sur les notions et les règles nécessaires pour aborder la montagne est proposé par Maurice Paillon (1855-1938) en 1904.
Le Manuel d'alpinisme, éditeur Lucien Laveur, recevra le patronage de Club Alpin. Il comprend une partie scientifique écrite par les érudits de l'association, et une section technique, proposant les bonnes façons de faire, rédigée par différents montagnards expérimentés.
Concernant le matériel, notons que les cordes, les piolets, les crampons sont abondamment décrits, et que les crochets de muraille sont évoqués.
Au sujet de l'alpinisme autonome le manuel est explicite et prudent :
« Cette question, qui a donné lieu à des discussions passionnées, nous semble aujourd'hui résolue par l'usage. Les courses sans guide se multiplient de plus en plus. Il est donc utile de faire ressortir leurs risques particuliers et disons-le aussi, leurs avantages. Mais prévenons tout de suite le novice qu'elles doivent être entourées de telles garanties de science alpine et d'expérience, qu'elles ne doivent être abordées que par des touristes possédant les qualités morales et physiques et ayant acquis par l'entraînement une connaissance complète de la technique alpine. Dans la haute montagne, les courses sans guide doivent donc être l'apanage du nombre encore minime des amateurs qui valent des professionnels ».
Par soucis d'élégance, ce manuel de propagande de l'alpinisme ne recevra qu'un faible éclairage dans la revue La Montagne de 1905 et après, car conduite par le même Maurice Paillon, rédacteur en chef.
Autre temps, autres mœurs…
1904-1910 - LE MÉTIER DE GUIDE
Un règlement général
En 1904, le Club Alpin décide d'étendre, à toutes les régions françaises de montagne, son organisation des Guides et Porteurs et adopte - en commun avec la Société des Touristes du Dauphiné au niveau régional - un règlement général sur la reconnaissance de la fonction de Guide de montagne, en unifiant les usages, jusqu'alors établis dans les différentes vallées de montagne, avec encore quelques palabres et anicroches.
En 1904, des Compagnies - tel que le « Syndicat des Guides de Saint-Gervais » - adoptent ce règlement et intègrent le Club Alpin.
Après quelques débats et concertations, cette réglementation nationale de la profession de Guide est publiée, entérinée par les pouvoirs publics, et le Club Alpin en sera le délégataire jusqu'en 1940 :
- « les Guides et Porteurs sont nommés dans les centres alpins et parmi les habitants de ces centres ».
- on devenait Guide après avoir été Porteur et attesté de certaines qualités.
- un brevet de Guide de montagne, de Guide de haute montagne ou de Porteur qualifie les titulaires.
- la publication de la liste des « Guides et Porteurs » brevetés par le Club Alpin ou par la STD « avec le port d'un insigne comme nos gardes champêtres » permet d'éviter l'écueil du guide marron.
- un « Carnet de Guide » est délivré aux ayants droit, où le touriste portait ses appréciations. Il sera souvent la seule garantie de la prestation à venir...
- en 1905, création de la Caisse de secours des Guides et Porteurs.
Le 4 février 1910, après encore des discussions principalement conditionnées par les intérêts économiques des Guides, l'accord de 1904 est parachevé dans le document :
« Entente entre la Société des Touristes du Dauphiné et le Club Alpin Français relative à l'organisation des Guides et Porteurs dans les départements de l'Isère, de la Drôme des Hautes Alpes et dans la vallée des Arves ».
Dans les vallées de ces départements, la Société des Touristes du Dauphiné maintiendra son influence jusqu'à la Seconde guerre mondiale.
Mais pas un mot sur une formation et un contrôle des capacités.
La bonne façon de faire
- Jusqu'en 1920 et un peu plus tard, la bonne façon de faire, prônée par Club Alpin, restera - pour l'excursionnisme alpin et l'alpinisme - de marcher sous la conduite de Guides, qui étaient censés (par tradition souvent familiale) connaître la montagne, les techniques et les dangers.
Le prix des prestations
Le prix élevé des prestations guidées ne favorisera pas une pratique populaire de l'alpinisme, qui restera une activité élitiste, avant le développement de l'autonomie.
1893 à 1914 - LES REFUGES CONSTRUITS
1893 - Le refuge Vallot, 4362m
1894 - Le refuge de l'Aigoual, 1555m
1894 - Le refuge Évariste Chancel, 2508m
1895 - Le chalet-hôtel de Bonneval-sur-Arc, 1810m
1895 - Le refuge du Lac Noir, 2800m
1895 - Le refuge Packe, 2495m
1896 - Le refuge Lyon-Républicain, vers 2600m
1896 - La cabane du Col du Midi, 3555m
1896 - Le refuge de Prat Long, 1900m
1896 - Le chalet-refuge de la Sausse, 2270m
1897 - Le refuge du Clot-Xavier Blanc, 1440m
1897 - Le refuge des Grands Mulets, 3051m
1897 - Le refuge des Lacs, 2650m
1899 - Un refuge éphémère : le refuge de l'Aiguille, 1773m
1899 - Le refuge de Bayssellance, 2651m
1899 - Le refuge César Durand, 2171m
1899 - Le chalet des Cortalets, 2150m
1899 - Le refuge Durier, 3349m
1899 - Le refuge Sauvage, 2250m
1899 - Le refuge-abri du Col du Sautron, 2687m
1900 - Le refuge de la Lavey, 1780m
1901 - Le refuge du Promontoire, 3092m
1902 - Le refuge Ballif-Viso, 2460m
1902 - Le refuge Nice, 2250m
1902 - Le refuge Félix Faure du Col de la Vanoise, 2515m
1903 - Le refuge Caron, 3175m
1903 - Le refuge Cézanne, 1874m
1904 - Le refuge de la Charpoua, 2841m
1904 - Le premier refuge du Couvercle, 2687m
1905 - Le refuge d'Arrémoulit, 2300m
1905 - Un refuge éphémère au sommet du Mont Blanc
1905 - Le refuge du lac de Rabuons, 2540m
1906 - Le refuge de l'Aiguille du Goûter, 3817m
1906 - Le refuge du Jardin d'Argentière, 2822m
1907 - Le refuge des Évettes, 2590m
1910 - Le chalet-hôtel de Lente, 1090m
1911 - Le refuge de l'Aigle, 3450m
1911 - Le refuge du Couvercle, 2687m
1911 - La grotte Gaurier vers 2700m
1911 - Le chalet du Recoin, 1620m
1913 - Le refuge du lac Blanc, 2500m
1913 - Le refuge-hôtel du Glandon, 1912m
1913 - Le refuge du Grand Ventron, 1150m
1913 - Le refuge du Huss, 1160m
1913 - Le chalet d'Orédon, 1880m
1913 - Le refuge de la Vogealle, 1860m
1914 - Le refuge de la Dent d'Oche, 2150m
< Voir un historique dans le dossier du CFD : L'aménagement de la montagne et les Refuges.
Insigne et devise
En 1903, la devise du Club Alpin devient « Pour la Patrie par la Montagne », signe du fort sentiment patriotique qui animait l'association, et un nouvel insigne - dessiné par Ernest Brunnarius et achevé par Franz Schrader - est proposé, avec la Meije comme emblème.
< Voir le dossier du CFD : Les origines du Club Alpin Français / Insigne et devise.
- La devise du Club Alpin « Pour la Patrie par la Montagne » sera régulièrement mise en exergue avant la Grande Guerre, dans dans l'Entre-deux-guerres, et au moment des événements précédant la défaite de 1940, elle perdra ensuite peu à peu son usage, pour être finalement abandonnée dans la seconde partie du XXe siècle. Dans les articles évoquant le centenaire du Club Alpin, il n'est plus fait état de cette proclamation, sauf dans des évocations historiques.
De timides contributions à l'enseignement alpin
< En 1904, un « Brevet d'alpinisme » est créé.
< La même année, publication du « Manuel d'alpinisme » déjà évoqué.
< En 1911, un « Carnet de l'alpiniste » est proposé.
De bien modestes contributions. L'enseignement alpin ne commencera à être sérieusement pris en compte qu'en 1922, et d'une façon plus approfondie qu'après la Seconde Guerre mondiale.
1904-1905 - UN SEUL TITRE : LA MONTAGNE
En 1904-1905, les deux publications - l'« Annuaire du Club Alpin » et le « Bulletin Trimestriel » - vont être réunies dans un seul titre se voulant mensuel : « La Montagne ».
Pour le Comité de rédaction, avec Maurice Paillon comme rédacteur en chef, il fallait conserver les contributions à caractère scientifique, littéraire ou culturel de l'inclinaison traditionnelle, savante, touristique et mondaine, tout en s'ouvrant peu à peu aux promoteurs d'un alpinisme sportif.
La confrontation entre ces deux orientations - pas toujours à fleurets mouchetés - continuera durant de nombreuses années.
L'ambition était de « maintenir la tradition d'un passé qui mérite le respect, et développer le caractère universel de la publication », et aussi permettre l'émergence de la pluralité des points de vue.
La publication dans les premières années du XXe siècle
La revue La Montagne est mensuelle et foisonne d'informations et d'articles dévoilant les montagnes : récits de courses et d'excursions, relations de voyages, et aussi essor du ski et œuvre bâtie. Une chronique alpine commence à être proposée.
Mais les auteurs des comptes rendus d'ascension - presque toujours conduits par des Guides - auront beaucoup de difficultés à fournir des informations utiles pour une future ascension, cherchant surtout à transmettre des descriptions topographiques, des impressions et des états d'âme.
Le récit d'Henri Mettrier, relatant la première traversée du Col du Pelvoux, avec ses Guides Eugène Estienne et Jean-Pierre Engilberge le 23 juillet 1909, occupera 30 pages du magazine, un article d'une belle plume, sans pour autant offrir une description et des évaluations techniques précises de l'ascension, utilisables pour de futures initiatives.
À ce moment-là, plusieurs commerces spécialisés s'annonceront dans La Montagne.
1905 - Un engagement affirmé pour la protection de l'espace montagnard
Mais déjà les aménagements excessifs de l'espace montagnard sont soulignés et une prise de conscience progressera lentement, dans un environnement d'industrialisation à marche forcée.
En 1905, à l'occasion du banquet annuel, le président du Club Alpin Ernest Caron, devant les représentants des Sociétés des chemins de fer et de l'État, souligne :
« Vos projets m'effraient un peu... que vous nous conduisiez à la montagne c'est fort bien mais, qu'empiétant sur notre domaine, vous vouliez faire grimper aussi vos trains sur la montagne, voila qui est excessif et qui soulève la tempête... ce sera un grand dommage en vérité ».
C'est une nouvelle étape dans le long processus, qui conduira le Club Alpin à s'engager plus fortement, dans la protection de l'espace montagnard.
Les dirigeants des Sociétés des chemins de fer sont au côté de l'association depuis sa création, c'est le chemin de fer qui permettait de se rendre en montagne.
Les liens entre la librairie Hachette, avec les Compagnies de chemin de fer en développement, et les premiers responsables du Club Alpin sont bien perceptibles. La librairie Hachette propose ses guides du voyageur, accessibles dans toutes les gares, inspirés des ouvrages anglais et allemand, puis ses guides Joanne qui deviendront les guides bleus en 1919.
L'ESSOR DU TOURISME
L'approche des montagnes par le chemin de fer
C'est le train surtout qui va conduire les touristes et les alpinistes de la plaine vers les montagnes.
Les Compagnies de chemins de fer, développant leurs réseaux, assisteront longtemps le Club Alpin et le Touring Club, avec leurs aides technique et financière, notamment et principalement la société PLM.
- En 1858, Genève est reliée à Paris par la voie ferrée.
< Le train dans les Alpes du nord :
- Le 15 juin 1890, le chemin de fer PLM arrive à Cluses.
- En 1898, le tronçon Cluses-le Fayet est ouvert.
- Le 12 juillet 1901, la ligne à voie métrique et électrifiée, menant à Chamonix depuis le Fayet, est inaugurée. Le train desservira Chamonix en hiver dès 1907.
- Le 1er juillet 1908, la communication, avec la vallée du Rhône, Martigny et le Simplon par le Fayet, est possible, ce qui offrait un avenir exceptionnel à la vallée de l'Arve.
- En 1856, la Maurienne est atteinte par le chemin de fer jusqu'à Saint-Jean.
- Modane sera reliée en 1868, le tunnel de Fréjus sera percé en 1871 vers l'Italie.
- En 1892, la Tarentaise est atteignable jusqu'à Moûtiers, et en 1913 jusqu'à Bourg-Saint-Maurice.
< Le train dans les Alpes du sud :
- Le 15 septembre 1884, Briançon devient accessible par le rail.
- En 1908, la Compagnie des chemins de fer du Sud inaugure le tronçon Digne-Annot, qui permet depuis Grenoble de rejoindre Nice et les montagnes des Alpes-Maritimes.
< Le train dans le sud-ouest du pays
- Il viendra rendre plus commode l'accès aux montagnes des Pyrénées.
Les services automobiles
< En 1835, il fallait encore 7 h de voyage pour parvenir à Chamonix depuis Sallanches, à dos de mulet ou en char à bancs, par un mauvais chemin. En 1867, la route nationale est accessible aux diligences.
< En 1876, un service régulier de diligences relie Grenoble à Briançon, en plus de 15 h. Un autre service rattache Gap à Briançon en 10 h.
Dans les premières années du XXe siècle, sur les routes de montagne, la substitution progressive de la traction hippomobile par des services automobiles est achevée.
Des liaisons automobiles, par autocars et voitures, desservent peu à peu les vallées alpines, pyrénéennes et autres, depuis les gares des chemins de fer.
De la gare du Fayet, on va par un service d'été à Évian, Albertville, aux Contamines, à Thônes par le Col des Aravis, correspondance pour Annecy.
En 1913, un service automobile permet d'atteindre le Grand-Bornand et la Clusaz, depuis Thônes toute l'année.
Dans les Hautes Alpes, depuis Gap le Col Bayard est franchi même en hiver pour desservir St Bonnet et Orcières. Gap est relié à Barcelonnette par un service régulier d'autocars.
La route rejoint la Bérarde en 1921.
Même croissance du service routier dans les Pyrénées.
L'accueil hôtelier
Depuis les dernières années du XIXe siècle, le Club Alpin a été le premier à encourager l'accueil hôtelier dans les zones de montagne, peu développé à part dans les stations thermales et les sites touristiques de Chamonix et Gavarnie, puis sont venues les actions du Touring Club de France et des Syndicats d'initiative des régions de tourisme.
En 1904, le Congrès de l'industrie hôtelière recommande la création de petits hôtels de montagne en demandant que les acteurs économiques « favorisent, appuient et provoquent la fondation de nouveaux hôtels dans les contrées où les sites sont particulièrement remarquables au point de vue du tourisme ».
En 1905, accompagnant un tourisme en expansion, et sur le modèle des Syndicats d'initiative de Savoie et Haute Savoie, le Syndicat d'initiative des Pyrénées organise les déplacements entre Lourdes et Gavarnie.
1905 - Un Office du tourisme à Pralognan
Un Office du tourisme s'installe à Pralognan, aidé par la société PLM et par le Club Alpin. C'est pour les touristes un bureau de renseignements gratuits « indépendant des hôtels et des intérêts particuliers », car des concurrences hôtelières féroces divisaient et perturbaient certains centres alpins « au grand détriment du voyageur ».
L'Office sert aussi de bureau de correspondance du chemin de fer PLM arrivant à Moûtiers, avec des services de cars.
C'est là que sont proposés les engagements des Guides et Porteurs, et le service muletier conduisant vers les refuges, les cols et les sites remarquables.
Ce sera un modèle pour un développement raisonné des centres alpins.
1906 - LES RESTAURATIONS DES TERRAINS DE MONTAGNE
La principale préoccupation de notre association à la fin du XIXe siècle, concernant la défense du milieu naturel, sera la reforestation des espaces alpins.
Il est déclaré ceci :
« Parmi les choses de la montagne, l'une des plus importantes est le reboisement ». Autrefois les montagnes étaient couvertes de forêts, « mais le pasteur est venu, abusant du droit de pacage, ruinant le sol, dévastant les gazons ; le bûcheron est arrivé à son tour, faisant rouler au fond des vallées les colonnes gigantesques des sapins, et enlevant à la montagne sa belle chevelure ; enfin, là où le berger et le bûcheron avaient laissé quelque chose, l'incendie a fait son apparition ; alors des cataclysmes se sont produits et se produisent sans cesse ! ».
Les chroniques sont nombreuses, signalant les torrents de boue et de pierres et les avalanches durant l'hiver, ruinant les villages, les habitations et les installations.
« Le Club Alpin ne pouvait rester insensible à un tel état de choses et, des premiers, il a entrepris en faveur du reboisement une énergique campagne ».
Il a ainsi contribué aux reboisements du Col de la Croix Haute, des Borels, du Vercors, du Ventoux ; des travaux furent exécutés au Riou Bourdoux, au Dévoluy et les résultats obtenus sont très encourageants.
Avec le nouveau siècle, une vigoureuse action est menée par l'« Association pour l'aménagement des montagnes », avec l'appui du Touring Club, du Club Alpin et de la presse, elle aboutit au vote de la loi du 12 juillet 1906, portant d'utilité publique les travaux de restauration et de conservation des terrains de montagne intéressant la Drôme, l'Isère, l'Ardèche, le Vaucluse, les Basses-Alpes, la Savoie, la Haute Savoie et les Pyrénées (sentiers, ensemencements, clayonnage, barrages, digues, reboisement).
« Une loi déclarant à tous que le reboisement des montagnes est une question non pas seulement artistique, mais bien d'une portée plus haute, plus complexe, plus grave, touchant à la prospérité de nos cultures, à la régularisation de nos cours d'eau, à la sécurité de nos villages ».
Les opérations de reboisement des montagnes de France seront l'œuvre des forestiers de l'administration des Eaux et Forêts, qui sont les bras armés de l'État.
1906 - LA LOI BEAUQUIER ET LES COMMISSIONS DES SITES ET DES MONUMENTS NATURELS
En 1906, une loi Beauquier instaure des « Commissions des sites et des monuments naturels » chargées de préserver des territoires remarquables, au nom de l'intérêt général, pour éviter des aménagements industriels pouvant générer des atteintes au milieu naturel.
En 1907, Pierre Puiseux se livre dans La Montagne à une diatribe contre la construction du chemin de fer de la Jungfrau en Suisse : « ces machines sont des vers rongeurs dont rien n'assouvit la voracité. Les points de vue ne leur suffisent pas, ce sont les sommets qu'ils veulent ».
En 1910, le Club Alpin se prononce en faveur de la création de « Réserves ou Parcs nationaux en pays de montagne ».
En 1913, il s'inscrit comme membre à vie de l'« Association des Parcs nationaux de France » qui demeurera pour un long moment une coquille vide.
1906 - Une carte au 1/50 000e
En 1906, Henri Vallot annonce la sortie de la carte de France au 1/50 000e en monochrome, par le Service Géographique des Armées (voir le dossier du CFD : Les Cartes géographiques).
1906 - La dénomination des lieux dans les Pyrénées
Déjà en 1906 dans les Pyrénées, une Commission de la Fédération des Sociétés Pyrénéennes est chargée de définir « pour chaque lieu la dénomination et l'orthographe de nom qu'il convient d'adopter et d'inscrire sur les cartes ». C'est dans les Alpes que le nécessaire travail de recherche et de partage devra être poursuivi, il prendra beaucoup de temps, sans aboutir pour les sommets situés en frontière entre les pays, les régions et les limites linguistiques (voir le dossier du CFD : Le Comité scientifique du Club Alpin / 1995 - Les sommets de plus de 4 000 mètres d'altitude dans les Alpes).
1907 - Le Col de la Traversette
Le Col de la Traversette était un passage fréquenté entre le Queyras et la haute vallée du Pô. Un tunnel sommaire avait été creusé en 1480, réparé en 1525, avec accès par un large sentier muletier.
Le tunnel abandonné et obstrué est remis en état par nos voisins italiens, ce sera l'occasion d'une réunion amicale le 25 août 1907 avec les associations nationales : Club Alpin, Touristes du Dauphiné et Excursionnistes Marseillais. Ce tunnel long de 75m, situé sous le col, est très utile en cas de tourmente et d'enneigement.
1907 - Jalonnement des sentiers
Les sentiers des forêts domaniales de Lente et du Vercors sont balisés avec des marques de peinture, par la Section de la Drôme du Club Alpin, en reprenant la technique de balisage du sylvain Claude François Denecourt en forêt de Fontainebleau, dès l'aube du XIXe siècle, et déjà utilisée dans les pays voisins.
1909 - La politique d'équipement du Club Alpin
En 1909, le Club Alpin poursuit sa politique d'équipement de la montagne :
< En s'associant avec la Société des Touristes du Dauphiné et le Touring Club de France, pour une contribution financière concernant la route de Bourg d'Aru à la Bérarde, qui comblera la partie municipale de la dépense, que la commune de Saint-Christophe-en-Oisans n'est pas en mesure d'assumer. La route de Saint-Christophe est ouverte en 1896, la Bérarde sera atteinte en 1921.
< En s'engageant pour la réalisation d'une route vers l'Italie, par la haute vallée du Queyras, qui franchirait le Col de la Traversette en 1906, ou le Col Lacroix en 1909, des projets qui s'enliseront et resurgiront dans les années 1920, pour être finalement et heureusement abandonnés.
1904-1914 - LE DÉVELOPPEMENT DU SKI EN FRANCE
En 1904, campagne du Club Alpin pour les villégiatures d'hiver en France… Premier programme d'excursions collectives à skis par la Section de Paris (voir le dossier du CFD : La pratique hivernale de la montagne).
Le Club Alpin accentue sa propagande pour le ski, une discipline en plein développement chez nos voisins alpins.
Pendant les hivers 1906-1907 et 1907-1908, pour la diffusion de ce nouveau sport - totalement inconnu en France -, notre association va consacrer un financement pour la fabrication et la dotation de skis aux populations montagnardes.
1907 - Le premier Concours international de ski de Montgenève
En 1907, le Club Alpin organise les 11 et 12 février un premier Concours international de ski à Montgenèvre, avec la participation des Écoles militaires de ski du Dauphiné et de la Savoie, et la présence des étonnants et talentueux skieurs venus de Norvège.
La manifestation, projetée à l'origine au Col du Lautaret, est finalement déplacée à Montgenèvre, pour le confort des participants et les facilités d'organisation, avec la proximité avec la ville de Briançon.
C'est un succès populaire qui incite le CAF à s'engager résolument « dans le développement du sport du ski ».
Dans le but d'intéresser le grand public aux sports d'hiver, le club organisera :
« Une grande manifestation sportive annuelle qui se tiendra dans les principales régions montagneuses de France, devant les autorités administratives et militaires, les représentants politiques, d'officiers et de soldats étrangers et de nombreux touristes accourus de tous les points du pays ».
Promoteur principal en France, le Club Alpin va consacrer beaucoup d'énergie à l'essor du ski, et dès lors les skieurs vont venir grossir ses rangs, notamment dans les Sections proches des montagnes.
La Commission des sports d'hiver
La « Commission des sports d'hiver » du Club Alpin est mise en place le 6 mars 1907, par la Direction centrale, elle aura rapidement une forte influence, et sera une des composantes principales de l'institution.
1907 - LE CLUB ALPIN FÉDÈRE ET RÉGLEMENTE LE SKI.
À la fin de l'année 1907, l'« Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques », qui coordonne les activités sportives au niveau de l'État, attribue au Club Alpin Français le pouvoir confédératif et réglementaire du ski.
De nombreux Groupes de skieurs vont se rapprocher du Club Alpin, en tant que « Sociétés affiliées », d'abord la Société de ski du Dauphiné dès 1907, et ensuite quarante-six autres Clubs de ski entre 1908 et 1909, ce qui va accroître considérablement le rayonnement de l'association.
Chaque année le concours international de ski est organisé, en 1908 à Chamonix, en 1909 à Morez, en 1910 aux Eaux-Bonnes et Cauterets, en 1911 au Lioran, en 1912 à Chamonix, en 1913 à Gérardmer, en 1914 à Briançon, mais faute de neige des courses de substitutions seront organisées à Chamonix (voir le dossier du CFD : La pratique hivernale de la montagne).
L'aménagement de la montagne hivernale
Ce sont les prémices de l'aménagement de la montagne d'hiver pour le ski et les sports de neige. Un développement qui connaîtra un paroxysme dans les années 1960.
LA FORTE IMPLICATION DU CLUB
Des rassemblements et des concours sont organisés dans les différents massifs montagneux : Vosges, Jura, Alpes de nord, du sud, Massif central et Pyrénées.
< En 1909, pour étendre la diffusion du ski, le Club Alpin édite un Manuel de ski montrant la fabrication « à bon marché » des skis et ses utilisations, plus de 10 000 plaquettes sont diffusées dans toute la France, des paires de skis sont distribuées ou cédées à moindre prix aux initiateurs zélés.
< Un Règlement général unifié, pour les compétitions de ski, est instauré.
< En 1909, un Syndicat d'initiative se forme à Briançon, en partie avec des éléments de la Section locale du Club Alpin.
< En 1909, l'extension considérable de la fréquentation estivale, et surtout hivernale de la montagne, a vu la création de petites associations à cotisation minime et à rayon d'action localisé. Le Club Alpin, avec sa proposition d'affilier les multiples petites sociétés qui le désirent, en leur conservant leur autonomie et leurs actions locales, va conduire l'essor du ski en France.
< En 1910, la « Commission des sports d'hiver » décide de créer un refuge gardé l'hiver pour les skieurs. Le site de Chamrousse est choisi, et en octobre 1911 le chalet du Recoin est ouvert, il offre 30 couchages.
< En 1910, création d'un Ski-Club, par la Section de Paris du Club Alpin.
Un club pluridisciplinaire
Avec l'apport de ses nouveaux membres attirés par les sports d'hiver, le Club Alpin va être désormais composé des excursionnistes, des skieurs, des scientifiques, de ceux qui ont un simple intérêt pour l'univers alpin, et d'un nombre plus limité d'alpinistes.
Redisons que l'importance en nombre des excursionnistes et des skieurs sera déterminante dans les orientations, et les actions futures, de notre institution.
1904 à 1909 - Des projets d'équipements à tout-va
De toutes parts des projets d'équipements de la montagne voient le jour.
1904 - Le tramway du Mont Blanc
Dans le massif du Mont-Blanc, une concession est accordée pour la construction d'un chemin de fer conduisant vers le Mont Blanc, depuis le Fayet-Saint-Gervais. Le Tramway du Mont Blanc (TMB) atteindra le Col de Voza, 1853m en 1909. La ligne s'arrêtera au Nid d'Aigle, 2372m en 1912.
Le projet initial qui prévoyait d'accéder au Dôme du Goûter et au sommet du Mont Blanc sera abandonné.
1909 - Le train du Montenvers
Dans le massif du Mont-Blanc, la visite du site touristique du Montenvers, 1913m dominant le glacier des Bois - la Mer de Glace - était une excursion prisée dès la fin du XVIIIe siècle. En 1880, inauguration du Grand Hôtel du Montenvers, où les touristes sont conduits à dos de mulets et à chaises à porteurs.
Un projet de construction d'une voie ferrée, pour atteindre le site remarquable, est proposé en 1892 et rencontre l'opposition violente de la petite industrie, constituée autour la visite du site, et de la population locale.
Il faudra l'intervention des Gendarmes pour permettre les travaux qui s'étaleront de 1906 à 1908.
En 1909, « le train à vapeur sur la ligne à crémaillère conduit depuis Chamonix les touristes en 55 minutes jusqu'à l'hôtel et les merveilles de la Mer de Glace ».
Son électrification sera réalisée en 1954.
1909 - Un projet de téléphérique
Dans le massif du Mont-Blanc, un premier projet de téléphérique, voulant relier Chamonix au Col du Midi d'abord, avec la construction d'un chalet hôtel, puis atteindre l'Aiguille du Midi, voit un commencement de réalisation.
Il n'entrera en service qu'en 1927, au départ du village des Pèlerins, sans dépasser la station des Glaciers, 2414m. Le Col du Midi vers 3593m ne sera rejoint que par un câble de service en 1940, et les travaux seront ensuite abandonnés.
1910 - L'assainissement dans les centres alpins
En 1910, le Club Alpin se livre à une propagande discrète, mais régulière et appuyée, pour la captation et l'adduction des eaux consommables dans les centres alpins. Ceux-ci offraient souvent une eau polluée, par la proximité animale, dans les villages et les pâturages.
Le Club Alpin demande à Édouard-Alfred Martel, éminent membre de l'association et collaborateur de la revue, d'exposer les règles de surveillance par un article « La protection des eaux potables » qui sera publié en 1911 dans La Montagne (voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne /1910 - L'assainissement dans les centres alpins).
1910 - Création de l'« Office national du tourisme »
L'« Office national du tourisme » sera l'organisme d'État chargé de contrôler les activités touristiques et d'encourager leurs développements.
Il est créé le 8 avril 1910, et comprend les fonctionnaires des principales administrations publiques, les représentants des associations de tourisme, les compagnies de transports, les syndicats d'initiative. C'est par lui que passeront plus tard les incitations financières de l'État.
Une association de multiactivité
Le Club Alpin s'est régulièrement présenté comme une association de tourisme à part entière, ayant pour objet principal, non pas un sport, mais un vaste domaine d'expression, dont le tourisme qu'il a été le premier à promouvoir dans les zones de montagne.
Cette particularité lui sauvera la vie en 1943.
1910 - LA MANIFESTATION DE PORT-MIOU
En 1907 une carrière, pour l'extraction du calcaire destiné à la fabrication de la soude, est ouverte par l'entreprise Solvay dans la calanque de Port-Miou, située sur la commune de Cassis.
Ce sera un véritable désastre pour le site.
Le 13 mars 1910, une manifestation de protestation se rendra dans la calanque endommagée.
Avec le soutien de la presse locale, près de 2 000 personnes « encadrées par une cinquantaine d'associations quittèrent Marseille à pied, en train et en navire à vapeur pour se rendre dans la calanque de Port-Miou, à proximité de Cassis, et manifester contre l'extension de la carrière de calcaire de Solvay & Cie, au nom de la défense des " beautés naturelles " du littoral provençal ».
C'est la première contestation d'envergure, avec un vrai engouement populaire, pour la préservation des espaces naturels (voir le dossier du CFD : La protection du milieu naturel et de la montagne).
Il faudra attendre 1982 pour que l'exploitation soit définitivement arrêtée, laissant une trace indélébile, une plaie ouverte sur une belle calanque, un témoignage de ce qu'il ne faut plus faire.
1911 - UNE PREMIÈRE PRISE EN COMPTE PAR L'ÉTAT
Sur une proposition de Gaston Berge, président du Club Alpin, deux décisions montrent une première prise en compte par l'État d'un intérêt pour la montagne.
Une première circulaire ministérielle stipule :
« D'importants ouvrages tels que refuges, abris, poteaux indicateurs, tables d'orientation, jardins alpins, etc. ont été exécutés en montagne par diverses associations, Club Alpin, Touring Club, Sociétés de tourisme, en vue de faciliter les excursions dans les régions montagneuses. Il importe de seconder les efforts faits par ces associations.
Ces ouvrages ont le caractère d'être affectés à l'utilité publique ».
La seconde circulaire, par le canal d'un autre ministère, demande aux préfets des départements de montagne de se saisir « de la question de la protection des animaux et des plantes alpestres ».
Ces consignes adressées par le gouvernement aux autorités ministérielles situent bien le rôle essentiel du Club Alpin et des rares structures amies, en ce qui concerne l'intérêt de la société civile pour la préservation de nos montagnes.
Et pour bien comprendre l'époque, on demande à l'État de « seconder » les associations !!
1911 - LA RÉFORME DES STATUTS
Le Club Alpin est contraint de s'adapter, en révisant ses statuts, suite aux réclamations de plusieurs Sections, et à la loi de 1901, concernant les associations, en particulier celles reconnues d'utilité publique, une réforme en débat depuis 1902.
Jean Escarra (1885-1955) évoque, avec humour devant l'Assemblée générale cette lente gestation, « vous n'ignorez pas que le vent de la représentation proportionnelle a soufflé sur nos têtes comme d'autres et plus vastes enceintes… Chez nous aussi, il n'a pas manqué d'apporter un peu d'effervescence ».
La représentation des Sections, dans l'équipe dirigeante du Club, devra être proportionnelle au nombre de ses adhérents.
Et la « Direction centrale » disparaît, pour laisser la place à un « Comité de direction ».
Le problème du secours en montagne
Depuis que les hommes vont en montagne, il a fallu porter assistance aux voyageurs égarés, à l'image souvent dévoyée des Moines de l'Hospice du Col du Grand Saint-Bernard.
Et ce sont évidemment les premiers guides de voyageurs, « les passeurs », qui pourront aller chercher les égarés en montagne, et surtout récupérer les morts.
Puis l'alpinisme est né…
En France, le premier groupement de secouristes date de 1897, « les sauveteurs volontaires du Salève », société installée à Collonges-sous-Salève, avec un rudiment d'administration, des volontaires répertoriés et un « tour de garde du dimanche » pour ce qui concerne les massifs environnants, particulièrement celui du Salève qui a vu un nombre conséquent d'accidents mortels. Certains voisins genevois participaient activement notamment dans le développement de matériel de secours.
En d'autres lieux, ce sont surtout les Guides qui assuraient une assistance au pied levé, avec des moyens d'intervention dérisoires... souvent pour constater les dégâts.
En 1910, un Comité de secours en montagne du Dauphiné est fondé à l'initiative du Syndicat d'initiative de Grenoble, avec un tour de rôle entre la Section de l'Isère du Club Alpin et la Fédération Alpine Dauphinoise.
Une problématique apparaîtra vite : « savoir faire accepter par tous, une discipline et une méthode ».
En 1911, après plusieurs accidents de montagne, ayant connu des péripéties diverses, Th. Thomas produit dans La Montagne un récit et une première critique sur les façons de faire et les insuffisances du secours en montagne (voir le dossier du CFD : Le secours en montagne).
Les Jeux Olympiques
En 1912, à l'occasion des Jeux Olympiques de Stockholm, le Comité Olympique pensait pouvoir décerner une médaille d'or à la plus belle performance - concernant l'ascensionnisme - en demandant aux différents Clubs alpins de faire des propositions, mais devant l'impossibilité d'établir des comparaisons entre les différents exploits, le projet fût rapidement retiré.
L'ascensionniste des temps anciens,
au fond les versants Brenva et est du Mont Blanc
L'ALPINISME AUTONOME
< La première ascension du Mont Blanc en 1786, par Paccard et Balmat, peut entrer dans cette façon de faire.
< Ainsi que les premières initiatives des officiers géographes de la carte de France dès 1825, agissant en service commandé.
< En 1848, Victor Puiseux, qui sera parmi les membres fondateurs du Club Alpin Français, est le précurseur en France d'un alpinisme autonome, le premier à gravir seul un sommet notable des Alpes, le Mont Pelvoux, 3943m, dans l'unique intérêt d'en atteindre le sommet.
< Charles Hudson et Edward Shirley Kennedy effectuent l'ascension du Mont Blanc sans tuteur dès 1855.
< En 1876, le Cervin est gravi sans assistance, par Albert Harold Cawood, John Brise Colgrove, et Arthur Cust.
< Depuis 1876, de nombreuses ascensions sont entreprises en autonomie en Autriche.
< Déjà en 1877, il existait les initiatives remarquées de Victor et Pierre Puiseux : « MM. Puiseux père et fils ajoutent à la valeur de leurs ascensions le mérite de les faire sans Guide », ce furent des avant-gardistes qui en France ne seront pas immédiatement suivis.
< En 1885 déjà, Ludwig Purtscheller, Emil et Otto Zsigmondy avaient réalisé la traversée de la Meije, c'est la plus belle performance de l'alpinisme sans Guide du XIXe siècle.
Dans le même temps, des cordées, agissant en autarcie, apparaissent en Europe. Ils sont les avant-gardistes d'une démarche émancipée, l'alpinisme devient un sport populaire en Bavière, en Autriche et en Suisse.
< Outre-Manche, dès 1892, Albert Frederick Mummery est le principal initiateur d'un alpinisme autonome - sans Guide - et qui le fît savoir (voir le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914).
Le but du jeu
Pour Emil Zsigmondy : « une ascension n'a de sens, de valeur que si le grimpeur la réalise par ses propres moyens ».
« Désormais, rien ne doit venir s'interposer entre l'ascensionniste et la montagne ».
Le but ultime du jeu est de devenir autonome et responsable.
< En 1892, ascension des Grands Charmoz, et traversée de l'Aiguille du Grépon, dans le massif du Mont-Blanc, par Mummery et autres.
< L'année suivante, première de la Dent du Requin et de l'Aiguille du Plan versant Chamonix, par Mummery et autres.
< En 1894, l'arête du Moine de l'Aiguille Verte, la traversée du Cervin et surtout le Mont Blanc versant Brenva, par Mummery et autres sont répétés. Ces initiatives comptent parmi les ascensions les plus probantes d'un alpinisme émancipé naissant.
< Avec les premiers alpinistes autonomes français, il faut citer Ernest Thorant. Il réalisa de cette façon, avec Henri Chaumat, l'ascension de la face nord du Mont Aiguille, 2085m, le 25 août 1895. Et aussi l'ascension de la Meije avec Auguste Payerne, mais les deux feront malheureusement une chute mortelle durant la descente.
< En 1900, c'est pour Heinrich Pfannl avec Thomas Maischberger et Franz Zimmer, la première ascension sans tuteur de l'arête de Peuterey du Mont Blanc.
< En 1901, les frères Gugliermina inaugurent l'arête du Brouillard et reprennent l'arête de l'Innominata en 1921 sur notre culmen des Alpes.
< En 1905, Hans Pfann et J. Itlinger répètent l'arête de Peuterey, et en 1912 l'arête du Brouillard encore sur le Mont Blanc.
En 1910, La Montagne consacre un article à l'alpinisme sans Guide - mais prudemment pour ne pas choquer - de la main d'un membre influent du Club Alpin Italien.
Car à ce moment-là, la doctrine du Club Alpin recommandait l'excursionnisme cultivé et l'ascensionnisme modéré. Ce qui tenait les montagnards français écartés de l'exploration alpine et d'une démarche sportive.
< Sur le sujet, le Manuel d'alpinisme de 1904 sera explicite : « Cette question, qui a donné lieu à des discussions passionnées, nous semble aujourd'hui résolue par l'usage ».
De ce temps-là, Claudius Joublot fut un autre des rares alpinistes français à parcourir la haute montagne en autonomie. Plus tard rédacteur en chef de la Revue Alpine, il est le premier à porter un intérêt particulier aux grandes ascensions.
Lire aussi l'article : Les débuts de l'alpinisme sans guide français, par Lucien Devies, dans Alpinisme de juin 1941.
Un besoin d'information alpine
Les éléments de documentation sont peu nombreux au XIXe siècle, en dehors des quelques rares descriptions figurant dans les bulletins des associations.
Il est évident que sans renseignement, pas d'émancipation possible ; les Guides conservaient précieusement leurs expériences, qui ne s'échangeaient qu'entre initiés.
Il fallait donc développer l'information alpine.
< En 1863, John Ball publie un guide-itinéraires « Guide to the western Alps », le premier guide suffisamment précis et élaboré des Alpes occidentales.
À la fin du XIXe siècle, les seules documentations accessibles sont :
< Un premier petit guide-itinéraires pour les alpinistes, « Zermatt Pocket-Book », édité à Londres en 1881 par Martin Conway, avec la collaboration de W. A. B. Coolidge.
< Un premier ouvrage plus complet est vraiment précurseur, le « Guide du Haut Dauphiné », par W.A.B. Coolidge, Henry Duhamel et Félix Perrin. Libraire-éditeur Alexandre Gratier à Grenoble en 1887 et 1890, éditions anglaise, en 1892 et 1905, allemande, en 1913 et italienne, en 1917.
C'est un guide-itinéraire remarquable avec une cartographie étendue et une bibliographie particulièrement abondante.
< La série des « Climbers' Guides, éditée à Londres, date de 1891.
< Le « guide-itinéraire de la chaîne du Mont Blanc », par le Suisse Louis Kurz (1854-1942), publié en 1892, augmenté en 1914 aux Éditions Payot. Une troisième édition revue et mise à jour par Marcel Kurz (1887-1957) sera proposée en 1927, puis une quatrième édition refondue en 1935.
< Le « Mont Blanc führer », de 1913 par Reuschel, Martin et Weitzenböck du Club Alpin Autrichien, en langue allemande, traduit en français par des membres du GHM en 1922....
< Des « guides-itinéraires pour l'alpiniste » commenceront à être proposés par Émile Gaillard, en 1912 aux Éditions Dardel, dévoilant des approches intéressant les excursionnistes et les alpinistes.
Dans la limite de ce travail, il n'est question que de la documentation concernant le territoire national.
La Revue Alpine
Redisons que la publication de la Section lyonnaise est bien plus qu'un simple bulletin régional. Depuis 1894, la Revue Alpine est une œuvre d'intérêt général, qui en fait une grande valeur documentaire.
Déjà la revue nationale du Club Alpin La Montagne de 1905 signale sa pertinence.
1908 - Le Groupe des Rochassiers
Déjà en 1908, peut-être 1906, des grimpeurs fréquentent régulièrement les massifs de rochers de la forêt de Fontainebleau, dans le but de s'initier et de s'entraîner à l'escalade, ils se retrouvent au sein du « Groupe des Rochassiers », structure informelle fondée par les anciens des Caravanes scolaires de la Section de Paris du Club Alpin, dans un but de préparation pour la montagne (voir le dossier du CFD : Le Groupe de Haute Montagne).
Rapidement des projets se concrétisent, des cordées autonomes se formeront pour les vacances de l'été dans les Alpes... Et dès 1910, plusieurs courses sont entreprises en autarcie.
La Chronique alpine de La Montagne de décembre 1910 publie les premières initiatives alpines du petit groupe des Rochassiers. Parallèlement - il n'a pas encore l'âge - Jacques de Lépiney traverse la Meije avec les Guides Hippolyte et Florentin Pic, il a seulement 14 ans.
Les anciens du groupe étaient : Jacques Wehrlin qui assurait l'organisation de la petite entité, Pierre Le Bec, André Jacquemart et Paul Job.
Les plus assidus en 1912 : Paul Chevalier, Étienne Jérome-Lévy, André Migot, Alice Agussol (Damesme après son mariage), Maurice Damesme, Jean Maunoury, Pierrefeu et Louis Prestat.
Il y avait aussi Robert Allier , Braun, Cayla, Édouard Chabert, Chocarne, Laillot, André Lejosne, Pottier et Théraud, les réunions régulières se terminaient chez Hans, cour des Petites Écuries à Paris, où « la bière y était excellente ».
En 1913, le groupe s'augmente de Jacques et de Tom de Lépiney.
Les grès de la forêt de Fontainebleau sont visités régulièrement par les caravanes du Club Alpin depuis 1874.
Issu des Caravanes scolaires, le Groupe des Rochassiers sera le lien fort qui conduira plus tard en 1919 à la création du Groupe de Haute Montagne.
L'École de Fontainebleau montrera son savoir-faire comme préparation physique à l'alpinisme, avec les performances notoires de ses adeptes masculins et féminins.
1910 - Les principales avancées techniques viendront des Alpes orientales
Elles seront liées aux grandes ascensions des parois calcaires des Alpes orientales (voir le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914).
C'est à ce moment-là, avec l'utilisation régulière des crochets de murailles (pitons) que les notions d'escalade libre et d'escalade artificielle commenceront à être évoquées.
Le matériel de l'alpiniste jusqu'en 1914
En 1908, l'équipement des alpinistes reste sommaire, la corde en chanvre, les souliers à clous, et le piolet dans les Alpes occidentales, des espadrilles de corde ou d'étoffe dans les ascensions rocheuses des Alpes orientales, l'encordement est direct à la taille.
Le Manuel d'alpiniste de 1904 avait évoqué les techniques du moment et les bonnes façons de faire.
Mais des techniques nouvelles vont profondément modifier les choses (voir le dossier du CFD : Le matériel de l'alpiniste).
- Les crampons à glace
En 1908, l'Anglais Oskar Eckenstein (1858-1921) définit les crampons à glace modernes à dix pointes « les crampons Eckenstein » et une méthode de cramponnage - dite technique des pieds à plat -, ainsi que le piolet court.
Mais les réticences des Britanniques, sur l'emploi des crampons, le conduiront à développer son invention en Europe continentale.
Une fabrication artisanale débuta chez le forgeron Henri Grivel de Courmayeur, qui utilisa directement et scrupuleusement les plans originaux de l'auteur.
La méthode de cramponnage Eckenstein sera expliquée plus tard en France, dans la revue Alpinisme de 1927.
- Les crochets de muraille
Les « crochets de muraille », appelés aussi « crampons de fer », sont des ancrages artificiels, des lames en acier terminées par des anneaux, enfoncées à l'aide d'un marteau dans les fissures naturelles de la roche, afin de fixer la corde pour la descente et l'assurage.
Ils sont utilisés, par les initiés dès 1870, dans les Alpes orientales pour amarrer les rappels, permettant la redescente des raides parois des Dolomites, puis pour l'assurage et la progression.
En 1910, le Tyrolien Hans Fiechtl donne aux crochets de muraille - que l'on va appeler en France les pitons - leurs formes actuelles d'une seule pièce. De nombreuses polémiques accompagneront ces nouveaux accessoires.
Dans les Alpes occidentales, les crochets de muraille sont occasionnellement et très confidentiellement employés, par les initiés dès 1885, pour les descentes à l'aide de rappels de corde (ou en abandonnant une corde) et comme ancrage (voir le dossier du CFD : Le matériel de l'alpiniste).
Certains itinéraires sont équipés de pitons de fer, servant de points de relais et de rappels, comme l'arête Young du Weisshorn dans la Valais dès 1900 (La Montagne 1907).
Parmi les premières mentions en langue française évoquant les crochets de muraille, le manuel suisse de 1916 par Hans Koenig : « Le conseiller de l'ascensionniste ».
- Les mousquetons
La même année 1910, le Munichois Otto Herzog emprunte aux pompiers de Munich le mousqueton en acier, qui permet la liaison commode entre le crochet de muraille et la corde. Dès 1913, un magasin spécialisé de Munich propose déjà ces mousquetons à la vente.
- Les manchons
Hans Kresz chausse pour la première fois dans les Dolomites des espadrilles à semelle de feutre, les fameux manchons.
Les espadrilles renforcées des Dolomites, les Kletterschuch sont en usage en France dès 1908. Les manchons suivront.
- Les rappels de corde
Le rappel de la corde, pour faciliter la descente, avait été inventé par Edward Whymper, dans les Alpes occidentale dès 1864. Mais en ayant recours à la seule force des bras, le procédé restera très archaïque.
Bientôt les rappels de corde seront employés pour la descente des reliefs calcaires très raides des Alpes orientales, en recherchant un moyen de freinage, comme la technique très aléatoire de la « Kletterschluss », à l'aide de la jambe et les pieds. Viendra un premier progrès avec la méthode genevoise, en se servant du bas du corps et d'un bras.
Le rappel en S, permettant de conduire sa descente à l'aide du frottement du corps, sera développé par Hans Dülfer avant 1914, la « Dülfersitz ». Cette technique de descente à la corde, beaucoup plus sécurisante, restera utilisée jusqu'à la commercialisation de l'outil en forme de huit et du baudrier, dans les années 1970.
Parallèlement, Hans Fiechtl propose une méthode de progression, la traversée à la corde.
- Les Tricounis
En 1912, le Suisse Félix-Valentin Genecand - dit Tricouni - invente un clou spécial, « le Tricouni » en acier dur et arêtes vives, pour les semelles des chaussures de montagne. Les tricounis vont remplacer les Ailes de mouche du cloutage classique, et assurer une bonne tenue du pied sur les petites prises rocheuses.
UNE ÉVOLUTION SENSIBLE
Pour le Club Alpin, nous sommes bien en pleine évolution vers cette démarche « aventureuse et gratuite », concernant une activité « sans règlement et sans arbitre, fondée sur une éthique non écrite et fluctuante ».
Mais pour une petite partie seulement de ses adhérents, et sans l'appui suffisant des instances dirigeantes.
1912 - L'ORGANISATION N'ÉTAIT PAS PRÊTE
Au sein du Club Alpin, les avis sont très partagés sur les différentes formes de l'alpinisme.
Le rapport annuel de l'Assemblée générale de 1908 indique encore, sous la plume de son rapporteur :
« Quant aux escalades scabreuses qui n'ont pour excuse ni la curiosité scientifique, ni l'ivresse d'une première conquête, il me semble que le moraliste ne peut que les condamner ».
Dans le rapport annuel de 1910, Jean Escarra rappelle la ligne politique :
« À la montagne, nous demandons beaucoup plus, n'y cherchant l'aguerrissement du corps que pour atteindre à l'exaltation des facultés de l'esprit ».
Au passage, il égratigne ce qui s'écarte du correctement difficile, « la poursuite obsédante de la quintessence des casse-cou ».
Et si, dans le discours du président Gaston Berge de 1910, tout est dit et bien dit, les actes ne suivront pas, car de fortes résistances existent :
« Pour les modérés, l'alpinisme consiste à faire du tourisme en montagne, monter vers les belvédères réputés, mais aisément accessibles, vagabonder de vallée en vallée à travers des cols faciles, mener la vie libre dans l'immense nature alpestre et, sans surmenage excessif, y acquérir force et santé.
Pour d'autres, je me hâte de dire que c'est le plus petit nombre, car il faut des moyens physiques appropriés, la conception de l'alpinisme ajoute - aux avantages que je viens de citer - le charme de la difficulté vaincue.
Pour cette élite, pratiquer l'alpinisme, c'est s'opposer aux moyens terribles de défense de certaines cimes que sont les parois de rochers, les cheminées difficiles à escalader, les pentes intimidantes de glace, des moyens d'attaque puisés dans la sagacité, le sang froid, l'endurance et le courage personnel ».
La séduction des moyens
Le débat apparaît avec le projet d'un cours ou école d'alpinisme, qui prendrait la forme de conférences, de publications et de démonstrations, pour aller vers une certaine émancipation des ascensionnistes.
Une éducation technique et théorique est proposée, sur le modèle du Club Alpin Suisse qui l'a adoptée dès 1901, pour lutter contre les accidents et ainsi rendre les alpinistes responsables, c'est-à-dire moins dépendant de leurs Guides.
Mais en 1912, le Club Alpin ne s'est pas encore résolu à promouvoir un enseignement alpin, car des objections persistent :
« On verra une tendance du club à favoriser les courses sans Guide et celles-ci ont une mauvaise presse ».
D'autres avis sont diamétralement opposés :
« Le CAF ne remplit pas son devoir, poussant les gens aux ascensions, puis les abandonnant à eux-mêmes ».
Ce sont les réticences envers un alpinisme sportif et un alpinisme émancipé qui apparaissent dans certains avis :
« La jeunesse d'aujourd'hui orientée vers le sport oublie la noblesse du but pour la séduction des moyens. Le CAF ne doit pas encourager cette tendance ».
Le Club Alpin est déjà une grosse machine, que l'on ne peut pas bouger si facilement, au sein du Comité directeur il y aura de tout temps des réactions devant les initiatives novatrices, il y aura de tout temps des traditionalistes pour contester les évolutions.
La controverse concernant l'éducation alpine, l'alpinisme sportif et l'alpinisme autonome - sans Guide - est l'une des plus emblématiques que l'association aura rencontrées.
En 1912, le CAF compte près de 7 500 membres.

Les ascensionnistes en autonomie
sur l'Aiguille du Chardonnet
Les différentes orientations
L'étude approfondie d'Olivier Hoibian : Les Alpinistes en France 1870-1950, éditeur l'Harmattan, montre bien les différentes orientations qui sont à remarquer, dans les premières années du XXe siècle :
- les excursionnistes alpins à légitimité scientifique ou culturelle.
- les alpinistes prônant une activité modérée « sans prétention ».
- les alpinistes sportifs et élitistes à la recherche des « conceptions aventureuses ».
À ces courants, il faut évidemment ajouter les nombreux skieurs, qui après la neige se tournent - ou pas - vers l'alpinisme ou vers l'excursionnisme.
1912 - L'essor du ski de haute montagne
Pour bien comprendre l'expansion du ski de montagne, voici les randonnées réalisées par Mathilde Maige-Lefournier, au cours d'un séjour à Bonneval-sur-Arc en l'hiver 1912-1913.
Ce sont des itinéraires parcourus pour la première fois à skis, ou à l'occasion d'une première féminine :
< Le 26 décembre 1912, ascension de la Pointe Tonini, 3327m avec le Guide Pierre Blanc, première ascension à skis.
< Le 29 décembre, traversée du Col de l'Iseran, 2769m, vers Val-d'Isère, avec Pierre et Jean-Marie Blanc.
< Le 31 décembre, pour la même équipe, départ 5 h, traversée par le Pas de la Rocheure, 2950m, le vallon de la Rocheure, Chavière, Terminion, Lanslebourg avec une arrivée à 20 h. Une sérieuse performance, déjà réalisée par sept militaires alpins trois ans auparavant.
< Le 4 janvier 1913, départ 5 h depuis Avérole, première ascension à skis de l'Albaron, 3662m par le glacier du Grand Fond, avec Pierre et Jean-Marie Blanc, retour à Bessans à 16 h30.
1913 - Une véritable chronique alpine
En novembre 1913, une véritable Chronique alpine est publiée dans la revue La Montagne montrant que les choses bougent, les rédacteurs en sont Jean Escarra, Maurice Paillon et Jacques Wehrlin.
L'activité des Chevalier, Damesme, Jacquemart, Job, Le Bec, Lépiney et autre Wehrlin, animateurs du « Groupe des Rochassiers », est soulignée, ils comptent parmi les futurs fondateurs du « Groupe de Haute Montagne ».
Ne passe pas inaperçu « l'admirable campagne » de Paul Preuss sur le versant italien du Mont Blanc, ainsi que les ascensions d'Hans Pfann et de Karl Blodig par l'arête du Brouillard de cette même montagne, des relations traduites des publications des Clubs Alpins Allemand et Autrichien.
Le chroniqueur commence à aller chercher l'information, et s'autorise quelques remarques et commentaires.
Avec la communication de Pierre Blanc, "guide de première classe" de Bonneval-sur-Arc, c'est un premier regard qui est porté hors d'Europe par le compte-rendu d'une tentative d'ascension du Kamet en Himalaya, à plus de 7150m, pour Blanc et "son Anglais" Charles Meade.
1913 - L'enseignement alpin encore
La Section de la Côte d'Or et du Morvan insiste encore en faveur de l'enseignement alpin, et exprime le vœu « que le Club étudie et applique les moyens les plus propres à faire connaître, à encourager par la plume, par la parole et par l'exemple le plus naturel et le plus complet de tous les sports ».
La Section des Alpes-Maritimes souligne « Si depuis quelques années les ascensions sans Guide se sont multipliées, c'est parce que cela répond à un besoin » et aussi « nous pouvons faire plus et mieux, en organisant des cours pratiques de grimpades ».
La Commission de technique alpine fera diversion, en proposant un essai de démonstration pratique en montagne... avec des Guides.
Un article de G. Héluin rendant compte d'un référendum (34 participants) sur l'organisation de l'enseignement de la technique alpine est proposé dans La Montagne de 1914.
Mais bientôt tout sera mis de coté, face à la tourmente qui s'annonce.
1913 - LA PRÉSERVATION DES SITES ET DE LA MONTAGNE
Deux lois remarquables
< Le 3 juin 1913, une loi sur le reboisement et conservation des forêts privées est votée.
< Le 31 décembre 1913, une première loi concernant la préservation de la nature et de nos montagnes est promulguée, en assurant la conservation « des monuments et objets ayant un intérêt historique ou artistique ».
Les alarmes de Franz Schrader
Dans un article consacré aux Pyrénées dans La Montagne de 1913, Franz Schrader, président du Club Alpin de 1901 à 1904, très attristé par l'abattage sans précaution des arbres de la forêt du Cotatuero, propose une réflexion montrant bien l'état d'esprit qui animait l'association et anticipe sur les combats à venir.
« Ceux qui n'ont pas vu la merveille d'autrefois se douteront-ils jamais de sa splendeur d'alors… Là-haut, dans les forêts, des coups de cognée lointains retentissent : le massacre continue, et dans dix ou vingt ans, si l'on n'y met ordre, ce gouffre de verdure laissera voir partout la roche nue ou ravinée.
Il a donc suffi que les hommes viennent un peu plus nombreux admirer la nature vierge, pour qu'immédiatement la destruction, le ravage, la hideuse « mise en valeur », c'est-à-dire la ruine, y pénètrent avec eux ?
Peut-être, me demanderez-vous pourquoi je rappelle ces temps préhistoriques ? Pourquoi ne pas laisser admirer ce qui existe encore, sans proposer des comparaisons avec ce qui n'existe plus ?
Qui sait répondrai-je, si un jour ne viendra pas, où l'homme retrouvera le respect de la nature ?
Il suffirait de la laisser en paix pendant deux ou trois générations pour qu'elle panse elle-même ses plaies et retrouve sa complète beauté.
De plusieurs côtés on y songe, depuis que la détérioration du monde entier est devenue évidente et menaçante. Que tout effort dans ce sens, d'où qu'il vienne, soit le bienvenu ; le succès ne sera plus douteux ».
Il sera entendu en Espagne, le Parc national d'Ordesa est constitué en 1918.
Rien du coté français, où il faudra d'abord beaucoup s'employer pour sauver Gavarnie, et le Parc national des Pyrénées occidentales attendra 1967 pour voir le jour.
En 1924, La Montagne rendra un juste hommage à Franz Schrader (1844-1924) sous la signature d'Édouard-Alfred Martel.
Les sites menacés de Gavarnie et d'Héas
Des pourparlers sont en cours pour céder à une société financière les chutes d'eau des sites de Gavarnie et d'Héas, qui seraient canalisées pour utiliser la force motrice résultante. Ces intentions provoqueront l'intervention de l'association :
« Le Club Alpin émet le vœu que l'autorité compétente n'approuve aucune concession sans y introduire toutes les réserves nécessaires à la protection de sites célèbres dans le monde entier et qui constituent une des richesses naturelles de la France ».
En 1921, un arrêté ministériel classera le cirque de Gavarnie en tant que propriété communale, mais la vallée d'Héas et le cirque de Troumouse échappaient à cette précaution, et la zone protégée était mal définie.
La question des Parcs nationaux en France
Le Club Alpin demande à Édouard-Alfred Martel une étude sur la question des Parcs nationaux, elle sera publiée dans La Montagne de 1913.
Dans un texte très documenté, il dresse la liste des sites remarquables en France qui mériteraient une sauvegarde. L'avenir lui donnera raison.
1914 - UN PROJET DE PARC NATIONAL
Il existe, dès la fin du XIXe siècle (1882) un chapitre dans le budget de l'État, pour la restauration des terrains de montagne.
C'est à ce titre que l'État pourra agir pour la préservation des sites, souvent ruinés par les éléments naturels, la déforestation et le surpâturage.
En 1914, la commune de St-Christophe-en-Oisans cède à l'État une partie de la vallée du Haut Vénéon, profondément dégradée et qu'elle ne peut pas entretenir.
Le conservateur des Eaux et Forêts à Grenoble M. Mathey propose de fonder un « Parc national de l'Oisans », mais c'est encore un territoire trop limité, trop morcelé pour prétendre à une idée de Parc national, définition qui sera donnée avec la création du Parc national suisse du Val Cluoza en 1914, le premier en Europe.
Il faudra attendre la loi relative à la création de Parcs nationaux du 22 juillet 1960 pour voir enfin l'État se donner les moyens d'agir.
Le vallon de la Selle
L'Association pour l'Aménagement des Montagnes, avec l'appui du Touring Club et du Club Alpin, avait voulu faire la démonstration qu'une autre issue était possible, par une prise à bail du vallon de la Selle, dans le massif des Écrins.
« Ce vallon ruiné par l'abus des moutons transhumants, et dépendant de la commune de Saint-Christophe-en-Oisans, ne contenait plus que de la roche et des cailloux. Mis en défens absolu par l'administration des Forêts, le vallon de la Selle a pu reverdir, et à la fin du bail l'expérience était faite que la Nature bienfaisante peut, dans certains cas, réparer les conséquences de l'imprévoyance des hommes, et que l'état de ce vallon, si douloureux pour les pieds des alpinistes, était le fait d'un abus de jouissance ».
La controverse des Parcs nationaux
Plusieurs articles, accompagneront les premières intentions de création de Parcs nationaux, certains dans les revues La Montagne de 1915 et 1916, ils vont accompagner une controverse qui perdurera un long moment, et rien de décisif ne viendra en France avant 1960.
Il y avait les partisans de l'intervention de l'État pour créer une zone protégée « avec les avantages attendus au point de vue de l'agrément des visiteurs, de la conservation de la faune et de la flore des pays de montagne, des profits que les populations voisines peuvent attendre de la circulation et du séjour des touristes ; avec l'intention évidente de contribuer à la prospérité des populations et non de les desservir ».
D'autres s'inquiétaient des dangers que ces projets « pourraient comporter à l'égard des habitants des communes envisagées, qu'ils soient simplement évincés, ou qu'ils se trouvent tellement gênés dans leurs conditions habituelles d'existence que cette gêne équivaudrait à bref délai à une éviction »
La proposition, évitant le rachat par l'État, était un territoire pastoral abrité des transhumants, réservé aux seuls troupeaux des communes, dans le but de maintenir la présence des hommes dans ces hautes vallées. Mais il ne sera pas répondu à la question de l'équilibre économique de ces villages.
Pour le Club Alpin sous la plume de Gaston Berge :
« Le Club Alpin Français est trop l'ami des montagnards pour n'avoir pas le droit de dire la vérité dans leur intérêt.
Actuellement, sous l'empire du besoin, la plupart des villages, et des hameaux sont les artisans de leur propre ruine.
Créer des parcs nationaux, avec des étendues raisonnables, c'est permettre de prêcher avec la force de l'exemple, ce qui vaut mieux que les exhortations écrites ou verbales.
Quand on verra l'herbe reparaître, les vaches productrices de lait, de beurre et de fromages, d'un produit avantageux, se substituer peu à peu aux moutons qui abîment le sol, les touristes venir en bien plus grand nombre, attirés par la beauté des paysages et la fraîcheur des forêts renaissantes, je crois qu'on enviera la prospérité des villages en bordure de tels parcs, et que les autres seront désireux d'appliquer chez eux des méthodes semblables ».
C'est l'essor du tourisme, de l'excursionnisme et des sports d'hiver qui apportera une issue décisive. Une évolution à laquelle le Club Alpin n'était pas étranger…
Les femmes se présentent aussi
Déjà entreprenantes dès 1830, les femmes sont bien présentes dans la répétition des grandes ascensions classiques, notamment les premières féminines, emmenées par leurs Guides. Presque toutes sont venues d'outre-Manche. Le livre de Micheline Morin « Encordées », éditeur Victor Attinger de 1936 fait écho à toutes ces brillantes prouesses, ainsi que l'article du livre « Les alpinistes célèbres », éditeur Lucien Mazenod de 1956, et bien d'autres ouvrages aujourd'hui.
Les premières françaises
Mary Paillon (1848-1946) et son amie américaine Katherine Richardson sont les premières femmes en 1891 à gravir l'Aiguille Méridionale d'Arves, 3514m, (Grandes Alpes), et en 1893 la Meije Orientale, 3891m (Écrins), accompagnées de leurs Guides.
Mary Paillon est l'une des plus actives de ce moment-là, avec les sœurs Louise et Marie Lacharière, les premières françaises à réussir, avec leurs Guides, l'ascension de la Grande Casse, 3855m (Grandes Alpes) en 1891, et la traversée de la Meije, 3984m (Écrins) en 1893.
- En 1908, Marie Bruneton entreprend, dans le Valais, avec ses Guides, l'ascension de la Dent Blanche, 4356m par l'Arête des 4 Ânes, c'est le premier parcours féminin et une belle et rare performance de ce niveau.
- Mathilde Maige-Lefournier, alpiniste active, skieuse et journaliste, publie un remarquable article sur la traversée de la Meije, dans La Montagne de 1909.
- Dès 1913, au sein du Groupe des Rochassiers, Alice Damesme (1894-1974) sera la première en France à réaliser ses courses en autonomie - sans Guide - et bientôt en tête de cordée (voir le dossier du CFD : L'alpinisme au féminin).
Notons que devant les réticences à accueillir les femmes dans les associations de montagne de Grande-Bretagne et de Suisse, celles-ci devront s'organiser.
- En 1907, le Ladie's Alpine Club est fondé, à l'initiative d'Elisabeth Le Blond.
- En 1918, création du Club Suisse des Femmes Alpinistes, le Club Alpin Suisse désirant garder son caractère strictement masculin, une particularité qui perdurera jusqu'en 1979.
Vers une démarche sportive et autonome
Un article de Jacques Wehrlin « À l'entraînement » évoque pour la première fois l'escalade des blocs de la forêt de Fontainebleau dans La Montagne de 1914. C'était d'abord un but de préparation pour la montagne, car « l'hiver les muscles s'engourdissent, la résistance diminue, les mouvements perdent leur précision ».
Malgré les réserves appuyées des traditionalistes, avec les initiatives du Groupe des rochassiers, c'est un début d'évolution vers une démarche sportive et autonome qui s'annonce, malheureusement interrompue par la catastrophe à venir.
Jacques Wehrlin
Jacques Wehrlin (1885-1916) était une personnalité notable du Club Alpin, animateur du Groupe des rochassiers, et un précurseur souvent oublié dans les intentions qui conduiront à la création du Groupe de Haute Montagne et à la structuration - en France - d'un alpinisme sportif en devenir.
Il disparaîtra mortellement blessé durant la Grande Guerre en 1916 « en franchissant un formidable barrage devant lequel le courage de beaucoup avait faibli », il nous a laissé un article relatant une de ses dernières ascensions : « Le Col des Cristaux et les Courtes » dans la revue La Montagne de 1914.
PENDANT CE TEMPS À L'ÉTRANGER
En l'année 1910 est réuni à Munich, dans le Club Alpin Bavarois, un groupe de grimpeurs exceptionnels, comprenant entre autres Paul Preuss, Hans Dülfer, Otto Herzog - avec un peu plus à l'écart dans ses montagnes Hans Fiechtl - que l'on appellera l'« École de Munich ».
Cette équipe, par ses performances, ses perfectionnements techniques et ses idées novatrices, va profondément faire évoluer l'escalade... Tout va aller très vite... Et Munich va remplacer pour un temps Londres pour tout ce qui intéresse l'alpinisme (voir le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914).
Le refus des Britanniques
Au sein de l'Alpine Club - qui avait été longtemps la référence en ce qui concerne l'alpinisme - les Britanniques prennent position contre l'emploi des moyens artificiels, crampons et crochets de muraille (pitons). En fait, chaque équipement nouveau suscitera réserves, refus et polémiques de l'institution…
Ils vont rester longtemps à l'écart de l'exploration des grandes parois rocheuses des Alpes, avec l'aide des crochets de muraille (pitons), et glaciaires avec les crampons.
Ils ne réapparaîtront dans les Alpes que quarante années plus tard, en ayant beaucoup modifié leur doctrine, concernant l'utilisation de ces moyens techniques.

Les deux façons de faire
- En 1914, deux façons de faire sont bien perceptibles : celle des adeptes de l'escalade sportive et celle pour qui l'escalade n'est qu'un moyen de l'alpinisme.
Et c'est l'usage des crochets de muraille (pitons) qui va accentuer les antagonismes.
< L'escalade sportive est surtout pratiquée dès 1890 sur les falaises des Îles Britanniques et de la Saxe en Allemagne ; avec des règles précises, on doit grimper sans aucune aide extérieure et réaliser l'assurage par des moyens naturels. Les pratiquants de cette discipline sportive ne chercheront curieusement pas souvent à exporter cette façon de faire en haute montagne et on laissera bien seul Paul Preuss prêcher la bonne parole.
< Chez les grimpeurs des pays alpins, l'escalade n'est qu'un simple moyen de l'alpinisme. La rigueur du geste sportif ne pèse que faiblement devant l'engagement moral et le dépassement physique. En une phrase : la fin justifie les moyens. La fin étant le sommet, le mythe de la paroi impossible, ou encore l'affrontement avec les incertitudes de la montagne.
Quelques alpinistes marquants des premières années du XXe siècle
De 1875 et jusqu'en 1914, l'ambition sera de chercher à gravir les faces d'une seule envolée et les arêtes les plus vertigineuses des cimes des Alpes, ce sera l'une des périodes les plus remarquables de l'histoire de l'alpinisme.
- Après le temps de Mummery, deux cordées exceptionnelles vont venir marquer à jamais notre histoire.
- De 1904 à 1914, Valentine J. E. Ryan va former avec les Guides Franz Lochmatter et ses frères, une équipe parfaite et efficace.
- Durant cette même période, la cordée de Geoffrey Winthrop Young et de son Guide Joseph Knubel, réussira une série de grandes ascensions de la même veine.
- Les deux équipes Ryan-Lochmatter et Youg-Knubel partageront certaines prouesses, notamment en 1906, au cours de l'ascension de la face sud du Täschorn, avec l'exploit historique du grand Guide Franz Lochmatter. Voir le dossier : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914).
Autant Ryan était peu communicatif, autant Geoffrey Winthrop Young a su nous laisser une œuvre littéraire de grande qualité. « Mes aventures alpines » et « Nouvelles ascensions dans les Alpes », pour la traduction française, ce sont deux ouvrages incontournables de la littérature alpine.
Les deux cordées n'avaient pas recours à l'assurage à l'aide des pitons. Ce qui rend l'exploit obligé du Täschorn parfaitement extraordinaire.
- En 1911, Paul Preuss à la recherche de la perfection, réussit dans les Dolomites des ascensions ahurissantes, seul, sans piton, sans corde et redescend par le même itinéraire sans l'aide de la corde.
En cette année-là paraît dans le titre Deutscher Alpenzeitung, sous la plume de Paul Preuss, l'article clef concernant les moyens de l'escalade.
C'est l'origine d'une immense polémique sur l'emploi de moyens artificiels en escalade :
« De même que l'alpinisme diffère de l'art de grimper, la solution d'un problème d'escalade peut être, du point de vue de l'alpinisme, dépourvue d'intérêt ; le respect du style, qu'il s'agisse d'alpinisme ou d'escalade pure, devrait être la règle formelle pour chaque grimpeur ».
LES FIGURES NOTOIRES DE L'ASCENSIONNISME d'avant 1914
Jusque-là, de 1856 à 1914, nos collègues britanniques avaient presque tout pris, ne laissant que très peu aux continentaux, mais le mérite de ces audaces et de ces aventures revenaient également et principalement aux Guides valaisans, oberlandais, chamoniards, valdôtains, hauts mauriennais, hauts dauphinois et autres pyrénéens, qui allaient devant…
Les grandes figures de cette époque sont évoquées dans la littérature, par exemple dans le livre « les Alpinistes célèbres» des Éditions Mazenod.
Notamment concernant les ascensionnistes (et entre autres) : Karl BLODIG (1859-1956), Emmanuel BOILEAU de CASTELNAU (1857-1923), W.A.B. COOLIDGE (1850-1926), Henri CORDIER (1856-1877), Henry DUHAMEL (1853-1917), Hans DÜLFER (1892-1915), James ECCLES (1838-1915), Émile FONTAINE (1859-1943), Paul GROHMANN (1838-1908), Battista (1874-1962) et Giuseppe (1872-1960) GUGLIERMINA, Paul GÜSSFELDT (1840-1920), Otto HERZOG (1888-1964), Émile JAVELLE (1847-1883), Thomas Stuart KENNEDY (1841-1894), Eugen Guido LAMMER (1863-1945), Adolphus W. MOORE (1841-1887), Albert Frederick MUMMERY (1855-1895), Hans PFANN (1873-1958), Heinrich PFANNL (1870-1929), Pierre (1855-1928) et Victor (1820-1883) PUISEUX, Paul PREUSS (1886-1913), Ludwig PURTSCHELLER (1849-1900), Valentine J. E. RYAN (1883-1947), Leslie STEPHEN (1832-1904), John TYNDALL (1820-1893), Edward WHYMPER (1840-1911), Geoffrey Winthrop YOUNG (1876-1958), Emil ZSIGMONDY (1861-1885).
Notamment concernant les Guides (et entre autres) : Christian ALMER (1826-1898), Fritz AMATTER (1873-1948), Melchior ANDEREGG (1828-1914), Jean-Joseph BLANC dit le GREFFIER (1842-1914), Pierre BLANC dit le PAPE (1881-1966), Alexander BURGENER (1845-1910), Jean-Antoine CARREL (1829-1890), Jean CHARLET (1840-1925), Michel CROZ (1830-1865), Angelo DIBONA (1879-1956), Pierre GASPARD (1834-1915), Ferdinand IMSENG (1845-1881), Sepp INNERKOFLER (1865-1915), Joseph KNUBEL (1881-1961), Franz LOCHMATTER (1878-1933), Michel PAYOT (1840-1922), Tita PIAZ (1879-1948), Joseph RAVANEL (1869-1931), Émile REY (1846-1895).
< Voir le dossier du CFD : Un historique de l'alpinisme de 1492 à 1914.
À CE MOMENT-LÀ EN 1914
- En 1914, le Club Alpin Français a quarante ans d'existence.
- Il compte 44 Sections et près de 8 500 membres.
Il a été notamment :
< Artisan du développement économique des hautes vallées des montagnes de France.
< Aménageur de la haute montagne, par ses quelque quarante-quatre refuges, bâtis sur ses propres ressources, et par ses nombreux sentiers menant aux cols et sites remarquables des montagnes.
< Précurseur dans l'engagement de la société civile pour la sauvegarde du milieu naturel et de la montagne.
< Incitateur dans les actions de la société civile conduisant à la création des Parcs nationaux.
< Artisan de l'essor du tourisme de montagne.
< Promoteur dans les activités tournées vers l'excursionnisme, l'alpinisme modéré, le ski et les autres activités sportives liées aux montagnes.
Mais en aucune façon, il n'aura voulu suffisamment susciter et encourager l'ambition sportive, la volonté d'explorer les montagnes, ni inciter, en dehors de l'encadrement des Guides, à cette façon de faire « aventureuse et gratuite »... Une orientation vers laquelle la jeunesse de cette époque commence à vouloir se diriger.
Il a été aussi :
< Organisateur de la profession de Guides de haute montagne, dès 1904, et jusqu'en 1940.
< Initiateur du tourisme hivernal et des loisirs sportifs attachés en France, depuis 1904, et jusqu'à l'autonomie du ski de compétition, pour en 1924 se consacrer au ski de montagne.
< Organisateur des Caravanes scolaires pour la jeunesse, depuis 1874, jusqu'en 1940.
< Contributeur majeur dans la connaissance scientifique de la montagne.
< Éditeur d'une littérature alpine étendue, avec une promotion pour les livres et la photographie.
Et surtout, il aura permis à beaucoup de découvrir, d'approcher et d'aimer la montagne.
Il était jusque-là l'institution française dominante dans l'organisation des sports de montagne, dans l'aménagement et la préservation de l'espace montagnard.
Mais hélas...
Elle allait prendre les meilleurs
Mais hélas, la plus grande catastrophe du vingtième siècle, la Grande Guerre de 1914-1918, allait arrêter, prendre ou handicaper parmi les plus valeureux montagnards de ces années-là.
LES PRÉSIDENTS DU CLUB ALPIN FRANÇAIS DE 1874 À 1914
LES PREMIÈRES SECTIONS DU CLUB ALPIN
Par ordre d'ancienneté. Certaines sont d'abord des sous-Sections (comme Gap- Briançon-Embrun) respectant une hiérarchie départementale, avant une reconnaissance plus affirmée ou une recomposition.
En 1874 :
1 - Paris
2 - Auvergne (Clermont-Ferrand)
3 - Gap
4 - Isère (Grenoble)
5 - Annecy
6 - Aix-les-Bains
En 1875 :
7 - Section lyonnaise (Lyon)
8 - Section vosgienne (Nancy)
9 - Briançon
10 - Barcelonnette
11 - Saône et Loire (Chalon-sur-Saône)
12 - Embrun
13 - Tarentaise (Moûtiers)
14 - Jura (Besançon)
15 - Provence (Marseille)
En 1876 :
16 - Pyrénées centrales (Toulouse)
17 - Sud-ouest (Bordeaux)
18 - Côte-d'Or et Morvan (Dijon)
19 - Hautes Vosges (Épinal en 1876 et Belfort en 1887)
En 1877 :
20 - Mont-Blanc (Bonneville)
En 1879 :
21 - Midi (Montpellier)
22 - Alpes-Maritimes (Nice)
En 1880 :
23 - Atlas (Alger)
En 1881 :
24 - Canigou (Perpignan)
En 1882 :
25 - Rouen
En 1883 :
26 - Forez (Saint-Étienne)
En 1884 :
27 - Lozère et Causses
28 - Cévennes (Nîmes)
29 - Carthage (Tunis)
30 - Pau
31 - Drôme (Valence)
32 - Dole
33 - Léman (Thonon-les-Bains)
En 1890 :
34 - Haute Bourgogne (Beaune)
En 1893 :
35 - Albertville
36 - Cantal (Aurillac)
En 1894 :
37 - Maurienne (Saint-Jean-de-M)
38 - Lons-le-Saunier
En 1895
39 - Haut Jura (Saint-Claude)
En 1896
40 - Caroux (Béziers)
En 1897
41 - Nord-est (Laon)
42 - Alpes Provençales (Digne)
En 1898
43 - Nord (Lille)
44 - Section basque (Bayonne)
En 1899
45 - Sidobre et Montagne-Noire (Castres)
46 - Lot et Padirac (Cahors)
47 - Bagnères-de-Bigorre
En 1900
48 - Corse (Paris et Ajaccio)
En 1902
49 - Bagnères-de-Luchon
50 - Chamonix
En 1903
51 - Périgord (Périgueux)
En 1904
52 - Espinouse (Lamalou-les-Bains)
53 - Tarbes
Une suite de l'historique du Club Alpin Français, aujourd'hui Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne est proposée dans les dossiers du CFD suivants :
- Le Club Alpin Français de 1915 à 1940
- Le Club Alpin Français de 1941 à 1974
- Le Club Alpin Français de 1975 à 1994
- La Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne de 1995 à aujourd'hui
CONSULTATION
La plupart des textes concernant l'historique de la montagne et de la FFCAM sont disponibles au Centre fédéral de documentation de la FFCAM, 24, avenue de Laumière, 75019 Paris.
Notamment dans les différentes publications :
- Les Annuaires du CAF, de 1874 à 1903.
- Les Bulletins du CAF, de 1876 à 1903.
- La Montagne, de 1904-1905 à 1954.
- Alpinisme, de 1925 à 1954.
- La Montagne & Alpinisme, depuis 1955.
- Les Annales du GHM, de 1955 à 2001 et Cimes, de 2002 à 2015.
Les livres constituant la bibliothèque de la FFCAM sont tous référencés.
CONSULTATION EN LIGNE
Accès aux références
Vous pouvez consulter en ligne le catalogue du CFD avec un accès aux références pour l'ensemble des articles des périodiques et pour les livres.
Il suffit de saisir un mot caractéristique ou un des mots clés d'un ouvrage recherché, dans l'un des champs appropriés (auteur, titre, sujet, année d'édition) et vous aurez accès aux références.
Accès aux publications
Vous pouvez rechercher en ligne les titres suivants :
- Les Annuaires du CAF, de 1874 à 1903, consultables sur le site de la Bibliothèque nationale : http://gallica.bnf.fr
- Voir aussi : www.archive.org et utiliser le mot clé : club alpin français.
- Les Bulletins du CAF, de 1876 à 1903, consultables sur le site de la Bibliothèque nationale : http://gallica.bnf.fr
- La Montagne, de 1904-1905 à 1954, consultables sur le site de la Bibliothèque Nationale : http://gallica.bnf.fr
- La Montagne & Alpinisme, depuis 1955, consultables sur le site de la Bibliothèque nationale : http://gallica.bnf.fr
- Enfin, Alpinisme, de 1926 à 1954, accessibles sur le site du GHM, avec Les Annales du GHM (1955-2001) et Cimes (2002-2015).